6.

Louis.

Aujourd'hui, Zayn a insisté pour que nous allions faire un tour en ville. Nous avons tous les deux besoin de sortir la tête des derniers cartons à déballer ou de notre travail. Il propose d'abord d'aller arpenter quelques boutiques d'occasion pour trouver de quoi décorer l'appartement. Nous nous mettons d'accord sur quelques bibelots et un petit tableau qui ira parfaitement dans la cuisine. Après, Zayn exige presque nous allions au café, où je me suis déjà rendu deux fois sans lui.

Nous faisons la queue derrière deux personne, je regarde autour de moi mais c'est Lili qui prend les commandes derrière la caisse et Noé, si je me souviens correctement de son prénom, qui s'occupe de nettoyer la salle. Je pose les yeux sur la vitrine, essayant de faire un choix, même si mon attention est toujours à la recherche de l'autre jeune serveur.

Quand arrive notre tour, Lili sourit en me reconnaissant et nous salue poliment. Elle prend la commande de Zayn, un frappuccino maison et un cookie aux noix. Je choisis un thé glacé à la pêche accompagné d'un brownie vegan. Elle tape sur sa machine puis commence à préparer, Zayn insiste pour payer nos deux consommations. Je le remercie en levant les yeux au ciel, quand il sort de la pièce derrière le comptoir, un plateau en main. Son regard vert croise presque directement le mien, je sens mes joues se colorer légèrement. Je lui fais un signe de la main, il me sourit et pose les nouvelles viennoiseries sur les étales.

Je me sens un peu honteux de le revoir après notre dernière interaction, mais son expression chaleureuse me rassure. Cependant, il repart presque aussitôt en cuisine, une fois son plateau vidé. A mes côtés, Zayn me donne un coup de coude et je tourne la tête vers lui.

– On va s'asseoir ? Ils nous apportent la commande à table.

– Pardon, oui... oui je te suis.

Il fronce les sourcils, mais ne demande rien. Il choisit une place dans un coin, juste à côté du mur qui sépare la grande salle principale de la pièce où se trouve les bibliothèques. Je pense que c'est surtout parce qu'un chat est en train de se reposer sur un siège près de notre table. Il relève le museau en nous voyant, et je souris.

– Oh, c'est Caramel ! Salut toi.

Le chat roux avance sa tête vers la main que je tends, il lèche le bout de mon index, frotte sa joue contre puis se met à ronronner quand je le caresse.

– Tu es venu ici combien de fois exactement ? Parce que t'as de connaître aussi bien les employés que les chats.

Un petit rire s'échappe de ma bouche, je hausse les épaules puis grattouille une dernière fois le menton de Caramel avant de m'asseoir en face de Zayn.

– Deux ou trois fois, je crois. Mais je m'y suis tout de suite senti chez moi.

– Je reconnais que c'est plutôt accueillant ici.

Son regard se perd sur la décoration et les autres tables autour de nous. C'est un endroit qui est toujours assez calme et reposant, bercé par un fond de musique qui ne nous empêche pas de discuter ou de lire. Je sais déjà que je vais adorer venir me blottir dans un fauteuil près de la bibliothèque l'automne ou l'hiver, avec une tasse de thé bien chaude, la présence des chats, l'odeur du café ou des viennoiseries qui cuisent encore et un bon livre.

Je suis interrompu dans mes pensées quand je vois que c'est le jeune serveur qui nous apporte notre plateau. Il le pose au milieu de la table et nous souhaite poliment une bonne dégustation. Je ne sais pas si Zayn répond quelque chose, et en toute vérité je n'y prête aucune attention, parce qu'elle entièrement portée sur lui.

Ses yeux semblent plus fatigués que la dernière fois que je suis venu, mais son sourire n'en pâtit pas. Il réveille toujours un sentiment agréable en moi.

– Merci beaucoup, je souffle en souriant, ça a été pour la fermeture l'autre jour ?

– Oui, aucun soucis. On a l'habitude de terminer plus tard.

– Je suis désolé quand même.

– Ce n'est rien.

Nous échangeons un sourire puis il s'éclipse en cuisine. Quand je tourne le regard vers Zayn, il m'observe avec une mine amusée. Le genre que je déteste, parce je le connais par coeur et je sais qu'il s'apprête à me faire une taquinerie que je ne vais pas apprécier.

– Tu m'expliques ?

– Il y a rien à expliquer, je suis simplement resté tard la dernière fois. Le serveur n'a pas osé me dire que le café était fermé depuis plus de trente minutes, et comme je suis bien élevé je m'excuse.

Un moment de silence passe entre nous, Zayn tourne la paille de son frappuccino en regardant vers le comptoir, où Lili sert de nouveaux clients.

– Ah d'accord, il sourit, je comprends mieux.

– De quoi tu parles ?

Je fronce les sourcils, il déguste sa boisson lentement et coupe son cookie en deux. De mon côté, je n'ai pas encore touché à mon plateau.

– Rien rien, il hausse les épaules, juste que je viens de réaliser un truc c'est tout.

– Mais encore... ?

Ça semble l'amuser davantage de me faire tourner en rond, il mange un bout de son cookie, lentement, trop lentement, puis me dit après avoir avalé sa bouchée.

– Si tu ne voulais pas que je vienne, fallait me le dire tout de suite tu sais.

Il me fait un clin d'oeil, l'air amusé, je ne saisis pas ce qu'il veut insinuer. Pas encore. Mais ça ne l'empêche pas de savourer chaque seconde, pendant que moi je m'impatiente.

– Le serveur ne te laisse pas indifférent, et si j'étais toi je prendrais une carte fidélité parce que, et c'est eu euphémisme, il te dévore du regard.

– P... Pardon ?

– Je te connais mieux que toi-même Louis, ne fais pas l'offusqué. Tu ne peux pas me mentir à moi.

Je reste plusieurs secondes sans rien dire. Les yeux de mon meilleur ami brillent de malice, il porte sa boisson à sa bouche et boit en m'observant. Même si je sens mes joues virer au rouge, je secoue simplement la tête en levant le regard au ciel.

– Dis moi que c'est faux et....

– C'est faux, je l'interromps sans hésiter, maintenant montre moi tes chansons dont tu m'as parlé tout à l'heure.

Zayn rit, mais ne fait aucune remarque sur le fait que je change de sujet ou que je suis un piètre menteur. Moi aussi, je le connais par coeur, et je sais qu'il ne va pas l'oublier et abordera le sujet dès qu'il en aura l'occasion. Il sort son téléphone de sa poche puis fouille dedans pendant que je déguste mon thé à la pèche.

Quelques minutes plus tard, nous regardons et discutons tous les deux de ses prochains projets artistiques qui prennent forme. Des débuts de musique qu'il enregistre dans sa chambre ou en studio, grâce à ses contacts et des amis de l'université, il a pu décrocher une place dans un endroit plus professionnel que sa chambre.

– Bon, c'est qu'un début, j'ai un pote qui doit rajouter un effet derrière sur ma voix à certains passages, je dois encore enregistrer la fin et d'autres morceaux, mais voilà c'est l'esprit de l'album.

– J'aime beaucoup, vraiment ! Je suis fier de toi, je lui souris et il me remercie. Et sinon, de qui est-ce que tu parles dans toutes tes chansons là ?

Un sourire fend ses lèvres, il me donne un petit coup de pied affectif sous la table puis reprend son explication en ignorant ma question. Il est animé par la passion et la motivation, je ne doute pas une seconde qu'il va arriver à bout de cette idée et réussir ce sur quoi il travaille depuis des semaines, des mois même.

Je sais aussi qu'il a besoin de la musique pour s'exprimer, autant que moi j'ai besoin de m'enfermer dans mes livres pour me couper du monde parfois. Je n'ai pas besoin de lui demander à propos de qui il a écris ces chansons, c'est assez évident, et je fais surtout ça pour le taquiner. Sa dernière rupture est encore un sujet sensible pour lui, il en parle sans problème, mais plus facilement dans une chanson qu'à voix. Je suis quasiment le seul à savoir à quel point se séparer de cette fille a été dur pour lui.

Zayn est comme ça, il ne fait jamais les choses à moitié. Et surtout, il y met tout son coeur. En réalité, c'est ça son premier talent. Aussi bien en terme de travail artistique que dans sa vie personnelle. Depuis que nous sommes amis, il a toujours été là pour moi. Lors de mes doutes, mes questionnements, mes crises de nerfs, de larmes, mes fous rires, mes moments de bonheur, mon parcours étudiant, mon coming-out, mes ruptures amoureuses. Et inversement.

Nous savons que nous pouvons compter l'un sur l'autre, même si nos personnalités ne sont pas vraiment identiques et que nous avons chacun notre façon de gérer les conflits et nos émotions. Zayn est plutôt du genre à se renfermer et à tout jeter sur un papier, une guitare à la main et moi j'ai tendance à tout extérioriser, à laisser les larmes pleurer et craquer un bon coup pour pouvoir mieux avancer ensuite.

Le temps de finir notre petit goûter, nous restons environ une heure au café, à parler de son album en préparation et mon nouveau travail. Alors que nous nous approchons du comptoir pour aller poser nos plateaux sales avec les autres, Zayn me fait un petit clin d'oeil en me donnant un coup de coude.

Je suis son regard posé sur le serveur qui ferme la caisse et passe un coup de chiffon sur un plateau vide. Il tourne la tête et nous remercie d'un signe de tête, un léger sourire sur les lèvres. Mais je n'ai pas le temps de parler, Zayn saute sur l'occasion et j'aurais dû le voir venir :

– En fait, mon ami Louis ici présent aimerait vraiment beauco...

Je ne réfléchis pas, je l'interromps avec la première idée qui me vient en tête quand mon regard se pose sur l'affiche derrière la silhouette du serveur.

– Je voudrais m'inscrire aux cours de pâtisserie.

Mes joues chauffent, parce que Zayn allait réellement inviter un inconnu à sortir avec moi, à ma place, sous prétexte qu'il ne me laisse pas indifférent.

C'est un de ces moments où j'aimerais disparaître de la surface de la Terre, mais je viens de m'adresser à lui et je me rends compte maintenant de ma bêtise.

Il s'essuie les mains avec son tablier puis s'avance vers nous, c'est sur moi que ses yeux d'un vert intense se posent quand il prend la parole.

– Oh, très bien. Ils se déroulent le mardi ou le jeudi soir à 19h. Vous pouvez assister aux deux, c'est gratuit pendant un mois et ensuite nous vous demandons un euro par séance. Bien sûr vous pouvez arrêter quand vous le souhaitez.

Tout en m'expliquant ceci, il prend un bout de papier sur le côté du comptoir qu'il fait glisser vers moi sur le rebord. J'essaie d'assimiler ce qui se passe et, surtout, ce dans quoi je viens de m'embarquer pour empêcher Zayn de me couvrir de honte.

– Tenez, toutes les informations sont regroupées sur cette fiche..

– Merci, je... je vais me renseigner.

– Parfait, il sourit, il suffira de vous présentez quand vous souhaitez commencer et au bout d'un mois on vous donnera un formulaire à remplir si vous voulez continuer.

Je hoche doucement la tête, même si au fond j'espère qu'il aura oublier cette conversation d'ici la prochaine fois que je remets les pieds ici. Non seulement je suis une quiche en cuisine, mais je ne suis pas le moins du monde doué en activité manuelle, je me vois mal préparer des gâteaux comme ceux dans la vitrine.

Tandis que je range le plie le papier pour le ranger dans mon sac, évitant tout contact visuel avec le serveur, Zayn reprend la parole. Je crains vraiment le pire, je suis tenté de le pousser vers la sortie, peu importe à quel point ça peut paraître impoli et rude.

– Merci, euh... Excusez moi, mais comment vous vous appelez ?

Piqué par la curiosité, je lève la tête vers lui. Je connais le prénom de Lili car elle s'est présentée quand j'ai découvert cet endroit pour la première fois, celui de Noé parce qu'il continue de le répéter à chaque fois qu'il me sert, mais lui jamais.

Je pense que c'est une tradition qu'ils ont dans ce café de se faire connaître auprès de leurs clients, à la place de mettre un badge sur leur tablier. Mais je n'ai jamais apprêté attention au fait que lui n'avait jamais décliné son identité. Zayn n'est pas très discret, toutefois le serveur ne semble pas le remarquer.

Son sourire semble de figer un court instant, il hésite et je suis sur le point de lui dire qu'il n'est pas obligé de répondre. Mais son regard passe de Zayn à moi, avant qu'il ne réponde d'une voix basse et calme :

– Harry.

– Merci Harry !

Harry.

Je le répète plusieurs fois en quelques secondes dans ma tête jusqu'à ce que le mot n'ait plus aucun sens.

Zayn lui offre un sourire satisfait, il fait même tomber deux pièces dans le bocal à pourboire et commence à s'éloigner. Il est content de lui, et je ne sais pas lequel de nous deux je déteste le plus. Lui pour avoir essayé de faire une avance à Harry à ma place ou moi de m'être inscrit à un cours de pâtisserie.

Nous sommes toujours face à face, Harry et moi, je n'ai pas bougé. Mes joues chauffent, je termine de plier le papier pour le ranger dans la poche de mon jean et fais un bref signe de tête en souriant. Je me sens terriblement honteux et intimidé aussi. Par le poids de son regard brûlant sur ma peau.

– Merci, à bientôt.

– A bientôt.

Ses mots ne sont pas plus hauts qu'un murmure, mais ils résonnent en moi comme une promesse. Je pars avant de sentir mon visage entier virer au rouge pivoine. Zayn m'attend dehors, un brin de malice dans son regard. Je pars dans la direction de l'appartement, sans l'attendre, mais il me rattrape en quelques enjambées.

– Je te déteste, je te déteste tellement.

Un rire clair sort de sa bouche, il s'allume une cigarette tout en continuant de marcher puis secoue la tête.

– Arrête de mentir. Déjà, non seulement tu vas passer plus de temps avec lui mais tu connais aussi son prénom maintenant, et tout ça grâce à qui dis moi ? A ton super meilleur ami, j'attends les applaudissements.

Je m'arrête abruptement, Zayn avance d'un ou deux pas, se stoppe aussi pour se tourner vers moi. Il tire lentement sur sa cigarette, les yeux plissés, mais son sourire ne quitte pas son visage.

– Je vais devoir assister à des cours de pâtisseries parce que tu as voulu faire le malin.

– Eh, vois le bon côté des choses. Tu le vois plus souvent, t'apprends à cuisiner des bons trucs et tu peux faire ça gratuitement pendant un mois. Ensuite, si rien ne se passe entre vous tu peux arrêter sans regret. Mais vu comment vous vous bouffez des yeux tous les deux, je pense que t'es sur la bonne voie.

La situation l'amuse vraiment. Je lâche un long soupir et reprends la route, je ne préfère rien dire. De toute façon, Zayn sait qu'il a gagné.

Nous marchons en silence jusqu'à l'appartement, je ferme à clefs derrière nous et me dirige vers ma chambre. Je me laisse tomber sur mon lit, prêt à m'endormir sur le champ, mais c'est sans compter sur Zayn qui me rejoint et prend place à mes côtés.

– Désolé Louis, je voulais pas te mettre dans une situation gênante. C'est juste que... il a vraiment l'air de te plaire, et je sais comment tu es, je te connais par coeur. Tu vas t'attacher à lui sans vraiment apprendre à le connaître, l'observer de loin et attendre des mois avant d'oser l'approcher réellement. Sauf que, il est juste là, et c'est une belle opportunité non ? J'ai pas envie de te voir souffrir à nouveau si jamais tu rates ta chance ou si ça ne fonctionne pas. Tu seras fixé.

Je soupire à nouveau en posant un bras devant mes yeux. Ses excuses sont sincères, je le sais, et il est plein de bonnes intentions, il s'y prend juste de la mauvaise manière. Au final, il est aussi maladroit que moi.

– Et au pire, si ça t'embête tellement, tu ne vas pas à ce cours. Rien ne t'y oblige.

Il reste assis au bord du lit, je me redresse sur mes coudes pour le regarder. Nous restons un moment sans rien dire, puis je hausse un sourcil et nous nous mettons à rire en même temps. Il nous faut plusieurs secondes pour nous calmer.

Il s'allonge à mes côtés, ses mains sur son ventre, je cogne légèrement mon genou contre le sien et il me demande en souriant :

– Tu vas y aller, hein ?

Je me pince les lèvres tout en reprenant ma place, étendu sur le dos. Si je ferme les paupières, je peux encore apercevoir le regard émeraude d'Harry et son sourire.

– Oui, je souris doucement, j'irais y faire un tour.

Après tout, je n'ai rien à perdre.

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