20.
Charlotte.
La porte s'ouvre sur le visage de mon grand frère, quelques secondes seulement après que j'ai sonné, et on se précipite dans les bras l'un de l'autre comme si on ne s'était pas vu depuis des années. Ça fait seulement un peu plus de deux mois, mais c'est déjà assez long à notre goût. Nous avions l'habitude de passer jours et nuits tous ensemble, dans une maison animée par les rires, les cris, les conversations et parfois les disputes.
Même s'il n'y a que Louis qui a pris son indépendance, son absence se ressent au coeur de notre petit foyer. Notre beau père est constamment là pour veiller sur nous et nous apporter tout l'amour dont nous avons besoin, il n'a jamais cessé de l'être bien avant le décès de notre mère, mais Louis sera toujours notre point d'accroche à tous.
Je le serre fort contre moi, il caresse affectueusement mon dos. Je me suis toujours sentie en sécurité avec lui. Il se recule en premier pour me regarder, ses mains encore sur mes hanches, mais c'est moi qui lance la remarque :
– C'est moi ou t'es plus petit que la dernière fois ?
– Ouais et toi tu es toujours la même, toujours aussi adorable n'est-ce pas ?
– Tu me connais, on ne change pas les bonnes habitudes.
Mon rire se joint au sien, il secoue la tête puis se décale pour me laisser entrer avec la petite valise que je traîne derrière moi et le sac sur mon épaule.
Louis a pris un jour de congé, il en profité pour m'inviter à venir passer ce week-end prolongé de fin Novembre à leur nouvel appartement. Je n'ai eu l'occasion que de voir des photos et des vidéos de certaines pièces. Ce n'est pas très grand mais c'est convivial et chaleureux.
Ils ont su mêler leurs deux univers, les guitares de Zayn, un petit synthétiseur dans un coin, près de la fenêtre, les bibliothèques débordantes de livres de Louis et ceux étalés un peu partout sur les tables.
Zayn sort de la cuisine au moment où j'entre au salon pour venir me prendre dans ses bras, il embrasse mon front et je le serre contre moi. Louis et lui sont amis depuis des années, je considère Zayn comme mon grand frère aussi, d'aussi loin que je me souvienne il passait des journées entières à la maison à jouer avec Louis, moi et le reste de notre fratrie. Il en fait partie, lui aussi.
– Deux Tomlinson à la maison, je crois que je suis arrivé en enfer.
Je me recule à sa remarque et lui donne une tape sur l'épaule. Il rit, Louis lui lance un coussin du canapé, tout de même amusé. Parce que c'est comme ça, ils s'aiment au-delà de tout.
– Justement, je me disais que tu pouvais laisser ta chambre à ma chère sœur.
– Pardon ? Zayn hausse un sourcil. C'est ta sœur, pourquoi elle dort pas avec toi ?
– Tu veux vraiment que je fasse des cauchemars c'est ça ? Je l'ai supporté pendant vingt cinq ans et je ne sais même pas comment je suis encore en vie.
Ces deux imbéciles partent dans un fou rire, je croise les bras sur ma poitrine en faisant la moue, parce que je crois que c'est moi qui suis tombé en enfer avec eux finalement. Ils n'auraient pas pu mieux se trouver, les parfaits complices pour faire les quatre cents coups ensemble et ils ne se sont jamais gênés pour les accomplir.
Je lève les yeux au ciel, Louis me fait un clin d'oeil et Zayn m'ébouriffe les cheveux en passant à côté de moi afin d'aller s'installer dans le canapé. Louis m'emmène quand même poser mes affaires dans sa chambre, ce n'est pas aussi en désordre que je l'imaginais. Il me dit qu'il va dormir avec Zayn ce week-end afin de me laisser mon intimité.
Nous déjeunons tous les trois à table, Zayn part vers quatorze heures à son studio afin de terminer d'enregistrer quelques sons. J'ai essayé de le soudoyer pour entendre des extraits mais il refuse de nous les dévoiler maintenant.
Avec Louis, nous allons faire un tour en ville car il m'a promis de m'emmener visiter le coin et faire les boutiques. Je sais que ça ne lui plaît pas trop, mais il ne se plaint pas, il me laisse regarder les rayonnages de vêtements ou de maquillage, pendant qu'il me suit en restant sur son téléphone.
Je remarque une ou deux fois un sourire se dessiner sur son visage, je décide de rester silencieuse pour le moment. Même si l'envie de le taquiner me démange de plus en plus. Il reste étrangement silencieux, ce qui est vraiment inhabituel pour lui.
Vers seize heures trente, nous terminons notre petite sortie avec plusieurs sacs en mains. Louis en a profité pour faire quelques premiers achats de Noël aussi, avec mes conseils. Nous allons tout mettre à l'appartement.
Le jour commence à peine à se coucher, Zayn ne sera pas de retour avant dix huit heures. Louis fait tourner son trousseau de clefs autour de son index et me demande :
– On va se poser pour boire un café en l'attendant ?
– Tu veux dire, aller voir ton fameux serveur qui te donne des cours de pâtisserie ?
Il me donne un coup de coude, mais je vois bien le rose qui lui monte aux joues. Je hausse un sourcil, un sourire amusé sur les lèvres. Il essaie de se cacher en prenant son paquet de cigarettes et en m'ouvrant la porte.
Je sors sur le palier, il ferme à clef et enfonce une main dans la poche de sa veste en jean.
– Déjà, nous sommes plusieurs à suivre les cours et ensuite ce n'est pas mon serveur.
– Zayn m'a dit qu'il était venu ici pour cuisiner avec toi, je souris car il grogne entre ses dents.
– Ok donc je ne peux vraiment faire confiance à personne ici. Même mon meilleur ami est contre moi.
– Il n'est pas contre toi, il me raconte juste ce que tu me caches.
Une fois dehors, il coince une cigarette entre ses lèvres et rit avant d'allumer le bout avec son briquet. Il tire dessus, puis hausse les épaules.
– Ouais, c'est ce que je dis, il est contre moi s'il te raconte des trucs dans mon dos.
– Parce que tu m'en aurais parlé peut-être ?
– Il y a peu de chance.
– Donc voilà, je dois bien me renseigner quelque part !
Je ris à mon tour, il lève les yeux au ciel exagérément, sans pouvoir se retenir de sourire quand même, tandis que nous commençons à marcher.
– De toute manière, il n'y a rien à raconter. Nous sommes amis, c'est tout. Tu sais que je peux avoir des amis, pas vrai ?
Louis tombe trop vite amoureux, il le sait. Trop vite et trop fort. Ce qui lui a valu d'avoir le coeur brisé plusieurs fois, c'est peut-être pour ça qu'il ne nous a présenté personne en trois ans. Puis, il y a eu la mort de maman aussi, qui lui a fait un choc, forcément. Depuis, il s'est créer une sorte de carapace pour se protéger d'une éventuelle autre déception amoureuse.
J'acquiesce, parce que même si j'aime le taquiner, je le crois. Et s'il viendrait à entretenir un début de relation avec quelqu'un, il finira par m'en parler quand il s'en sentira prêt. Il n'y a jamais eu aucune forme de pression ou de tabou au sein de notre famille. Le divorce de nos parents, le mariage entre notre mère et notre beau père, la sexualité de Louis, la fausse couche de notre mère avant les jumeaux, sa mort. On parle toujours de tout, peu importe le temps que ça prend, peu importe la douleur et les larmes. Parce que le plus important c'est de communiquer.
Au bout de quelques minutes de marche, nous arrivons devant la façade d'un joli petit salon de thé. Louis écrase la fin de sa cigarette sur le bord d'une poubelle puis m'ouvre la porte. Je le remercie et l'odeur délicieusement sucrée des pâtisseries me chatouille les narines dès que j'entre.
Il y a une personne devant nous qui passe commande, j'en profite pour observer le menu affiché au mur derrière le comptoir. Louis trépigne d'impatience à côté de moi, puis un grand sourire prend forme sur ses lèvres quand notre tour arrive et que nous nous retrouvons face à un jeune serveur aux cheveux bouclés et aux yeux vert d'eau.
Je n'ai pas besoin de plus pour comprendre que c'est lui, son nouvel ami.
Et ça, malgré tout les arguments qu'il peut m'inventer pour me contredire, c'est le regard d'un Louis amoureux.
Je l'ai assez vu pour le savoir.
Ils se disent bonjour, assez timidement, comme deux adolescents amourachés l'un de l'autre. Je me sentirais presque de trop. Sourire aux lèvres, je me retiens de lever les yeux au ciel, parce que l'évidence est sous leur nez.
– Harry, je te présente...
– Bonjour moi c'est Charlotte, la sœur de Louis. Il m'a beaucoup parlé de toi tu sais ? J'avais hâte d'enfin te rencontrer.
Sans tourner la tête, je sens que Louis me foudroie du regard parce que je l'ai interrompu. Il va me détester pendant tout le week-end pour ça, mais ça vaut le coup. Je continue de sourire poliment à Harry, il semble prit de court, visiblement intimidé par mes mots et ma franchise.
– Oh... merci, moi aussi. Enchanté.
Je sens Louis qui fulmine davantage à ma droite, Harry nous regarde tour à tour avant de baisser les yeux vers la caisse devant lui. La légère teinte rosée qui lui monte aux joues n'échappe pas à mon attention non plus.
– Qu'est-ce que je vous sers ?
– Pour moi, ce sera un café mocha au caramel beurre salé s'il te plaît et toi Louis ?
Sourire aux lèvres, je me tourne vers mon frère après avoir parcouru la carte des yeux. Les siens me lancent des éclairs, il lâche un léger soupir avant de se tourner vers Harry. Son expression s'adoucit immédiatement, il sourit jusqu'aux oreilles et je me retiens de pouffer.
– Un chaï latte, s'il te plaît.
Harry acquiesce et nous demande si ce sera sur place ou à emporte, Louis s'empresse de répondre que nous restons ici. Apparemment, je n'ai pas mon mot à dire. Je sors ma carte bancaire quand Harry annonce le montant, avant Louis, afin de régler notre commande. Il nous dit que nous pouvons aller nous installer et qu'on nous apportera notre commande à table.
Louis et lui échangent un autre sourire, puis il me suit vers une place près des grandes baies vitrées qui donnent sur la rue. J'ai à peine le temps de m'asseoir qu'il râle contre moi.
– Je te déteste.
– N'exagère pas.
– Pourquoi tu as lui a dit ça ?
Je souris en coin et retire mon manteau que j'accroche au dos de la chaise. Louis garde encore sa veste sur ses épaules, je me demande comment il n'a pas froid malgré le pull à capuche qu'il a en dessous.
Penché au-dessus de la table, il parle à voix basse afin de ne pas se faire entendre. Il jette des regards autour de lui.
– Quoi ? La vérité ?
– Je ne t'ai même pas parlé de lui, c'est Zayn qui a lancé le sujet !
– D'accord, je lève les mains en signe de paix, en partie la vérité. J'avais quand même hâte de le voir et tu aurais pu me dire qu'il était aussi mignon !
– Mon dieu je t'en conjure arrête de parler... !
Après lâché un soupir exaspéré, Louis enfoui son visage entre ses mains. Un rire m'échappe, je ne peux pas le retenir plus longtemps, il me donne un petit coup de pied sous la table, plus pour m'embêter que pour réellement me faire du mal. C'est sa façon à lui de se venger, même si je pense qu'au fond il n'est pas si énervé qu'il le prétend, vu le sourire lumineux qu'il lançait à Harry il y a à peine une minute.
– Tu ne le trouves pas attirant alors ?
– Mais ce n'est pas la question ! C'est mon ami, c'est comme si je te demandais si Zayn est sexy à tes yeux ?
Suite à sa remarque, je fais mine de m'étrangler, il sourit en coin et tend ses mains vers moi. Je sais très bien ce qu'il est en train de faire, il essaie de changer de sujet afin de ne pas avoir à justifier son regard amoureux dès qu'il pose les yeux sur Harry. Mais moi, je ne suis pas dupe.
– Tu vois !
– Certes, je souffle en posant mes coudes sur la table, mais ce n'est pas pareil. Zayn est quasiment mon grand frère aussi, je le connais depuis des années. Toi, tu viens de rencontrer Harry il y a peu de temps, et franchement je dois reconnaître que tu as vraiment bon goût.
Il grogne en glissant ses mains entre ses cheveux, ce qui me fait rire de plus belle. C'est à ce moment là qu'une jeune femme vient nous apporter notre plateau. Elle nous salue poliment et offre un grand sourire amical à Louis, il la remercie.
Une fois qu'elle est partie, je lance un regard à Louis qui jette des coups d'oeil, sans grande discrétion au comptoir où Harry sert un nouveau client. Ce n'est pas étonnant qu'il m'ait presque bousculé pour aller s'asseoir face à la porte, afin d'avoir une vue sur l'entrée, et plus précisément sur Harry. Je hausse un sourcil, il boit une gorgée de son thé et commence à me parler de son travail.
Je lui donne des nouvelles de la famille, même si nous communiquons tous les jours entre nous. Il a pris son indépendance, il en avait besoin. Il aurait quitté la maison bien plus tôt si maman n'était pas tombée malade. Pendant des années, il a mit sa vie de côté pour s'occuper d'elle, puis de nous tous une fois qu'elle nous a quitté. C'est la moindre des choses qu'il prenne du temps pour lui maintenant. Mais je crois que, malgré tout, ça manque à Louis de ne plus être à nos côtés. Prendre soin de nous, veiller sur notre santé et nos soucis.
Parce que Louis a toujours été comme ça, il donne tellement plus que ce qu'il reçoit. Il aide les autres, sans se poser de questions, il tend la main, le bras entier afin de nous maintenir debout. C'est lui qui a porté le poids du deuil de toute la famille sur ses épaules, et je sais que de là où elle nous regarde, maman est fière de lui, elle aussi.
– Tu reviens à la maison pour les vacances de Noël alors ?
– Bien sûr, il repose son gobelet en souriant, je ne manquerais ça pour rien au monde. Ça te dérange d'ailleurs si je te laisse rentrer avec quelques cadeaux Lundi ?
Je secoue la tête, il me fait part ensuite de quelques idées qu'il a pour Zayn sur son téléphone et je l'aide à choisir celles qui me semblent le mieux.
Quand on se décide à partir une demi heure après, je remets mon manteau, Louis m'attend et s'occupe d'aller débarrasser la plateau. C'est un prétexte de plus pour lui d'aller voir Harry. Ils échangent quelques mots, agrémentés de sourires, et j'ai le temps de les entendre se dire au revoir lorsque je m'approche doucement.
– A Mardi Harry !
– Oui, bonne fin de journée.
Je souris à Harry, il hoche la tête dans ma direction, Louis passe son bras autour du mien et m'emmène avec lui en dehors du salon. Ou plutôt, il me traîne de force pour ne pas que je le couvre encore de honte devant son ami.
Une fois que nous sommes dans la rue, je tourne la tête vers lui et me retiens de sourire trop fort. Il me garde contre lui.
– Tu le revois mardi ?
– Pour le cours de pâtisserie.
– Ah oui, je ris doucement, c'est vrai que tu cuisines maintenant.
– Ne te moque pas de moi, je te ferais savoir que je me débrouille plutôt bien d'ailleurs !
– Je n'en doute pas, c'est juste que... il y a trois mois encore tu savais à peine te faire cuire des pâtes.
Il me pince gentiment le bras, au-dessus de mes couches de vêtements, tandis que nous prenons la route inverse en direction de son appartement. On se taquine mutuellement sur le trajet, mais c'est bon enfant et ça nous fait du bien de rire ainsi. Malgré tout ce qui s'est passé dans notre existence ces dernières années, on a jamais perdu ça, cette alchimie entre nous et cette hargne de vivre.
Parce que notre mère nous a appris à continuer d'avancer, peu importe les obstacles qui se présentaient devant nous. Je crois qu'elle savait, au fond, qu'on réussirait, même sans elle.
De retour à l'appartement, je vais prendre une douche pendant que Louis range un peu en attendant le retour de Zayn. Il est déjà là quand je reviens au salon, une vingtaine de minutes plus tard, après m'être lavée et changée.
Nous discutons autour d'un verre de vin devant la télévision, Zayn joue quelques accords sur sa guitare, Louis fume, accoudé au bord de la fenêtre du salon. Je me suis emmitouflée dans un de ses pulls, et on passe la soirée dans le canapé autour d'une commande de sushis.
Pendant que Louis part prendre sa douche, Zayn augmente légèrement le volume de la télévision puis se rapproche de moi dans le fauteuil. Il jette un coup d'oeil au couloir derrière nous, attend d'entendre l'eau couler avant de me demander, presque en murmurant :
– Tout le monde est ok alors ?
– Oui, je souris, c'est juste dommage que papy et mamie ne puisse pas venir, mais ils auront l'occasion de le voir à Noël.
– Exactement, puis je pense que le déplacement pour une journée va plus les épuiser qu'autre chose.
J'acquiesce. Après avoir vérifié que Louis n'apparaissait pas d'un coup, Zayn continue.
– J'ai tout réservé, j'irais chercher les décorations au magasin le matin et comme tu seras arrivée avant avec les jumelles, on installera tout ensemble. Il termine à quinze heures ce jour là, je vais le récupérer, lui faire faire un détour, le temps que tout le monde arrive et que tout soit en place.
– Oh je suis tellement impatiente ! J'espère qu'il n'y aura aucun soucis.
– Non, je ne pense pas. Louis part à sept heures quarante, je file au magasin dès l'ouverture à neuf heures trente et je reviens aussi vite à l'appartement. On sera largement dans les temps.
Zayn répond à mon sourire et je n'ai qu'une hâte c'est d'être à la fin du mois. Que Louis découvre cette surprise qu'on prépare depuis un petit moment déjà.
– Et le gâteau ?
Le sourire de Zayn se transforme en une expression plus malicieuse, et je connais ce regard. C'est le même qu'il avait quand il s'apprêtait à faire les quatre cents coups avec mon frère.
– Ça, ne t'inquiète pas. Je gère.
– On gère ! je le rectifie.
– Totalement !
Je tends ma main vers Zayn, il tape la sienne dedans et serre mes doigts quelques secondes. Puis il se lève en me faisant un clin d'oeil, il retourne à sa guitare et son carnet de notes, certainement celui où il écrit des chansons. Je fais un tour sur mon téléphone en suivant l'émission à la télévision.
Une dizaine de minutes plus tard, Louis nous rejoint. Il s'installe à côté de moi dans le canapé, pose ses pieds sur la table basse et nous discutons encore un peu.
Vers vingt trois heures, Zayn finit par s'étirer, un bâillement sort de sa bouche qu'il cache derrière sa main tatouée. Il se redresse, ébouriffe les cheveux de Louis, puis embrasse le dessus de ma tête.
– Bonne nuit le duo infernal.
– Je te rejoins bientôt, lui précise Louis, tu peux éteindre la lumière si tu veux.
Il presse l'épaule de son meilleur ami affectueusement puis s'éloigne en nous faisant un clin d'oeil. Je vais me resservir un verre d'eau et change de chaîne quand le programme se termine. Louis est occupé sur son téléphone, un sourire éclaire son visage entier. Il se mord la lèvre, tout en faisant courir ses pouces sur son écran.
Je m'enfonce davantage dans le canapé et pose mes jambes sur les siennes, il râle un peu et je lui demande en haussant un sourcil :
– C'est qui la personne qui te fait sourire comme ça ?
Son regard se pose immédiatement sur moi, il tente de rester de marbre mais à en croire le rose qui colore ses joues, j'ai piqué au vif du sujet.
– Peut-être que j'étais tombé une vidéo amusante ?
– Ouais à d'autres. Tu ne me la fais pas à moi, je te connais par coeur. Je suis ta sœur je te rappelle.
Je lui donne un petit coup de coude en haussant davantage mon sourcil, je ne peux pas retenir mon sourire. Il pose son téléphone à côté de lui dans le canapé en soupirant. Après avoir passé une main dans ses cheveux qui tombent sur son front, il me dit plus bas :
– C'est Harry.
Et il suffit d'avoir deux yeux pour le deviner. Je le regarde un moment, jouer avec ses doigts, puis enfouir ses mains dans les poches de son jogging.
Son visage est tourné vers la télévision qui éclaire une partie de celui-ci, mais il n'y accorde pas vraiment d'importance. Il est perdu dans ses pensées.
– Il te plaît ?
– Lottie !
– Non, je dis en soupirant car il commence à râler, je te demande sérieusement.
Un silence s'installe. Il prend un peu de temps pour réfléchir. Il sait déjà sa réponse, je la connais aussi, mais il cherche les bons mots pour la formuler. Louis a toujours été comme ça, il est franc, parfois maladroit, seulement il ne pense pas les choses à moitié et il sait trouver les paroles qu'il faut pour soigner les maux. Mais peut-être pas les siens.
Louis a toujours su prendre soin des autres, de notre famille, de ses amis, de ses proches, si bien qu'il a fini par s'oublier en route. Il fait toujours passer le bien d'autrui avant le sien, et ce n'est pas forcément bon non plus.
Il est heureux.
Mais pas entièrement.
Et c'est ce que je lis dans son regard, ce soir, quand il ose enfin le lever vers moi. Cette partie de lui, au fond de ses yeux, quand on y prête assez attention, qui a cessé de briller. Il a besoin de retrouver cette étincelle.
Peut-être que ce sera Harry.
Peut-être pas.
Mais il a le droit d'essayer et d'échouer.
Il a aussi le droit d'avoir son bonheur.
– J'ai pas envie de tout précipiter et gâcher, encore une fois.
Ce sont des mots qui font mal à entendre, mais plus encore à dire. Même si nous sommes une famille très ouverte à la communication, Louis n'a jamais aimé parler de ses aventures amoureuses. Parce qu'elles l'ont toujours laissé avec un coeur brisé et des larmes sur les joues, bien qu'il essayait de nous les cacher.
Je passe immédiatement un bras autour de ses épaules afin de le serrer contre moi. Ses muscles se détendent un minimum, il soupire une nouvelle fois. Je caresse le haut de son bras et lui réponds.
– Eh, ce n'est pas de ta faute. Ça ne l'a jamais été. Les sentiments, ça ne se contrôle pas ok ? Je dois te le dire combien de fois pour que tu le comprennes enfin ? Tu es juste tombé sur des mauvaises personnes qui t'ont fait du mal. Tu n'as jamais mérité tout ça et tu ne gâches rien du tout. Au contraire. Ils ne savent pas ce qu'ils ratent tous ces idiots qui t'ont brisé le coeur. Moi je le sais, parce que je suis ta sœur, parce que je te connais depuis que je suis née et que t'as toujours pris soin de moi, des autres, sans penser à toi. Tu sais à quel point c'est rare ? Moi je te le dis, tu l'auras ton grand amour, tu te souviens de ce que maman te disait ?
Louis appuie sa tête en arrière contre mon bras et ferme un instant les yeux. Puis, il souffle les paroles que notre mère lui répétait si souvent quand il pleurait après une rupture :
– « Tu trouveras l'amour au moment où tu le chercheras le moins. »
C'est à peine un murmure. J'ai l'impression d'entendre la voix de maman, ma gorge se serre un peu.
Il lève les yeux au ciel, je les vois rouler sous ses paupières, je souris et passe mes doigts entre ses mèches de cheveux.
– Qu'est ce que ça veut dire même ?
– Que tu ne dois pas avoir peur de t'attacher. Oui, ça te fera peut-être mal, mais tu sais qu'on sera toujours là pour toi, que tu auras toujours une épaule sur laquelle pleurer.
Louis ne répond pas tout de suite, cependant, il me serre contre lui et je le sens se détendre.
– Tu crois que c'est possible... que j'attire que les mauvaises personnes ?
J'ai envie de le pincer, ou de le frapper avec un des coussins du canapé lorsqu'il dit ce genre de choses. Il ne se rend pas compte à quel point il est une personne extraordinaire.
Mais à la place, je lui dis ce qui me semble être la vérité.
– Je ne sais pas, Harry m'a l'air d'être quelqu'un de bien.
Il ouvre les yeux, puis tourne la tête vers moi. Je hausse les épaules et un sourire apparaît sur le coin de ses lèvres.
Tout bas, comme s'il m'avouait un secret, il murmure :
– Il l'est, oui.
Ce ne sont pas des paroles en l'air. Et il se cache bien plus de choses derrière ses mots qu'il ne veut laisser paraître.
Puis, il détourne le regard et ajoute d'une voix plus frêle
– C'est pour ça que je ne veux pas le perdre.
Je lève les yeux au ciel et enlace Louis davantage, il pose sa tête sur mon épaule. Ses bras passent autour de moi, je l'enlace parce qu'il en a besoin.
– Si jamais c'est le cas, crois moi, ce sera lui le perdant.
C'est le monde entier qui ne mérite pas mon grand frère.
Il rit, je lui donne une petite tape derrière la tête et on se chamaille encore cinq minutes avant d'aller se coucher. Devant sa chambre, il me serre une dernière fois contre lui et me remercie. Je lui embrasse le front, ses yeux brillent.
Parce qu'au fond, il y a certaines choses qui ne changeront jamais.
Et on sera toujours là les uns pour les autres.
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