⚠️Attention aux TW dans ce chapitre : sang, maltraitance physique et mentale...⚠️
J'ai un mouvement de recul, les yeux fixés sur ce petit rectangle de bois. Mes mains tremblent violemment.
Je lève les yeux vers Nathaël. Il observe ma réaction en silence. Il ne sourit plus. Son regard est sombre, et ne compte plus aucune trace de moquerie. Pourquoi me torture-t-il ainsi ?
Je saute brusquement sur mes pieds et lui tourne le dos. Je ne peux pas lui faire face. Il sait. Il sait. Mais comment ? Je secoue la tête. Il ne peut pas savoir. Mon secret est bien gardé. Tellement bien gardé que personne n'est au courant.
- Ophélia. Ta mère ne t'a jamais dit que c'était malpoli de tourner le dos aux gens ?
J'inspire violemment.
- Ma mère ne s'est pas particulièrement préoccupée de mon éducation, Nathaël.
Mon ton est acide.
- Je sais.
Lentement, je pivote sur mes talons. Il a une main posée sur son menton et me contemple.
- Et comment est-ce que tu peux le savoir ? je rétorque.
Il soupire.
- Je sais beaucoup de choses sur toi, Ophélia.
Il me montre le morceau de bois sur la table. Ma respiration se fait sifflante. J'ai mal partout. C'est horrible... Pourquoi ?
- Où l'as-tu trouvé ? demandé-je d'une voix blanche.
- Chez toi. Ou devrais-je dire, dans la maison où tu as grandi. La maison de ton enfance. Même si...elle n'a pas été particulièrement heureuse, n'est-ce pas ?
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
J'agrippe le dossier de ma chaise si fort que mes jointures en blanchissent.
- Je connais tout de ton passé. J'ai engagé un enquêteur pour ça. Ta mère tenait un journal. Le savais-tu ?
Je ne réponds pas. Il rit.
- C'est drôle, Ophélia. J'en sais plus que toi sur ta propre vie, sur ta propre mère.
- Dans ce cas, tu sais combien elle me détestait.
- Oh oui. Mais ce n'est pas de ça dont je voudrais te parler. Mais de ça. (Il pointe du doigt le morceau de bois et je me crispe.) Je connais l'histoire. Je connais ton secret.
Son regard sombre me scrute. Je tente de rire, mais je ne produis qu'un son proche de l'étranglement.
- De quel secret parles-tu ?
Il garde le silence, puis se penche sur le morceau de bois et le retourne.
Théo.
Je veux pleurer. Je veux disparaître sous terre. Je veux...
Je tombe au sol. Un bras me rattrape de justesse par la taille et m'assoit sur ma chaise. Je secoue la tête, la vue brouillée de larmes.
- Non. Nooon !! NON !
Je me plie en deux. La douleur est autant physique que mentale. Je souffre. Alors que la douleur a déserté mon corps depuis si longtemps... Elle subsiste encore. Elle résiste. Elle reste, encore et encore. Elle ne partira jamais. La douleur me connait depuis que je suis enfant. Elle ne me quittera pas. Elle me poursuit.
- Ophélia. Je veux que tu me racontes cette histoire.
Je secoue la tête avec violence. Non. Je refuse de lui en parler.
- Tu as dit que tu savais. Dans ce cas, ce n'est pas la peine que...
Mon regard retombe sur le morceau de bois.
- Range-le, je le supplie.
- Non.
- Nathaël... Je t'en prie.
Son regard vert s'adoucit un instant, puis tout redevient comme avant, et il secoue la tête.
- Si tu veux savoir qui est le père de Julia, tu dois me raconter cette histoire.
- C'est du chantage.
- Bravo, Ophélia. Tu es très perspicace ! se moque-t-il.
- Tu ne comprends pas...
- Je te laisse quelques minutes pour te remettre de tes émotions. Mais ensuite... Soit tu me racontes et je te dis qui est le père de Julia, soit tu restes dans l'ignorance.
- Tu me dis la vérité ? Je te raconte cette histoire et tu me dis qui est le père de Julia ?
- Oui.
- Non. Je veux aussi que tu me racontes quelques chose pour que ce soit plus équitable.
- Très bien.
Je suis surprise. Il aurait pu refuser. C'est lui qui détient le pouvoir, et il le sait, pourtant. C'est étrange...
- Je veux savoir pourquoi tu détestes Raphaël.
Son regard se durcit, mais il acquiesce.
- Très bien.
Il se cale contre le dossier de sa chaise.
- Maintenant, raconte-moi.
Il faut que je sois forte. Pour Julia.
Alors j'ouvre la bouche et je lui raconte tout.
*Flashback - Ophélia a 17 ans*
Il fait sombre dehors. Il fait déjà nuit. Je le sais même si les rideaux sont tirés. Il pleut ; j'entends le bruit des gouttes se répercuter violemment sur les tuiles du toit de la maison, et fouetter la vitre.
La chambre que je partage avec ma sœur est vide. Isabelle là n'est pas là. Elle est sortie en ville avec ses amis et ne rentrera probablement que demain. Ça arrive assez régulièrement depuis que notre père est mort. Elle se change les idées...à sa manière.
Il a été victime d'une seconde crise cardiaque qui lui a été fatale. Je ne devrais pas me sentir soulagée de ne plus avoir à le voir déambuler dans la maison, le regard vide, une bouteille à la main. Et pourtant, je le suis. Ce n'était plus le père que je connaissais. Mon vrai père est mort il y a bien longtemps, pour moi. Cette chose molle et incapable du moindre geste n'était pas mon père. Mon père était un homme fort, bon, juste, qui me protégeait de ma mère.
Et Émilien... Voilà longtemps qu'il a quitté la maison. Par moments, je regrette de ne pas être partie avec lui, de m'être dégonflée. Même si ça aurait été dur au début, peut-être qu'on s'en serait sortis. Mais c'est trop tard, maintenant. Je ne sais même pas où il est...
Je me retrouve donc bien trop souvent seule avec ma mère, alors qu'elle me hait du plus profond de son âme.
La porte d'entrée claque. Je me caresse le ventre. Je sais qu'il faut que je lui dise. Que je lui dise... Mais comment pourrais-je lui raconter ? Comment pourrais-je raconter à ma mère, qui me hait, que je suis enceinte?
Je l'ai fait. J'ai fait l'amour avec un garçon, il y a quelques mois. Et maintenant je me retrouve enceinte. Le garçon en question n'a jamais voulu de moi. C'était un jeu entre ses amis et lui. Un pari. C'était ma première fois et je la regrette profondément, parce que rien n'était vrai. Mais la vie que je porte en moi me redonne le sourire, me donne envie d'espérer. D'espérer un avenir plus lumineux, moins sombre que ce qu'il a été jusqu'à présent.
Je ne peux pas fuir. Je ne peux pas fuir ma mère. Je n'ai nulle part où aller. Je n'ai personne à qui parler. Je dois lui dire. Je n'ai pas le choix.
Je me lève de mon lit et m'inspecte dans la glace en me mettant de profil. J'ai un arrondi au niveau du ventre. Je l'ai caché jusqu'à maintenant sous des robes amples des habits larges mais il y a un moment où je ne pourrai plus échapper à ce ventre qui grossit, signe de l'enfant que je porte en moi. Je suis terrifiée. J'ai peur de ce que ma mère va dire. Et de ce qu'elle va faire. Mais ça ne pourra pas être pire que ce qu'elle a fait jusqu'à maintenant. Et je n'ai pas le choix.
La main tremblante j'abaisse la poignée de la porte de ma chambre et descends lentement l'escalier, la main crispée sur mon ventre. Ma mère est dans la cuisine, dos à moi, face à l'évier dans lequel elle lave une assiette en silence. Je sais qu'elle sait que je suis là, derrière elle, à attendre. Mais elle ne se retourne pas.
- Tu as quelque chose à me dire? me demande-t-elle sèchement.
- Oui. (Je me tords les mains.) C'est important.
Elle soupire de lassitude. Elle n'a pas envie de me regarder dans les yeux. Elle déteste me regarder dans les yeux. Elle trouve que je suis une monstruosité. Une monstruosité qu'elle a mise au monde, qu'elle a enfantée. Je suis son plus grand regret, son plus grand malheur.
Soudain, dans ma tête, je me fais une promesse : jamais je ne détesterai mon enfant. Je l'aimerai, quel que soit la vie qui m'attend, quelque soit son physique, quel que soit son caractère, quel que soit...tout. Je l'aimerai.
Jamais je ne lui ferai vivre ce que ma mère m'a fait vivre. Jamais je ne le ferai souffrir comme elle m'a fait souffrir. Jamais je ne lui dirai des mots cruels comme elle m'en a dit. Je lui dirai que je l'aime tous les jours pour m'assurer qu'il s'en souvienne et qu'il comprenne, cet enfant, que je l'aime du plus profond de mon cœur et du plus profond de mon âme. Je l'aime. Même si son père l'a abandonné, ne m'a jamais aimé et n'a jamais voulu de moi, je l'aime.
- Eh bien, dis-moi ce que tu as de si important à me dire, ne me fais pas attendre ! Dépêche-toi !Tu sais combien je déteste parler avec une abomination de ton genre...
Je prends mon courage à demain. Je me répète que je n'ai pas le choix. Si seulement j'étais parti avec Émilien... Tout aurait été différent. Mais je ne dois pas penser à ça. Je ne peux pas refaire le passé, à mon plus grand regret.
Je décide d'être directe. C'est ma première erreur.
- Je suis enceinte.
Elle se retourne brusquement vers moi, l'assiette à la main. Je lève les yeux pour me confronter à son regard. Je n'aurais pas dû. C'est ma seconde erreur.
Elle me lance l'assiette à la tête. Je n'ai pas le temps de l'esquiver. Je m'écroule sur le sol en hurlant de douleur. Je me tords dans tous les sens. J'ai mal. La douleur m'empêche de garder les yeux ouverts et quand j'arrive à les maintenir ouverts, la vision est floue.
- Toi, enceinte ?! Comment oses-tu ?! Comment oses-tu être enceinte sous mon toit ?! me jette-t-elle a la figure comme elle m'a jetée l'assiette à la tête.
Je ne réponds pas. Je ne peux pas répondre. Je n'ai jamais eu aussi mal de ma vie. Et soudain quelque chose me percute en plein ventre et je crie de douleur, une fois encore. Elle me donne des coups de pied partout dans le ventre, partout où elle peut m'atteindre. J'entends mes côtes se briser. Elle a gardé ses chaussures aux pieds et me frappe avec ses talons.
- Je t'interdis d'avoir cet enfant ! Tu n'auras pas cet enfant ! Tu ne mérites pas d'avoir un enfant ! Rentre toi ça dans le crâne, Ophélia ! Tu es une monstruosité ! Une chose qui n'aurait jamais dû voir le jour ! Tu mérites juste de mourir ! Tu n'as pas le droit au bonheur, je te l'interdit !
Elle démultiplie les coups de pied sur mon ventre. Je me recroqueville en boule sur le carrelage froid. Ces gestes me font mal. Terriblement mal. La douleur à ma tête et à peine supportable mais je me force à garder les yeux ouverts, à endurer ce que je dois endurer depuis toujours.
Soudain, une douleur effroyable me traverse le ventre. Je me plie en deux. Quelque chose de liquide, d'étrangement poisseux sort de ma bouche. Dans un violent sursaut, je comprends que c'est du sang. Et puis soudain, il n'y a que du sang partout.
Ma mère continue de me labourer de coup de pied. J'ai mal. Ma tête s'enfonce sur les débris de l'assiette. La douleur dans mon ventre ne me quitte pas mais je dois endurer. Je n'ai pas le choix d'endurer. Et pourtant je souffre. Je lutte pour garder les yeux ouverts. J'ai de plus en plus mal au ventre, c'est à peine supportable.
Et soudain, je comprends. Je comprends que je suis en train de perdre mon bébé. Mon bébé que je m'étais promis de chérir, d'aimer profondément... Je suis en train de le perdre et j'ai mal... Je veux qu'on me laisse mon enfant...
Je ne veux pas le perdre... Je ne veux pas le perdre... Le perdre... Le...
Dans ma tête, ce bébé avait déjà un nom.
Théo. Mon bébé, maman t'a aimé plus fort que tout, même si elle n'a jamais pu te rencontrer, jamais plus te voir, jamais pu te serrer dans ses bras... Elle t'aime. Elle t'aime terriblement.
Note de l'auteure :
Hello ! Comment allez-vous ? Est-ce que ce chapitre vous a plu ? Voici une nouvelle révélation sur le passé d'Ophélia...! Êtes vous surpris ? Ou est-ce que vous vous y attendiez ?
Quel est votre chapitre préféré jusqu'à présent ? Votre personnage préféré ?
Je m'excuse pour l'écriture désastreuse de ce flashback, mais j'ai eu beaucoup de mal à l'écrire. Je ne supporte pas la violence. Ou plutôt, je peux en lire même si je n'aime pas ça, mais la, j'écrivais en me mettant à la place d'Ophélia et c'était particulièrement troublant, je dois l'avouer... J'ai eu du mal à écrire le flashback, donc il sera refait en mieux. Mais il fallait que l'histoire avance, sinon je vais rester bloquée indéfiniment sur ce passage...😅
Ce n'est donc pas très réussi mais j'espère que vous ne m'en voudrez pas trop. Si vous avez des conseils pour la réécriture de ce passage, j'en serais ravie et vous écouterai avec plaisir ! Je me suis basée sur ce que je sais de la violence, de comment je l'imagine et également de ce que j'ai vécu (non pas que j'aie vécu une scène similaire à celle-ci, hein !).
Merci du fond du cœur à mes trois plus fidèles lectrices : Plume_en_Argent, Nairose7 et Mya_castelle !! ❤️❤️❤️
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