14.

Harry.

 Ce soir, Louis arrive en même temps que Quentin. Ils discutent et rient en entrant dans le salon de thé. Il est encore assez tôt, donc pour le moment il n'y a que Léonie qui est arrivée, elle est toujours là un petit peu avant les autres. Elle aime discuter avec moi, ou plutôt monopoliser la conversation, elle a vite compris que je ne faisais pas des monologue sur ma vie, et ça ne la gêne pas de le faire à ma place.

De ce fait, l'entrée de Louis et Quentin ne passe pas inaperçue. La clochette qui retentit quand Quentin ouvre la porte et la tient pour Louis. Le rire clair de Louis, qui me fait un drôle d'effet dans le ventre.

J'ai angoissé toute la semaine à l'idée d'être dans la même pièce que lui ce soir. Une semaine est passée depuis l'incident. Le jour où il s'est coupé la main et où j'ai dit ouvertement, en sa présence, qu'il n'était pas mon ami.

J'ai passé sept jours sans le voir et ça m'a paru une éternité. Jusqu'au dernier moment, j'ai cru qu'il n'allait pas venir au cours, et je ne sais pas si ça m'angoisse ou ça me rassure qu'il soit là. J'aurais peut-être préféré qu'il m'évite, comme il l'a fait cette semaine, parce que je suis encore accablé par les remords.

Avant que son regard ne puisse croiser le mien, je tourne le dos et pars en cuisine chercher d'autres ingrédients pour finir d'installer les plans de travail. J'ai honte. Et le seul moyen que je trouve pour contrer ce malaise en moi est de fuir. Ce n'est pas la solution, je le sais, mais je n'ai jamais ressenti une aussi grande culpabilité.

Ça me ronge, parce que je ne le pensais pas. Ces mots que j'ai, indirectement, lancé à Louis. Nous ne sommes pas amis, mais pris par la panique et l'incertitude, je n'ai pas su comment réagir à l'arrivée et la présence d'Olivia. J'ai répondu la première chose qui m'est passée par la tête et je l'ai regretté à la seconde même où les mots ont franchi mes lèvres.

Ils sonnaient comme une insulte, un dégoût. Et Louis est tout sauf une personne repoussante. Ça m'a fait peur, ces rapprochements soudains entre nous, mais ça ne justifie pas mon comportement et je lui dois des excuses, au moins ça. Il ne mérite pas que je le traite ainsi.

Et ce qui me fait le plus mal, c'est que de ma faute, nous nous sommes éloignés. J'ai creusé moi même un fossé entre nous, que Louis ne voudra certainement plus jamais franchir. Il a tous les droits de m'en vouloir et de m'éviter, parce que c'est moi le problème. Toujours moi.

– Harry, tu veux de l'aide ?

La voix de Léonie me sort de mes pensées, je me tourne vers elle et secoue la tête en déguisant mes lèvres de mon plus sincère sourire. Elle porte un châle autour de ses épaules et des petites lunettes rondes sur le bout de son nez.

– Non merci, ça ira.

– Tu as une petite mine ces temps-ci, tu es sûr que tout va bien ?

Je dois vraiment avoir une mauvais tête pour que tout le monde le remarque et me pose la question. Mais c'est le manque de sommeil, l'angoisse permanente, l'anxiété, le stress. Il n'y a jamais un jour sans ombre, et maintenant que j'ai tout gâché avec Louis ma seule source de lumière disparaît.

Petit à petit, je retourne dans le noir complet de ma vie, et ça m'effraie.

– Oui, juste fatigué. Tu sais comment c'est à cette époque de l'année.

– Certes, mais ne t'épuises pas à la tâche, d'accord ? Il faut prendre soin de toi, tu es encore tout jeune et tu as toute ta vie devant toi

Elle tend la main pour presser la mienne entre ses doigts, sa douceur me réchauffe quelque peu le corps. Pendant un court instant. Je n'ai pas envie qu'elle s'en fasse pour moi, elle ou tous les autres. Je lui souris et elle croit à mon mensonge. C'est devenu une habitude.

Léonie me suit en salle alors que je porte les derniers ustensiles sur les plans de travail. Gaëtan vient d'arriver, il ouvre sa grosse doudoune. Mes yeux tombent sur Louis et Quentin qui discutent près du coin de table où je laisse toujours des petits gobelets de thé et de café à disposition, pour patienter et se réchauffer.

Quentin parle en agitant les mains et Louis le regarde avec un sourire solaire qui repousserait la moindre tempête. Mon ventre se noue. Je baisse la tête vers la spatule entre mes doigts.

– Laisse moi m'occuper de ça mon grand, je commence à connaître le fonctionnement, toi va parler à Louis en attendant.

Je tourne subitement mon visage vers Léonie qui saisit les ustensiles que j'ai préparé, un sourire aux lèvres. Elle me lance un regard derrière ses lunettes qui laisse entendre plus qu'elle ne dit. Je fronce les sourcils et demande, surpris :

– Qu... quoi ?

– Tu crois que je ne te vois pas le suivre du regard depuis tout à l'heure ? Je porte peut-être des lunettes mais je ne suis pas aveugle jeune homme.

Mes joues se mettent à chauffer, peut-être même l'entièreté de mon visage. Je ravale ma salive, parce que, même si je m'efforce de garder une barrière devant mes émotions, Léonie a su lire en moi.

Elle me fait un petit clin d'oeil qui me ferait presque sourire si je n'étais pas aussi paniqué à l'idée d'aller approcher Louis, et plus encore d'engager une conversation avec lui. Mais je n'ai pas le choix, je ne peux pas l'éviter, il a le droit à des excuses et des explications.

Je prends quelques secondes pour inspirer et expirer, discrètement, avant de m'avancer vers la table où ils sont toujours en pleine conversation, Quentin et lui.

A chaque pas, ma gorge se serre davantage. Mon coeur se met à faire des siennes, à taper contre ma poitrine. Je fais tout pour paraître le plus naturel et aimable possible quand j'arrive devant eux. Quentin me voit en premier, il me sourit après avoir bu dans son gobelet.

Louis tourne la tête vers moi et ça ne devrait pas me toucher autant de voir son sourire perdre de sa couleur, ni qu'il semble fuir mon regard.

– Bonsoir.

Je ne reconnais même pas ma propre voix, bien trop rauque et rapide. Je voudrais disparaître.

– Salut Harry, je disais justement que le thé est excellent. C'est nouveau ?

– Merci, c'est vanille et miel.

Quentin acquiesce et me répète qu'il adore, avant de dire qu'il va aller saluer les autres et se préparer. Je me retrouve seul avec Louis, il tient un gobelet presque vide dans sa main. Son regard se pose sur moi, il me parle d'une voix basse.

– Salut...

Je tente un sourire, il essaie de me le rendre. Sans grand succès. Je ne veux pas être celui qui éteint toutes ses étoiles.

Et c'est certain, j'ai tout gâché entre nous. Je le vois dans ses yeux. J'ai tout assombri en lui. Ma gorge se noue, j'aimerai revenir en arrière et effacer mes mots, chasser l'ombre qui prend le dessus sur son visage.

Mais c'est impossible. Je suis déjà incapable de lui dire que je le trouve beau dans son sweat violet et vert d'aujourd'hui, ou que je trouve que la couleur rouge lui va bien, que le gris met en avant le bleu de ses yeux, le même bleu que celui la mer en plein mois d'août sous le soleil, mais que j'aime aussi la nuance de vert qui habille parfois son regard quand il fait plus sombre dehors

Je ne peux pas lui dire ça.

Ou que j'aime entendre son rire chanter dans mes oreilles, le son de sa voix éraillée, voir un sourire naître sur ses lèvres ou l'expression sérieuse sur son visage quand il se concentre.

Je baisse les yeux, et demande, la gorge toujours aussi nouée :

– Comment va ta main ?

Ma question semble surprendre un instant, il regarde ses doigts puis hausse les épaules.

– Oh, bien, très bien. Je n'ai plus mal du tout et mon meilleur ami en prend soin tous les jours.

Il n'y a plus que les petits bandages le long de la plaie, qui elle ne se voit quasiment plus. Je refrène l'envie de passer mes doigts contre sa peau, d'en sentir la chaleur et la douceur sous la mienne. Qu'il réchauffe mon corps entier.

– J'espère que ça va laisser une cicatrice, ce serait vachement cool tu trouves pas ?

Je lève les yeux vers lui, il me regarde aussi et pour une fois je vois l'ombre d'un vrai sourire sur ses lèvres. Un de ces sourires dont il me faisait le privilège, avant.

Parfois j'aimerais que ce soit aussi simple que dans les livres ou les films. Je rencontre une belle personne qui me plaît, on se tourne autour un petit moment, puis on s'embrasse et la vie de couple s'enchaîne.

Mais là, je connais Louis depuis seulement un peu plus d'un mois et je suis déjà en train de dresser des barrières et creuser des ravins entre nous. C'est pour cette raison que je terminerai ma vie seul, parce que je suis incapable de me laisser goûter au bonheur, incapable de laisser les autres m'approcher et se faire entièrement une place dans ma vie.

Le sourire de Louis s'efface petit à petit quand il se rend compte que sa remarque ne me décroche pas même une minuscule once d'amusement. Je suis trop perdu dans mes pensées, mes doutes et mes réflexions pour remarquer que mon visage reste de marbre.

Gêné, je me mets à jouer avec mes bagues autour de mes doigts. Je regarde autour de moi. Léonie est en train de discuter avec Gaëtan et Quentin autour des tables de travail, ils ne font même pas attention à nous, mais j'ai quand même la sensation que tous les yeux du monde sont rivés sur moi.

Pourtant, il n'y a que Louis qui me regarde. Ses sourcils sont froncés, il a une petite barbe de quelques jours, légèrement rousse par endroits. L'envie de passer mes doigts contre, pour vérifier sa douceur, se réveille en moi.

Je ravale ma salive, puis serre mon tablier entre mes doigts. Si je suis venu jusqu'ici pour lui parler, ce n'est pas pour me défiler au dernier moment, même si mon coeur se serre tellement que j'ai du mal à respirer.

– Louis...

Le mot sort à peine de ma bouche dans un souffle que clochette d'entrée sonne et m'interrompt dans ma phrase. Joséphine et Muriel viennent d'arriver, elles nous saluent en souriant et il est déjà l'heure.

Ce que j'ai à lui dire n'est pas à bâcler en deux secondes, alors je préfère attendre le bon moment, lorsqu'on sera seuls tous les deux. Sans risque d'être interrompus ou entendus. Je passe ma langue entre mes lèvres sèches et lui demande :

– Est-ce que ça te dérangerait de rester deux minutes après le cours, je... j'aimerai te parler ?

– D'accord.

Sa réponse est brève, il n'a pas réfléchi avant de me répondre, mais le regard plus adoucit qu'il pose sur moi me laisse croire que ce n'est peut-être pas la fin.

J'acquiesce, la gorge toujours aussi nouée, et le laisse afin de rejoindre mon plan de travail. Tout le monde s'installe, enfile son tablier, se lave les mains à l'évier près de la cuisine.

Léonie me jette un regard, puis me presse affectueusement l'épaule quand elle passe à côté de moi pour rejoindre sa place. J'inspire et commence les explications de la recette d'aujourd'hui, des muffins à la pomme et à la cannelle, ce n'est pas bien compliqué et c'est surtout un délice en cette période de l'année alors que les journées deviennent plus courtes et froides.

Ce soir je n'ai pas trop à les aider, ils se débrouillent tous d'une manière ou d'une autre en suivant la recette. Je joue le jeu à chaque fois et en fais quelques uns aussi, que je vendrais demain matin aux premiers clients.

Malgré tout, le cours passe relativement vite. Ils sont tous heureux de repartir avec leurs pâtisseries sous le bras. Les muffins de Louis sont légèrement bancales et brunies sur le dessus, ça me ferait presque sourire.

Avant de partir, Léonie me serre contre elle et me sermonne en me disant, très sérieusement :

– Et surtout repose toi, compris ?

Je hoche la tête et serre sa main dans la mienne. Bientôt, tout le monde s'en va. Il ne reste plus que Louis et Quentin.

Louis laisse sa préparation refroidir dans le tupperware et je le vois discuter deux minutes avec Quentin. Je termine de plier mon tablier, essayant de ne pas trop les fixer, de ne pas y prêter attention.

Puis la clochette retentit, et c'est le silence. Louis est toujours là, il goûte un bout de son muffin et attend visiblement que je sois prêt à venir le voir. Je vais ranger les tabliers et quelques ustensiles, comme après chaque cours.

Quand je reviens en salle, Louis est assit dans un siège autour d'un table, il tient un gobelet entre ses mains et je remarque qu'il en a déposé un encore fumant, en face lui, pour moi. Cette attention ne devrait pas me toucher autant.

Après m'être lavé les mains et avoir inspiré longuement, je le rejoins et prends place dans l'autre siège. Je croise une jambe au-dessus de l'autre, joue avec un bout de mon pantalon, puis prends le gobelet.

– Merci. Je... je ne vais pas te retenir longtemps, j'ai juste...

– Je ne suis pas pressé, Harry.

Mon regard se relève vers son visage, il me sourit légèrement derrière son gobelet. Sa voix est aussi douce que la note de miel dans le thé, peut-être même plus encore.

Je baisse les yeux vers la table, la bougie éteinte, le prospectus du salon, une petite plante grasse. Le silence me tue, mais je ne sais par où commencer sans m'enfoncer plus encore dans ma gêne. Son regard sur moi me déstabilise assez. Derrière ses airs maladroits, Louis est très impressionnant et ça n'aide pas ma nature déjà très timide.

Au bout d'un moment, j'ouvre la bouche pour reprendre la parole.

– Je suis désolé...

– Je te demande pardon...

Nos deux voix s'élèvent et se mêlent dans l'air. Nos têtes se redressent en même temps et nos regards surpris se croisent.

Un sourire s'étend sur ses lèvres et je ne peux pas retenir le mien, moi non plus. Il fronce les sourcils doucement, je rougis quelque peu. Je me pince les lèvres et lui demande :

– Pourquoi tu t'excuses ?

Il pose son gobelet sur la table en soupirant. Je garde le mien entre mes doigts pour me réchauffer. Louis passe une main dans ses cheveux, une mèche retombe sur le dessus de son front et si j'en avais eu l'audace, j'aurais passé mes doigts dedans, moi aussi.

– L'autre soir... je ne sais pas, je suis désolé si je t'ai mis mal à l'aise, ou si j'ai eu un geste ou une parole en trop, je ne m'en suis pas rendu compte...

– Non, je secoue plusieurs fois la tête en me redressant un peu dans ma chaise, ce n'est pas de ta faute Louis. Ce n'est pas toi, c'est moi je... je n'aurais jamais dû dire ça, encore moins de cette manière là. Tu vois, je suis aussi maladroit que toi. Je m'excuse, je... je suis vraiment désolé, j'ai été malpoli et je regrette. Mes mots ont dépassés ma pensée..

Pour une fois, je ne me défile pas. Je soutiens son regard. Parce que je veux qu'il sache que mes excuses sont sincères et qu'il n'y est pour rien.

Il me fixe un instant, puis appuie ses coudes sur ses genoux, croise ses paumes l'une contre l'autre devant lui. Je détaille les tatouages qui ornent ses poignets et ses doigts, j'ai envie de découvrir s'il en cache d'autres sur le reste de son corps.

– Mais tu as raison, nous ne sommes pas amis, et je ne voulais pas te forcer la main en quoi que ce soit.

Sa voix me sort de mes pensées, je cligne des paupières et cherche son regard. Mais il fixe la table et continue de parler.

– Je sais que... je peux être assez difficile à supporter parfois, je parle trop et je... je ne t'évitais pas ces derniers jours, c'est juste que... je ne savais pas comment agir, si j'avais dépassé des limites ou...

– Et si j'ai envie que tu le sois ?

Je le coupe, d'une voix douce mais assurée. Il relève les yeux vers moi, ses lèvres encore entrouvertes car il n'a pas terminé sa phrase. Ses sourcils se froncent, il me demande :

– Pardon ?

Mon coeur bat si fort qu'il résonne entre mes oreilles, je dois me concentrer pour entendre la voix de Louis au-dessus du chaos à l'intérieur de ma poitrine.

Je maintiens le contact visuel avec lui, parce qu'encore une fois j'ai besoin de lui faire comprendre que je suis sincère.

– Je sais que j'ai agis comme un idiot, mais j'avais peur de... je n'ai pas beaucoup d'amis Louis, c'est un peu nouveau pour moi. Mais je... j'ai envie que tu en fasses partie ?

Et je ne regrette pas les mots qui sortent de ma bouche, je ne regrette pas de lui avoir posé cette question. Je ne peux pas continuer de repousser les personnes qui souhaitent entrer dans ma vie sous prétexte que j'ai peur qu'il me voit comme je suis, qu'il puisse m'atteindre, me blesser, m'abandonner.

Si ça devait arriver, si Louis viendrait à disparaître de ma vie dans deux semaines ou un an, ce ne serait pas la première personne que je vois partir. J'ai perdu des amis, des amant.es, mes parents. Je ne peux pas laisser mes craintes et mes doutes prendre le dessus, ils l'ont déjà fait plusieurs fois, et j'en ai assez de me faire ronger le corps et l'âme par des sentiments que je ne contrôle pas.

J'ai le droit de vivre, moi aussi.

Au moins un petit peu.

L'expression de Louis passe par de la surprise puis s'illumine. Réellement. Ses yeux, son visage entier prennent vie. Il ne peut pas cacher son sourire ou la lueur qui brille dans son regard.

Et d'une voix claire, il me répond :

– Alors, j'ai bien envie de l'être moi aussi.

Je pourrais me lever, là maintenant, et le serrer dans mes bras. Mais, même si j'en ai besoin, c'est une réaction trop démesurée. Il n'y a rien d'exceptionnel à se faire de nouveaux amis.

Bien qu'avec Louis, ça a un goût spécial. La chaleur et la caresse d'un rayon de soleil d'été sur mon visage. Un bout de lumière que je vais tenter de chérir un maximum.

Mes joues chauffent, je baisse la tête et souris, malgré moi, parce que ce n'est pas la fin. Je n'ai pas tout gâché, pas encore.

Louis prend son gobelet, puis me demande avec une saveur de bonheur dans la voix :

– Amis donc ?

– Amis.

Sourire aux lèvres, Louis lève son gobelet et le taper doucement contre le mien. Il termine le reste du thé au fond et j'avale lentement les quelques gorgées qu'il me reste.

Je sens mon corps se détendre. Sa bonne humeur est communicative, ça doit expliquer les petites étincelles qui se frétillent dans mon ventre. Mais je pense aussi que le regard que Louis pose sur moi n'y est pas pour rien. Je ne vois qu'eux, ses yeux d'un bleu intense.

Il se rassoit de façon à avoir son dos appuyé contre la chaise, puis me pose la question :

– Tu es certain que ce n'est pas trop précipité pour toi ?

– Non, et toi ?

Je n'ai jamais été aussi sûr de moi qu'à ce moment même. Il n'y a aucune hésitation ni dans ma voix ni dans la sienne.

– Moi non plus.

Louis maintient mon regard un instant, avant de se lever et d'aller jeter son gobelet dans la poubelle recyclable. Je fais de même, tandis qu'il range ses affaires. Il met soigneusement le tupperware dans son sac puis se tourne vers moi.

– Oh, et merci pour la veste l'autre jour.

– C'est normal.

Il la porte aujourd'hui, elle est de la même couleur que ses yeux.

Bleu Louis.

Je baisse les yeux, il s'approche de quelques pas pour avoir mon attention. Son expression s'est adoucie, il n'y a plus ces petites rides sur son front.

– Harry... Si jamais, et je parle sérieusement pour une fois, je dépasse des limites ou je fais quelque chose de travers, dis le moi d'accord ?

Ses mots me font du bien, je ne peux pas retenir le léger sourire qui se forme sur mes lèvres. Louis est une personne très attentionnée, je l'ai remarqué dès notre première rencontre, mais j'en ai une preuve formelle aujourd'hui.

Je sais que Lili, Noé et Olivia tiennent à moi, ils ont chacun leur façon de faire, de me montrer leur affection, seulement je sens qu'avec Louis ce n'est pas pareil. Peut-être parce qu'il est différent, plus terre à terre et altruiste.

Mais je crois aussi que chaque relation est unique.

Je me pince les lèvres et souffle :

– Merci Louis.

Ses sourcils se froncent.

– De quoi ?

– D'être resté.

Un sourire fend ses lèvres, il hausse simplement les épaules pour me faire comprendre que c'est normal. Mais c'est déjà beaucoup à mes yeux. J'ai peu de personnes qui sont restées dans ma vie, et je redoute fort le moment où ce sera à son tour de me laisser.

Je le raccompagne à la porte, il tourne la tête vers moi alors que je trouve le courage de lui demander :

– Tu seras présent à la soirée demain ?

– Ça m'a l'air très sympa, alors oui je viendrais.

La perspective de le voir le lendemain me réchauffe quelque peu la poitrine, je souris et acquiesce. Je lui ouvre la porte, il me remercie puis sort un paquet de cigarettes de la poche de sa veste.

– A demain alors.

– A demain, bonne soirée Harry.

Sa voix n'est qu'un nuage de douceur, tout comme le sourire qui anime son visage je le regarde s'éloigner plusieurs secondes puis ferme la porte à clefs et baisse les volets. Louis disparaît de ma vue, mais il occupe encore mes pensées toute la soirée.

Je prépare le dîner pour Olivia et moi et je pense à lui.

Je prends ma douche et je pense à lui.

Je lis son exemplaire d'Orlando et je pense à lui.

Je m'endors et je pense à lui.

C'est certainement pour ça que je ne fais aucun cauchemar cette nuit.

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