2.
Louis.
Août.
Un orage de fin d'été s'abat sur la ville. J'ai eu la bonne idée de sortir faire les courses, à pied, et le début de la tempête me prend par surprise quand je sors du magasin. Deux sacs pendent au bout de mes mains, je me dépêche d'avancer alors que les gouttes froides me tombent sur la peau des bras et le visage.
Le tonnerre gronde, un éclair fend le ciel. Je rentre la tête entre mes épaules et active le pas. La pluie se transforme, en moins d'une minute, en averse. Je n'ai pas d'autre choix que de m'arrêter à la première boutique que je trouve sur mon chemin. Je suis déjà trempé jusqu'aux os et je n'ai franchement pas envie de tomber malade dès la première semaine où j'emménage ici.
Précipitamment, j'ouvre et pousse la porte d'une enseigne au hasard, sans vraiment regarder et porter attention au nom.
Le bruit d'une petite clochette m'accueille et résonne au-dessus du proche grondement de l'orage. Quand enfin je regarde autour de moi, je constate que je suis entré dans ce qui semble être un petit café. L'odeur des viennoiseries sucrées me chatouille les narines tandis que je me tiens, encore dégoulinant de pluie, à la porte.
Mais, je remarque immédiatement que ce n'est pas un simple café comme les autres. Mon regard est attiré par deux chats sur une banquette, un autre dans un petit panier, et un dernier qui se balade sur le comptoir où se trouve la caisse et les ardoises avec les différents mets proposés aujourd'hui. Ce dernier fixe son regard perçant sur moi et passe sa petite langue rose entre ses lèvres. Je dégage mes mèches de cheveux de devant mon œil et laisse ma curiosité prendre le dessus.
Pendant plusieurs secondes, j'ai le temps d'observer les chaises, fauteuils et tables, toutes différentes et vintage, installées un peu partout, les affiches aux murs, même un petit coin reculé au bout où il me semble apercevoir des bibliothèques débordantes de livres. Surtout, je remarque que je suis le seul client ici.
– Bonjour ! Que puis-je vous servir ?
Je suis tiré de ma contemplation par la voix mélodieuse d'une jeune femme qui arrive derrière le comptoir. Elle porte un tablier coloré avec le nom de l'établissement Au Chalon de Thé. Son sourire est chaleureux et accueillant, je reste quelques secondes immobile et silencieux avant de m'avancer, mes sacs toujours en mains.
Dehors, la pluie redouble et le ciel bleu d'il y a quelques minutes encore est remplacé par un gros nuage quasiment noir. L'orage est juste au-dessus de nos têtes. Comme je suis coincé ici jusqu'à ce que la météo se calme, je peux prendre le temps de déguster une boisson. Mes baskets trempées laissent des traces au sol et couinent à chaque pas. Je fais une petite grimace désolée, la jeune serveuse laisse échapper un léger rire presque silencieux.
– Bonjour, euh...
– Vous venez pour la première fois ?
Mes yeux se perdent sur les deux grandes ardoises devant moi, accrochées au mur, et derrière la vitrine du comptoir. Je relève le regard vers elle puis hoche la tête.
– Je me présente, je m'appelle Lili. Bienvenue chez nous !
Sa bonne humeur se sent dans sa voix, je lui souris à mon tour. Je n'ai pas le temps de chercher à savoir ce que je dois lui répondre qu'elle enchaîne les explications :
– Nous avons de tout, des boissons chaudes ou froides, avec ou sans café, de nombreuses viennoiseries, du sucré comme du salé. Derrière la vitre, ce sont nos spécialités du jour préparées par notre pâtissier. Vous avez de la chance, vous êtes notre premier client de l'après-midi, il vous reste du choix. Tout est inscrit sur les petites étiquettes devant chaque produit, prenez le temps pour vous décidez surtout !
– Qu'est-ce que vous pouvez me proposer de meilleur ?
– Notre thé à la fleur de sureau, il fait fureur. Et je peux vous recommander notre muffin noisettes caramélisées et cœur praliné au chocolat.
– Je vous fait confiance alors, je pars sur ça.
– Parfait ! Je vous prépare ça. Est-ce que ça vous intéresse de connaître un peu plus nos offres ?
J'acquiesce sans vraiment réfléchir. Les yeux de la jeune serveuse s'illuminent comme si je venais de lui annoncer la plus belle nouvelle de sa journée. Elle se lance alors dans son explication tout en prenant un des muffins exposés derrière la vitrine :
– En plus de servir du sucré et du salé, nous accueillons des chats abandonnés, certains mal-formés même, que les clients peuvent adopter. Nous disposons également d'un grand coin consacré à la lecture, continue-t-elle en me montrant le coin que j'ai déjà repéré au fond dans la deuxième salle, généralement les étudiants aiment venir ici pour travailler ou même se détendre. C'est calme et reposant. Une partie des bénéfices que nous faisons revient à une association de protection des animaux, et bien sûr nous nous en servons aussi pour prendre soin des chats qui résident ici en attendant de trouver un nouveau foyer.
– Un salon de thé à chats, donc.
– C'est exactement ça, son sourire s'étend jusqu'à ses oreilles, mais on organise également des soirées à thèmes, on a un club lecture et on donne des cours de pâtisseries adaptés à tous les niveaux. On essaie de rendre l'endroit un peu plus vivant, il y a même une scène ouverte parfois, si vous savez chanter ou jouer d'un instrument.
– Non, je grimace légèrement en haussant les épaules, ce n'est pas mon point fort. Mais, merci.
Amusée par ma réponse, elle se met à rire. Elle pose le muffin dans un plateau, ainsi que deux serviettes en papier et une dosette de sucre. Elle tape sur sa machine et je lui tends quelques pièces. Après avoir reprit ma monnaie, elle me tend mon plateau.
– Votre thé va arriver d'ici deux ou trois minutes, je vous invite à aller vous asseoir où vous désirez en attendant. Et encore merci d'être passé chez nous.
Je la remercie, prends le plateau et m'aventure directement vers le coin lecture, même si tous les autres endroits du café me semblent aussi confortables. Je pose mes sacs près d'une table et observe autour de moi, je crois que je viens de trouver un petit coin de paradis sur Terre.
Quelques bibliothèques se dressent au fond, des fauteuils très confortables ont été installés, et les livres sont mis à la disposition des usagers. Pas forcément classés ou rangés, juste empilés, alignés n'importe où sur les meubles. Un écriteaux au-dessus d'une étagère indique que le client est libre de les lire sur place, en prendre, en déposer d'autres, les emprunter, laisser des mots pour donner son avis à l'intérieur.
Plongé dans ma contemplation, je sursaute quand je sens quelque chose de doux chatouiller mon doigt. Je tourne le regard et souris en découvrant un petit chat perché sur un fauteuil qui quémande des caresses, du bout du museau. Je passe mes doigts dans son pelage roux et extrêmement doux, l'animal ronronne et je m'accroupis pour être à sa hauteur et regarder ses yeux marrons de félin.
– Salut toi, tu es très câlin. C'est quoi ton petit nom ?
– C'est Caramel.
Surpris par cette voix, je sursaute et me redresse d'un coup. Le chat est, lui aussi, pris de court par ce mouvement soudain, il miaule et saute au sol. Finalement, je me retourne vers cette nouvelle personne dans mon dos et passe une main dans mes cheveux encore humides, certains mèches me collent au front.
Un jeune homme d'à peu près mon âge se tient à quelques pas de moi, un tablier noir autour de sa taille et un gobelet remplit dans la main. Je prends une poignée de secondes pour l'observer, le vert émeraude de ses yeux, le petit sourire timide sur ses lèvres rosées, les bagues qui ornent ses doigts, le verni couleur pistache sur ses ongles ou encore le minuscule chignon sur le haut de sa tête, entourée de boucles brunes.
– Pas très original, je dois l'admettre, il hausse les épaules. C'est le premier que nous avons accueilli ici quand on a ouvert il y a trois ans, il s'est bien habitué aux caresses des clients et du personnel. Par contre je vous préviens... il ne vous lâchera plus si vous commencez à en lui en donner.
Le jeune serveur sourit légèrement tout en suivant le chat du regard qui vagabonde dans la pièce. Comme je ne sais pas quoi répondre, je me contente de hocher la tête. Un petit silence s'installe entre nous. Il décide de s'approcher et dépose le plateau devant la place que j'ai choisi. Un gobelet de thé glacé, mon muffin, ainsi qu'une serviette et une dosette de sucre.
Je le remercie en souriant, il passe un coup de chiffon sur ma table rapidement et le range dans la poche avant de son tablier. Quand il se recule, j'essaie de ne pas trop penser au fait qu'il sent la vanille et que j'adore cette odeur.
– Je ne crois pas vous avoir déjà vu ici... Vous connaissez le concept de notre boutique ?
– Oui, je hoche la tête en m'installant à table, votre collègue vient de m'expliquer pour les chats et... tout le reste. C'est génial ce que vous faîtes ici, j'ai jamais vu un salon de thé dans ce genre avant.
Il reste debout à quelques pas de moi, une distance raisonnable. Cependant, il se tourne vers le comptoir pour prendre un petit prospectus qu'il pose ensuite sur la table, devant mon plateau. Un papier coloré, avec des dessins à l'image du café. Un chat, des livres, un croissant et une tasse fumante.
– Vous trouverez tous les renseignements nécessaires dedans.
Il m'offre un sourire timide quand je le remercie. Nos regards se maintiennent peut-être deux secondes avant que je ne commence à sentir mes joues chauffer. Et je sais parfaitement que ce n'est pas à cause de la chaleur accablante de l'été.
Caramel, le joli chat roux, vient de grimper sur mes genoux et je profite de cette opportunité pour baisser les yeux vers lui. Mes doigts passent entre ses poils, il ronronne et, car il semble avoir décidé que je suis son nouveau coussin, il s'allonge en travers de mes cuisses.
– Il vous adore déjà.
Je lève le regard vers le jeune serveur, il porte toujours son éternel sourire et nous regarde, Caramel et moi, avec un air attendri. Un nouvel éclair fend le ciel et illumine une fraction de seconde le café. Il tourne son attention vers les grandes fenêtres à l'entrée d'où on peut encore voir et même entendre la pluie tomber à flots. C'est apaisant.
Cet endroit me plaît déjà beaucoup. Je me vois y passer des heures plongé dans un livre, à me perdre entre ses pages accompagné d'un doux bruit de fond et de l'odeur de café.
De ma main libre, j'enfonce la paille en carton dans le gobelet et dis :
– Merci beaucoup, pour le plateau.
– C'est mon métier, il pose ses yeux à nouveau les yeux sur moi. N'hésitez pas à appeler, si vous avez besoin d'autre chose. Bonne dégustation.
Le jeune serveur s'éclipse poliment, non sans m'adresser un dernier sourire. J'essaie de ne pas trop attarder mon regard sur sa fossette qui se creuse aux coins de ses joues ou l'éclat au fond de ses pupilles.
Une fois seul, je souffle et continue de caresser le pelage du chat. La première gorgée de thé me fait du bien, il est délicieux. La saveur fruité rafraîchissante envahiemon palais, le goût me reste encore sur sa langue après. Le coeur fondant du muffin qui me donne l'impression de croquer dans un nuage sucré. Je n'ai pas pris ce temps pour respirer et profiter depuis trop longtemps.
Au bout d'un moment la pluie cesse. L'orage s'éloigne doucement. Pourtant je n'y prête pas vraiment attention, je termine ma boisson et mon muffin sans me presser. Je n'ai pas vraiment envie de quitter cet endroit aussi vite, il a une atmosphère particulière. Quelque chose en plus. Du charme, du caractère peut-être. Tous ces livres, l'odeur des viennoiseries chaudes, le fond de musique, le miaulement des chats.
Quand j'ai terminé ma commande, je me prends même à feuilleter quelques romans qui traînent sur des tables. Caramel reste près de moi, il passe parfois entre mes jambes et ronronne. Un autre petit chat blanc se joint à nous mais s'enfuit dès que je me tourne vers lui pour tenter une approche. Je laisse tranquille ceux qui se reposent sur des fauteuils.
En partant, je glisse la brochure du café dans un des sacs. La clochette sonne à nouveau quand j'ouvre la porte. Avant de sortir, je tourne la tête et me sens tout léger quand je croise le regard du serveur de tout à l'heure derrière le comptoir. Il dispose des parts de gâteaux dans la vitrine mais s'arrête pour me demander :
– Vous avez terminé ?
– Oui, la pluie a cessé. Mais je vous remercie, c'était délicieux ! Vous passerez mes compliments au pâtissier.
– Je lui dirais, merci beaucoup.
Pendant un instant, je crois voir ses joues rougir alors que son sourire s'étend sur son visage et jusque dans ses yeux. Il pose un dernier gâteau et reprend le plateau vide dans ses mains. Nos regards se maintiennent peut-être une poignée de secondes, jusqu'à ce qu'un bruit de vaisselle s'élève derrière lui.
Il tourne le visage vers la jeune femme qui a pris ma commande, Lili si ma mémoire est correcte. Elle rapporte un assortiment de cookies qui m'ont l'air tout à fait délicieux. Elle s'arrête à ses côtés, puis semble remarquer ma présence car elle tourne la tête vers moi et un sourire apparaît sur son visage.
– Oh ! Ça vous a plu alors ?
– C'était un régale, merci de m'avoir conseillé.
– Tout le plaisir est pour moi ! Merci pour votre visite et au plaisir de vous revoir bientôt chez nous.
Je lui rends son sourire puis leur souhaite une bonne fin de journée, non sans croiser une dernière fois le regard timide de l'autre serveur.
Sur la route du retour jusqu'à mon appartement, j'ai la chance de ne pas me retrouver sous une autre averse. Je n'habite qu'à une quinzaine de minutes à pied du magasin et donc du salon de thé, mais je me passerai bien d'une pluie orageuse.
Un fond de musique m'accueille quand j'entre dans le couloir de l'appartement. Je retire mes chaussures, dont les semelles sont encore mouillées, donne un coup de pied pour faire claquer la porte, puis me dirige vers la cuisine pour poser les sacs à table. Un soupir m'échappe, je commence à sortir les courses quand la voix de mon meilleur ami me parvient :
– C'est toi Louis ?!
– Qui d'autre a les clefs ?
Je lèves les yeux au ciel tandis que je range les quelques produits frais au réfrigérateur. Des bruits de pas s'approchent et Zayn entre finalement dans la cuisine, il porte un pantalon de jogging et un de mes tee-shirts. Il jette un coup d'oeil à tout ce que j'ai acheté puis s'assoit à une chaise pour ouvrir un paquet de biscuits.
– T'as fait un détour sur la route ?
– Il pleuvait quand je suis sorti du magasin, je me suis arrêté dans un café.
– Et tu m'as ramené quelque chose ?
Son regard est très sérieux quand il le lève vers moi tout en croquant dans un morceau de cookie. Je me pince les lèvres pour ne pas rire, referme la porte du réfrigérateur et me mets à ranger les conserves.
– Ce que tu m'as demandé sur la liste.
Quand je tourne le visage vers lui, j'ai juste le temps de le voir me lancer le rouleau d'essuie-tout. Je ris puis le ramasse au sol, je m'appuie contre le plan de travail en haussant les épaules.
– Désolé j'avais les mains pleines, je dis en souriant, mais tu n'as qu'à venir avec moi la prochaine fois, c'est juste à côté.
– Mhh, il marmonne autour de son autre bouchée de biscuit, si tu paies pour moi je suis partant.
C'est à mon tour de lui lancer le rouleau que je tenais encore, il se décale et j'ai manqué sa tête de peu. Il me fait un clin d'oeil, un sourire malicieux sur son visage, puis se lève du tabouret.
– Je vais aller continuer de déballer les cartons. Et aussi, je crois que j'ai monté le meuble télé à l'envers...
Je soupire de manière exagérée, son rire me parvient aux oreilles même depuis le salon. A mon tour, je souris d'amusement en secouant doucement la tête. Il me faut encore une dizaine de minutes pour trier et ranger toutes les courses, je n'ai acheté que le strict nécessaire pour le moment et on retournera certainement ensemble pour faire un plus gros stock avec la voiture.
Après m'être chargé des courses, je vais vérifier le meuble télé dont Zayn m'a parlé. Je change simplement un pied de place et visser correctement les coins. Ensuite, je prends une douche rapide pour m'attaquer à déballer le reste de mes cartons. Principalement mes livres et mes vêtements qui sont entassés un peu partout dans ma chambre. Maintenant que j'ai reçu ma commode et que j'ai monté mes bibliothèques hier, je peux enfin me débarrasser de ces cartons encombrants.
C'est seulement en début de soirée qu'on peut enfin se poser tous les deux, Zayn a repeint une étagère pour le salon et les chaises de la table à manger qu'on a acheté d'occasion. La plupart de nos meubles viennent de chez nous ou de boutiques vintage. Je me laisse tomber dans le canapé-lit, Zayn ramène deux bières bien fraîches, s'assoit à mes côtés et allume une cigarette.
J'ai décroché mon master métier du livre et de l'édition il y a deux mois à peine et Zayn un master de musicologie. Il donne des cours particuliers de chant et d'instruments et a trouvé un studio pour produire des artistes indépendants.
De mon côté, suite à un stage en dernière année et mes contacts, j'ai décroché un poste dans la maison d'édition pour laquelle j'ai travaillé pendant quelques mois. Ils étaient fiers de mon investissement et mon sérieux pendant mon séjour chez eux. Je suis soulagé d'avoir pu trouver une place sans trop de difficulté.
On a toujours su qu'on ferait trop pour habiter en collocation ensemble, on a cherché des annonces sur internet et en agence pendant des mois, on a visité des appartements dès qu'on a eu des réponses positives pour nos emplois. Et on a eu le coup de coeur pour celui-ci. Dans un quartier tranquille, à une heure de route de chez nos familles. C'est l'endroit idéal.
Zayn et moi avons pratiquement grandis ensemble, notre amitié remonte à l'entrée au collège et on peut dire qu'on a fait les quatre cent coups tous les deux. Nous sommes inséparables et je n'aurais pas rêvé d'une meilleure personne avec qui partager cette nouvelle étape de ma vie.
– On est pas bien ici, franchement ?
Il tire une longue bouffée et me passe la cigarette. Je la glisse entre mes lèvres, regarde autour de moi. C'est encore le désordre, il y a des cartons empilés contre le mur, des affaires qui traînent au sol en attendant d'être rangées, des meubles qui doivent encore être montés, mais c'est chez nous. On commence tous les deux à s'approprier l'espace sans empiéter sur celui de l'autre. J'ai ma chambre, Zayn a la sienne, on sait où iront nos affaires et ça fonctionne parfaitement.
Après avoir passé vingt cinq ans chez moi avec ma mère et mon beau-père, un frère et quatre sœurs tous plus jeunes que moi, au milieu des cris, des disputes ou des pleures, je suis heureux d'avoir enfin mon propre espace. J'adore ma famille, je donnerai ma vie pour eux, mais j'avais besoin de ma liberté et de mon indépendance.
– C'est le paradis.
Je lui rends la cigarette après avoir pris une latte et bois une longue gorgée de bière. Zayn s'allonge en travers du canapé, pose sa tête sur mes genoux et soupire lourdement. Je crois que c'est du bonheur plus que de l'épuisement. Je penche ma tête en arrière, contre un coussin puis profite du calme et du silence. C'est presque nouveau pour moi, cette tranquillité.
Zayn fait les branchements de la PlayStation pendant que je prépare des pâtes à la sauce tomate, on mange ça tout en s'affrontant à une partie. Un peu plus tard dans la soirée, il appelle sa famille en vidéo, je discute aussi quelques minutes avec eux et les laisse quand sa sœur demande à voir sa chambre. Je rejoins la mienne, m'assois sur mon lit défait pour ranger les affaires que j'ai posé dessus après ma douche.
Mon attention s'attarde sur la brochure du café. Je l'ouvre et me mets à lire toutes les informations à l'intérieur. Leur devise « Ici, on profite, on lit, on partage et on se régale » me fait sourire. Je parcours ensuite leurs valeurs, leurs engagements, ainsi que les dates et les heures du club lecture ou des différents cours de cuisine, et même leurs réseaux sociaux.
Je m'allonge de travers dans mon lit, sur mes coudes, prends mon téléphone dans ma poche et déverrouille l'écran s'accueille. Je vais chercher leur page sur Instagram, il y a une cinquantaine de publications, ils ne postent pas très souvent, la plus récente est du mois de Juillet. Je remonte chacune d'elle, c'est surtout des photos de viennoiseries ou de boissons, puis je m'arrête quand j'arrive au bout sur la toute première.
Je clique dessus pour l'agrandir, elle est un peu floue. Il y a trois personnes devant l'entrée de la boutique, une femme qui lève les bras au ciel et que je ne reconnais pas, mais les deux personnes que je vois ensuite me sont familières.
Il y a d'abord Lili, toute souriante et lumineuse, puis le serveur qui m'a apporté mon plateau en salle. Il a une posture plus timide et réservée, mais il sourit lui aussi. La date indique qu'elle a été posté il y a environ trois ans. Je me pince les lèvres et observe la photo plusieurs secondes, avant de fermer l'application et d'enfoncer mon visage dans la couverture en soupirant.
Et, quand mon regard tombe sur la brochure colorée, je sais déjà que je vais y retourner.
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