II. VIII
Liam
Il ne doit se passer qu'une minute et pourtant c'est l'éternité que je semble traverser avant que la douleur diminue et que Harry s'agenouille près de Zayn. Louis m'aide à me relever et ne cesse de répéter que ça va aller. La terreur que je ressens doit transparaître sur mon visage et dans tout mon être. Je respire avec difficulté, épuisé par cette nouvelle crise. Harry se redresse et porte Zayn dans sa maison. Louis et moi le suivons et je referme la porte derrière nous.
Zayn est allongé sur le canapé, sa main sur sa poitrine, les traits tirés. Je m'avance et m'assieds sur le bord du coussin. Mes ailes se sont déployées... teintées de vert. Je glisse ma main dans la sienne et apaise sa douleur. Les battements de son cœur ralentissent et son corps se détend enfin. Je dégage les cheveux sur son front puis m'attarde sur son visage, ses joues creusées, son teint terne. Zayn est en train d'abandonner. Et je crains d'arriver trop tard.
"Liam, tu devrais le laisser se reposer. Il est épuisé, j'entends dire Harry.
- Je ne peux pas le laisser. Je ne peux plus...
- Je sais mais...
- Non, Harry. S'il te plait, laisse-nous."
Mon ton est suppliant. Mais si je dois perdre Zayn, je veux pouvoir l'accompagner. Je commence à comprendre pourquoi les Hautes Instances ne se sont pas manifestées. Notre périple sera de courte durée et sans conséquence. Je suis en train de perdre Zayn pour la seconde fois. J'aurais dû poursuivre mes recherches il y a deux ans, le retrouver pour veiller sur lui et, si nous ne pouvions pas nous aimer, le guider pour qu'il trouve le bonheur.
Sans me défaire de sa main, je parcours la pièce du regard. Il semble évident que Zayn vit seul et qu'il travaille beaucoup. Le bureau sous la fenêtre est recouvert de dossiers et croquis. Le salon est en désordre et le volet de la baie vitrée déjà fermé.
Je soupire. Je me suis résigné toute mon existence de ne pas avoir pu vivre cette belle histoire avec Zayn. Les quelques mois que nous avons partagés étaient un cadeau du Ciel, et même si ce que j'éprouvais semblait irréel, impensable, ils m'ont marqué à tout jamais. Lorsque les Hautes Instances m'ont enlevé à lui, j'ai bien pensé qu'il serait malheureux un temps. J'étais loin d'imaginer, qu'au plus profond de son être, Zayn ressentirait le manque de l'autre personne.
Je me sens tellement démuni à cet instant précis, le regard rivé sur un cadre accroché au mur. Zayn pose avec un couple devant l'enseigne d'un restaurant. Il semble heureux et serein sur le cliché. Puis, je remarque la petite photo coincée dans l'encadrement, ternie par le temps.
"Liam... Peut-être devrions-nous appeler les secours ou tenter de joindre un membre de sa famille..."
Harry est arrivé à pas de loup près de moi et me sort de mes pensées. Je détache mon regard de la photographie pour le reporter sur lui. Je resserre mon emprise sur la main de Zayn... à moins que ce ne soit Zayn qui serre mes doigts entre les siens.
"Non... n'appelez pas les secours. Ça va aller."
La voix est à peine audible, timide. Mais Zayn est réveillé. Harry et moi portons notre regard sur lui alors qu'il se redresse... et se défait de ma main. Soulagé de le voir conscient, mon cœur s'étreint pourtant dans ma poitrine lorsque je croise son regard méfiant.
Et qui ne le serait pas en découvrant trois inconnus au milieu de son salon !
Harry se racle la gorge puis prend la parole.
"Nous nous excusons d'avoir fait irruption dans votre maison. Vous vous êtes effondré sous nos yeux. Zayn hoche la tête dans un remerciement silencieux. Nous avons préparé du thé. Vous en voulez une tasse ?
- Je veux bien, merci." répond Zayn.
Je suis tétanisé, incapable de dire quoi que ce soit. Zayn se redresse et m'oblige à lui faire face.
"Nous nous connaissons, non ? Enfin, je veux dire, j'ai l'impression de vous avoir déjà rencontré."
Je déglutis, cherchant les bons mots et la meilleure manière de lui raconter notre histoire. Harry revient près de nous et dépose les tasses de thé sur la table basse. Zayn s'assied près de moi et s'empare de la tasse qu'il serre entre ses mains, laissant son regard divaguer sur son salon. Doucement, il se lève et s'avance vers le cadre que je regardais quelques minutes plus tôt. Zayn est calme et ne m'oblige pas à lui répondre. Harry et Louis sont dans la cuisine, je les entends chuchoter. J'inspire profondément parce que je dois des explications à Zayn. Je me suis présenté à sa porte pour une raison.
"Oui, je réponds simplement. Nous nous sommes rencontrés...
- En 1990, termine Zayn en mettant le cliché sous mes yeux. C'est vous n'est-ce pas sur cette photo ?"
Je prends le Polaroïd entre mes doigts. Je n'en reviens pas que cette photo ait survécu à la magie des Hautes Instances. Je me souviens de cette journée que nous avions passée en bord de mer avec ses amis. C'était une belle journée d'automne, un peu comme aujourd'hui. Le ciel était bleu, immaculé. Le soleil brillait mais ne nous réchauffait pas. Nous avions passé la majeure partie de la journée dans les bras l'un de l'autre. C'est à ce moment que je me suis rendu compte que mon cœur battait la chamade chaque fois que Zayn et moi étions proches.
C'est cette nuit-là que je me suis éclipsé pour questionner mon référent.
C'est cette nuit-là que j'ai été envoyé ailleurs... à quelques jours d'Halloween. Sans aucun retour possible sur mon ancienne mission.
"Liam ? j'entends Harry intervenir. Il est temps d'expliquer à Zayn...
- Liam ? reprend mon ancien amant. LP ? Pourquoi ? Je veux dire, pourquoi trente ans plus tard tu débarques dans ma vie ? Quelle espèce de sorcellerie fait que je ne me souviens pas de toi alors que j'ai ton regard tatoué sous mon cœur et tes initiales ?"
Zayn s'emporte. Les battements de son cœur sont désordonnés dans sa poitrine et me font mal, à moi. Son visage se crispe et je sens une nouvelle attaque arriver.
"Pourquoi ? souffle-t-il en s'asseyant sur le fauteuil face à moi.
- Je vais t'expliquer mais il va falloir me promettre de m'écouter jusqu'au bout, peu importe l'absurdité de ce que je vais dire.
- Plus rien ne me semble absurde... Au point où j'en suis... laisse-t-il échapper.
- Quoi ? je rétorque.
- Je n'en suis pas à mon premier malaise. Mais le prochain sera sûrement le dernier, explique-t-il résigné.
- Pour... pourquoi ? je bégaye.
- Je souffre du syndrome Takotsubo. Mon cœur est déformé et ne remplit plus sa mission correctement, explique-t-il. C'est une pathologie rare souvent liée à un stress émotionnel intense. Les médecins appellent ça Le syndrome du cœur brisé...
- Je suis désolé, je souffle. Tellement désolé, Zayn. Tout est de ma faute... Et il m'a fallu trente ans et leur amour, dis-je en désignant Louis et Harry, pour m'en rendre compte.
- Il n'est sûrement pas trop tard pour tout arranger, intervient Louis. Vous êtes des Anges, usez de vos pouvoirs ! s'énerve-t-il.
- Vous êtes des Anges... mais bien sûr ! rit Zayn. Écoutez, je ne vous ai pas demandé de partir parce que j'ai reconnu Liam à la seconde où j'ai ouvert la porte. Mais si c'est un canular, c'est définitivement pas drôle ! Je suis fatigué alors je vous demande de partir. Immédiatement."
Louis s'apprête à protester parce qu'il est le mieux placé pour tout expliquer à Zayn, mais Harry le retient et, tout en glissant son bras autour de son torse, l'oblige à se tourner et à quitter la maison. Je me lève à mon tour, abattu. Peut-être que comme Harry, j'aurais dû prendre le temps d'écrire une lettre à Zayn. Je me recule de quelques pas dans le salon mais avant de quitter la pièce, je tente à nouveau.
"Je suis vraiment désolé Zayn.
- Je ne sais pas ce qu'il s'est passé il y a trente ans et encore moins pour quelles raisons je ne m'en souviens pas du tout. Mais... il rit en glissant sa main dans ses cheveux. J'ai rencontré des salauds dans ma vie qui m'ont simplement baisé et sont partis au petit matin sans explication et sans rappeler. Mais revenir trente ans plus tard pour me dire "Je suis un Ange", faut pas abuser !
- Je m'y suis mal pris pour tout t'expliquer mais j'aurais au moins aimé que tu m'écoutes..."
Zayn est face à moi, bien droit, les deux pieds plantés dans le sol. Rien ne semble pouvoir le faire changer d'avis. Je glisse ma main sur sa joue dans un geste désespéré. Il m'arrête en attrapant mon poignet et alors, un halo de lumière nous entoure.
*
* *
Il est temps de faire entrer la magie...
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