34.
Trigger warnings : mention de l'automutilation & d'abus sexuels
Harry
Je me déteste.
J'ai gâché notre week-end à cause de mon cauchemar, à cause de mes démons, j'ai effrayé et inquiété Louis.
Je l'ai fait fuir, comme je l'avais prédit.
Malgré tout ce que m'a répété Olivia, je savais que j'avais raison.
Il n'allait pas rester. Même si là, c'est moi qui l'ai poussé à me laisser, je l'ai fait pour son bien.
Je me déteste.
Il m'a envoyé des messages quand il a fini par accepter de partir, mais je n'ai pas la force d'y répondre. J'ai juste envie de hurler à m'en arracher les cordes vocales.
Parce que je suis un monstre. Je suis ignoble, égoïste. Et je comprendrais s'il ne veut plus jamais m'approcher, s'il ne veut plus faire partie de ma vie, parfois moi non plus je n'en ai plus l'envie.
Je me déteste du plus profond de mon être.
Je ne voulais pas qu'il me voit ainsi, terrifié par mes cauchemars, hanté par mon passé. C'est pour ça que je me suis réfugié dans la salle de bains, sous la douche. Mais ensuite, tout ce que j'ai vu dans mon sommeil m'est revenu en plein visage, comme une vague qui déferle sans prévenir et nous emporte au fin fond de l'océan. Là où tout est sombre et glacial.
Tous ces souvenirs qui ne me quitteront jamais. J'ai eu l'impression d'entendre sa voix partout, la voix de mon père, de revoir ses yeux, de sentir ses mains sales et rocailleuses sur moi, son souffle chaud sur ma nuque, de percevoir son rire qui m'a donné la nausée sous la douche brûlante. J'ai essayé de me frotter le corps pour faire partir cette sensation, de me boucher les oreilles, de faire le silence en moi. Rien ne fonctionnait. Il était toujours là.
Et puis j'ai vomi.
J'ai vomi alors que l'eau coulait toujours. Je me suis écroulé à genoux dans la baignoire, j'ai des bleus sur la peau maintenant, et j'ai vomi à m'en déformer l'estomac. Je ne sais pas si Louis m'a entendu, mais je n'avais plus aucune notion de rien, j'ai tellement tremblé que j'ai cru que je n'allais jamais savoir trouver la force de me relever. Quand j'y suis arrivé, au bout de longues minutes, c'est toute la terre qui tournait et se dérobait sous mes pieds.
J'ai arrêté l'eau, je me suis traîné devant l'évier pour me laver les dents, nu et encore dégoulinant d'eau, pour m'ôter ce goût acre de la bouche. Mais j'étais épuisé et je me suis laissé tomber au sol, contre le mur, j'ai essayé de retenir mes sanglots.
Mon regard était tombé sur la lame de rasoir dont je me servais pour couper ma moustache, et là j'avais envie d'en faire une toute autre utilité. Mes doigts me démangeait, mais je n'avais pas la force de lever le bras, de le prendre. Et je me déteste encore d'y avoir pensé. Je me hais, parce que la pensée a traversé mon esprit, parce que je pensais que ça allait me faire du bien. Moi même, je sais très bien que c'est faux, que la sensation de soulagement est temporaire, que la douleur est dix fois plus intense ensuite.
Les deux cicatrices sur mon avant bras droit en sont la preuve. Je ne me suis jamais fait beaucoup de mal. La première tentative c'était quand j'avais treize ans, la toute première fois que mon père avait posé ses mains sur moi comme ça, je pensais que ça allait apaiser la souffrance, mais ça n'a fait qu'empirer. Et j'ai hais le fait de voir mon propre sang couler depuis mes veines ouvertes.
La seconde fois, c'était à dix sept ans, ma mère était sous l'effet de la drogue, mon père ivre m'avait encore sali la veille, il était au travail ce jour là, j'avais essayé d'en parler à ma mère, de lui dire tout ce qu'il m'avait infligé, tout ce qu'il continuait à me faire subir depuis des années, et quand je lui ai dit qu'elle devait arrêter ses conneries et fuir avec moi pour que nous soyons heureux, elle m'avait rit au nez et dit que tout ce qui m'arrivait c'était parce que je l'avais cherché, parce que j'étais bancal et bizarre et déviant.
Je savais qu'elle parlait de ma sexualité, elle croyait que ce que me faisait endurer mon père était une punition parce que j'avais découvert mon attirance pour les hommes. Ce fut ce jour là que j'avais compris que ma famille n'en était pas une, et que je n'avais vraiment personne sur qui compter. Je m'étais enfermé dans la salle de bains, les sanglots me faisaient trembler, j'avais attrapé le rasoir de mon père et je m'étais ouvert la peau, ça n'avait rien changé. J'avais toujours aussi mal. La vue de mon sang m'avait fait vomir.
Alors quand tout m'est revenu ce matin, après ce cauchemar, et que j'ai vu la lame, j'ai eu envie de me faire du mal. Pour qu'il disparaisse, pour qu'il me laisse tranquille, pour que sa voix cesse de tourner dans ma tête.
Puis j'ai entendu la voix de Louis, elle m'a tiré subitement de mes pensées, comme un message d'espoir et j'ai cédé aux larmes, même si tout était vide en moi.
Il est presque vingt et une heure, et je n'ai pas eu la force d'ouvrir mon téléphone, de me lever de mon lit ou de faire quoi que ce soit d'autre. J'ai passé la journée allongé, après m'être séché quand il est parti. Je suis sortie de la salle de bains, son pull était resté sur le lit, une sorte de cadeau de sa part, un geste pour me dire qu'il ne m'oublie pas, qu'il me laisse une part de lui. J'ai pleuré à nouveau, nu, son pull serré contre ma poitrine, puis je me suis habillé et je l'ai enfilé. J'ai rabattu la capuche sur ma tête, je me suis couché et depuis je n'ai pas bougé, je n'ai pas dormi non plus. Son odeur m'entoure encore, partout.
Hadès est venu me rejoindre, peu de temps après, il a miaulé et s'est recroquevillé contre mon épaule. J'ai pleuré à nouveau. Je ne sais toujours pas d'où viennent toutes ses larmes.
J'entends la porte d'entrée s'ouvrir et les bruits de clefs, il fait noir dans l'appartement, si ce n'est la petite lumière de la chambre. C'est Olivia. Elle appelle mon prénom, Hadès miaule, comme pour parler à ma place, il se redresse sur ses pattes, étire mon dos et passe au-dessus de mon torse pour descendre du lit et rejoindre sa maîtresse.
Elle apparaît à la porte de ma chambre juste à ce moment, elle a encore son écharpe autour du cou. Quand son regard tombe sur moi, étendu au milieu de mon lit, serrant contre moi le coussin où Louis a dormi, elle comprend tout de suite que quelque chose ne va pas. Elle s'assoit au bord du matelas, laisse Hadès grimper sur ses genoux, puis elle passe ses doigts contre ma joue. Je n'ai plus pleurer depuis un petit moment, mais mes yeux sont sans aucun doute rougies, en tout cas ils me piquent.
– Harry...
Je soupire, elle retrousse ses lèvres et retire son écharpe avant de s'allonger à côté de moi. Je reste un moment à fixer le plafond, Olivia cherche ma main entre nos corps et lie nos doigts. Sa façon de me montrer qu'elle est là. Puis, au bout d'un court moment de silence, elle me demande tout bas :
– Qu'est-ce qui se passe ?
Il se passe que j'ai perdu la personne qui compte le plus à mes yeux, que je suis incapable de garder quelque chose de bien dans ma vie, incapable d'être heureux et rendre Louis heureux parce que mon passé reste derrière moi, il finit toujours par me rattraper et me rappeler que je n'aurais jamais le droit au bonheur, qu'il est éphémère.
Mon regard est fixé au plafond et j'ai juste l'impression d'être vidé de toute énergie, de toute lumière. Louis est parti, je l'ai poussé à le faire, et c'est de ma faute si tout dérape.
– Je... j'ai tout gâché...
Un sanglot se coince au milieu de la gorge, mais je n'ai plus aucune larme à verser. Je suis épuisé, je voudrais simplement m'endormir dans les bras de Louis, le seul endroit au monde où je me sens à peu près vivant et en sécurité. Mais ça m'est impossible maintenant, parce que je l'ai poussé à me fuir, pour ne pas qu'il se retrouve confronté à ce côté de ma vie que je hais. Il n'y a aucun moyen que je trouve le sommeil tant qu'il n'est plus là, j'ai peur de revoir son visage dès que je ferme les yeux et il n'y aura personne pour m'en protéger. Pour me dire que ce n'est pas la réalité.
Mais je ne suis pas vraiment seul, Olivia est toujours là. Elle serre mes doigts contre les siens et tourne son visage vers moi, même si je fixe encore le plafond.
– Comment ça ?
J'inspire, et rien que ce simple geste me comprime toute la poitrine. Mon corps entier me fait mal. Mes genoux, de m'être écroulé dans la baignoire ce matin. Ma gorge, d'avoir vomi et pleuré. Mon ventre, d'être angoissé depuis que je me suis réveillé de ce cauchemar et tout ce que j'ai fait subir à Louis. Mon coeur, de l'avoir éloigné de moi pour le préserver même si j'ai juste besoin de sa présence afin d'apaiser tous mes maux.
– Louis... il était là, c'était bien, tellement bien et puis... et puis je l'ai fait fuir et...
– Hey, hey, elle se met à caresser mes cheveux, c'est tout Harry, je suis certaine que ça va finir par s'arranger.
Mon souffle s'étrangle dans ma gorge et je suis incapable de formuler des mots, de les laisser sortir. Ce sentiment intense de panique se réveille à nouveau en moi et m'empêche de respirer, de réfléchir correctement. Tout ce que je sais, c'est que j'ai fait du mal à Louis quand mon seul but était de faire son bonheur. Je l'ai entendu pleurer derrière la porte de la salle de bains ce matin et je n'ai jamais senti mon coeur se déchirer autant qu'à l'entente de ses sanglots, de sa voix pleine de larmes. C'est de ma faute si elles ont coulé, c'est de ma faute si son sourire a disparu, si toutes ses couleurs se sont évaporées.
A côté de moi, Olivia se redresse, je l'entends sortir de la chambre quelques minutes. Hadès est toujours couché à mes pieds, il dort paisiblement, inconscient de la tempête qui fait rage à l'intérieur de moi. Quand Olivia revient, elle s'assoit au bord de mon lit et me tend un verre transparent.
– Tiens, bois de l'eau, tu en as besoin.
Je puise dans les dernières forces qu'il me reste afin de me redresser, une légère grimace étire mes lèvres quand je bouge mon genou, j'ai mis de la pommade mais je crois que les bleus resteront plusieurs jours sur ma peau.
Olivia me sourit lorsque je prends le verre et bois le contenu en entier, par petites gorgées. J'ai l'impression que ça me fait un peu de bien, que ça soulage la sensation de brûlure au fond de ma gorge. Mais ça ne rebouche pas le trou béant dans ma poitrine, et ça qui me fait le plus souffrir.
Une fois le verre terminé, Olivia le reprend de mes doigts qui tremblent légèrement. Elle le pose sur la table basse et s'assoit plus près de moi puis passe un bras autour de ma taille pour m'attirer contre elle. Je laisse tomber ma tête contre son épaule, ferme les yeux et pousse un soupir d'épuisement. La couverture est encore remontée jusqu'à mon ventre et la capuche du sweat de Louis sur ma tête, afin de m'entourer de son odeur, de m'accrocher à ce qu'il me reste de lui.
– Je lui ai fait peur Olivia... je... je l'ai effrayé...
C'est la première chose que je dis, tout bas, à peine dans un murmure, au bout de longues minutes de silence. J'ai besoin d'en parler, même si j'ai affreusement honte de mon comportement, que je regrette à m'en rendre malade, mais je sais aussi qu'Olivia trouvera les bons mots pour me rassurer.
J'avale ma salive avec difficulté, parce qu'apparemment même le plus simple des gestes me demande des efforts surhumains. Mon mal de tête ne passe pas depuis ce matin, il semble s'empirer au fil des secondes, et j'ai envie d'avaler une boite entière de médicaments pour faire taire et disparaître ce mal qui me ronge l'être.
– Tu sais... ces cauchemars, je n'en ai plus fait depuis longtemps mais... mais cette nuit je... c'est Louis qui m'a réveillé, c'est lui qui m'a sorti de là et rassuré, je te jure que... ça m'a vraiment aidé. Mais je me suis senti mal... d'être comme ça devant lui. Et puis...
Olivia se met à caresser mon dos, au-dessus de mon pull, et je reprends mon souffle. Ma voix est encore plus rauque et lente que d'habitude, à cause des heures que j'ai passé à pleurer et hurler contre moi même dans mon coussin. Comme j'ai appris à le faire durant mon adolescent, toujours souffrir en silence.
– Et puis quand je suis allé dans la salle de bains, j'ai... j'ai entendu mon père....
– Ton père ?
Elle intervient pour la première fois et je sens son corps se tendre contre le mien. Je reste dans ses bras, j'acquiesce lentement, la gorge nouée, en gardant les yeux fixés sur Hadès qui ronronne à nos pieds.
– Je sais qu'il n'était pas là, que c'était dans ma tête, mais... mais il était dans mon cauchemar et j'ai... j'ai tout revu, tout ce qu'il m'a fait et... ça avait l'air tellement réel...
C'était réel, à l'époque, ça l'a été. Mon corps s'en souvient encore parfaitement. Je ne pense pas que c'est une chose que l'on oublie un jour, même si ça s'est passé il y a des années. Ça va rester ancré en moi, pour tout le reste de ma vie. Parfois, je me réveille au beau milieu de la nuit et j'ai la sensation de suffoquer parce que je crois le sentir se glisser dans mon lit, se coller à moi et poser ses mains brûlantes sur ma peau glacée, sur mon corps tremblant d'enfant effrayé.
Je n'ai jamais osé bouger, faire un seul mouvement, ou dire quoi que ce soit. Je me retenais même de respirer, je gardais les yeux clos et je me persuadais que c'était un cauchemar, que c'était dans ma tête. Car mon père a toujours cette emprise, ce pouvoir oppressant sur moi qui me réduisait au néant complet. Et je suis certain, qu'aujourd'hui, même en tant qu'adulte qui apprend encore à se reconstruire, je serais incapable de lui tenir tête.
– Louis il a eu peur parce que... parce que j'étais trop longtemps dans la salle de bains, sauf que j'étais en larmes, je paniquais, je tremblais, j'avais vomi et... et... je ne voulais pas qu'il me découvre ainsi... je m'étais enfermé dans la pièce et je... il me demandait d'ouvrir la porte mais... mais je n'ai pas pu...
C'est une vague d'angoisse qui a déferlé sur moi et j'ai été pétrifié sur place, je me suis laissé emporter, je n'ai rien fait pour m'empêcher de me noyer. Au contraire, je suis resté sous l'eau, parce que c'était plus simple que d'affronter la réalité, la souffrance, et tous les bruits du monde. C'était plus simple que de faire face à mon reflet et tous mes défauts, mes vices, mes travers qui se cachent sous ma peau.
Mais le résultat, c'est que j'ai blessé Louis, je l'ai effrayé, je l'ai fait fuir. Qu'il ne voudra certainement ne plus jamais me revoir. Et au fond, c'est juste ce que je mérite.
– Je... J'ai été horrible avec lui, je lui ai demandé de partir de... de me laisser... alors que je savais que la seule chose qui allait me faire sentir mieux c'était ses bras autour de moi...
– Oh Harry...
Olivia me serre contre elle tandis qu'un sanglot traverse ma gorge, mais il ne sort pas. Tout reste coincé en moi, et puis je suis trop fatigué.
– Ce n'est pas ta faute tu sais, tu ne peux pas contrôler ce genre de choses, tu ne peux pas effacer ce qui t'es arrivé, c'est en toi. Même si c'est une dure réalité. Tu n'as pas à t'excuser, et je pense que Louis serait du même avis que moi. Il cherche simplement à te comprendre, mais c'est normal que tu aies peur de lui montrer cette part de toi, n'importe ressentirait pareil à ta place. C'est tout à fait légitime.
– Alors pourquoi j'ai l'impression d'être une personne horrible ?
– Harry, avoir des problèmes ne fait pas de toi une personne horrible. Il y a des moments où tu auras l'impression qu'ils auront disparu, tu te sentiras apaisé et heureux, mais c'est aussi ok d'avoir des moments de rechute. La vie n'est pas faite que de noir et blanc, il y a des tas de nuances, tu as le droit au bonheur tout comme tu as le droit de te sentir vide un matin, d'avoir juste envie de rester allongé dans ton lit, caché sous la couverture et ne pas affronter le monde. Il y a des jours avec et d'autres sans, ce n'est pas pour autant que tu es sans coeur parce que tu ressens ces sentiments, au contraire, c'est ça qui te rend humain.
Un léger soupir sort de ma bouche, ce sont des choses que j'essaie de me dire chaque nouveau jour qui se lève. Que j'ai le droit d'aller mal, de me sentir démotivé et hors de moi même, que je ne suis pas obligé de sourire et d'être heureux constamment, mais c'est dur. C'est dur et c'est épuisant d'affronter ses émotions, de mener une bataille permanente avec.
Je ferme brièvement les yeux et murmure d'une voix tremblante :
– Je préférerais ne rien ressentir plutôt que d'avoir l'impression que j'ai perdu Louis à jamais.
Olivia passe ses doigts dans mes cheveux et tourne la tête afin de poser un simple baiser sur mon front.
– Est-ce que tu lui as donné des nouvelles depuis ?
Honteux, je secoue la tête. Je sais que j'aurais dû le faire depuis longtemps, mais je me hais tellement de lui avoir fait du mal, de l'avoir rejeté alors que j'avais besoin de lui autant que lui de moi.
Dans une réalité plus simple, où je n'aurais pas cette tendance à tout détruire autour de moi, je l'aurais laissé rentrer, il se serait mis à genoux, m'aurait pris dans ses bras et bercé jusqu'à ce que mes larmes sèches. Et nous aurions passé la journée à courir après le bonheur, main dans la main.
Je me prends à m'imaginer ça et je me déteste. Je me déteste d'avoir tout gâché.
– Il m'a envoyé des messages depuis ce matin, mais je... je n'ose pas lui répondre...
Moi aussi, j'ai peur du silence.
J'ai peur de ce qu'il pourrait me dire en retour.
C'est fini Harry tu es trop bizarre tu as trop de problèmes j'ai cru que je pourrais y arriver mais je ne peux pas je préfère m'en aller avant que tu nous détruises tous les deux c'est fini je te quitte ne m'appelle plus
– Tu devrais peut-être commencé par ça alors, tu ne crois pas ? Il doit être mort d'inquiétude.
Je me redresse pour enfin regarder Olivia, elle me regarde avec un de ces sourires qui me réchauffe un peu à l'intérieur. J'aurais aimé avoir une mère comme elle, qui prend le temps de m'écouter, qui m'aide, qui me laisse pleurer, qui aime me voir heureux, qui me prend dans ses bras quand ça ne va pas, et quand tout va bien aussi, qui me montre son amour, qui est prête à tout pour mon bonheur.
– Mais qu'est-ce que je peux lui dire ? J'ai... j'ai agis comme un idiot il... il doit me détester...
– J'en doute fortement, elle replace une mèche derrière mon oreille. A mon avis, le mieux à faire c'est d'être honnête avec lui. La communication, c'est le plus important dans une relation Harry, je ne te dis pas de lui raconter tout ce qui te pèse sur les épaules dès maintenant, mais lui laisser une chance de te comprendre.
Les paroles d'Olivia tournent dans ma tête tandis que je baisse les yeux vers mes doigts sur la couverture.
– Je vais aller le voir...
– Maintenant ?
J'acquiesce et me redresse à peine dix secondes plus tard. Olivia me regarde avec un air surprit.
– Oui, j'ai besoin de discuter avec lui, c'est important. J'ai déjà perdu assez de temps...
– Tu veux que je te conduise ?
Elle sort du lit à son tour, j'attrape mon téléphone sur la table de chevet et garde le sweat de Louis sur moi, je n'ai plus qu'à enfiler une paire de chaussures.
– Non merci, je préfère y aller à pieds. Ce n'est pas très loin de toute façon. Et tu en as déjà fait énormément pour moi. Je ne te remercierai jamais assez Olivia.
– Harry, ne dis pas n'importe quoi, c'est normal je n'allais pas te laisser dans cet état là.
Je m'arrête en face d'elle et la prend dans mes bras pour la remercier une nouvelle fois, elle caresse mon dos et je m'accroche un petit moment à son pull. Quand je me recule, l'expression dans ses yeux est remplie de fierté mais aussi très sérieuse.
– Mais tu me tiens au courant d'accord ?
D'un hochement de tête, je lui promets de l'informer. Elle m'accompagne à la porte, je noue les lacets de mes baskets, prends mon trousseau de clefs sur le meuble de l'entrée et me mets en route. Je regarde l'écran de mon téléphone. Il est presque vingt heures trentre. Je n'ai pas une minute à perdre. Mes pas sont rapides et je m'essouffle au bout de cinq minutes à peine, mais je ne ralentis pas pour autant.
L'air du dehors me fait du bien, même si mes yeux me piquent encore un peu, mais j'ai l'impression que tout mon corps se réveille. J'ai le coeur qui bat la chamade et le sang qui pulse sous mes veines.
En moins de dix minutes, je suis devant chez Louis. Je tape le code d'entrée qu'il m'a donné un jour, je pousse la porte, prends l'ascenseur et m'arrête devant la porte. J'entends plus que mon rythme cardiaque qui tambourine jusque dans mes oreilles, il m'assourdit. Puis, j'appuie une fois sur la sonnette.
Je n'ai jamais eu le ventre autant noué d'angoisse. J'hésite à faire demi tour, j'aurais peut-être dû le prévenir ou lui demander avant de débarquer à l'improviste et je me dis que non, c'est trop tard, je ne peux pas me défiler. Que Louis a le droit à des explications, à des réponses. A la vérité. Je retiens mon souffle pendant tout ce temps.
Une minutes plus tard, la porte s'ouvre sur le visage de Zayn. Son visage passe de la surprise au contentement. Il m'adresse un sourire qui me rassure un petit peu.
– Oh, salut Harry.
– Bonsoir, je... excuse moi de déranger aussi tard, mais je voulais savoir si Louis était là ? J'ai... J'ai besoin de lui parler.
– Louis c'est pour toi !
Après avoir crié cela pour Louis, en direction de l'intérieur de l'appartement, Zayn se recule, ouvre plus grand la porte et m'invite à entrer. Je me pince les lèvres et avance jusqu'à arriver au milieu du couloir.
C'est à ce moment là que Louis apparaît, ses cheveux en bataille, les manches de son pull lui tombent jusqu'au bout des doigts et j'ai envie de pleurer tellement je le trouve adorable, tellement il m'avait manqué en l'espace de quelques heures seulement. Il s'arrête de façon brusque quand il me voit, le bleu de ses yeux se fait plus grand, plus clair.
Zayn nous regarde tour à tour, avant d'enfiler une paire de baskets et une veste accrochée au porte-manteaux.
– Je vous laisse à deux, je vais aller faire un tour. Mais je compte sur vous pour que vous soyez en train de vous embrasser quand je reviens.
Il nous lance un clin d'oeil en ouvrant la porte, puis la referme derrière lui une fois qu'il est sorti. Ni Louis ni moi n'esquissons un sourire, parce que nous savons que c'est bien trop sérieux. Le silence tombe à nouveau dans l'appartement, mais pas pour très longtemps.
C'est Louis qui me devance et prend la parole en premier, je cherche encore la meilleure manière de me faire pardonner tandis qu'il me demande d'une petite voix :
– Hey... ça va ?
Et rien que cette question et son ton attendri me donnent envie de fondre en larmes à nouveau. Je ravale ma salive et écoute les conseils d'Olivia, je prône l'honnêteté. Je secoue la tête lentement, les lèvres pincées.
Il n'en faut pas plus à Louis pour venir se précipiter et me prendre dans ses bras. Il s'accroche à moi autant que je m'accroche à lui, peut-être même un peu plus fort. Comme s'il craignait que je l'abandonne. Ses doigts glissent contre ma nuque mais je sens les autres agripper mon sweat, je l'enlace fort, la tête nichée dans son cou.
Je respire son odeur, je respire tout de lui. Tout ce qu'il veut bien encore me donner.
Au bout de quelques minutes à simplement se tenir l'un à l'autre, avec la sensation d'être au bord d'un précipice, je me recule en premier et sens les sanglots se coincer en travers de la gorge. Et même si j'ai affreusement honte, je le regarde dans les yeux quand je me mets à parler.
– Je suis désolé Louis, je suis désolé de ne pas avoir répondu à tes messages je suis désolé pour mon cauchemar et ce qui s'est passé ensuite dans la salle de bain je suis désolé d'avoir tout gâché je suis désolé de t'avoir fait pleurer et fait du mal je suis désolé de t'avoir demandé de partir alors que je voulais que tu restes je suis désolé... Excuse moi, je suis vraiment vraiment désolé, je...
– Harry... Harry calme toi, ce n'est rien. Je t'assure, respire doucement.
Louis interrompt mon bafouillement et mon débit, un peu trop précipité, de parole en prenant mon visage entre ses mains chaudes. Elles semblent réchauffer mon corps entier, et mon coeur aussi. Je renifle et baisse les yeux au sol, tandis que j'essaie de reprendre mon souffle.
Ses pouces caressent lentement mes pommettes, il penche légèrement son visage vers le mien, afin de chercher mon contact. Puis, il murmure tout bas :
– Regarde moi.
C'est ce que je fais, je trouve ses yeux, un océan de bleu et d'étoiles, je ne parviens pas à lire tout ce qui y passe, parce que son regard est toujours tellement vivant. Si bien que ça m'a tué ce matin de m'imaginer l'éteindre à cause de mon comportement.
– Tu n'as pas à t'excuser de quoi que ce soit, d'accord ? J'étais juste hyper inquiet de ne pas avoir de tes nouvelles et de te savoir enfermé dans cette pièce sans que je ne puisse rien faire...
J'appuie ma joue contre la paume de sa main, presque inconsciemment. J'ai besoin de son contact, c'est devenu addictif, réconfortant. Ses mots me serrent la gorge, mais j'ai la sensation de laisser échapper un souffle que je retenais depuis son départ ce matin.
– Je ne voulais pas... je te jure je ne voulais pas mais...
Ma voix se brise et je secoue doucement la tête, Louis ne lâche pas mon visage, il continue de caresser mes pommettes tout en maintenant mon regard.
C'est ce que j'aime le plus chez lui, il me comprend et il me voit, il me voit réellement. Mais c'est aussi pour ça que j'ai tellement peur de lui montrer celui que je suis vraiment, un être plein de failles et de peurs, sous toutes ces couches de passé qui s'accumulent et nourrissent mes angoisses depuis des années.
Louis ne s'est jamais contenté de me regarder, il a su lire en moi. Je ne saurais pas comment l'expliquer, c'est juste dans sa manière dont ses yeux s'ancrent dans les miens, dont ils cherchent à se faire une place au plus profond de mon âme. Sans que ce ne soit toxique ou étouffant, mais juste assez pour je n'oublie jamais le bleu de son regard à lui.
– Et tu ne peux pas savoir comme je m'en veux, je t'ai crié dessus et... j'étais juste... je sais que ça n'excuse rien mais je me sentais vraiment vraiment mal, et je... je ne voulais pas que tu me vois comme ça.
Qu'il assiste à une de mes crises d'angoisse, qu'il me découvre au pire état de moi même, coincé entre le cauchemar et le passé.
L'expression de Louis devient d'un coup très sérieuse.
– S'il y a bien une chose dont je me fiche Harry c'est de te voir pleurer.
Mais moi, je ne souhaites pas qu'il me voit avec des larmes qui dévalent sur mes joues, en train de suffoquer parce que je pense à mes traumatismes d'adolescent qui me hantent encore.
Ses doigts glissent dans mes boucles, j'ai toujours mes bras autour de ses hanches, nos corps sont collés, parce que moi non plus je ne veux pas le laisser partir, même si je l'ai supplié de le faire ce matin, par peur et désespoir.
– Ma mère m'a toujours répété que la plus belle force d'une personne était d'être vulnérable, et je crois que c'est vrai parce que tu montres que tu es profondément humain. Il n'y a pas que les belles sensations qui te font exister, mais aussi les larmes, les souffrances, même si ce n'est pas agréables. Mais elles sont là pour te faire profiter davantage de ce qu'il y a de plus beau dans la vie.
J'inspire et sans vraiment réfléchir, je lui réponds :
– C'est toi, la plus belle chose dans ma vie Louis.
Ma spontanéité me surprend moi même, mais tout ce que je souhaite lui donner est la vérité et s'en est une. J'ai mon coeur qui s'emballe à mes propres mots, au fait que je viens réellement de lui dire cela à voix haute.
Il y a quelques mois, je n'aurais jamais imaginé en être là aujourd'hui, aux côtés d'un homme si bienveillant et lumineux. Je n'aurais jamais pensé trouver une part de lumière et de bonheur en une autre personne, parce que ça m'effrayait de m'attacher, de prendre le risque de souffrir, d'avoir le coeur brisé, mais avec Louis c'est simple, naturel, évident.
Ses joues se mettent à rosir et le sourire qui fend ses lèvres rallume toutes les étoiles dans mon ciel sombre. Il joue avec mes cheveux et se mord la lèvre inférieure avant de m'avouer, dans un murmure :
– Tu es la mienne aussi.
Puis, la seconde d'après, je l'embrasse. C'est moi qui fait le premier pas et clos le peu de distance entre nos bouches afin d'initier ce baiser lent et tendre, remplit d'une douceur qui me fait trembler le coeur à chaque fois. Il n'y a pas d'explications, c'est juste l'effet qu'à Louis sur moi, il apaise toutes mes craintes et mes douleurs.
Je pourrais pleurer tant cela me procure du bien, me réconforte. Je me recule au bout d'un moment afin de reprendre mon souffle, Louis a ses doigts sur ma nuque, dans mes cheveux, et il passe sa langue entre ses lèvres avant de reprendre la parole.
– Et sache que je serais toujours là pour toi, Harry, dans les bons comme dans les mauvais moments. Je veux être présent pour te tenir dans mes bras et te rassurer quand ça ne va pas, mais aussi te tenir la main et t'embrasser parce que je suis fier d'être avec une personne aussi formidable que toi.
Cette fois, c'est pour une toute autre raison que les larmes me montent aux yeux. Ses mots m'émeuvent et font l'effet d'une vague d'amour en moi. Je murmure son prénom, il me sourit puis pose son front contre le mien.
Mes bras se serrent autour de sa taille et je l'enlace encore, jusqu'à ce que les battements de mon coeur reprennent un rythme normal. Je me recule pour le regarder, sans toutefois desserrer mon étreinte.
– Je ne sais pas si... ce qui est arrivé ce matin, c'était à cause de mon cauchemar, et je te remercie de m'avoir aidé, d'avoir été là à mon réveil pour me dire que ce n'était pas réel. Et je... je ne sais pas si je serais capable de te parler tout de suite de ce qui ne va pas, c'est... c'est très dur et pour l'instant il n'y a qu'Olivia qui connaît une partie de l'histoire, je... et puis je me sens tellement honteux de ne pas avoir répondu à tes messages, mais je ne savais pas quoi te dire et je voulais... je...
– Tu m'en parleras quand tu t'en sentiras prêt, d'accord ? M'interrompt Louis d'une voix douce en caressant ma nuque. Il n'y a rien qui presse, je serais toujours à tes côtés pour t'écouter dans tous les cas. Tout ce que je veux, c'est que tu comprennes que tu n'es pas obligé d'affronter ça tout seul.
J'acquiesce, parce que, même si c'est compliqué, je suis prêt à faire cet effort là pour lui. Il pose un baiser sur mon menton, je ferme brièvement les yeux et lui dis tout bas :
– Merci Louis...
Ses doigts passent contre ma joue. Nous sommes toujours dans l'entrée, mais je n'ai aucune envie de faire demi-tour, de le laisser aussi vite. Nous aurions dû passer cette journée au lit, j'aurais préparé le déjeuner, et ensuite nous serions allés nous balader au parc.
Louis semble lire dans mes pensées, car il me regarde avec un léger sourire en prenant la parole.
– Reste... Reste dormir ce soir. Je te conduirais au travail demain matin, je n'en ai rien à faire de me lever tôt, je veux juste passer la nuit avec toi.
J'ai mon coeur qui s'allège à l'idée de passer encore quelques heures à ses côtés et rattrapé ce temps perdu de ma faute.
– Si ça ne dérange pas Zayn ?
– Il s'en fiche, il préfère ça plutôt que je passe ma soirée à parler de toi parce que tu n'es pas là.
Un sourire se dessine sur mes lèvres, Louis se recule et semble prendre cela pour un oui car il lie nos doigts ensemble et m'emmène avec lui au salon. La télévision est allumée, à un volume assez bas, les guirlandes autour de ses bibliothèques sont allumées et ce détail me fait presque sentir comme chez moi.
– Tu as mangé ?
Je secoue la tête, je n'ai rien avalé depuis hier soir. Je n'ai eu ni l'envie ni la force de me prendre une seule bouchée. Il y a une heure encore, la simple idée de nourriture me donnait la nausée.
– Viens, j'ai des restes de pâtes et de légumes d'hier midi. Tu en veux un petit peu ?
– Avec plaisir, merci.
Louis tire légèrement sur ma main et je le suis en cuisine. Il me laisse m'asseoir au comptoir ud plan de travail pendant qu'il me ramène mes couverts et les restes qu'il fait réchauffer, même si j'insiste pour l'aider, mais il refuse que je me lève.
Tandis que j'entame mon assiette à ma faim, Louis me parle des manuscrits qu'il est en train de corriger pour son travail. Je ne mange pas grand-chose car j'ai le ventre encore un peu noué, mais ça me fait du bien, ça me remplit d'une chaleur douce. Je bois un grand verre d'eau, Zayn rentre à ce moment là, il nous lance un regard et nous sourit, avant de se mettre derrière son synthétiseur.
Après l'avoir aidé à débarrasser, Louis propose que nous allions dans sa chambre, j'acquiesce. Nous avons tous les deux besoin de repos et de calme. La musique de Zayn nous accompagne, même une fois la porte repoussée.
Louis allume sa lampe de chevet, ses rideaux sont déjà tirés. Il me prête des vêtements pour la nuit et me laisse aller dans la salle de bains. Quand je reviens, il est changé lui aussi. En attendant qu'il aille se brosser les dents, j'envoie un message à Olivia pour la prévenir que la situation est arrangée, que nous avons parlé et que je reste dormir chez lui ce soir.
A peine deux minutes plus tard, mon portable vibre et elle me souhaite de passer une bonne soirée. Je souris. Louis s'assoit à côté de moi dans le lit, il se glisse sous les couvertures et une fois allongés tous les deux, je l'attire dans mes bras. J'embrasse son front puis l'enlace de toutes mes forces, parce que ce soir c'est lui qui a besoin d'être tenu.
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