Chapitre 48
- Et si nous allions manger ? finit par proposer Amelia en reniflant légèrement. J’ai prévu des pâtes au saumon, pour ce midi.
Diego lui sourit et Émilien l’embrasse avant de grommeler :
- Je vais prévenir l’idiot qui me sert d’ami.
Je lève les yeux au ciel. Il sort et Bianca en profite pour s’éclipser sous le regard un peu attristé d’Amelia.
- Elle refuse de manger depuis qu’elle est ici, me confie-t-elle. Est-ce que tu arriverais à... Elle ne me connaît pas, donc peut-être qu’elle te parlerait plus facilement, à toi...
- J’en doute, mais je peux toujours essayer.
J’avais l’intention de lui parler, de toute manière... Amelia semble soulagée, comme ôtée d’un grand poids.
- Merci. Ça me fait de la peine de la voir comme ça. Je ne suis pas sa mère, donc c’est un peu délicat...
Sa mère l’aurait sûrement oubliée... Non, elle ne serait sûrement même pas avec sa fille, mais...ailleurs...
- Je ne suis pas sa mère non plus, mais je vais essayer de la faire descendre manger.
Amelia m’adresse un sourire franc.
- C’est la dernière porte à droite, au fond du couloir, m’indique-t-elle.
- Merci.
Elle suit ensuite Diego hors de la pièce. J’entends leurs pas s’éloigner dans l’escalier. Je sors de ce vaste salon et me dirige vers cette fameuse porte. Je toque timidement, puis plus franchement.
- Bianca ? C’est Ophélia.
J’ai à peine prononcé la fin de mon prénom que la porte s’entrouvre. Bianca me fait face, le regard sombre.
- Je peux entrer ? je demande.
Sans un mot, elle s’efface. Je me retrouve dans une grande chambre aux tons orangés. Ma nièce semble mal à l’aise, ici. C’est vrai que c’est grand, et qu’elle n’a pas l’habitude. Je crois que je n’aimerais pas non plus. C’est...trop vaste. Heureusement que les couleurs sont chaudes, car cela donne une atmosphère chaleureuse. Sinon, la chambre me ferait presque peur !
Bianca s’assoit sur le lit, et me fait signe de faire de même. Je m’exécute, et elle me demande :
- Qu’est-ce que tu veux ?
Sa voix ne contient aucune animosité particulière, elle est juste...morne. Et ça me fait mal au cœur pour elle.
- Je m’inquiète pour toi, Bianca.
Elle me regarde avec de grands yeux surpris.
- Pourquoi ?
- Après ce qui s’est passé... Je m’en veux. Tu n’aurais pas dû vivre ça. J’aurai dû intervenir plus tôt, me douter de ce qu’il se passait avec ta mère...
- Ce n’est pas de ta faute. C’est ma mère la responsable.
- Bianca... Je sais que c’est dur. Ma mère me détestait.
- Oui, mais toi...tu le savais depuis toujours. Moi, je pensais que maman m’aimait. C’est pour ne pas la perdre que j’ai été aussi méchante avec toi, avec Julia, et avec Diego.
Soudain, elle fond en larmes.
- J’ai été horrible !
Je la prends maladroitement dans mes bras.
- Je ne t’en veux pas, Bianca. Tu es une enfant ! Tu as agi de cette façon pour conserver l’attention de ta mère, je ne peux pas t’en vouloir ! Personne ne peut t’en vouloir pour ça !
- Si. Moi, je m’en veux.
- Tu es trop dure avec toi-même, Bianca. Moi, je te pardonne sans hésiter. Et je suis certaine que Julia penserait pareil. Et Diego aussi.
- Non, pas Diego, il m’en veut !
- Non, ma chérie, il ne t’en veut pas. Si tu lui expliques, il comprendra, et te pardonnera. Vous êtes encore bien jeunes, tous les deux. Ce n’est pas trop tard... Et, après tout, c’est lui qui s’est précipité vers toi en premier pour te sauver !
Elle renifle.
- C’est vrai.
Je lui souris.
- Tu vois ! Vous devriez discuter tous les deux, et ça ira mieux.
Elle déglutit, puis acquiesce et m’adresse un pauvre sourire.
- D’accord. Merci, tante Ophélia.
J’avise une boîte de mouchoirs sur la table de nuits et la lui tends. Elle en saisit un et se mouche avec un bruit de trompette, ce qui nous fait éclater de rire. Puis je me lève et lui tends la main.
- Tu descends manger avec nous ?
Elle hésite, puis pose sa main sur la mienne. Nous n’avons aucun mal à trouver la cuisine. Il nous suffit d’écouter les éclats de rire et de nous diriger dans cette direction.
- Bianca ! s’exclame Amelia en nous voyant entrer toutes les deux, main dans la main.
Ma belle-sœur me remercie du regard. Elle semble heureuse de la voir en bas.
- Tu vas mieux ? demande-t-elle.
- Oui, merci.
- Est-ce que tu manges des pâtes au saumon ? Sinon, je peux te faire autre chose, si tu n’aimes pas ça ! propose gentiment Amelia.
- Non, il n’y a aucun problème, répond ma nièce.
Elle détache sa main de la mienne lorsqu’elle remarque Diego derrière Amelia.
- Est-ce que...je peux te parler, Diego ?
Il hoche la tête.
- Bien sûr.
- Merci.
Bianca m’adresse un petit sourire en sortant de la pièce derrière son frère. Je l’encourage du regard avant que la porte ne claque après eux.
- Ophélia ! Tu es là ! fait la voix de Raphaël.
Je me retourne et croise ses yeux verts.
- Tu avais disparu, et Émilien ne voulait rien me dire...
Je jette un regard assassin à mon frère. Raphaël m’embrasse sous les yeux scandalisés d’Émilien.
- Allez roucouler ailleurs, tous les deux !
Amelia lui donne une tape sur le bras.
- Émilien, enfin, arrête ! Tu n’as quand même pas oublié comment s’était à nos débuts..., lui lance-t-elle, taquine.
A ma grande surprise, mon frère rougit. Raphaël pouffe, et j’éclate de rire en chœur avec Amelia. Je crois que ma belle-sœur et moi allons décidément bien nous entendre...
- Émilien, sors la crème du frigo, s’il te plaît.
- Tout de suite ! s’écrit mon frère, la voix rauque.
Il tend le pot à sa femme et celle-ci l’ouvre pour ajouter la crème aux pâtes. Elle mélange un moment, et j’en profite pour lui demander si elle a besoin d’aide.
- Non, non, Ophélia ! C’est très gentil de ta part, mais je fais travailler un peu mon mari !
Elle me lance un clin d’œil et j’entends mon frère grommeler. Amelia se retourne aussitôt vers lui et le fusille du regard en pointant sa cuillère en bois sur son visage.
- Toi, si tu as quelque chose à dire, tu le dis d’une façon compréhensible !
- Ce n’est pas juste, dit mon frère.
Amelia hausse un sourcil et retourne à ses pâtes.
- Sors le saumon du micro-ondes, s’il te plaît. Et ne proteste pas !
- Je n’en avais pas l’intention, soupire Émilien.
Il me jette un regard de chien battu, mais je détourne les yeux en souriant. Le micro-ondes s’ouvre, puis se ferme.
- C’est chaud !
- On dirait que tu n’as jamais fait la cuisine, je me moque gentiment.
- Oh, mais il ne la fait jamais, me confie Amelia. Il est nul !
- C’est faux, c’est juste que...
- ...c’est bien pratique que j’aime cuisiner !
- Tout ce que tu fais est bon, ma chérie, murmure Émilien à sa femme avant de l’embrasser.
C’est au tour d’Amelia de rougir. Elle donne une petite claque sur l’épaule d’Émilien et ajoute le saumon dans ses pâtes. Émilien sort des assiettes, des couverts et des verres et met la table. Puis, l’air fier, il se tourne vers Raphaël.
- Voilà comment on s’y prend, mon petit !
- Désolé, mais je n’en ai pas besoin. Je sais cuisiner, moi !
Mon frère soupire et me regarde, l’air d’attendre mon approbation.
- Je ne le crois pas. Dis-moi la vérité, Ophélia.
- Raphaël cuisine parfaitement bien !
Émilien grogne.
- Perdu ! se moque Raphaël.
- Amelia, tu as entendu comment il se moque de moi ?!
- Oui, j’ai entendu.
- Et tu ne défends pas ton mari ?
- Non. Mon mari sait bien se défendre tout seul, non ?
Émilien croise les bras et n’ouvre pas la bouche jusqu’à ce qu’Amelia se tourne vers lui en souriant.
- Tu sais bien que je t’aime, Émilien !
- Et bien, on ne dirait pas !
Amelia l’embrasse. J’en profite pour demander à Raphaël où se trouve Julia.
- Elle dépose ses affaires dans sa chambre.
- Sa chambre ?
- Émilien a donné une chambre à Julia.
- Mais... Elle n’habitera pas ici ! Tu as dit que...
- Je sais, je sais. Mais Julia n’aurait pas d’endroit à elle dans mon appartement. Il n’y a pas d’autre lit, et je refuse qu’elle dorme dans le canapé, car il n’est pas confortable ! Émilien et moi avons pensé qu’elle pourrait dormir ici le temps qu’on trouve une maison...pour nous trois.
Il semble mal à l’aise lorsqu’il ajoute :
- Et si jamais, un jour, on a... d’autres enfants, ce serait bien d’avoir des chambres en plus...
Je lui saute au cou.
- J’ai bien entendu ?
Son regard vert n’est plus que douceur et infini tendresse lorsqu’il se plonge dans le mien.
- Tu as bien entendu, Ophélia.
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