Chapitre 15
Isabella se tient toujours là, devant moi. Elle est debout. Droite et fière. Je sais qu'elle ne tombera pas, quoi que je puisse lui dire, ou lui faire.
Elle me toise. Et je comprends, en regardant ses yeux si sombres, si différents des miens, que tout ne fait que commencer. Elle me hait pour toujours, voici ce que je lis dans ses yeux. Et, sur cette ultime promesse, elle tourne les talons et dévale les marches.
Je m'appuie sur la porte pour avoir du soutien. Je ne peux pas pleurer. Pour Julia. Et Diego.
La porte de la résidence claque brusquement, et ce bruit résonne en moi. Ma sœur et Bianca sont finalement parties à la messe.
J'inspire, une main plaquée sur mon cœur qui bat toujours à vive allure, seul vestige de l'adrénaline qui m'a habitée.
Je me redresse et pousse la porte de l'appartement.
Diego et Julia se tiennent là, face à moi. Je lis dans leurs yeux qu'ils ont tout entendu. J'aperçois leur peur. Et je me dis que ce qui les entoure est malsain. L'environnement dans lequel vivent ces enfants, même Bianca, est malsain. Ils nous voient, ma sœur et moi, nous disputer, se menacer mutuellement. On ne devrait pas habiter ensemble. Pour leur bien. Et le nôtre.
Je m'accroupis devant eux, les yeux remplis de larmes.
- Je suis désolée, les enfants. Pour tout.
J'ai peur qu'ils m'en veuillent. Mais, soudain, ils m'entourent de leurs petits bras. Et mon cœur, que je pensais gelé, se réchauffe doucement. Grâce à eux, grâce à leur amour.
Je serre Julia et Diego contre mon cœur.
- Je vous aime, murmuré-je.
Julia ne dit rien, mais je sens ses petites mains m'agripper plus fort encore. Et Diego me chuchote doucement, dans un murmure qui me chatouille l'oreille :
- J'aurais voulu pouvoir t'appeler maman.
Je ne sais pas quoi dire. Puis une phrase sort naturellement de ma bouche :
- J'aurais aimé que tu sois mon fils, Diego.
Il enfouit son visage dans le creux de mon cou. Ses épaules tremblent ; il pleure. Puis il se dégage, et quitte la pièce en disant :
- J'ai quelque chose à faire.
Il est parti sans relever la tête vers moi, pour que je ne voie pas ses larmes. Sa mère l'a élevé en lui répétant qu'il était faible, et voilà ce que ça donne. Diego est un petit garçon sensible, et il pense que c'est un défaut.
- Maman..., me murmure Julia. Je regrette tout ce que je t'ai dit.
Je me détache doucement d'elle et plonge mon regard dans ses yeux verts.
- Ce que tu as dit m'a fait réagir, Julia. C'était une bonne chose, car il était temps !
Elle sourit à travers ses larmes, et je dépose un baiser sur sa joue, avant de poser mon front contre le sien.
- Je t'aime plus que tout au monde, Julia. Depuis toujours et pour toujours.
Une porte claque soudainement, et je sursaute. Du coin de l'œil, je découvre que la porte de l'appartement s'est rouverte. Je l'ai sûrement mal fermée tout à l'heure...
Lorsque je me redresse dans l'intention d'aller la refermer, je me fige brusquement.
Un homme se tient devant notre porte ouverte.
Je déglutis, car je pense savoir de qui il s'agit, sans avoir besoin de regarder son visage.
Je regarde d'abord ses chaussures, pour remonter jusqu'à son visage.
Je suis happée par un regard vert que je connais bien. Un vert que j'ai contemplé sur le visage de ma fille à l'instant même.
Je vacille.
Raphaël est là, devant moi.
Encore une fois.
Je pousse Julia derrière mes jambes.
- Julia, dis-je d'une voix étranglée. Va avec Diego, s'il te plaît.
- Mais..., proteste-t-elle, en tenant un regard vers son père.
Je la pousse dans le couloir.
- Tout de suite !
La porte claque. Julia est partie avec Diego. J'espère qu'elle n'écoute pas à la porte, même si ce n'est pas son genre.
Je prends appui sur le dossier du canapé.
- Raphaël...
Ma voix tremble.
- Ophélia.
Sa voix, à lui, est ferme. Il s'avance, mais je lève une main, que j'interpose entre nous.
- Reste où tu es.
Il se fige.
- Que fais-tu chez moi ? Comment as-tu découvert mon adresse ?
- Ton frère me l'a donnée. Ophélia...
- Que fais-tu chez moi ? Réponds !
- Je suis venue te voir.
- Pour quelle raison ?
- Ton frère m'a demandé de veiller sur toi...
- La véritable raison ?
- Il faut qu'on discute.
- Je t'ai dit avant-hier que je ne voulais plus jamais te voir. Qu'est-ce qui n'a pas été assez clair ?
Il s'avance.
- Tu pensais vraiment que je te laisserais tranquille sans comprendre la raison qui te pousse à affirmer que je t'ai abandonnée ?
- Je pensais que tu respecterais ma décision, celle de bien vouloir te tenir loin de moi. Après ce que tu m'as fait...
Il leva une main, l'air agacé :
- Mais qu'ai-je fait, au juste ? Tu m'accuses d'abandon, alors que c'est toi qui m'as laissé tomber sans rien dire !
Il se passe une main dans les cheveux, nerveux. Quant à moi, je me fige. Je ferme les yeux pour me concentrer, et repasse ses mots en boucle dans ma tête.
Toi.
Laissé tomber...
Je m'entoure de mes bras, en quête de réconfort, et de soutien. Puis je relève les yeux vers mon ex-fiancé.
- Qu'est-ce que tu racontes ?
Raphaël me tend une main et m'adresse un regard implorant.
- Laisse-moi te parler. Il faut éclaircir des choses. S'il te plaît, Ophélia...
Je pèse le pour et le contre. Alors que j'ouvre la bouche, m'apprêtant à lui répondre un non sec et définitif, je me ravise, les points d'interrogation dans ma tête emportant mon combat intérieur.
- Très bien. Mais pas ici.
Je cherche du regard un bout de papier et un crayon, et finis par trouver ce que je désirais. Je griffonne un mot aux enfants :
Isabella et Stella ne devraient pas tarder. J'ai quelque chose à faire, et je ne sais combien de temps cela me prendra. Je laisse le double des clés sur le meuble de l'entrée. A tout à l'heure (pas de bêtises !).
O.
Je passe devant Raphaël, ignorant royalement sa main tendue. Je l'entends soupirer avant de me suivre.
Je ferme la porte et le précède dans les escaliers.
- Où souhaites-tu aller ? me demande-t-il.
Hors de question d'aller très loin avec lui ! En plus (par chance), nous sommes dimanche, donc tout est fermé - ou presque.
Je ne lui réponds pas, et marche en direction du parc, sa présence qui me rappelle de douloureux souvenirs dans mon dos.
- Te décideras-tu à me parler ? questionne-t-il après s'être assis sur un banc.
J'entrevois une pointe de douleur dans ses beaux yeux, et mon cœur se serre dans ma poitrine. Non ! Je ne dois surtout pas me laisser attendrir !
Je hausse les épaules et me pose à côté de lui - à distance respectable, je ne voudrai pas qu'on nous prenne pour un couple. Je ne suis pas encore prête à lui parler, alors je garde les yeux rivés devant moi.
- C'était ta fille ? me demande brusquement Raphaël.
- Hein ?
- La petite fille rousse derrière toi, tout à l'heure. C'était ta fille ?
Difficile de ne pas remarquer la ressemblance, même de loin. Avec cette même couleur de cheveux, assez repérable... Je ne peux pas lui mentir, surtout qu'Émilien est déjà au courant. Du moins que j'ai une fille. Car il ne sait pas qui est le père. Même Raphaël ne le sait pas. Et si Émilien venait à l'apprendre, son meilleur ami se prendrait très sûrement une raclée.
- Oui, c'est ma fille.
- De ce que j'ai vu d'elle, elle te ressemble beaucoup.
- Elle tient plus de son père, en fait.
Ses poings se serrent.
- Tu prends plaisir à me faire souffrir, Ophélia ?
Zut. Je ne pensais pas être blessante. Cela signifie-t-il que Raphaël...m'aime encore ? Non. Je n'ai pas le droit d'espérer.
- Désolée...
Je rougis, mal à l'aise. Pourquoi ai-je dit cette phrase, à l'instant, qui a tout fichu en l'air ? Ça a mis Raphaël en colère. Bien joué, Ophélia ! je songe, en jetant un coup d'œil à sa mâchoire crispée, signe qu'il est très énervé.
- J'en conclus...que tu t'es retrouvé quelqu'un ?
Sa voix est triste. Ou bien s'agit-il de mon imagination ?
- Je...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase, car une autre voix vient soudain se mêler à la conversation :
- Effectivement, Ophélia s'est retrouvée quelqu'un. Tu arrives trop tard...
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