32.

Olivia.

Harry ouvre la porte du salon de thé, je la referme derrière moi. Il allume les lumières, comme nous avons baissés les stores. Nous venons de rentrer des deux visites d'appartement. Elles ont duré un petit moment, nous avons tout regardé en détail avec Harry, afin de s'assurer que chaque chose soit aux normes. L'agent immobilier nous a expliqué ce qu'il y avait à savoir sur le fonctionnement des deux différents immeubles, le voisinage et tout ce qui concerne le loyer et les charges.

Évidemment, j'ai proposé à Harry de l'accompagner aujourd'hui. Je l'ai aidé dans ses recherches et il m'a confié qu'il serait plus à l'aise et rassuré si je venais effectuer ces visites avec lui. Quand nous avions terminé, la femme qui se charge du dossier de Harry nous a demandé de la tenir au courant si nous nous arrêtions sur un choix. Mais que la décision ne devait pas traîner parce que ce genre d'appartements se louent très vite.

Harry semble encore en pleine réflexion, c'est un grand changement pour lui vers le chemin de sa propre liberté. Il ne veut pas faire les choses de manière précipitée ou légère, c'est un premier pas important vers sa nouvelle vie qu'il doit franchir. Ce n'est donc pas une décision facile.

Étant donné que nous avons décidé de fermer le salon de thé, après quinze heures, pour effectuer tranquillement ces visites sans avoir à laisser toute la clientèle à Noé et Lili, je me tourne vers Harry et lui propose :

– Tu veux qu'on se pose pour boire quelque chose ?

– D'accord, il acquiesce en me souriant, je nous sers. Qu'est-ce que tu prends ?

– Un caramel macchiato s'il te plaît.

Pendant que Harry se charge des boissons, je prends des restes des viennoiseries de ce matin encore sur une plaque, une tartelette à la framboise pour Harry et un muffin aux myrtilles pour moi. Je les pose sur un petit plateau, Harry y met ma tasse et son thé vert matcha à côté. Nous montons cela à l'appartement, Hadès vient miauler entre nos jambes. Harry le prend sur ses genoux une fois qu'il est installé dans le canapé et lui caresse son dos.

Je m'assois à côté de lui et prends ma tasse entre mes mains. Le café est encore chaud, je souffle légèrement dessus puis bois une gorgée qui me réchauffe le corps. Depuis quelques jours, le froid est mordant, c'est pour cette raison que je garde mon pull à l'intérieur.

– Alors, les appartements t'ont plu ?

Tandis que mon chat ronronne sur ses genoux, Harry appuie s'installe confortablement contre le dossier du canapé et hoche la tête.

– Oui, surtout le dernier. Il a l'air d'avoir beaucoup de lumière naturelle et d'espace.

– Effectivement. Tu penses prendre celui-ci ?

Il se pince les lèvres, je repose ma tasse dans le plateau. Cela fait déjà plusieurs semaines qu'il regarde les annonces internet à la recherche du meilleur appartement, qui rentre dans son budget et lui convient aussi. Je comprends que maintenant il est juste envie de se poser quelque part et de prendre sa réelle indépendance.

– Je peux savoir quel est ton avis ?

Je lui souris et acquiesce, ma réponse ne tarde pas, parce qu'il a besoin d'entendre qu'il prend les bonnes décisions.

– Moi aussi je trouve que le deuxième appartement est mieux. Non seulement il est encore plus proche du salon, mais c'est dans un endroit tranquille, et tu as un ascenseur et puis le loyer est un peu moins cher.

Un soupir sort de sa bouche, il passe une main dans ses cheveux puis saisit sa tasse de matcha, il boit une courte gorgée, c'est à peine s'il trempe ses lèvres dedans.

– C'est assez angoissant de prendre une telle décision. J'ai l'impression que tout ma vie est en jeu.

– Je suis d'accord, mais c'est normal. Moi aussi j'ai eu peur le jour où j'ai dû prendre mon indépendance, je craignais de ne pas réussir, de me retrouver à la rue. Seulement, tu as un travail, des revenus et surtout des personnes sur qui compter, c'est ça le plus important. Tu n'es pas tout seul dans tous les cas, et si jamais tu ne t'en sors pas, moi je serais toujours ravi de t'accueillir ici.

Il lève son visage vers le mien et me sourit, il me remercie d'une voix faible mais je sais qu'il y met tout son coeur. Sans mon aide, il serait peut-être dans une situation beaucoup plus délicate, et je suis heureuse qu'il ait su m'en parler à temps.

– Tu sais, quand on est rentré dans l'appartement, je me suis tout de suite vu vivre dedans...

– Un coup de coeur ?

– Oui, il regarde son thé et ajoute d'une voix lente, j'aime le parquet, l'agencement du salon et de la cuisine, le fait que j'ai ma propre chambre séparée du reste de l'appartement, la vue n'est pas trop mal non plus et je n'aurais pas à prendre la voiture pour venir au travail.

– Dans ce cas, ne te poses pas trop de questions, Harry. Tu as entendu l'agent, ce sont des biens qui partent très vite, il faut suivre ton instinct.

Hadès ne bouge pas de ses genoux quand il se penche pour reposer sa tasse à côté de la mienne, nous n'avons pas encore touché à nos pâtisseries mais je pense qu'il y a plus important dans nos esprits maintenant.

Pendant de longues secondes, Harry reste silencieux. Il fait tourner les bagues autour de ses doigts, se pince la lèvre entre son index et son pouce puis se tourne finalement vers moi, les yeux pleins d'espoir.

– Tu crois qu'on peut appeler l'agence maintenant ?

Sa question me fait sourire, je suis extrêmement fière de lui, et aussi contente qu'il puisse enfin se trouver un endroit à lui, où il se sentira apaisé. J'ai tout fait pour le mettre à l'aise dans mon petit appartement, mais nous savions tous les deux que ce n'était que temporaire, même si j'ai adoré avoir sa compagnie chaque jour. Harry est une présence silencieuse et rassurante. Aujourd'hui, il s'envole de ses propres ailes, et je crois qu'il peut aller très très haut, dépasser les nuages.

– Bien sûr, je lui souris, tu veux que je le fasse ?

Il sort son portable de sa poche, Hadès descend de ses cuisses pour venir près de moi et se rouler en roule contre ma hanche.

– Non, il secoue la tête, non merci mais je vais le faire.

J'acquiesce et lui lance un sourire d'encouragement, car je sais comme c'est dur pour lui de prendre de telles initiatives, d'appeler directement une personne sans ressentir une forme d'angoisse. Harry se lève du canapé, il me fait signe qu'il revient et s'éclipse dans sa chambre le temps de passer son appel. En attendant son retour, j'allume une bougie sur la table basse, sers un bol de croquettes à Hadès et allume la télévision en fond, le son au minimum.

Au bout de cinq bonnes minutes, Harry revient. Il s'assoit à côté de moi, son téléphone toujours en main et m'annonce la nouvelle. Je sens tout le soulagement dans sa voix, plus légère et claire.

– Elle m'a donné rendez-vous demain à onze heures dix pour voir une dernière fois l'appartement, signer les papiers et tout mettre en place.

– C'est génial Harry !

Je tends ma main et la pose sur le dos de la sienne, il la retourne afin de serrer mes doigts. Il ne se rend pas encore totalement compte de ce que ça signifie pour lui, le début de sa nouvelle histoire.

– Je peux venir avec toi si tu le souhaites ?

– Si ça ne te dérange pas ?

– Je te le propose Harry, c'est avec plaisir.

Il me sourit, en signe de remerciement. Ses yeux brillent sous l'émotion, Hadès miaule entre nous deux et ça nous fait rire. Après ça, nous décidons de manger nos pâtisseries et profiter de ce moment de repos.

Harry doit penser à énormément de choses ces derniers temps, sa recherche d'appartement, son déménagement, ses parents, et pourtant il continue à se donner à cent pourcent au travail et nous confectionne toujours de nouvelles recettes. Certes, il a l'air moins fatigué qu'avant, mais il semble s'imposer un rythme intense. Il mérite enfin de prendre du temps pour lui.

Quand il termine sa tartelette, il pose l'assiette vide sur sa cuisse et pousse un soupir d'aise. Hadès vient lécher quelques miettes qui y restent, Harry lui caresse le dessus de la tête, un petit sourire sur les lèvres.

– J'ai l'impression d'avoir un poids en moins sur la poitrine... mais je crois que j'aurais l'esprit tranquille uniquement quand je serais dans cet appartement.

– C'est certain, je lui réponds, mais je suis fière de toi, réellement. Tu as accompli tellement de choses ces derniers mois, tu mérites de mener ta propre vie.

Il lève la tête vers moi et je vois dans son regard à quel point mes mots comptent pour lui, il inspire lentement et souffle :

– Merci Olivia...

Je sens l'émotion dans sa voix, ça me donne presque les larmes aux yeux. Harry est un peu comme le fils que je n'ai jamais eu. Je veux le protéger du monde entier et ça me fait quelque chose de le voir réussir.

Et je ne lui demande pas, c'est lui qui vient trouver une place dans mes bras. Hadès saute du canapé, l'assiette est toujours sur la cuisse de Harry. Ma main caresse son dos et il se laisse aller, il pleure silencieusement, libère ses larmes. Je ne pense pas que ce soit de la tristesse, mais plutôt un soulagement énorme, d'enfin connaître la liberté qu'il attendait tant.

Quand il se détache, je pose un baiser sur son front, il me remercie encore, la voix frêle. Je lui souris et il fait de même, un vrai sourire, qui fait briller son regard.

Ensuite, pendant que je me charge de laver notre vaisselle vide, Harry va prendre une douche rapide. Il revient, changé dans des vêtements plus confortables, et les cheveux humides, certains mèches sont rassemblées dans un petit chignon au-dessus de sa tête. Je me sèche les mains, il s'assoit autour de la table de la salle à manger et pose des flacons de vernis à ongle et du dissolvant.

– Est-ce que tu pourrais m'aider ?

Je lui souris et viens m'asseoir en face de lui, il me remercie. Hadès s'est confortablement installé dans le canapé, il ronronne depuis plusieurs minutes déjà. Harry retire le reste de couleur sur ses ongles à l'aide d'un coton imbibé de dissolvant. Il les laisse sécher un petit moment, puis me tend ses mains, à plat sur la table, afin que j'applique le verni de son choix, un rose pâle.

Pendant que je m'occupe de ses doigts, il me regarde faire avec un petit sourire sur les lèvres. Je lui jette un coup d'oeil et lui dis quelque chose que j'ai déjà remarqué depuis un bout de temps.

– Tu as l'air plus apaisé en ce moment.

Un léger silence. Puis il répond, sans vraiment hésiter :

– Oui, je me sens bien.

Et ça se sent, dans la légèreté de sa voix, dans la façon dont son visage s'illumine davantage ces derniers jours. C'est un contraste assez frappant avec le Harry que je connais il y a deux mois encore.

Je termine sa première main, très appliquée dans ma tâche, à ne pas déborder. Je passe à la deuxième, il garde ses doigts écartés afin que le verni sèche. Il se mord la lèvre avant de reprendre la parole.

– Et j'ai... j'ai quelque chose à te dire, en fait.

– Je t'écoute.

Je lui jette un rapide regard et lui souris, ses pommettes semblent se mettre à rougir. Je passe le pinceau fin contre son index.

– Louis... il n'est plus seulement mon ami.

– Oh Harry, c'est une très belle chose !

Ses lèvres s'étirent dans un sourire timide. C'est une nouvelle qui me remplit le coeur de joie, même si à la manière dont ils se comportaient tous les deux, je commençais à avoir mes doutes.

– Tu es la première personne à le savoir.

Les mots de Harry me touchent davantage, je pose tends ma main libre pour passer mes doigts contre sa joue et dans ses cheveux en souriant.

– Je te remercie de me l'avoir confié, je suis vraiment très heureuse pour toi Harry. Tu mérites d'être heureux, et à en croire les quelques fois où j'ai pu vous voir ensemble, il m'a l'être d'être une personne qui fait ton bonheur.

– C'est le cas, il souffle, et j'espère vraiment que je fais le sien aussi.

– Je n'en doute pas.

Même si Harry n'a pas confiance en lui, j'ai toutes mes certitudes qu'il a le droit à une belle histoire d'amour. Toutes les choses qu'il a vécu ne sont pas un obstacle à son bonheur, au contraire, elles le rendent plus fort.

– Mais, j'ai tellement peur de le perdre maintenant... je tiens à lui et je... je n'ai pas envie de gâcher notre relation avec toutes mes histoires, mes défauts et... de le faire fuir...

Je termine de vernir son avant dernier doigt et lève les yeux vers lui, ses sourcils sont légèrement froncés et il concentre son regard sur mes gestes, perdu dans ses pensées.

– Harry, s'il t'apprécie autant, il aimera aussi toutes les parties de toi, même les plus sombres. Une relation ce n'est pas seulement les beaux moments, mais également se soutenir l'un l'autre dans des temps compliqués.

Il acquiesce, parce qu'il comprend, bien que pour lui ce soit encore une épreuve d'ouvrir son coeur à une autre personne et la laisser voir ses blessures. Je sais que je ne connais pas tout de lui, de son histoire, son passé. Ce que j'en connais déjà me tord le ventre.

Mais ce n'est pas seulement une histoire de confiance, Harry a été pendant trop longtemps habitué et enfermé dans le silence. Parler n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît.

– Tu sais quand nous sommes allés en week-end à deux, à la mer ?

– Oui, je m'en souviens.

Je me souviens surtout d'à quel point il avait l'air heureux et épanoui à son retour, comme s'il avait pris le temps de respirer. Il ne m'a jamais vraiment raconté en détails ce qui s'y était passé, il m'a parlé de l'exposition, de l'océan et de ce qu'ils ont mangé, mais sans jamais aborder directement Louis et ce qu'ils ont fait ensemble, ces deux jours.

– Il m'a embrassé là-bas, ou c'est moi je ne sais pas trop. Peut-être un peu nous deux, mais je n'ai jamais... il me fait ressentir des tas de choses Olivia, et il y a quelques mois j'aurais été effrayé de laisser mes émotions prendre le dessus sur moi.

Le sourire qui était sur mes lèvres s'étire davantage à son aveu, car ce ne sont pas des mots anodins, choisi au hasard. Il exprime ce qui se passe à l'intérieur de sa poitrine, là où tout est pur, réel, sans mensonges.

Et aux yeux de certains, un baiser pourrait paraître simple, mais pour lui ça signifie énormément. Ce n'est pas un geste qu'il offrirait à n'importe qui, il fait assez confiance à Louis pour lui laisser une place dans sa vie.

– Mais aujourd'hui, j'ai envie d'écouter mon coeur et d'essayer. J'ai envie de réussir avec lui, de me laisser une chance.

– Parce que tu as trouvé une bonne personne qui te comprend. Et c'est tout ce que je te souhaite, d'être heureux.

Je referme le flacon de verni une fois que j'ai terminé de l'appliquer. Harry inspire, il regarde ses doigts, puis lève les yeux vers moi. Il me remercie, mais je comprends que ce n'est pas simplement pour l'avoir aidé à se colorer les ongles.

Il garde ses mains sur la table, je passe une couche de verni transparent pour que ça adhère mieux. La télévision continue d'aller en fond, mais aucun de nous n'a réellement envie de s'y intéresser. Après ça, il les laisse sécher et je commence à nous préparer un dîner, l'odeur des légumes remplit la pièce.

Harry s'installe dans le canapé avec un livre, toujours le même qu'il emporte partout avec lui. Vers dix neuf heures trente, nous mangeons devant une émission de pâtisserie, celle que Harry peut regarder en boucle. Je lis le journal d'aujourd'hui, à moitié captivée par la télévision. Il déguste son bol de nouilles, tout en répondant à quelques messages sur son téléphone entre deux bouchées. Et son sourire, bien que discret, ne m'échappe pas.

A la pub, il pose ses couverts sur la table et son portable à côté de sa serviette. Il s'essuie la bouche, bois une gorgée d'eau froide et me demande au bout de plusieurs minutes de silence :

– Est-ce que... est-ce que tu voudrais le voir ?

Je fronce les sourcils en le regardant, tandis que je tourne la fourchette afin d'attraper mes dernières nouilles.

– Louis, je veux dire. Tu voudrais que je te le présente vraiment, ici, un de ces jours ?

– Ce serait avec un immense plaisir Harry !

Son sourire lui arrive presque aux oreilles. Je crois que c'est important à ses yeux que je rencontre Louis, parce que je n'ai eu l'occasion que de le voir et échanger quelques rapides mots avec lui lorsqu'il venait chercher Harry au travail ou passait le voir.

– Je suis impatiente d'apprendre à le connaître davantage. Tu n'as qu'à l'inviter à dîner ?

– D'accord, je vais lui proposer.

Il se redresse, pose un baiser sur ma joue et débarrasse sa table. Il se charge de la vaisselle, je termine de feuilleter le journal dans le canapé et il vient me rejoindre devant la télévision une fois qu'il a terminé.

De tout le reste de la soirée, son sourire ne quitte jamais réellement ses lèvres. Il a cet air sur son visage qui ne trompe pas, celui d'une personne qui aime et se sent aimé en retour.

Le bonheur, pour lui, n'est plus si loin. Je dirais même qu'il commence à le toucher.

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