Je suis soudain prise d'affreuses nausées, et crispe mes doigts sur le bord de la table.

Non. C'est impossible. Pas Julia. Pas elle. Non, non, non ! NON !

Je me lève brusquement sous le regard inquiet de Raphaël.

- Je reviens très vite, soufflé-je du mieux que je le peux, une main sur le front.

Je cours jusqu'aux toilettes des femmes pour m'enfermer dans une cabine. Je tente de m'obliger à calmer ma respiration. Je n'en sais rien ! Peut-être mais...tout concorde ! Non, non, non ! Julia NE PEUT PAS être la fille du frère de Raphaël ! Elle ne peut pas être la fille de celui qui m'a fait du mal ! C'est impossible ! Elle a hérité du tempérament gentil de son père, donc... elle ne peut pas être la fille de ce Nathaël.

Rien que l'imaginer...

Je me redresse juste à temps pour vomir dans les toilettes. Je tire aussitôt la chasse d'eau, les yeux remplis de larmes.

- Je suis une mauvaise mère jusqu'au bout, murmuré-je. Tout est de ma faute...

Je ne pourrai jamais savoir si Julia est la fille de Raphaël ou celle de Nathaël. Mes cours de S.V.T. sont bien loin, mais je me souviens bien que les vrais jumeaux, les jumeaux appelés monozygotes, possèdent le même groupe sanguin et les mêmes caractéristiques physiques... Le sujet m'avait passionné, à l'époque.

Donc, même en faisant un test de paternité...cela ne servirait à rien. En plus, je ne suis pas prête à avouer que la fille qu'il a vue est sa fille...ou celle de son frère jumeau !

Je me masse les tempes. Mon envie de vomir est partie. Tant mieux, même si je sais qu'elle se tient là, sous la surface. J'espère que je vais réussir à manger... Raphaël a tout payé, j'ai intérêt à tout manger jusqu'à la dernière miette !

Je déverrouille la porte des toilettes et me fige en croisant mon reflet dans le miroir. Mon teint est pâle et cireux et mes yeux gris, bien ternes.

Cela me rappelle...

Flashback : Ophélia a 22 ans

Il est parti. Il m'a laissée seule. Il m'a abandonnée. J'ai cru en ses belles paroles, qui étaient fausses !

Je me recroqueville à terre, serrant le tapis de toutes les forces.

J'ai envie de pleurer, mais je n'ai plus de larmes.

Ils ont frappé à la porte ce matin, et m'ont demandé de partir. L'appartement était en vente.

Je n'ai nulle part où aller. Je n'ai pas d'argent, je n'ai plus rien.
Seulement un truc qui grandit dans mon ventre.

Il est trop tard pour que j'avorte. Je me suis rendue compte de ma grossesse très tardivement.

Et il n'est plus là.

Je suis seule avec son bébé que je porte, qu'il voulait et qu'il ne connaîtra jamais parce qu'il est trop lâche.

Ou alors, est-ce moi qui suis lâche ?

Je tombe en avant. Je ne sais pas. Je ne sais plus.

Je veux mourir.

Fin du flashback

Ma main serre le rebord du lavabo blanc. Je dois aller retrouver Raphaël. Les secrets me rongent. Il faut que je trouve la force de lui parler de Julia.

Mais... Et si elle n'est pas sa fille, mais celle de son frère jumeau ?

Raphaël voulait des enfants avec moi, à l'époque. C'est Nathaël qui m'a abandonnée parce qu'il n'en voulait sûrement pas.

Je ne veux pas donner de faux espoirs à Raphaël. Je ne peux pas dire à Julia que Raphaël est son père, sans savoir si c'est réellement le cas. Comment vais-je faire ? Je ne peux pas mentir à Raphaël, et à Julia non plus. Ce n'est pas envisageable.

Il faut que je trouve une solution.

Je me prends la tête entre les mains et tente de respirer calmement. Tout finira par s'arranger... Non, rien ne s'arrangera ! Je n'ai aucun moyen de savoir qui est le père de Julia !

J'agrippe mes cheveux de mes mains et recommence à pleurer.

Lorsque je suis un peu calmée, je fixe à nouveau le miroir, me regardant droit dans les yeux.

Je ne peux pas parler de Julia à Raphaël. Je ne peux pas lui parler de notre enfant... Il faut que je m'assure que Raphaël est bien le père de Julia, et que Nathaël ne le soit donc pas...

Je n'utilisais aucun moyen de contraception à cette époque. C'était... hum ! Raphaël qui s'en chargeait. Et il n'en utilisait pas toujours...

L'idée que Nathaël ait pu me toucher sans que je m'en rende compte en se faisant passer pour son frère jumeau me dégoûte, mais... s'il utilisait toujours un préservatif, il n'y a pas de risque que Julia soit sa fille.

Seul problème : il n'y a que Nathaël qui le sait (s'il s'en souvient).

Donc je n'ai qu'une seule et unique solution.

Je me redresse lentement et fixe le miroir en me regardant droit dans les yeux.

Il est temps de faire face à une partie de mon passé.

J'arrange mes cheveux et ouvre la porte des toilettes pour rentrer dans la salle de restaurant.

Raphaël m'attend à la table, les yeux rivés sur sa montre, l'air assez... inquiet ?

-je suis là, murmuré-je.

Il relève la tête et son regard vert se perd dans le mien.

J'ai si peur !

Pourquoi la vie continue de me faire souffrir ? Qu'ai-je donc fait de mal ?
Est-ce à cause de ma venue au monde ? Mes cheveux roux ? Ma mère avait peut-être raison... Isabella a donc peut-être raison elle aussi.

Peut-être que je suis un démon.

Peut-être que je suis un monstre.

Peut-être que je suis abominable.

Peut-être que je ne mérite pas d'être mère.

J'ai peur. J'ai peur. J'ai peur. La vie n'arrête pas d'être cruelle avec moi.

Raphaël... L'immensité de ses yeux verts est si grande je suis en train de me perdre à l'intérieur.

J'aimerais pouvoir ne jamais remonter à la surface. J'aimerais remonter dans le passé, être heureuse avec lui, être rien que tous les deux, ou peut-être avec Julia... Que le présent reste à sa place.

J'aime toujours Raphaël de toute mon âme, de tout mon cœur, de tout mon corps.

Nous avons un enfant, peut-être pas le sien. S'il s'avère que Julia est la fille de Nathaël, je ne sais pas si je m'en remettrai.

Il ne faut surtout pas que Nathaël découvre que Julia est sa fille sinon il pourrait essayer de la reprendre et ce serait fini pour moi.

J'ai appris à mes dépens que la vie était un lourd fardeau. J'ai peur, j'ai mal. La douleur dans mon cœur est omniprésente. Enfin, elle l'était jusqu'à ce que Raphaël apparaisse. Il est mon phare dans la nuit, mon unique lueur d'espoir... Même ça, on me l'a enlevé, on m'a tout pris, on m'a privé de tout, on m'a tout retiré. Parce que je n'ai aucun moyen de savoir si Raphaël est bien le père de Julia. Sauf si...

- Ça va mieux ? Me demande Raphaël, l'air inquiet, en scrutant mon visage fatigué.

Je hausse les épaules.

- Ça peut aller, soupiré-je, la gorge nouée et les mains tremblantes.

Je m'assieds en face de lui.

Je sais qu'il faut que je lui dise. Que je lui dise. Que je lui dise. Mais les mots dans mon cœur me serrent la gorge comme s'ils voulaient m'étouffer. J'ai si peur de les prononcer et de les rendre encore plus réels !

Alors je me contente de cette phrase, en me tordant les doigts sous la table :

- Raphaël... Je voudrais rencontrer ton frère, Nathaël.

Coucou ! Je ne suis pas très satisfaite de ce chapitre, j'essaierai de l'améliorer plus tard, sinon je vais rester bloquée dessus pendant des semaines 😅​

Et vous, ce chapitre vous plaît-il ainsi ?

A votre avis, Raphaël va accepter la demande d'Ophélia ou pas ?