31.
Harry.
Quand je sors du salon de thé, Louis m'attend déjà, appuyé contre sa voiture, une main dans la poche de sa veste en jean qui ne le quitte jamais et une cigarette entre les doigts. Il la porte à sa bouche, elle s'étire dans un sourire quand il me voit arriver. Les rayons du soleil pleuvent sur lui et donnent à ses cheveux la couleur d'un caramel. Je ferme derrière moi, même si Olivia est à l'appartement.
Louis écrase sa cigarette à terre lorsque j'arrive devant lui, le bleu de ses yeux est encore plus vif que d'habitude. Je ne sais pas si c'est à cause du temps particulièrement beau aujourd'hui, ou le bonheur qui habite son visage depuis quelques jours déjà, mais ça lui va à ravir. Il glisse une main sur ma nuque, toujours adossé contre la voiture, mon sourire répond au sien et il m'embrasse de la plus tendre des façons. Ses doigts ont pris l'habitude de se perdre dans mes cheveux, pourtant je frissonne à chaque fois que je les sens passer entre mes boucles et de temps en temps s'y accrocher un peu.
Il a l'odeur de l'été, des fleurs en pleine éclosion et des promesses éternelles. Il y a le goût de la cigarette qui reste sur le bout de sa langue, mêlée à une fraîcheur mentholée, mais ça ne me dérange pas. Pas quand il m'embrasse comme s'il n'y avait pas de lendemain. Au contraire, je savoure la moindre petite seconde de ces baisers qui me laissent toujours pantelant.
– Salut toi.
– Salut, je souffle près de ses lèvres tandis que son pouce froid caresse ma joue, tu vas bien ?
– A merveille, et toi ?
– Moi aussi.
Son sourire m'éblouit, il pose un baiser contre mon menton, se recule et m'ouvre la portière du côté passager. Je le remercie, il me laisse la fermer et va s'installer derrière le volant. Il me laisse choisir la musique sur son téléphone, lance le GPS dans lequel il a rentré l'adresse de Léonie puis se met en route une fois que nous sommes tous les deux attachés.
Pendant qu'il conduit, silencieux et concentré sur sa route, je me prends à l'observer, détailler son profil, la forme arrondie de son nez, les tâches de rousseur autour de ses pommettes, les quelques grains de beauté qui descendent dans son cou, la manière qu'ont ses cheveux de vouloir caresser son visage. Sa beauté a quelque chose de délicat, de subtil, des détails minutieux comme si il avait été crée avec toutes les petites étincelles de l'univers pour faire de lui une comète.
Je ne me suis même pas rendu compte que je retenais mon souffle tout ce temps, c'est seulement lorsqu'il tourne son regard vers moi, à un feu rouge, un bleu aussi clair que celui de la mer en été, que je respire. Un sourire amusé habille le coin de ses lèvres, il fronce légèrement les sourcils et me demande :
– Pourquoi tu me fixes comme ça ?
C'est si facile avec Louis, je n'ai pas besoin d'avoir peur de mes mots, je n'ai pas besoin de les peser, il les écoute et les comprend toujours.
– Je te trouve très beau.
Je ne sais pas lequel de nous deux rougit le plus, je ne détourne pas les yeux pour autant, je n'en ai pas envie. Il jette un coup d'oeil au feu, toujours rouge, puis me regarde à nouveau. Je veux me souvenir de son visage et de son sourire le plus longtemps possible, la façon dont ses yeux donnent vie à tout ce qui l'entoure.
– Merci Harry, je te retourne le compliment.
Il attrape doucement ma main, posée sur ma cuisse et la serre dans la sienne, d'une manière délicate, avant de démarrer.
– J'aime beaucoup cette couleur.
Sa voix est douce, il me faut un petit moment pour comprendre qu'il parle de mes ongles. Du nouveau verni que j'ai appliqué hier soir. Un vert menthe à l'eau, légèrement bleuté, pastel. Il passe son pouce contre, je regarde ses doigts se lier aux miens tandis que la chaleur me monte davantage aux joues.
– Oui, moi aussi, je souffle, ça m'a fait penser à tes yeux.
– Mes yeux ?
Même si ses lèvres s'étirent dans un sourire encore plus prononcé et tendre, je remarque ses sourcils qui se froncent. Et moi je n'ai jamais autant rougi de toute mon existence.
– Quand il y a du soleil et que tu es entouré de couleurs claires, ils prennent cette nuance là. C'est joli.
Louis me sourit, encore, jusqu'à ce que le coins de ses yeux se plisse et je crois que pour la première fois depuis que nous nous connaissons je le laisse sans voix. Il serre mes doigts davantage et me caresse le dos de la main avec son pouce. C'est seulement quand il s'arrête à un autre feu rouge qu'il se penche vers moi et m'embrasse, rapidement, j'ai à peine le temps d'y répondre, mais c'est excessivement doux.
– Merci, c'est la plus belle chose qu'on m'ait jamais dite.
Mon coeur s'emballe, parce qu'il me regarde droit dans les yeux, comme s'il pouvait lire dans mon âme. Il me vole un second baiser, puis reprend sa route. Je laisse échapper un léger soupire de contentement, mes doigts restent entrelacés aux siens tout le long du trajet.
Au bout d'une vingtaine de minutes, nous arrivons à la bonne adresse. La voiture se gare devant le portail d'une belle maison en brique, Louis coupe le moteur et nous sortons tous les deux. Je suis Louis, il appuie sur la sonnette au niveau du portail, Léonie apparaît sur le perron, un grand sourire sur les lèvres et un tablier noué autour de sa taille. Elle franchit les quelques pas qui la séparent de nous, ouvre la barrière et nous laisse entrer.
Une fois les salutations faites, elle nous fait traverser une magnifique jardin, orné de quelques petits statues en pierre. Cet endroit doit être tellement fleurit et coloré en été. La main de Louis se pose dans mon dos lorsque nous arrivons à la porte, il nous laisse passer, Léonie et moi, en premier. Je lui souris en guise de remerciement.
– Je vais vous débarrasser de vos manteaux, reprend Léonie, et ensuite nous pourrons aller prendre le thé dans la véranda si ça vous va ? Je viens juste de mettre l'eau à bouillir.
– C'est parfait, merci beaucoup.
Louis est tout sourire, il retire sa veste en jean, moi mon manteau et mon écharpe. Léonie les accroche à des cintres et nous invite à la suivre, nous passons dans son salon, décoré de plantes vertes, de meubles en bois, des vieux bibelots, des bougies, une bibliothèques de livres devant laquelle Louis s'attarde un peu plus.
Quant à la véranda, elle est sublime. Un toit et des murs en verre. Baignée dans la lumière du soleil qui inonde les plantes posées un peu partout, il y en a pas mal, mais pas au point que ça devienne étouffant. Un chat au pelage gris est roulé en boule dans un fauteuil, il y a la vaisselle en porcelaine déjà disposée sur la table, trois tasses sur des petites assiettes, un plateau avec du sucre, du lait et des petites pâtisseries.
– Asseyez-vous, je vous en prie.
Je lance un regard à Louis qui s'installe sur la chaise devant lui en souriant, je choisis sans vraiment réfléchir celle à sa droite et Léonie prend place en face de nous. Les sièges ont des coussins et c'est très confortable.
– C'est une très jolie maison que vous avez là.
La voix de Louis s'envole dans l'air tandis que son regard vagabonde partout autour de lui. Et je suis entièrement d'accord avec ses propos.
– Tu peux me tutoyer Louis, lui glisse Léonie en souriant. Et je te remercie merci, j'y ai passé une très grande partie de ma vie. J'y ai vécu tellement de souvenirs, mais maintenant elle me paraît bien trop immense pour moi toute seule. J'y reçois mes petits enfants quelques fois mais c'est de moins en moins souvent, ils grandissent, leurs parents se sont éloignés, mais je ne voudrais partir d'ici pour rien au monde, c'est mon endroit préféré.
– C'est vrai que c'est un joli coin, affirme Louis, mais tu ne t'ennuies pas des fois ?
– J'ai toujours des choses à faire, un peu de ménage, tricoter, m'occuper des plantes, de mon chat Cali elle demande beaucoup d'attention, je lis aussi, je m'occupe de la pâtisserie aussi maintenant.
Elle me lance un clin d'oeil, je souris, parce qu'elle a été ma première inscrite lorsque j'ai lancé ces cours il y a presque deux ans. Sans elle, je n'aurais peut-être jamais poursuivit ce projet j'étais tellement démoralisé à l'idée que personne ne veuille y assister. Mais au final, les intéressés se sont inscrits petit à petit et aujourd'hui nous avons une belle petite équipe, qui je l'espère s'agrandira encore au fil des mois à venir.
Louis et Léonie discute un petit moment des livres qu'ils apprécient tous les deux, même si elle n'est pas une aussi grande lectrice que lui mais ils se trouvent un amour partage pour le roman Jane Eyre et ça me fait sourire de voir que Louis ne perd jamais son enthousiasme. Un petit bruit provenant de la cuisine les interrompt dans leur conversation, et je m'étais perdu à observer la manière dont le visage de Louis s'illuminait. Léonie se redresse tout en s'exclamant :
– Oh c'est le thé !
– Je vais le chercher, reste assise.
Et Louis est déjà debout avant même de terminer sa phrase. Les traits de Léonie s'adoucissent.
– Mais tu es l'invité.
– Raison de plus.
Après un léger clin d'oeil, accompagné de son éternel sourire, Louis s'éclipse en cuisine. Je regarde quelques secondes de plus la porte où il vient de disparaître, j'ai l'impression d'être entouré de son odeur, partout sur moi.
– C'est vraiment un jeune homme exceptionnel, c'est rare de trouver des personnes comme lui de nos jours.
Je tourne la tête vers Léonie, elle essuie le verre de ses lunettes à l'aide du bas de son pull, puis les remet sur son nez arrondi. Je ne réponds pas, parce que je ne sais pas réellement ce que je suis sensé dire, si elle a deviné ce qu'il y avait entre Louis et moi, si moi même je possède des mots assez forts pour exprimer ce que je ressens à son égard.
– J'allais te donner le conseil de bien t'accrocher à lui, mais je crois que ce n'est pas vraiment nécessaire. Il m'a l'air assez décidé à ne pas te laisser tomber de son côté non plus.
Sa dernière phrase tourne dans ma tête et je me pince les lèvres sans réellement m'en rendre compte. Comme à chaque fois que je suis nerveux, je me mets à jouer avec mes bagues, les tirer et les faire tourner autour de mes doigts.
J'ai envie de lui dire que je ne compte pas abandonner Louis, mais que c'est lui qui finira par partir quand il se rendra compte de qui je suis. Quand il se rendre compte de toutes les parties brisées en moi, tous mes tocs et mes vices, tous mes problèmes qui me collent à la peau. C'est un poids, un fardeau que je me traîne tous les jours. Et personne n'a jamais prit la peine de rester assez longtemps pour les voir.
Sans aucun doute, Louis est la meilleure chose qui me soit arrivée ces vingt quatre dernières années, et c'est précisément pour cette raison qu'il me quittera. Parce que je ne serais jamais à la hauteur, je ne serais jamais assez bien pour lui, et il mérite d'être avec quelqu'un qui lui donne autant de chaleur et de lumière que lui m'en procure. Et je n'ai pas envie de l'emporter au fond du gouffre avec moi.
Léonie jette un regard à la porte qui donne accès à la véranda, puis elle se penche dans ma direction et dit plus bas pour que je sois le seul à l'entendre :
– Mais je te le dis quand même entre toi et moi, Harry... il a l'air de te rendre heureux, alors essaie de le garder dans ta vie, on ne fait pas ce genre de rencontre tous les quatre matins, crois moi je sais de quoi je parle. Ce pour ça que je ne pense pas me tromper quand je dis que c'est d'une personne comme lui dont tu as besoin, et lui aussi.
Elle se redresse en me souriant au moment où Louis revient avec la théière en porcelaine, elle aussi. Je suis encore chamboulé par les paroles de Léonie qui se répètent dans ma tête, tandis qu'elle succède à Louis pour nous servir à chacune une large tasse de thé.
Nous la remercions, puis elle nous invite à goûter ses pâtisseries qu'elle a fait elle même ce matin. Je remarque le regard impatient qu'elle m'adresse, je prends un petit sablé dans l'assiette, Louis se sers un mini moelleux et nous dégustons en même temps notre choix. Je souris à Léonie qui attend notre verdict et lui dis après ma bouchée :
– C'est délicieux, vraiment, le dosage est juste parfait. Il est juste croquant comme il faut.
– Oh merci Harry ! J'en avais fait la semaine dernière mais ils étaient assez ratés.
– Il ne faut jamais se laisser abattre par une défaite. C'est en s'entraînant qu'on se perfectionne. J'ai eu du mal à réaliser mes premières recettes moi aussi, mais il faut persévérer. Quand on est passionné, on y arrive.
– C'est tout à fait ce que je pense oui, tu as raison !
Nous échangeons un sourire, elle prend une gorgée de son thé encore fumant. Je mets une petite cuillère de sucre dans le mien puis lève la tête quand Léonie prend à nouveau la parole.
– Et toi Louis, qu'en penses-tu ?
– J'en dis que ce moelleux est littéralement à tomber par terre, s'exclame celui ci en ouvrant grand les yeux, je n'ai jamais été un grand fan du citron mais ce mélange est divin. Je crois que je vais te piquer la recette avant de partir d'ici. Harry, tu dois absolument goûter ça.
Je n'ai même pas le temps de me servir moi même un moelleux dans l'assiette qu'il me tend le reste du sien, avec un sourire qui ferait pâlir le soleil. Mais il me réchauffe le corps entier. Je le prends délicatement entre mes doigts, en veillant à ne faire tomber aucune miette à terre, et le mange à mon tour. C'est acidulé, le citron est présent mais sans prendre le dessus sur le reste, et je n'aurais franchement pas fait mieux.
A nouveau, je complimente Léonie qui m'offre son plus grand sourire. Louis repose sa tasse de thé dans laquelle il vient de boire et me lance un regard amusé.
– On dirait bien que tu as de la compétition.
Il me fait un clin d'oeil, le rire de Léonie remplit l'air, je ne peux pas me retenir de sourire moi aussi même si les regards de Louis me retournent l'estomac.
– Quand même, je n'irais pas jusqu'à là ! Personne ne peut lui arriver à la cheville, Harry est un excellent pâtissier. Tes viennoiseries sont les meilleures que j'ai pu goûter, et j'ai vécu des années ici, j'ai eu le temps d'en essayer.
– C'est vrai, acquiesce Louis alors que ses yeux semblent me percer à jour, je n'ai jamais autant dépensé mes sous que dans ton salon de thé. Et je crois que je suis devenu accro à ton chaï latte d'ailleurs.
Je lui souris et les remercie timidement, j'ai toujours eu du mal à accepter les compliments, même si je sais que je réussis ce que j'entreprends. Louis appuie avec douceur le bout de son genou contre le mien, c'est à peine si ils se touchent vraiment, mais je sens ma peau se mettre à chauffer sous mon pantalon pour un geste aussi simple.
Léonie entame une conversation sur les pâtisseries, à laquelle je suis ravi de participer. Louis mange un second moelleux, et je bois lentement mon thé au fil de la discussion. Quand je termine ma tasse, Louis propose de me resservir, j'acquiesce en lui souriant, il en verse également à Léonie. C'est la première personne que je rencontre qui est aussi serviable et altruiste. Il donne sans attendre de recevoir quoi que ce soit en retour, mais il mérite qu'on prenne autant soin de lui qu'il le fait avec tout le monde.
C'est pour ça que, lorsqu'il termine aussi sa tasse quelques minutes plus tard, je me penche vers la théière et lui en propose une deuxième. Son sourire me donne des ailes, il acquiesce et me tend sa tasse, il me remercie d'une voix douce et je résiste à l'envie de l'embrasser jusqu'à en perdre le souffle. Maintenant que j'ai le droit de le faire, il m'est difficile de m'en passer. Et je commence à me rendre qu'on devient facilement accro à Louis.
– Vous savez, quand je vous vois ensemble, je pense toujours à un moment marquant de ma vie. La première fois que je suis tombée amoureuse, je m'en souviens comme si c'était hier.
Mes joues prennent une teinte rose tandis que nous tournons tous les deux un regard surpris vers Léonie, qui évidemment a suivi notre interaction. Il n'y a aucun doute, étant donné ce qu'elle m'a dit plusieurs minutes avant, qu'elle a deviné que la relation qui nous lie Louis et moi dépasse l'amitié, mais ses mots me touchent quand même.
– Est-ce qu'on pourrait avoir la chance d'entendre cette histoire ?
– Oh, c'est assez long et je ne veux pas vous déranger avec ça.
Elle prend une gorgée de thé, mais Louis hausse les épaules en gardant son sourire heureux et tourne son visage à nouveau vers le mien. Comme pour me demander mon approbation.
C'est moi qui m'adresse à Léonie, tandis qu'un doux sourire prend forme sur mes lèvres.
– Ce serait avec plaisir, on a tout notre temps.
Ma réponse semble la ravir, ses yeux se mettent à briller derrière les verres arrondis de ses lunettes, elle pose sa tasse sur la table basse et prend un moelleux au citron. Elle ne le dit pas forcément, mais je peux lire toute la gratitude sur son visage.
S'il y a bien une chose que j'ai apprise, c'est que Léonie est une femme qui aime entretenir des conversations, et elle ne doit en avoir souvent l'occasion toute seule dans cette grande maison. Je l'imagine parfaitement parler à son chat, qui passe la journée à somnoler dans le canapé ou sur un fauteuil, et ça me fait sourire davantage.
Et si nous raconter une partie de son histoire peut lui apporter une dose de bonheur, dans ce cas je suis ravi moi aussi de l'entendre. Elle prend une longue inspiration, se tient plus droite, et se lance dans son récit :
– J'étais jeune, j'avais vingt ans, je travaillais aux côtés de ma maman dans une usine de linge et à côté je travaillais mes cours pour devenir institutrice, ce n'était pas facile à l'époque de se forger un avenir quand on venait d'une petite famille comme la mienne, mes parents n'avaient pas forcément les moyens.
Louis et moi l'écoutons attentivement, ce n'est que le début de son souvenir mais je suis déjà captivé comme si je découvrais les premières pages d'un roman qui me plaît.
– Puis, j'ai décroché un poste. Je suis montée à Paris, la ville de tous les possibles, c'était mon rêve de petite fille qui se réalisait. Quand je n'étais pas en train d'enseigner, j'allais visiter les différents quartiers, j'assistais à des expositions, j'arpentais les ruelles et les boutiques chics, je trouvais ça fascinant.
Elle mange un bout de moelleux entre deux, après l'avoir émietté entre ses doigts. Louis porte sa tasse à ses lèvres et je reste immobile, attendant la suite.
– Je m'en souviens comme si c'était hier. Un après-midi d'automne, c'était dans un café. Elle s'appelait Thérèse et elle était serveuse. Elle avait un sourire qui donnait envie de croquer la vie à pleines dents. J'ai commandé un café crème, comme à mon habitude, je l'avais déjà vu plusieurs fois, elle m'avait servi avant aussi, mais je ne m'étais jamais réellement attardée sur elle. Pourtant, elle était jolie, une beauté rare. Elle avait ce teint de pêche, ses yeux marrons en amande et des cheveux bruns au carrés, c'était la mode à l'époque ce genre de coiffure. Et ça lui allait à ravir.
Un sourire étire ses lèvres, elle regarde à l'horizon, le mur en face d'elle, certainement perdue dans ses pensées, plongée dans les réminiscences de ces moments qui défilent sous ses yeux, le film de sa vie. Et nous sommes son public.
– Elle s'est chargée de ma commande ce jour là, elle a renversé le café sur ma table et une partie de ma jupe. Je n'étais même pas en colère, elle ne cessait de se confondre en excuses, et moi tout ce que je voyais c'était le rose sur ses joues et la façon dont les rayons du soleil éclairaient son visage. Elle semblait tout droit sortie d'une peinture, l'aspect doré de sa peau, l'éclat dans son regard. Si je croyais avoir connu l'amour avant elle, je m'étais trompée, elle était unique et je n'ai jamais pu rencontrer son égale. Même si j'ai eu plusieurs relations avant des hommes avant elle, mais c'était la première fois que je posais ainsi mon regard sur une femme, pas que ça me dérangeait, bien qu'à l'époque ce n'était pas aussi bien toléré qu'aujourd'hui. Mais je n'ai pas cherché à me mettre de barrière ou à me contrôler, parce que la vie est trop courte pour s'infliger du mal n'est-ce pas ?
J'avale la boule qui commence à se former doucement en travers de ma gorge, ces dernières paroles résonnent un peu trop en moi. Je vois Louis qui acquiesce, sans pour autant l'interrompre.
– Ce jour là, elle a insisté pour me rembourser mon café, je lui ai proposé de m'en payer un autre à la place, qu'elle devrait partager avec moi. Elle n'a pas hésité longtemps. Nous nous sommes revues le lendemain, lors de sa pause, elle m'a payé ma consommation et nous avons parlé pendant vingt minutes, de notre vie, de tout et de rien à vrai dire, mais ce n'était pas le moins du monde ennuyant. Elle rêvait d'être scientifique, elle s'exprimait avec timidité mais elle avait une intelligence qui dépassait tout ce que je n'ai jamais connu.
Léonie termine son moelleux puis s'essuie les mains sur une serviette en papier. Son regard passe et s'arrête sur chacun de nous. Je lui souris.
– Bien sûr, nous avons continué à nous voir, au café pendant un petit moment, puis chez l'une ou l'autre. Elle vivait dans un tout petit appartement, et de sa fenêtre on pouvait voir une partie de la tour Eiffel, au loin. C'est là que nous nous sommes embrassées pour la première fois, à la fin du mois de Novembre, il faisait froid, je portais son pull, qui au final est devenu mien, elle sentait toujours la rose et sa peau était douce comme de la soie. Nous n'avions pas cherché à repousser ce moment ou trop y réfléchir, c'est arrivé et c'était le début d'une histoire merveilleuse.
Ses sentiments se lisent dans son regard, dans le poids de ses mots, l'ampleur qu'a eu une telle rencontre sur le reste de son existence.
– Puis l'amour est naît, il y a eu quelques disputes, mais tout était doux et lumineux à ses côtés. Elle aimait partir à l'aventure, profiter de la vie, repousser ses limites, elle n'avait peur de rien. J'ai passé dix longues années à l'aimer de toutes mes forces, corps et âme, je l'ai suivi partout. Nous avons visité tellement d'endroits et nous n'avions besoin de rien de plus que la présence de l'autre pour se sentir heureuses. Elle m'a fait exister de la plus belle des façons, à travers son amour, je me voyais danser dans ses yeux et c'était suffisant à mon bonheur.
Derrière ses lunettes, son regard se met à briller. Louis pose sa tasse sur la table, à son tour, afin de porter toute son attention sur Léonie. Il l'écoute réellement, comme il a pu le faire avec moi.
– Nous avons emménagé ensemble, toujours à Paris, au bout d'un an et demi de relations, j'ai vécu les meilleures moments de ma vie à ses côtés. Elle aurait pu me demander de partir au bout du monde avec elle et je l'aurais suivi n'importe où, parce qu'à mes yeux l'amour consistait uniquement en cela. Être ensemble, peu importait l'endroit.
Son sourire s'efface légèrement, elle caresse le dos du chat qui est venu s'installer sur ses genoux maintenant, et ne tarde pas à ronronner à nouveau.
– Elle rêvait de s'installer ici, elle y venait en vacances quand elle était enfant, mais elle voulait qu'on y emménage à la fin de notre vie, lors de nos vieux jours... Mais elle est morte avant d'en avoir eu la chance.
Mon souffle se coupe à la fin de sa phrase, Léonie baisse le visage vers son chat. Je sens le corps de Louis se raidir à mes côtés, s'il tenait encore sa tasse je crois qu'il l'aurait renversé au sol.
– Elle avait à peine trente quatre ans, mais elle est tombée gravement malade, et les deux dernières années de sa vie ont été un enfer, elle ne savait plus faire d'effort, elle passait ses journées au lit, et je me sentais tellement impuissante. Je la voyais mourir à petit feu et je ne pouvais rien y faire, nous avions consulté de nombreux médecins, et tous nous ont dit la même chose... elle avait atteint le stade terminal de sa maladie. Tout ce qu'il nous restait, c'était quelques mois auxquels s'accrocher, quelques mois à s'aimer pour toute une vie... Les médicaments n'ont fait que retarder la sentence irrévocable, que j'allais perdre mon amour, le seul qui comptait. J'ai profité de la moindre seconde qui s'offrait à nous...
La voix de Léonie se fait plus basse, plus frêle. Empreinte d'une émotion qui est assez puissante pour me retourner le coeur. Elle ne pleure pas, mais ses yeux sont humides de larmes, le faible sourire qu'elle nous adresse tremble. C'est suffisant pour Louis car il se lève, fait le tour de la table basse et s'assoit à côté d'elle dans le fauteuil. Il lui prend la main et elle la serre.
Au bout de quelques secondes, Louis lève les yeux vers moi et je lis dans son regard qu'il est ému. Je lui souris, il fait de même, et caresse le dos de la main de Léonie qui inspire puis reprend la parole
– Avant de partir, elle m'a fait promettre d'être heureuse, de continuer à profiter de chaque jour comme si c'était le dernier. Elle m'a dit que je devais aimer, rire, sourire, pleurer, comme si elle était toujours là... Et parfois c'est le cas, je lève les yeux et j'ai la sensation qu'elle est à mes côtés, qu'elle veille sur moi d'une manière ou d'une autre. C'est pour ça que je ne me sens jamais vraiment seule.
Elle lance un regard à Louis qui acquiesce, et je pense qu'avec la perte de sa mère il est le plus adepte à la comprendre, à savoir ce que cela fait de se retrouver arracher si subitement à une personne que l'on aime. C'est un moment intense qu'ils partagent tous les deux. Pour autant, je ne me sens pas de trop. Léonie me sourit, derrière ses légères larmes, et c'est sa manière à elle de me dire que la vie continue.
– Quand elle a quitté ce monde, j'ai rendu notre appartement et je suis venu vivre ici, pour elle, pour honorer son souvenir... Deux ans après, j'ai rencontré un homme, le deuxième amour de ma vie, c'était différent bien entendu, je crois que c'était plutôt un coup de foudre amical mais il m'a donné autant d'affection que j'en avais besoin, et moi aussi. On s'aimait réellement, et c'était le plus important. Nous avons construit une famille, acheté cette maison, il a fait des tas de travaux dedans, il savait que ça comptait pour moi.. mais nous nous sommes séparés au bout de cinq ans de relation, nous étions plus fait pour être amis qu'amants, il le savait lui aussi. Mais nous nous sommes tellement apportés l'un à l'autre.
Son sourire est doux, parce qu'elle est apaisée. Elle a choisi de ne pas se laisser abattre et de continuer à vivre, pleinement, je l'admire pour ça. Pour sa force, son courage, sa volonté d'exister malgré ses blessures.
– Il vient me rendre visite de temps en temps, il a recommencé sa vie ailleurs, après notre rupture. Et je suis soulagée qu'il ait trouvé son bonheur comme moi j'ai trouvé le mien ici.
– C'est tout ce qui compte, répond Louis d'une voix enrouée.
– Oui. Il ne faut pas grand chose parfois pour se sentir heureux.
Tout en soufflant ces mots, elle laisse son regard se balader autour d'elle, sur cette véranda pleine de vie, cette maison qui doit renfermer tant de souvenirs entre ses murs. Elle tapote affectueusement la main de Louis, certainement pour lui faire savoir que ça ira, car il lui sourit puis retourne à sa place, à côté de moi.
Cette fois, c'est moi qui vient chercher son contact. Je frôle ses doigts du bout des miens, sur le bord de sa chaise, il tourne son visage vers moi et me tend sa main pour que je les lie ensemble. Je ne sais pas si ça suffit à chasser sa tristesse passagère, mais son sourire renaît sur ses lèvres.
Léonie nous regarde tour à tour, nous, puis nos mains, elle encore profondément touchée par ce qu'elle vient de nous raconter. Moi aussi, son récit me donne envie de croire en l'amour, de lui laisser sa chance, même si ça veut dire laisser tomber toutes mes barrières.
Parce que je ne peux aimer et me laisser être aimé si je garde un mur érigé entre moi et la personne avec qui je décide de partager un bout de ma vie.
– Ce n'est pas une histoire triste que je vous raconte, au contraire, elle est pleine d'espoir. Et c'est l'amour qui compte le plus dans tout ça, l'amour qu'on accepte de recevoir et celui qu'on se décide à offrir. Croyez les paroles d'une vieille dame qui a déjà tout vécu, l'amour brille toujours en moi, il n'a pas disparu parce que Thérèse s'est éteinte, au contraire, il n'en est que plus fort... Oui, c'est effrayant de se donner entièrement à une personne, de montrer ses bons et ses mauvais côtés, mais au final il n'y a rien de plus beau que deux êtres qui apprennent à s'aimer.
Quand elle termine de parler, Louis serre mes doigts davantage et j'ai envie de considérer ce geste comme un signe. Je le regarde pendant de longues secondes, puis je pense aux mots de Léonie. Elle a vécu les dix meilleurs années de sa vie aux côtés d'une femme, elles se sont aimées sans limite, et même après sa mort, elle a continué à lui dévouer sa personne entière, à l'aimer malgré son absence et ne jamais s'arrêter de vivre, mais au contraire elle existe encore pour elle.
Je trouve ça atrocement beau. J'en ai la gorge nouée. Louis caresse le dos de ma main à l'aide de son pouce puis s'adresse à Léonie, pour nous deux, parce que je suis encore incapable de trouver les mots nécessaires, des mots assez forts pour décrire ce que je ressens.
– Merci d'avoir partagé ça avec nous Léonie, c'était très émouvant. Thérèse avait l'air d'être une personne extraordinaire.
– Oh oui, un être rare c'est certain, qu'on ne rencontre qu'une fois dans notre vie.
Son regard trouve le mien, je sens mes joues rougir légèrement quand je repense à ses mots de tout à l'heure quand Louis était allé chercher la théière. Ils résonnent toujours autant en moi et ils prennent tout leur sens après son histoire.
Je m'en rends compte que je ne peux pas prendre le risque de perdre Louis à cause de mes craintes et mes failles, parce qu'il est en train de changer ma vie. Il la rend meilleure, plus colorée et respirable.
Et je sais aussi que si je n'ai pas fait de cauchemars aussi souvent depuis quelques semaines, c'est grâce à lui, car son visage est toujours présent dans mon esprit, lorsque je ferme les paupières, il est encore là, même dans le noir, je ne vois que lui. Il est la lumière qui m'aide à avancer.
– Mais enfin, assez parlé de moi et de mes histoires, je ne vous ai pas invité ici pour que nous nous mettions à pleurer à chaudes larmes, s'exclame Léonie en se redressant, je vais vous rechercher quelques gâteaux et j'ai quelque chose à te montrer Harry. Je reviens, n'hésitez pas à vous servir du thé tant qu'il est encore assez chaud !
En un rien de temps, elle semble avoir retrouvée sa joie d'antan. Quand elle quitte la véranda, son plateau vide de biscuits dans le mains, Louis se tourne vers moi et caresse mes doigts. Il me regarde un petit moment, je lui souris, il me demande :
– Ça va ?
– Oui ne t'en fais pas, j'acquiesce, et toi ?
– Un peu bouleversé, mais je vais bien.
A son tour, il me sourit. Je me penche vers lui et pose mes lèvres sur son front, il laisse échapper un long soupir d'aise, tandis que j'en profite pour respirer son odeur. Elle me rassure.
Léonie revient avec de nouveaux gâteaux, Louis prend un sablé et je fais encore honneur à son délicieux moelleux. Elle me tend également un carnet, je l'ouvre et elle m'explique que c'est là où elle note toutes les recettes, aussi bien celles qu'elle trouve dans des livres que celles qu'elle expérimente.
Je souris en voyant collés à l'intérieur les papiers que je distribue lors des cours de pâtisserie, elle garde chacun d'entre eux pour les ranger parmi les autres. Louis regarde aussi au-dessus mon épaule, son souffle chaud caresse ma nuque et ça me donne des frissons dans tout le corps.
Nous restons encore un moment ensemble, à discuter de recettes, de livres, de la vie en générale. J'ai tellement bu de thé et mangé de pâtisserie que j'ai l'impression de ne plus rien pouvoir avaler pendant des semaines.
Avant de repartir, nous l'aidons à débarrasser, même si elle insiste qu'elle est capable de le faire toute seule. J'enroule mon écharpe autour de mon cou, Louis se penche pour caresser le chat qui se balade entre nos jambes depuis que nous sommes à la porte.
– Merci pour tout Léonie, j'interviens finalement, c'était vraiment super.
– Oui, et merci de nous avoir donné quelques moelleux, ainsi que la recette. Je vais essayer ça chez moi mais je ne garantie pas que ce sera une aussi belle réussite.
– Ah mais avec plaisir, elle sourit et fait un geste de la main, je n'aurais jamais mangé ça à moi toute seule et je suis contente que vous soyez venus. J'espère vous revoir bientôt !
– Compte sur nous.
Louis lui sourit et vient la prendre dans ses bras, affectueusement, comme il le fait avec toutes les personnes qui lui sont plus ou moins proches. Elle lui souffle quelque chose à l'oreille, je ne comprends pas ce que c'est, mais j'entends son rire quand il se recule. Il acquiesce, puis se recule afin de me laisser dire au revoir.
Je n'hésite pas et l'enlace à mon tour. Sa main, posée à plat dans mon dos, le caresse doucement. Elle murmure à mon oreille :
– Vous êtes beaux tous les deux, n'oublie pas ce que je t'ai dit. Sois heureux, Harry.
C'est elle qui se recule en premier, elle passe ses doigts contre ma joue et je retiens mon souffle un instant.
Sois heureux.
Avant de rencontrer Louis, je n'aurais jamais pensé à essayer. Je n'aurais jamais eu la volonté de me battre pour quelque chose que je croyais inatteignable. Mais, maintenant que nos chemins se sont croisés, et que nos lèvres se sont retrouvées pour la première fois en haut de cette falaise, je me rends compte que c'est possible de l'être. Et que le bonheur n'est jamais très loin une fois qu'on a la bonne personne à ses cotés avec qui le partager.
Je souris à Léonie, elle nous ouvre la porte, en veillant à ce que son chat reste à l'intérieur, puis nous lui faisons un dernier signe avant de rejoindre la voiture de Louis garée juste devant. Il ne fait pas encore tout à fait noir, le jour commence à peine à décroître, il est presque dix sept heures trente.
Nous nous attachons, Louis remet le GPS en route sur son téléphone et je profite qu'il n'est pas encore allumé le moteur pour lui avouer :
– Tu sais, je pense encore à ce que Léonie nous a raconté tout à l'heure.... Sur sa relation avec Thérèse.
– Oui, moi aussi, il relève son visage vers le mien, c'était très émouvant. J'étais à deux doigts de pleurer, mais je me suis retenu pour ne pas lui faire de la peine. Ça la touchait déjà énormément de partager cette histoire avec nous, je n'avais pas envie d'aggraver les choses. Même si je pense qu'elle en tire beaucoup de positif.
D'abord, j'acquiesce, puis je me mets à jouer nerveusement avec mes bagues. Louis accroche son téléphone au-dessus du panneau de bord. Je passe ma langue entre mes lèvres, assez sèches d'un coup.
– Et elle a raison, la vie est trop courte pour s'imposer des limites.
– Je suis d'accord.
Il sourit en posant ses yeux sur moi. Je ne veux pas louper cette occasion, et tant pis si le stress me ronge le ventre.
– Louis... j'ai envie d'être avec toi.
Ma voix est plus basse, mais je le regarde toujours. Il fronce les sourcils légèrement.
– Mais, je suis là. Tu parles de venir dormir à l'appartement ce soir ?
Il n'a pas compris où je voulais en venir, en même temps je ne suis pas assez clair dans mes propos. Et je ne me sens comme un incapable de ne pas savoir exprimer correctement ce que je ressens.
Mais ça m'effraie. D'un moment à l'autre, Louis peut me laisser.
D'un moment à l'autre, je peux sombrer.
Je prends sur moi, je fais taire tous mes doutes, toutes mes peurs, et je me lance, le souffle court et le coeur au bord des lèvres tant il bat fort.
– Non, ce n'est pas ça, je lui dis presque dans un chuchotement, je... j'ai envie que tu sois mon petit ami.
Louis lâche le volant, il tourne davantage son corps vers moi et je baisse les yeux parce que j'ai la crainte terrible d'y lire ce que je redoute. J'ai la gorge tellement nouée que j'ai du mal à ravaler ma salive.
Puis je me rends compte d'à quel point mes propos sont maladroits, j'ose enfin le regarder, un instant et mes joues virent au rouge, je bafouille.
– Enfin, pardon, ce n'est pas comme ça que je voulais le formuler... tu as le choix bien sûr. Mais ce que j'essaie de dire c'est... Est-ce que tu...
– Harry, il m'interrompt en se pinçant les lèvres pour ne pas rire, bien sûr que oui je veux être ton petit ami. Ça me semble évident.
J'inspire, j'ai l'impression de remonter à la surface après avoir passé trop de temps sous l'eau. Ma poitrine tremble et Louis glisse une main contre ma joue, il la caresse dans une extrême délicatesse. Ce simple geste suffit à apaiser toutes les tensions dans mon corps. Ses yeux cherchent les miens, il me sourit et dit, tout bas, sur le ton d'un secret :
– Moi aussi j'ai envie d'être avec toi.
Puis il m'embrasse, c'est doux et passionné à la fois, il prend le temps de découvrir mes lèvres comme si c'était la première fois. C'est un peu le cas, parce que je ressens la même chose que ce jour là sur la falaise, entouré de la mer. Mon coeur se bouscule tout pareil. Et je crois que ça aussi c'est un signe.
Je sens mes battements cardiaque pulser sous ma peau à mesure que le baiser s'intensifie. Nos langues se frôlent et se caressent à peine, encore timides, mais la manière dont les doigts de Louis s'accrochent à mes cheveux, et les miens à ses hanches, ne laisse aucun doute.
Nous savons ce que nous voulons, être l'un avec l'autre.
Quand il se recule, Louis est aussi essoufflé que moi, ses joues sont légèrement empourprées et ses yeux scintillent. Je ne me suis jamais senti aussi soulagé qu'à cet instant. Il pose son front contre le mien en souriant, je me me mords les lèvres, parce que j'ai l'impression d'encore y sentir la chaleur des siennes.
Nous respirons le même air, ses doigts se baladent entre mes boucles, caressent ma nuque, je tiens toujours fermement les pans de sa veste. Et au bout d'un moment, je lui demande :
– Elle t'a dit quoi Léonie avant de partir ?
Louis recule son visage de manière à pouvoir me regarder, sans pour autant me lâcher. Il reste proche de moi, ses lèvres sont rosées, j'ai déjà envie de les embrasser à nouveau, toute la nuit, jusqu'au petit matin, peut-être tout le reste de ma vie aussi.
– Elle m'a demandé de prendre soin de toi, il replace une mèche derrière mon oreille et me sourit avec ses yeux, et je suis un homme de parole donc je compte bien honorer ma promesse.
Je sens un sourire se dessiner sur mes lèvres, et bientôt j'embrasse à nouveau celles de Louis. Il soupire contre ma bouche et me laisse mener la danse, à mon propre rythme, c'est lent, mais j'y mets toute la force de ce que je ressens au fond de moi, ce que je ne parviens pas encore à exprimer à voix haute, ce qui m'effraie toujours.
Mais quand il m'embrasse de cette façon, lui aussi, en s'accrochant à moi, j'ai tous mes doutes qui s'effacent. Mon corps entier semble plus léger. Je me sens exister, pour de vrai.
Lorsque nous nous séparons, il passe son pouce contre ma fossette et se met à sourire à son tour. Je le regarde et je me dis à moi même que je ne l'ai jamais aussi beau qu'à ce moment précis. Louis est n'est pas seulement une comète, il est aussi un immense rayon de soleil et mon monde entier se colore de ses lumières.
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