Chapitre 46
Le lendemain matin, je reste un moment allongée en écoutant les petits ronflements de Raphaël. Je me pince pour m'assurer que je ne rêve pas. Non, tout cela est bien réel. Il y a un homme sur le lit, juste à côté de moi. Et cet homme, c'est Raphaël. Et, plus important encore, il m'a dit hier qu'il m'aimait, et qu'il voulait que nous formions une famille.
Je me rends compte que je pleure seulement lorsque Raphaël s'éveille en grommelant :
- Qu'est-ce qu'il y a ?
Je ris et je pleure. Je suis toute déréglée, là ! Il a toujours été grognon, le matin ! Et ce souvenir ne fait que renforcer mon rire et intensifier mes pleurs.
- Ophélia, qu'est-ce qu'il se passe ? me demande Raphaël, l'air complètement désorienté.
Je me jette presque sur lui.
- Oh Raphaël, je t'aime ! Je t'aime tant !
Il sourit et me dit :
- Et c'est pour cette raison que tu pleures ?
Je ris plus fort, et il secoue la tête, désabusé, mais avec un sourire au coin des lèvres.
- Et si on prenait notre petit-déjeuner ? Je t'ai enlevée toute la nuit, ton frère va me massacrer.
- Tant pis !
Je ne ùe suis jamais sentie aussi insouciante.
- Ta fille va se réveiller et voudra savoir où tu es !
- Notre fille, Raphaël, notre fille...
Son sourire se fait triste.
- C'est vrai. Notre fille. Notre Julia. Et comment va-t-on lui expliquer tout ça ? Elle n'a que six ans !
- Elle comprend bien des choses... Et c'est ce qui m'inquiète, j'avoue en me levant pour regarder par la fenêtre.
Le ciel est gris. Mais la présence de Raphaël à mes côtés rend tout absolument merveilleux. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que tout se passera bien. Parce qu'il est là. Parce que j'ai retrouvé ma moitié.
- Quoi qu'il arrive, on affrontera ça ensemble, murmure Raphaël en m'embrassant.
Je me serre contre lui avant qu'il ne se dégage doucement.
- Il est tard. On ferait mieux de sa hâter si tu veux que je ressorte vivant de chez ton frère !
Raphaël se lève toujours aux aurores, en temps normal. Je me lève souvent une heure, voire deux heures après lui, alors que je suis moi-aussi une lève-tôt.
- Émilien ne t'étripera pas...
- En es-tu bien certaine, Lia ?
Je secoue la tête.
- Ne m'appelle pas comme ça, s'il te plaît.
- Pourquoi ?
- C'est mon frère qui m'appelle comme ça. Je veux que ce surnom soit pour lui, tu comprends ? On ne s'était pas vus depuis 12 ans.
Il acquiesce, puis me demande, l'air un peu espiègle :
- Et moi, j'ai droit à quoi ?
- Ce que tu veux.
- D'accord, mon amour. Je vais me doucher ! La cuisine, c'est la porte juste à droite de l'entrée !
Il sort de la pièce et je m'assoie sur le lit, toute tremblante. Mon amour... Je ferme les yeux. Ces deux mots provoquent une étrange sensation en moi, même s'il ne s'en doute pas. Raphaël m'aime. Et rien que ça, ça me donne envie de pleurer.
******
- Tu es prête ? m'interroge doucement Raphaël.
Je lui serre la main (ou plutôt, lui broie la main mais il reste imperturbable) et acquiesce :
- Allons-y.
Nous expirons et sonnons à la porte de chez Émilien. C'est Amelia qui nous ouvre. Elle nous sourit, puis fait une grimace en entendant des bruits de pas. Une tornade est en train de dévaler l'escalier. Dès que mon frère aperçoit Raphaël, il se jette presque sur lui, lui rugissant au visage :
- Où étiez-vous ?! Pourquoi m'as-tu enlevé ma sœur, pauvre crétin ?! POURQUOI ?!
- Émilien, calme-toi, s'il te plaît, chuchote Amelia en posant une main sur son bras.
L'effet de cette femme sur mon frère est immédiat. Il détend tous ses muscles et s'éloigne de Raphaël. Cependant, il lui jette un regard noir.
- Tu as des explications à me donner, je crois.
Son regard dévie sur moi, mais il est plus doux.
- Et toi aussi, Lia.
- Venez-vous installer dans le salon, nous propose Amelia. Vous voulez boire quelque chose ?
J'aimerais beaucoup connaître la femme de mon frère. Elle a l'air tellement gentille et douce... Mais elle a dû souffrir elle-aussi. Je ne la connais pas, mais j'ai laissé ma fille ainsi que ma nièce et mon neveu entre ses mains, sans me faire de souci. Elle inspire vraiment la confiance, alors que je suis assez farouche !
- Non, merci, je décline. Nous avons mangé chez Raphaël avant de partir.
Je n'aurai pas dû dire ça...
- Tu étais chez lui ?! s'exclame bruyamment Émilien, l'air profondément outré. Et vous avez mangé en tête à tête ?!
- Plusieurs fois, ajoute Raphaël, mine de rien.
Je crois qu'il prend un malin plaisir à faire tourner Émilien en bourrique... Et mon frère doit le penser aussi, car il lui assène une claque sur la tête. Puis mon frère s'assoit sur un canapé à côté d'Amelia et croise les bras.
- J'attends vos explications.
J'ouvre la bouche, mais Raphaël me devance, l'air à nouveau sérieux :
- Ta sœur est ma fiancée depuis six ans.
Émilien bondit hors de son fauteuil.
- Quoi ?!
Il se tourne vers moi :
- C'est vrai ?
J'acquiesce.
- C'est vrai, Émi'.
Mon frère se rassied et se prend la tête entre les mains avant de se redresser pour nous regarder et expirer un grand coup. Alors je lui raconte. Tout. Raphaël parle à certains moments, mais pas à d'autres. Et puis, il me prend la main et je la serre.
- Donc...vous êtes toujours fiancés ?
- Normalement, oui, acquiesce Raphaël avant de se tourner vers moi. Et, si Ophélia le souhaite toujours, j'aimerais l'épouser.
Je lui souris et ouvre la bouche, mais une petite voix retentit soudain derrière moi :
- Tu vas te marier, maman ?
Je sursaute puis me retourne. Julia se tient sur le seuil de la pièce. Je comprends que c'est le GRAND MOMENT ; celui de lui annoncer que Raphaël est son père.
Amelia attrape Émilien et le traîne hors de la pièce.
Seulement, juste avant de sortir, Émilien se tourne vers son vieil ami et le menace :
- Toute cette histoire ne signifie pas que je te pardonne d'avoir enlevé ma sœur cette nuit.
- Émilien ! s'écrit Amelia en m'adressant un sourire d'excuse. Laisse-les, maintenant !
Cette femme doit avoir un sacré caractère, car mon frère ne lui résiste pas ! Ils ferment la porte du salon derrière eux et je les remercie mentalement de nous accorder un moment d'intimité.
- Viens, ma puce.
Julia s'installe à côté de moi. Elle pose son regard curieux sur Raphaël, puis sur moi. Puis lle penche la tête sur le côté et demande à mon fiancé :
- Qui est-tu ?
Raphaël se racle la gorge et se lève pour se mettre en face de Julia. Il l'observe un moment, avide de détails, puis répond :
- Je suis ton père, Julia. Ton père de sang.
- Tu es le vrai, pas un faux ?
- Je suis le vrai.
Julia se tourne vers moi pour me demander confirmation, l'air grave :
- C'est la vérité ?
- Oui.
Elle fronce les sourcils en se reconcentrant sur son père, puis s'adosse au dossier du canapé, l'air satisfaite.
- Tu ressembles à la description que maman m'a faite de toi. Par contre, pourquoi tu n'es là que maintenant ?
- Je suis parti très loin pendant un long moment, Julia.
- Comme oncle Émilien et tante Amelia ?
- Comme eux.
- Tu les connais ?
- Oui. Depuis très longtemps.
- Et pourquoi tu ne pouvais pas revenir avant ? Maman, elle était très triste.
Gênée, j'évite de regarder Raphaël dans les yeux avant qu'il ne dise :
- Je sais. Moi aussi, j'ai été très triste de ne pas voir ta maman et de ne pas te connaître, Julia. (J'ouvre de grands yeux surpris à cette déclaration.) Tu veux bien de moi ?
Ma fille fronce le nez, l'air en profonde réflexion.
- Est-ce que tu aimes maman ?
Raphaël me jette un regard brillant de larmes.
- Plus que tout.
- Et moi ? Tu m'aimes aussi ?
- Bien sûr. Mais il faudra que tu me laisses du temps, d'accord ? Je ne savais pas que tu étais ma fille avant hier soir. Mais tu es une moitié de ta maman, et de moi. Je ne peux que t'aimer, Julia. Je te promets de toujours t'aimer, et de ne plus jamais partir loin de vous.
Cette promesse, je sais qu'il ne la fait pas seulement à ma fille, mais à moi-aussi. Je sais qu'il me promet d'être toujours là pour me soutenir, dans toutes sortes de situations.
- Alors moi... Je t'aime aussi, pa...papa.
Raphaël pleure vraiment, cette fois. Il ferme les yeux et se prend la tête entre les mains. Julia se précipite vers lui pour essuyer ses larmes. Elle n'aime pas voir les gens pleurer.
- Pourquoi tu pleures ? demande-t-elle d'une toute petite voix.
Raphaël la serre contre lui en pleurant plus fort.
- Parce que je suis heureux.
Et, d'un geste, il m'invite à les rejoindre dans ce tout premier câlin familial.
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