16.

Louis.

Finally / Beautiful Stranger – Halsey.

Je fronce les sourcils quand je vois Harry disparaître en cuisine, tête baissée. Quentin est en pleine discussion musicale avec Zayn, j'en profite pour les laisser ensemble et m'éclipser. Ils ne me demandent pas où je vais, mais je suis persuadé que mon meilleur ami sait quelle personne j'ai l'intention de rejoindre.

Discrètement, je me fais un chemin entre les personnes debout et celles assises afin d'accéder à la cuisine. Lili se décale en me souriant, je lui rends son sourire et entre dans la pièce où j'ai pu mettre les pieds déjà une ou deux fois. L'odeur sucrée des viennoiseries chaudes me chatouille les narines, c'est plus en désordre que la dernière fois, il y a des cartons, des ustensiles et des plateaux un peu partout sur la table et le bord de l'évier où Harry est en train de faire la vaisselle.

Il ne m'a pas entendu arriver. Je mets les mains dans les poches de ma veste pour les occuper et avance jusqu'à lui. C'est quand je suis suffisamment proche qu'il remarque ma présence puis tourne son visage vers moi. Je lui souris et appuie ma hanche contre le meuble de cuisine.

– Salut Harry.

– Bonjour.

Son visage m'a l'air plus fatigué que d'habitude, il a de petits yeux, tristes et vides. Je n'ose pas lui demander s'il ne ferait pas mieux de se reposer plutôt que de faire des heures supplémentaires. Il continue de laver un plateau, je me pince les lèvres et je ne lui demande pas s'il va bien. Son regard parle de lui-même. Il n'a pas certainement pas envie que je lui pose la question.

A la place, je souris davantage et lève ma main récemment blessée.

– Je t'aurais bien proposé de t'aider, mais j'ai déjà failli mourir la dernière fois alors...

– Tu ne dramatises pas un peu les choses, là ?

Malgré tout, je vois qu'il ne peut pas s'empêcher de sourire. C'est déjà ça, il garde quand même sa pointe d'humour. Je penche légèrement la tête sur le côté puis hausse un sourcil.

– Il y avait beaucoup de sang quand même, mais ça fera un bon souvenir.

– Du jour où tu t'es maladroitement ouvert la main ?

– Ça, je dis en riant doucement, et du jour où j'ai cuisiné de délicieux cookies que j'ai dévoré à moi tout seul. Mon meilleur ami m'en veut toujours de ne lui en avoir laissé aucun, d'ailleurs.

– Pourquoi ne pas lui en refaire ?

Tandis qu'Harry continue sa vaisselle, je me hisse sur le plan de travail afin de m'y asseoir et ainsi m'installer confortablement à ses côtés le temps de notre discussion. Harry me jette un coup d'oeil, mais me laisse prendre mes aises, il n'est pas du genre à me réprimander.

Mes pieds pendent dans le vide, je les balance lentement, puis garde les mains sur le bord du meuble en le regardant avec un sourire en coin.

– Et risquer de brûler l'appartement ? Non merci.

– Mais tu te débrouilles bien ici.

– Parce que tu es là pour me guider.

– Ce n'est pas si compliqué et tu fais quasiment tout par toi même.

Harry n'a pas entièrement tord. J'ai eu l'aide de Quentin pour le marbré, celle d'Harry pour le carrot cake mais j'ai fait la plus grosse partie de la recette seul, ce qui est déjà un exploit à mes yeux.

Je n'ai jamais été un grand cuisinier et c'est un miracle quand je me décide à faire moi même des pâtes ou d'autres plats relativement simples et que je ne risque pas de louper. Mais la plupart du temps, je me nourris de commandes ou de plats à emporter. Zayn n'est pas un grand chef non plus, il lui arrive de mijoter des plats, des recettes de sa mère, mais il est souvent trop fainéant pour les exécuter.

Il y a quelques semaines encore j'aurai pensé la même chose que lui, pourquoi s'embêter à faire des préparations compliqués quand on peut tout avoir à portée de mains et sans aucun effort ? Mais je commence à me trouver un goût pour la cuisine, surtout les choses sucrées. C'est un temps reposant pour se retrouver avec soi-même.

Au salon de thé, nous partageons des discussions avec les autres, sur un fond de musique parfois, toujours dans la bonne humeur, mais j'aimerai aussi m'y mettre en dehors des heures de cours. Pas forcément des recettes extraordinaires ou originales, mais lancer une émission, une playlist et me perdre dans mes pensées en faisant quelque chose de productif.

Je tourne la tête vers Harry qui est en train de laver méticuleusement un bol en verre, quand une idée me vient à l'esprit.

– Et pourquoi tu ne viendrais pas chez moi un de ces jours ? On pourrait faire de la pâtisseries ensemble.

Il stoppe ses mouvements une dizaine de secondes, lève les yeux vers moi avant de reprendre. J'ai peur qu'il refuse, je me rends compte que je vais peut-être un peu trop vite pour lui et je m'apprête à m'excuser lorsqu'il prend la parole :

– Tu veux dire... me demander de cuisiner les cookies et prendre tous les mérites pour toi ?

Sa réponse me fait sourire si fort que j'en ai des crampes aux joues, je pose ma tête contre le mur derrière moi et observe son visage légèrement amusé.

– Évidemment, je pouffe, tu vois tu commences déjà à me connaître.

L'ombre d'un sourire se dessine sur ses lèvres, il pose le bol en verre délicatement avec le reste de la vaisselle qui sèche puis hausse les épaules.

– Je ne sais pas...

– Tu n'es pas obligé, je réponds pour le rassurer, c'était simplement une proposition. Je trouvais juste ça mieux de passer du temps ensemble en dehors de ton lieu de travail. Pas que ce ne soit pas accueillant, mais je n'ai pas l'occasion de te voir beaucoup ici.

Harry ne me regarde pas directement, et pour une fois je le remercie parce qu'il n'aurait pas pu échapper à la couleur rose qui doit m'être montée aux joues à présent. Je les sens chauffer.

Je baisse les yeux vers mes mains posées de part et d'autre de mes genoux, Harry replonge ses mains dans l'eau savonneuse et me demande :

– Ça ne dérangerait pas ton colocataire ?

– Non, il rentre généralement plus tard que moi le soir et il invite ses amis aussi. Et puis, tu n'es pas du genre bruyant ou envahissant, donc ça ira ne t'en fais pas. Surtout que tu vas m'aider à lui cuisiner des trucs, il risque de te demander de venir plus souvent.

Un léger rire sort de ma bouche, Harry me regarde enfin et m'offre un sourire. Il acquiesce lentement.

– D'accord, tu me diras quel jour t'arranges.

Je réfléchis un instant à mon agenda de la semaine prochaine, même si je n'ai rien de prévu à part le travail.

– Est-ce qu'il y a un moment où tu finis plus tôt ?

– Mercredi, je termine à seize heures.

– Et moi dix sept, je réponds. On a qu'à se rejoindre ici pour cet horaire là, si ça te va ?

Nos sourires se répondent, celui d'Harry cache des petites fossettes qui lui apportent encore plus de charme. Je détourne les yeux quand ça devient trop difficile pour moi de le regarder sans avoir envie de l'embrasser.

Harry hausse les épaules puis retourne à sa vaisselle.

– Ça me va.

– Parfait, je lui souris encore, merci.

– Merci à toi de m'inviter.

Ce n'est pas grand-chose, mais je crois que ça lui fait plaisir.

– Je sortirais la trousse de soin, au cas où.

– Louis, je crois qu'il vaut mieux que tu me laisses m'occuper des couteaux et de tout ce qui coupe.

– Donc, si j'ai bien compris, je vais juste te regarder faire ?

A nouveau, nous nous mettons à rire comme des enfants. Enfin, surtout moi, Harry est plus discret, plus timide, mais je vois les étincelles s'allumer à nouveau dans ses yeux. Et ça vaut tous les rires du monde.

Je me sens léger à ses côtés, ce n'est jamais forcé entre nous et je crois que j'ai besoin de ça. D'une personne comme lui, où tout est simple. J'ai déjà Zayn, quelques amis de là où j'ai grandi et deux ou trois collègues, mais j'aime faire de nouvelles rencontres, et j'espère qu'Harry deviendra une personne aussi importante pour moi dans ma vie que Zayn.

– Harry ? Où est-ce que tu as posé le... oh pardon !

Nous tournons tous les deux la tête vers la personne qui vient d'entrer en cuisine alors que nous étions encore tous les deux en train de rire. Noé s'arrête à l'entrée de la pièce, une assiette dans les mains

– Désolé de déranger, mais je cherche le produit pour nettoyer les tables.

– Il est derrière le comptoir.

Un sourire aux lèvres, Noé le remercie puis sort aussi vite qu'il était entré. Je tourne la tête vers Harry qui vide son évier s'essuie les mains sur un torchon propre.

Je passe ma langue entre mes lèvres, puis lui propose :

– Zayn prévoit de chanter un morceau, tu veux venir l'écouter avec moi ?

Harry relève son visage vers moi, il me regarde un instant avant d'acquiescer. Je lui souris et descends du plan de travail. J'attends qu'il soit prêt pour sortir de la pièce, il me suit, silencieusement, tandis que nous allons vers la table où se trouvent encore Quentin et mon meilleur ami.

Quentin salue Harry poliment, Zayn lui dit bonjour à son tour, non sans me lancer un petit sourire mesquin derrière son gobelet de café. J'évite soigneusement son regard en cherchant une chaise libre pour Harry, afin qu'il s'installe avec nous. J'en emprunte une à la table derrière et l'amène à notre table, juste à côté de la mienne.

Il hésite un instant à se joindre à nous, son regard se pose derrière lui, vers le comptoir où Lili et Noé sont en train de discuter en servant des clients, ils n'ont pas l'air de se soucier du fait qu'Harry s'absente le temps d'une ou deux chansons. Ils s'en sortent même parfaitement bien sans lui.

Son regard croise le mien quand il s'assoit, je lui souris. Parce que je crois que c'est un grand pas pour lui.

– Bon je vais vous commander quelque chose avant de monter sur scène ?

Je secoue la tête, j'ai encore une tasse de thé à terminer et une moitié de cookie à la praline rose. Quentin montre son gobelet de café à moitié plein en disant qu'il a encore de quoi tenir.

– Harry ?

Ce dernier cligne des paupières à la question de mon meilleur ami, comme s'il ne s'attendait pas à ce qu'il lui adresse la parole.

– Non merci, c'est gentil.

– D'accord, Zayn se lève de son siège en souriant, je compte sur vous pour m'applaudir les mecs.

Zayn a beau adorer la musique, l'écrire, la composer, l'assembler, la produire, il est toujours nerveux à chaque fois qu'il doit se produire devant les autres. Que ce soit simplement moi, sa famille ou bien une dizaine de personnes.

Ce soir, nous sommes peut-être une trentaine dans le salon de thé. Je le serre brièvement contre moi et tapote son dos pour l'encourager, il me fait un clin d'oeil en m'adressant un sourire stressé puis se dirige vers la scène avec sa guitare.

La femme sur l'estrade termine sa performance, sous les applaudissements du public. Je regarde mon meilleur ami prendre sa place, tandis qu'un sourire fier étire mes lèvres. A ma gauche Quentin met ses mains autour de sa bouche et pousse un cri d'encouragement, je ris en voyant Zayn nous faire un petit signe.

Pendant qu'il s'installe, je jette un coup d'oeil à Harry qui observe la scène, ses mains posées sur ses cuisses, il est beaucoup plus calme que Quentin et moi. Je bois une gorgée de thé, et pousse le reste de mon cookie entre nous, avant de me pencher vers lui pour lui demander :

– Tu en veux ?

Il tourne son visage vers moi, puis secoue la tête en voyant de quoi je lui parle. Mais il me sourit et je ne peux pas m'empêcher de faire de même.

Zayn s'assoit derrière le micro, sur le tabouret, avec sa guitare sur son genou. Il se présente à tout le monde puis introduit sa chanson, que j'ai déjà pu l'entendre jouer plusieurs fois. Mais je l'adore un peu plus à chaque écoute.

Zayn – fOol fOr YoU

Des premières notes de guitares résonnent, puis il se met à chanter et c'est toute la salle qui envoûtée par son timbre de voix unique. J'ai toujours admiré son talent et la manière dont sa voix peut monter dans les aigus.

A mes côtés, Harry et Quentin sont, eux aussi, totalement absorbés. C'est comme si le monde entier s'était interrompu pour l'écouter chanter. Je souris jusqu'aux oreilles, parce que je suis fier de mon meilleur ami. Il vient de tellement loin, il s'est battu pour en arriver là aujourd'hui et pouvoir vivre entièrement de sa passion. Il mérite toutes les acclamations du monde.

C'est pour ça que quand le morceau se termine, je me lève et tape vigoureusement des mains, Harry et Quentin se sont levés aussi, comme presque tous les autres clients. Quentin siffle avec ses doigts, Zayn remercie son public, à la fois gêné et heureux.

Un homme devant redemande une autre chanson, Zayn sourit et entame les premières notes d'un nouveau titre. Il est vraiment à sa place. Ce n'est pas l'équivalent d'une salle de concert, mais je crois que les petits comités lui plaisent davantage, moins d'anxiété.

Lorsqu'il nous rejoint, je vais directement le prendre dans mes bras. Je le serre de toutes mes forces, il rit contre mon oreille et je lui répète à quel point il a été génial, même s'il l'entend tout le temps. Il ne se rend pas encore compte du talent qu'il a, c'est mon rôle de le lui rappeler tous les jours s'il le faut.

Je le laisse poser sa guitare contre le mur et venir reprendre sa place avec nous, autour de la table. Sur scène, c'est un homme d'une quarantaine d'année qui prend le relais.

Zayn passe une main dans ses cheveux et boit une longue gorgée de café, l'adrénaline doit redescendre.

– T'es hyper doué, bravo !

Le compliment de Quentin fait sourire mon meilleur ami. Ses yeux brillent encore d'excitation quand il le remercie.

– Oui, ajoute Harry sur un ton plus calme, tu es vraiment fait pour chanter.

Je tourne les yeux vers lui en même temps que Zayn, dont le sourire s'étire davantage. Quentin et lui partent dans une discussion sur la musique, comment Zayn s'est lancé, de quels instruments il sait jouer.

C'est sa soirée à lui, je le laisse donc en profiter pleinement et monopoliser la parole pour communiquer sa passion. Je mange le reste de mon cookie, mon thé est tiède, presque froid, mais je le finis parce qu'il est tout de même délicieux.

Harry reste silencieux mais, comme moi, il écoute attentivement la conversation entre les deux autres. Je le vois parfois regarder autour de lui, certainement pour s'assurer qu'il ne doit pas retourner aider ses collègues, mais Lili est passé devant nous il y a quelques minutes avec un plateau et ne lui a absolument rien dit. Elle nous a simplement adressé un sourire.

– Et toi Louis tu chantes aussi ?

La question de Quentin me sort de mes pensées, j'ouvre un peu plus grand mes yeux puis me met à rire doucement en secouant la tête.

– Si tu as envie de perdre l'ouïe, peut-être oui.

Il lève les yeux au ciel mais laisse échapper un rire, lui aussi.

– Non, ce n'est pas trop mon truc. Je préfère laisser ça aux personnes qui ont le talent pour.

– C'est quoi ton truc alors ?

Je hausse les épaules, pris au dépourvu.

– Disons que je n'ai pas vraiment de talent particulier.

Je ne sais pas chanter ou jouer de la guitare, ni faire d'activités créatives avec mes mains étant donné ma grande maladresse.

– Enfin, j'écris un peu, mais ce n'est pas extraordinaire... plus pour passer le temps.

– Tu plaisantes ?

Mon meilleur ami ne l'entend pas de cette oreille, il se redresse sur son siège et me foudroie de ses plus gros yeux noirs. Je devine déjà ce qu'il va me dire.

– S'il y a bien une personne qui sait manier les mots c'est toi. Je dois te le répéter combien de fois pour que tu comprennes que t'es un putain de génie ?

Je lève les yeux au ciel, exagérément, même si je sais qu'il ne plaisante pas. Zayn m'a toujours poussé à publier mes écrits, à les partager avec d'autres personnes que lui ou ma famille.

Il tourne son visage vers Quentin et Harry, avant d'ajouter, comme si je n'étais pas juste là sous ses yeux.

– S'il laissait les autres lire ses textes, je suis certain qu'il serait un auteur connu dans le monde entier. J'ai déjà voulu utiliser certains de ses écrits pour en faire des chansons, mais il a toujours refusé.

– N'exagère pas, puis c'est assez personnel alors j'ai pas forcément envie que des inconnus lisent ce que je fais pour le moment.

Zayn grogne légèrement derrière son gobelet, je lui souris quand même pour le remercier de défendre mes écrits, même si je pense qu'effectivement ce n'est pas grand-chose comparé aux grands auteurs qui marquent les années et les siècles.

Quentin lance une discussion sur autre chose, je lance un regard en coin à Harry qui, quand il lève les yeux à son tour vers moi, me sourit.

Nous discutons encore un petit moment, puis Quentin nous laisse en premier, car il doit rentrer chez lui. Il serre la main de Zayn et Harry, me fait la bise puis s'éclipse en nous faisant signe une dernière fois.

Zayn baille derrière sa main et me dit qu'il va certainement retourner à l'appartement aussi. Je décide de suivre son exemple parce que je me suis levé tôt ce matin pour aller travailler et la fatigue commence à se faire ressentir.

Pendant qu'il passe aux toilettes, j'aide Harry à débarrasser la table, il me remercie lorsque je pose le plateau sur le bord du comptoir.

– On se dit à Mercredi dix-sept heures alors ?

Il acquiesce, un sourire timide naît sur ses lèvres. Un instant, j'ai vraiment l'impression que nous sommes seuls au monde. Je dois résister à l'envie de le serrer dans mes bras.

D'une voix basse, juste pour moi, il souffle :

– Merci d'être passé.

– Avec plaisir.

Je lui souris à mon tour, puis vois Zayn revenir vers nous. On se souhaite tous une bonne soirée, je fais un signe de la main à Harry en partant qui me répond, lui aussi.

Une fois dehors, je m'allume une cigarette, Zayn me donne un coup d'épaule. Il me lance un regard taquin qui en dit long, je me contente de sourire.

Parce que ce soir je n'ai pas envie de le nier.

J'ai déjà hâte de revoir Harry.

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