Chapitre 39
J'ai besoin de me changer les idées. Je ne veux plus parler de mon fils. Ça me fait trop mal de penser à lui et à ce qu'il aurait pu devenir, ce que...
Je secoue la tête pour me remettre les idées en place. Ce n'est pas fini. Je dois encore tenir...
- Tu m'as dit que tu m'expliquerais pourquoi Raphaël et toi vous haïssez en contrepartie...
- C'est vrai.
J'attends un moment, mais il n'a pas l'air de vouloir prendre la parole.
- Ta promesse tient toujours ?
Je n'y crois pas. Il pince les lèvres et au moment où je pense qu'il va refuser, il acquiesce.
- Ça tient toujours.
Il plante ses yeux verts dans les miens. Je tressaille, et il se jette à l'eau :
- Tu sais que mon frère joue du piano à la perfection. Mes parents étaient également musiciens, en plus de leur métier. Mon père jouait de la guitare et ma mère de la flûte traversière. Petit, mon frère s'est intéressé aux instruments. Il était bon à l'école. Très bon. Enfin. Le plus simple serait de dire qu'il excellait en tout. Pour se faire des amis, pour travailler, pour tout. Mes parents le mettaient constamment en lumière. J'étais simplement son ombre, et jamais rien de plus. Je les décevais constamment. Ils me disaient toujours de faire plus, alors que je faisais simplement de mon mieux, à ma mesure. Ça m'a rongé. Une profonde jalousie s'est installée et elle est toujours là. Quand j'ai eu mon permis, j'ai emmenée ma mère dans un magasin. En rentrant, j'ai eu un accident, et ma mère est morte sur le coup. Je n'étais pas en tort. Le conducteur en face s'était endormi au volant. Mais mon père ne l'a jamais perçu de cette façon. Il m'en a voulu toute sa vie, parce que ma mère était l'amour de sa vie, et qu'il ne voulait plus vivre sans elle. J'étais catastrophé. J'aimais ma mère malgré tout. Je n'ai jamais souhaité sa mort. Et mon père s'est mis à me frapper. Ce qui m'a fait le plus mal, ce n'était pas les coups. Non, c'était que Raphaël ne le défendait pas. Jamais. Il voyait, mais ne disait rien. Alors je me suis promis de tout lui rendre, en pire, pour lui montrer tout ce que j'avais enduré pendant toutes ces années.
Je déglutis. Nathaël ne me regarde plus. Il semble n'être plus que l'ombre de lui-même. Et malgré tout ce qu'il a fait, ça me fait mal au coeur.
- Raphaël avait sûrement peur de recevoir les mêmes coups.
Nathaël relève les yeux vers moi. Ce sont deux fentes tranchantes. Je tressaille une nouvelle fois sur ma chaise.
- Même toi, tu prends sa défense.
- Non, Nathaël. Je trouve simplement des explications à son comportement de l'époque...
- Ophélia. Nous n'étions plus des enfants. Nous étions adultes, il aurait pu me défendre. C'était injuste, il le savait, mais il n'a jamais rien fait.
- Est-ce que tu avais déjà fait quelque chose qu'il aurait pu te reprocher ?
- J'ai commencé par de petites choses. Je suis devenu de plus en plus cruel. Mais je ne pouvais pas m'arrêter.
- Vous auriez pu en parler.
- Peut-être. Mais même en le sachant, je pense que j'aurai quand même continué à le faire souffrir par ce moyen. Plus tard, mon père ne voulait plus me voir. Seulement Raphaël.
Un silence s'ensuit.
- Vous devriez enterrer la hache de la guerre, conseillé-je doucement.
- Me pardonnerais-tu, Ophélia ?
- Oui, je dis sans hésitation.
Il ouvre de grands yeux surpris.
- Pourquoi ?
- Il faut avancer. Te pardonner est la meilleure solution. Pour nous deux.
- Merci.
Il a l'air sincère. Quelque chose me lie inexplicablement à lui, même si j'aime Raphaël.
- Raphaël ne me pardonnera pas.
J'ouvre la bouche, mais Nathaël m'empêche de poursuivre, un sourire triste affiché aux lèvres :
- Non, Ophélia. Je lui ai fait trop de mal, et j'en suis conscient. Je ne pense pas que je lui pardonnerai si c'était lui qui m'avait fait tout ce que je lui ai infligé. J'ai été lâche. Terriblement lâche. Et je le regrette.
Ses yeux sont baissés. Je pose une main sur la sienne et lui adresse un sourire.
- Moi, je te pardonne, même si j'ai eu mal. J'aime Raphaël. Il m'a aimé dans le passé, mais il a décidé d'avancer. Je ne peux pas lui en vouloir. C'est à cause de toi qu'il n'est plus là, mais c'est à cause de lui et de vos parents que vous êtes en si mauvais termes. Je ne lui en veux pas, et à toi non plus. J'étais là, j'étais une cible. Je ne peux pas t'en vouloir, même si tout s'est terminé car tu as décidé de nous jouer un tour. Je pourrai t'en vouloir, c'est vrai. Mais ça ne résoudrait pas le fond du problème. J'ai souffert, et je souffre encore, parce que j'aime Raphaël et qu'il ne sera plus jamais là pour moi. Il a été la première meilleure partie de ma vie. La seconde, c'est Julia. Et j'estime qu'elle et moi avons le droit de savoir qui est son père...
Nathaël a les larmes aux yeux.
- Je regrette, Ophélia. Tu ne méritais pas ça...
- Personne ne méritait ça, Nathaël.
Il ferme les yeux un quart de seconde, le temps de prononcer :
- Toi plus que quiconque.
Avant que je puisse ajouter quoi que ce soit, il reprend :
- Tu veux savoir qui, de moi ou Raphaël, est le père de ta fille. C'est légitime. Je t'ai assez caché la vérité. Mais avant tout, je tiens à te dire certaines choses. J'ai menti. La vérité, Ophélia, c'est que ces quelques mois volés à Raphaël en ta compagnie ont été parmi les plus beaux de ma vie. Grâce à toi, j'ai pris conscience de bien des choses... Et je t'en remercie. J'ai joué un rôle en te revoyant il y a quelques jours. Je ne voulais pas que tu saches à quel point tu m'avais... manqué. Je n'ai aucune envie de demander pardon à Raphaël parce que...je l'envie. Je l'envie d'aimer une femme aussi sensationnelle que toi. Et surtout, d'être aimé en retour. Votre amour est pur, beau et puissant. Et j'ai osé me mettre entre vous. Je ne me pardonnerai jamais ce geste.
Ses mots me bouleverse. J'ai envie de pleurer, mais je m'oblige à tenir. Pour Julia. La vérité est bientôt là.
- Tu devrais parler de notre amour au passé, Nathaël.
Il m'adresse à nouveau son sourire tordu, mais ne dit rien de plus. Soudain, une question me traverse : serait-il si grave que Nathaël soit le père de ma fille, après tout ? Il ne demanderait peut-être pas sa garde, peut-être pourrions nous trouver un terrain d'entente ? Non. Je ne peux pas. Je préfère que Julia soit la fille de Raphaël, celui que j'aime. Je serai malheureuse que Julia soit la fille d'un homme que je n'aime pas et qui...
- Je t'ai fait attendre avant de te dire qui était le père de ta fille, parce que je savais qu'après avoir lâché la vérité, je ne te reverrai jamais.
J'entrouvre la bouche comme un poisson hors de l'eau, presque muette. Mon coeur bat à mille à l'heure. L'eau envahit mes yeux.
Nathaël me regarde doucement avec son sourire tordu.
- Oui, Ophélia. Julia est bel et bien la fille de Raphaël.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top