4.

Louis.

Mes premiers jours dans la maison d'édition, même si j'y ai déjà travaillé quelques semaines, sont assez stressants et épuisants. Je dois retenir beaucoup d'informations, prendre des pages entières de notes pour ne pas les oublier, apprendre les prénoms de tous ceux que je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer, montrer que je mérite ma place parmi eux, moi aussi. Mais j'adore chaque petite seconde de ces journées chargées.

En rentrant, je suis trop exténué le soir pour déballer le reste des cartons ou concrètement faire autre chose que regarder la télévision en mangeant, lire et dormir. Zayn, heureusement, a des horaires plus flexibles et il est là plus souvent à l'appartement pour terminer de monter des meubles ou faire du ménage. Sans son aide, les pièces seraient sales et le linge empilé en tas attendrait indéfiniment d'être lavé.

Je pense que c'est le temps de s'adapter et de trouver un rythme qui nous convient à tous les deux. Cela fait seulement un peu plus d'une semaine que nous avons emménagé et il nous faudra peut-être encore des mois pour nous sentir totalement chez nous. Même si, pour ma part, c'est déjà presque le cas. Il manque simplement des derniers meubles à monter et de la décoration.

Aujourd'hui, je termine le travail plus tôt que le reste de la semaine. Je prends ma voiture et conduis jusqu'en ville. Zayn ne sera pas à l'appartement avant dix-neuf heures, j'ai donc le temps de profiter de quelques heures de tranquillité bien méritées.

Sans vraiment y réfléchir à deux fois, je me dirige vers le café après m'être garé plus loin. Ça fait quatre jours que j'y suis allé pour la première fois, je n'ai pas encore eu l'opportunité d'y revenir même si j'y ai pensé souvent. Je pousse la porte d'entrée et c'est la même odeur de café et de pâtisseries sucrées qui me caresse les narines.

Il est presque dix-sept heures trente, et j'ai la chance de ne pas tomber à un moment où il y a trop de monde. Je m'avance vers le comptoir, une personne devant moi passe commande, deux autres sont installées à une table près de la fenêtre et une jeune femme au fond de la pièce, le nez plongée dans des livres certainement pour étudier.

Je concentre ensuite mon attention sur toutes les gourmandises alléchantes proposées derrière la vitrine. En attendant que le client devant moi soit servit, j'ai le temps de me décider. Il repart avec un gobelet entre les mains et un petit sachet en papier. Je m'avance à mon tour, forcé de constater que ce n'est ni Lili à la caisse ni le serveur de la dernière fois aux jolis yeux verts.

C'est un autre jeune homme, sans aucune doute du même age environ. La couleur de ses cheveux courts tire sur le blond, je crois que c'est une coloration, mais je dois reconnaître qu'il a un joli regard noisette. Son sourire est très poli.

– Bonjour ! Bienvenue au Chalon de Thé, moi c'est Noé. Qu'est-ce que je peux vous servir ?

– Bonjour. Un frappé vanille fraise et une part de cheesecake à la pistache, s'il vous plaît.

Il m'encaisse et me laisse aller m'installer à une table en attendant que ma commande arrive. Je me dirige instinctivement vers le même endroit que la première fois, entre les livres. Un gros chat gris se repose, en boule, sur un des fauteuils et il ne lève même pas l'oeil quand je m'assois et commence à sortir mes affaires de mon sac. J'ouvre mon ordinateur devant moi, mon carnet avec mes notes et un crayon.

Le calme règne. J'en profite pour travailler de mon côté. Je commence à mettre des informations au propre quand le bruit de pas me font détacher les yeux de mon écran. Un sourire apparaît sur mes lèvres quand je vois Lili arriver avec mon plateau, elle le pose devant moi et me salue. Elle me souhaite un bon appétit, accompagnée d'un grand sourire, je la remercie encore. Je n'attends pas une seconde de plus pour goûter ce que j'ai choisi.

Je passe plus d'une demi heure à retranscrire la plupart mes notes des derniers derniers jours dans un document informatique, pour être certain de ne pas les perdre. Ma concentration est telle que je ne remarque pas tout de suite que la cliente dans la même salle que moi est partie, c'est seulement quand quelqu'un d'autre entre que je lève les yeux. Et c'est un doux regard vert d'eau que je rencontre immédiatement, celui du serveur de la dernière fois.

Dès qu'il remarque ma présence, il s'arrête aussi dans ses pas. Il tient entre ses mains un chiffon et un produit d'entretien pour nettoyer les tables. Un sourire timide se dessine alors sur ses lèvres, il baisse ensuite les yeux vers mes affaires sur la table, mon plateau où j'ai encore une moitié du cheesecake et le frappé.

– Vous aimez ?

– Oui, c'est excellent ! Si chaque pâtisserie est aussi bonne je crois que je vais dépenser tout mon salaire ici.

Son sourire se creuse davantage et je crois remarquer que ses joues prennent une teinte rosée. Mais il ne me laisse pas le temps d'en être certain qu'il me remercie d'un petit mouvement de tête puis se tourne déjà vers la table du fond pour l'essuyer. De légères petites boucles lui tombent sur le haut du front quand il se penche en avant, d'autres viennent lui épouser la peau de sa nuque.

Les pieds de la chaise grincent contre le sol quand il la recule pour faire le tour et laver correctement toute la surface. Le gros chat gris relève sa tête vers lui, la mine froncée comme pour montrer que le bruit a interrompu son repos. Puis, il descend de son fauteuil, passe entre les jambes du serveur et sort de la pièce dans une démarche nonchalante.

Je souris, la paille du frappé coincée entre mes dents tandis que je déguste une autre gorgée. Le serveur regarde le chat partir, aussi amusé que moi. Il se redresse afin que son dos soit droit, pose une main sur sa hanche et me précise :

– Lui c'est Gribouille.

– Il porte bien son nom.

Il pose son regard sur moi, tandis que je remet mon gobelet sur le plateau en riant doucement. Des exclamations proviennent de la salle d'à côté, il tourne la tête en même temps que moi vers l'entrée où une maman vient d'entrer avec ses petits deux enfants. Il récupère son torchon et me demande :

– Vous avez besoin d'autre chose ?

Mon appétit est déjà assez repu avec cette généreuse part de cheesecake, mais je prends quelques secondes pour réfléchir quand même. Je regarde mon plateau, l'écran de mon ordinateur puis son visage.

– Est-ce que vous auriez le wifi ?

Je le regarde s'approcher de moi, tendre la main et me montrer mon ticket de caisse encore près de mon assiette.

– Vous devez entrer le code inscrit ici en bas.

– Merci beaucoup.

En relevant la tête, je remarque que mon espace personnel est envahi par son odeur vanillée, sucrée. J'ai l'impression de presque pouvoir sentir sa chaleur corporelle, alors qu'il n'est même pas si proche de moi. Je me prends à observer son visage, sa fine moustache à peine apparente, la constellation de grains de beauté dans son cou, la courbe de ses cils. Ce sont quelques secondes volées à la réalité.

Mais peut-être que je n'aurais pas dû. Parce que quand son regard tombe sur moi, il semble se braquer subitement. Il se redresse, me fait un petit signe de tête et s'éloigne. Sans un mot de plus. Bientôt, la pièce est vide. Il n'y a plus que moi. Seul dans un silence glacial.

Pendant un long moment, je fixe l'endroit où il se tenait, en espérant qu'il réapparaisse. Sauf qu'il ne revient pas. Je rentre le code sur mon ordinateur et reprends où j'en étais, je fais quelques recherches sur internet puis réponds à des mails. Sonia, ma patronne, m'a également demandé de rédiger un rapport sur ma première semaine au sein de la maison d'édition, je m'y attaque et je ne vois vraiment pas le temps passer.

C'est un travail que j'adore. J'ai longtemps cherché ma voie, ce que je voulais faire de mon avenir.Il y a quelques années encore, j'avançais dans le brouillard. Le flou quasi total. Devoir choisir mon orientation après le lycée m'a beaucoup angoissé. J'ai toujours adoré la littérature, me plonger dans l'univers des romans en tout genre.

Lors de ma première année à l'université, je me suis essayé à l'écriture, mais j'ai plus de talent pour apprécier les mots que pour créer une histoire cohérente. Je suis quand même entré en licence de lettres, parce que les sciences ou l'économie ne sont définitivement pas mes points forts.

Pendant trois ans, j'ai eu l'opportunité de découvrir un nouveau monde riche en connaissances qui s'ouvrait à moi. J'ai cherché à apprendre tout les savoirs que je rencontrais pour me construire une culture solide et, à l'aide de toutes les rencontres amicales et professionnelles que j'ai pu faire, j'ai pu trouver le métier qui me plaisait.

Aujourd'hui j'ai la chance de m'épanouir dans un monde qui me correspond totalement. Tous ces efforts que j'ai fait pendant des années ne m'ont pas servi à rien. Même si j'ai travaillé à en faire des insomnies, tout le mérite ne me revient pas. C'est en partie grâce à ma mère si j'en suis là aujourd'hui, elle m'a toujours encouragé à poursuivre mes rêves les plus fous et à me donner les moyens de les réaliser.

Elle pensait que tout était possible tant qu'on y croyait assez fort. J'espère qu'aujourd'hui, de là où elle me regarde, elle est fière de moi. De celui que je suis devenu et de la vie que je mène. C'est pour elle que je fais tout ça, c'est pour elle que je continue de me battre. Sans elle, je n'aurais jamais été si loin. Je ne peux pas abandonner alors que je lui ai fait la promesse, durant nos derniers instants ensemble, que j'allais me battre. Garder la même rage de vivre tout le reste de mon existence.

La mort d'un être aussi proche vous change à jamais. J'ai vécu des mois horribles après sa perte, sans parler de mes sœurs et mon frère qui ont dû porter le poids immense d'un chagrin aussi. J'ai tellement pleuré que je crois avoir épuisé toutes les larmes de mon corps. J'en ai voulu à la Terre entière de m'avoir retiré ma mère. Mais je me souviens de ce qu'elle me disait toujours « lève toi et bas-toi parce que la vie vaut la peine d'être vécue ». C'est ce que j'ai fais, non sans difficultés et obstacles, sans échecs, mais je suis encore ses conseils aujourd'hui. C'est elle qui a forgé entièrement l'homme que je suis aujourd'hui.

Et je crois que c'est à partir de ce moment là, quand elle nous a quitté il y a un peu plus de trois ans, que j'ai décidé de ne plus me poser de questions et de croquer la vie à pleines dents. Parce qu'elle ne voudrait pas que je passe à côté.

Je sursaute en entendant un raclement de gorge à ma gauche qui me sort de mes pensées dans lesquels je commençais à me perdre. La gorge encore nouée d'émotions, je tourne la tête vers l'entrée de la salle où se tient le serveur. Son regard est encore plus timide que tout à l'heure, il joue avec ses bagues, en fait tourner une autour de son index avant de prendre la parole :

– Pardon. Je... En fait, je suis désolé mais j'aurais dû fermer il y a trois quart d'heure déjà et... et je voulais savoir si vous aviez terminé votre plateau ?

C'est à mon tour d'avoir les joues qui virent au rouge, j'ouvre grand les yeux en regardant alternativement entre son visage confus et le reste du café qui est complètement vide. Sans aucun client à part moi. Les volets des grandes fenêtres à l'entrée sont baissés, la plupart des lumières sont éteintes et même la musique est coupée.

– Mince ! Vous auriez dû me le dire avant, je... je perds facilement la notion du temps quand je suis concentré. C'est moi qui m'excuse, je suis affreusement désolé ! Vraiment je... Pourquoi vous n'êtes pas venu m'avertir tout de suite ?

Gêné, je me redresse subitement de ma chaise qui manque de tomber au sol si je ne l'avais pas retenu de justesse. Tout en lui présentant mes excuses, je commence à rassembler grossièrement mes affaires pour les ranger dans mon sac. Il s'approche d'un ou deux pas puis me réponds simplement :

– Vous étiez occupé, je ne voulais pas vous déranger.

Je relève la tête vers lui, étonné par sa réponse, mon gobelet vide se renverse au sol et roule jusqu'à ses pieds. Il le regarde s'arrêter contre sa chaussure puis se baisse pour le ramasser. Quand il se redresse, je fronce les sourcils :

– Je suis vraiment désolé de vous avoir retenu aussi longtemps, je ne sais pas où j'ai la tête en ce moment. Vous auriez vraiment dû m'interpeller avant.

– Ce n'est rien, je suis tout seul pour la fermeture ce soir. J'ai tendance à... enfin, j'avais oublié que c'était l'heure moi aussi.

Il hausse les épaules en détournant le regard de mon visage. Je glisse mon carnet dans mon sac, le met sur mon épaule puis prends mon plateau où il ne reste plus qu'une assiette vide et une serviette usagée.

– Laissez-moi vous aider un minimum alors, je peux jeter les déchets à la poubelle et euh...

De ma main libre, je fouille dans ma poche pour sortir mon porte-monnaie. Je passe à côté de lui, non sans voir ses sourcils qui se froncent, je jette le contenu du plateau dans la poubelle près du comptoir et le pose ensuite au-dessus des autres, sur le côté. Quand ma deuxième main est libérée, j'ouvre mon porte-monnaie et prends deux pièces de deux euros.

Il s'est arrêté pas loin de moi afin de jeter le gobelet dans la poubelle recyclable et secoue vivement la tête en remarquant la main que je tends vers lui avec l'argent.

– Voyez ça comme un... je cherche mes mots un instant. Un gage d'excuse ?

– Je ne peux pas accepter ça. Vous êtes le client et...

– Oui, je l'interromps gentiment en haussant les épaules, justement. Je ne suis pas le roi du monde donc je n'ai pas tous les droits. Surtout pas celui de vous retenir plus longtemps que vos heures de travail... A votre place, je m'aurais déjà jeté dehors.

Son expression s'adoucit, je crois même apercevoir l'ombre d'un sourire sur ses lèvres. Il laisse échapper un soupir qui me fait deviner qu'il capitule peut-être. Mais pour être certain qu'il accepte la monnaie, et comme on ne fait pas plus têtu que moi, je dépose les pièces dans la petite tirelire à pourboire sur le comptoir.

Je range mon porte monnaie dans mon sac. Il suit tous mes mouvement du regard, les lèvres pincées. Il finit par lever les yeux vers moi et me remercie d'une petite voix, je ne lui ai pas vraiment laissé le choix mais je pense qu'il s'en contentera. Je remonte le sac sur mon épaule tout en lui offrant un sourire.

Quand j'avance vers la porte d'entrée, il m'accompagne et me dépasse même pour l'ouvrir avant moi. Je tourne la tête vers lui, son visage est éclairé par la lumière déclinante du soir d'été. Un mélange des rayons doré du soleil et du rose pâle quand il se cache derrière les nuages. Un mélange qui fait ressortir la couleur intense de ses yeux.

– Merci, je souffle, et juste pour la prochaine fois... Vous fermez à quelle heure ?

– Dix-neuf heures.

– D'accord, dix-neuf heures, je répète à moi même plus bas. Je tâcherais de m'en souvenir, mais n'hésitez pas à me le rappeler si je viens à oublier. Je m'excuse encore. Et... Bonne soirée ?

– Bonne soirée, merci.

Le sourire qu'il m'adresse n'est qu'en demi-teinte, je ne sais pas trop ce qu'il veut dire. Soit il est timide de nature soit trop poli pour me dire que je l'importune. Dans tous les cas, je comprends que je le retiens depuis assez longtemps comme ça, alors je souris une dernière fois et passe devant lui.

C'est couvert de honte que je quitte le café, en dernier, quasiment une heure après tous les autres clients et l'horaire de fermeture. Je soupire lourdement une fois dehors. Contrairement à l'endroit que je viens de quitter, les rues sont bien animées. Du moins, il y a du monde qui passe, un bar ouvert un peu plus loin en bas qui joue de la musique, des restaurants ouverts et des terrasses occupées par des personnes qui veulent profiter un maximum du beau temps.

Je remonte la rue qui mène à ma voiture, m'installe derrière le volant et laisse tomber ma tête contre celui-ci en soufflant. Malgré mes bras qui retiennent mon élan, mon front heurte le milieu et déclenche un coup de klaxon qui me fait sursauter. Je me redresse automatiquement, apeuré par mon propre geste, droit dans mon siège et regarde autour de moi.

Quelques personnes se retournent pour chercher l'auteur de ce chahut, sans toutefois s'attarder plus que ça. Dans ces moments là, j'aimerai que mon siège puisse m'avaler pour que je disparaisse de la surface de la Terre. Comme si je n'avais pas déjà eu ma dose de honte pour aujourd'hui.

– Tu es vraiment un idiot Louis.

Un énième soupir sort de ma bouche tandis que je passe mes mains sur mon visage. J'enclenche le moteur de la voiture et la radio se lance directement sur la dernière chaîne que j'écoutais.

Un morceau se termine le temps que je sorte de la place de parking et c'est un autre qui démarre. Que je reconnais dès les premières notes.

Je me fige, le regard rivé sur la route. C'était une chanson qu'on avait l'habitude d'écouter avec notre mère, son titre préférée. Je regarde le titre qui défile en boucle sur l'écran

Chasing Cars

Et les larmes me montent aux yeux, parce que c'est aussi la dernière musique qu'elle a écouté quelques heures avant de partir. Couchée dans le lit d'hôpital, elle m'a demandé de prendre son portable et de lancer sa chanson. J'ai su de laquelle elle parlait sans même réfléchir.

On l'a écouté à deux, puis elle s'est éteinte quelques heures après.

Le bruit d'un klaxon derrière moi me surprend, je sursaute une seconde fois et pose une main tremblante sur ma poitrine. Je sens mon coeur battre activement sous mes doigts. Dans le rétroviseur, je vois une voiture qui attend que je me décide enfin à avancer, arrêté au milieu de la route. Je coupe subitement la radio, inspire un bon coup et redémarre.

Quand je rentre à l'appartement, Zayn est assis sur le canapé du salon. La télévision est allumée sur une chaîne de football, le son baissé au minimum. Il est penché sur la table basse devant son ordinateur qui affiche un logiciel de montage de son.

– Hey, ma gorge est encore nouée, désolé du retard j'avais du travail à terminer.

– C'est rien mec, j'ai eu le temps d'avancer ma démo ! Mais, ça te dit qu'on aille manger quelque part et qu'après on aille boire un verre ? J'ai vu qu'il y avait un restaurant super bien noté en ville, on pourrait essayer ?

A la fin de sa question, il détache son attention de son écran et se retourne vers moi. Le sourire qu'il avait sur le visage disparaît aussitôt, il se lève du canapé dont il fait le tour pour me rejoindre. Je dois avoir une tête qui fait peur, car Zayn m'a rarement regardé avec autant d'inquiétude.

– Ou pas... ?

– Je... Désolé Zayn, j'ai pas...

Je souffle lentement en fermant les yeux, parce que je sens les larmes monter à nouveau. Il est très rare que je craque. Ça arrive parfois, quand j'ai accumulé trop d'émotions et qu'elles ont besoin de sortir, mais je fais toujours en sorte que Zayn ne le remarque pas.

Mes doigts tremblent quand je les passe dans mes cheveux, il les prend entre les siens pour attirer mon attention.

– Ne t'excuse pas Louis, tu le sais, pas avec moi.

S'il y a bien une chose dont je suis certain, c'est qu'il est le meilleur ami que j'ai pu avoir. Zayn a été l'épaule sur laquelle j'ai le plus pleuré suite au décès de ma mère. Je refusais de fondre en larmes devant le reste de ma famille, je devais être fort et courageux pour eux, leur montrer qu'on allait surmonter la pente et y arriver sans elle. La réalité est bien plus dure à supporter que ça.

– Qu'est-ce qui se passe ?

Doucement, ses doigts pressent les miens, pour me montrer qu'il est là. J'ouvre les yeux et lis dans son regard qu'il sait déjà ce qui occupe mon esprit. Parfois, ça m'effraie à quel point il me connaît mieux que moi-même.

– On pourrait... On pourrait passer au cimetière demain matin, avant d'aller chercher la commode ? Je sais que ça fait faire un détour, mais je...

– Bien sûr, il m'interrompt en souriant, je vois même pas pourquoi tu me le demandes.

Je pourrais pleurer tellement ses mots font du bien à entendre. Je suis vraiment à fleur de peau aujourd'hui.

– Allez viens, on va regarder une série et manger des glaces à en avoir mal au ventre, j'ai été en acheter tout à l'heure en sortant du studio !

– On peut commander des sushis, aussi ?

– Tu lis dans mes pensées en fait, c'est ça ?

J'ai la sensation de respirer enfin, il passe un bras autour de mon épaule et m'attire contre lui en riant. Un petit sourire fend mes lèvres tandis qu'il embrasse mon front puis que nous nous installons dans le canapé, côte à côte. Il range ses affaires sur le côté, me laisse choisir le programme de ce soir et revient avec deux cuillères et un gros pot de glace à la pistache.

Zayn me laisse l'inaugurer pendant qu'il réserve notre repas de ce soir sous mon regard curieux. Il repose son téléphone plus loin quand il a payé et me vole le pot avant de me prendre dans ses bras. Je ferme les yeux et me laisse aller.

Je ne pleure pas, mais j'ai la gorge nouée. Zayn embrasse mon front, puis me laisse manger plusieurs cuillères de glace à moi tout seul. Quand les sushis arrivent, on les engloutie directement face à la télévision.

A la fin de la soirée, j'ai mal au ventre d'avoir trop mangé. C'est Zayn qui avait raison. On rit comme des enfants devant la série, ça fait du bien. Vers minuit, je tombe de fatigue, ma tête contre son épaule. Je baille, mets une main devant ma bouche et lui demande :

– Dis ?

– Ouais ?

Je lève les yeux vers lui, il lèche sa cuillère de glace en haussant un sourcil, ça me fait sourire.

– Ça te dérange si je dors avec toi cette nuit ?

– Tant que tu ronfles pas trop fort et que prends pas toute la place, ça me va.

Nous rions tous les deux. Je lui donne un coup de coude avant de le remercier. Sincèrement. Et il me fait un clin d'oeil tout en se levant pour aller préparer son lit.

Pour ce soir, j'en ai besoin.

Et demain, ça ira déjà mieux.

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