I.

Halloween.... La période de l'année que j'aime le plus.

Certains vont préférer le printemps pour la douceur des températures, les journées plus longues. D'autres vont préférer Noël, les chocolats chauds, l'odeur du sapin et de la mandarine, les cadeaux.

Moi j'aime Halloween.

Pendant une semaine dans la ville où je vis, tout le monde arbore un costume jusqu'au jour de la grande soirée du 31 octobre. Ça ne choque personne, c'est une tradition chez nous, pour célébrer nos ancêtres celtes.

Pendant une semaine, je ne porte pas de costume, de déguisement. C'est la seule semaine de l'année où je suis pleinement moi-même. Un Ange.

J'ai la possibilité de déployer mes ailes quand je veux, sans que personne ne se retourne sur moi. Je suis libre une semaine par an et ça fait du bien. Véritablement.

Je pense que beaucoup de personnes que je côtoie profite d'Halloween pour être eux-mêmes également, mais d'une autre manière que moi.

Mon apparence n'a pas changé depuis que j'ai été envoyé sur Terre, il y a vingt-huit ans, où je veille sur une petite communauté d'humains. Mais chaque 31 octobre à minuit, mes petits humains oublient mon existence. Ils ne doivent pas découvrir qui je suis vraiment. Alors pour moi c'est un éternel recommencement.

"Les hautes instances" ne m'ont jamais vraiment expliqué la raison de mon envoi sur Terre. J'étais plutôt bien moi, "là-haut", à veiller sur les humains. C'était amusant... souvent, triste... parfois. J'accordais beaucoup d'importance à remplir ma mission et aider, guider, soutenir mes petits humains.

Parfois, les humains ont cette sensation étrange de ne pas être seul dans une pièce ou de voir une ombre passer furtivement. C'est moi. Je suis là, j'observe. Enfin c'était moi. Puisque maintenant je vis au milieu d'eux, comme un humain ou presque.

Je suis un Ange. Un être magique. J'ai une apparence humaine mais je ne suis pas fait de chair et de sang. S'il y a un cœur dans ma poitrine, il ne bat pas. Ce n'est pas lui qui me maintient en vie mais l'énergie qui irradie des êtres humains sur qui je veille. J'ai deux magnifiques ailes dans le dos qui se colorent selon mon humeur et surtout selon l'humeur de mon entourage. Parce que, personnellement, je suis juste bien. Heureux simplement.

Mes ailes ne changent d'ailleurs plus de couleur depuis quelques semaines. Elles ont des reflets bleutés, semblable à la couleur des yeux de Louis.

Louis.

Depuis que je suis sur Terre, c'est la première fois que je m'attache autant à un être humain. Louis me procure des sensations inconnues dans tout mon être, quand il me regarde, quand il me parle doucement, quand ses lèvres effleurent les miennes ou ses mains caressent mon corps. Louis est la première personne que j'ai jamais embrassée, la première personne à avoir glissé ses lèvres sur mon corps. Il est la première personne que j'ai osé découvrir, toucher, caresser. J'ai l'impression qu'un fluide parcourt tout mon corps. J'ai l'impression de ressentir ce sentiment qui guide les humains dans la plupart de leurs choix. L'amour.

Mais je suis un Ange et je n'ai pas la faculté d'aimer.

Pourtant, je me rends compte que j'apprécie la compagnie de Louis, que j'attends qu'il passe la porte de ma petite boutique avec ce sourire qui me donne envie de le contempler, inlassablement.

C'est si nouveau pour moi que j'ai fini par en parler à Liam, mon référent des hautes instances.

"J'ai pas envie de devoir recommencer tu sais, je lui dis.

- Quoi donc ? répond Liam.

- Et bien, tout ça. J'aime bien ce que nous partageons avec Louis, même avec les autres habitants du village. Cette année a été agréable.

- Pourtant il n'y a pas le choix Harry. Tu sais que tes rencontres sont éphémères. Ce n'est pas la première fois que tu apprécies tes humains. Et puis toi, tu ne les perds pas vraiment.

- Je sais. Mais cette année c'est différent. Il y a quelque chose de nouveau. Je le ressens au fond de moi. Et ça se voit même sur mes ailes.

- C'est vrai que je ne les vois plus changer de couleur depuis un moment.

- Non. Et chaque matin ça me surprend. Même l'autre jour, je suis intervenu auprès d'une jeune adolescente. En général, face à la détresse liée aux chagrins d'amour, je me colore de gris. Je suis resté bleu, comme si Louis était dans un coin de ma tête. Non vraiment cette année, je n'ai pas envie."


Liam m'observe mais n'ajoute rien. C'est notre destinée ici bas.

*

* *

Je suis en train de terminer de ranger la boutique, mettre les chaises sur les tables, ranger la vaisselle, nettoyer les sols. La pièce n'est éclairée que par les lampes éparses. Le carillon tinte et je relève la tête vers la porte. Un sourire se dessine sur mon visage et une fois encore cette étrange sensation s'empare de moi.

Louis s'approche, prend le balai que je tenais pour le caler contre le bar. Ses mains s'accrochent à mes hanches et ses lèvres embrassent doucement les miennes. Louis est la douceur incarnée. Une douceur d'ange...

"As-tu passé une bonne journée ? il me demande.

- Excellente, merci. Et toi ?

- Ça été. Tu as bientôt fini ? J'ai envie de profiter de la soirée.

- Quelques minutes et je suis tout à toi.

- Ne me dis pas des choses comme ça, voyons !

- Pardon ?!?"


Louis sourit à ma réponse et je ne sais pas pourquoi. Parfois, je me rends compte que je ne connais pas toutes les subtilités des humains, malgré les années à les observer, les côtoyer.

J'embrasse les lèvres de Louis, parce que j'aime bien ça, moi aussi. J'use alors un peu de ma magie pour terminer ma tâche et que nous puissions quitter la boutique rapidement.

Ça aussi c'est quelque chose de nouveau. L'empressement.

Mes cheveux volent autour de mon visage lorsque nous marchons dans la rue, la main de Louis dans la mienne, son pouce en caressant le dos. Nous nous dirigeons vers son appartement.

A peine avons-nous passé la porte, que Louis colle son corps contre le mien. Je peux entendre son cœur battre à tout rompre, le sang pulser dans ses veines. Il glisse ses mains sur mes épaules et me déleste de mon manteau.

"C'est marrant, quelque soit la température dehors, tu es toujours chaud" il me dit alors que ses mains se faufilent sous ma chemise.

Je suis comme hypnotisé par l'intensité du regard que Louis porte sur moi. Je n'amorce aucun geste et le laisse me dévêtir lentement. Il défait un à un les boutons de ma chemise et passe dans mon dos pour terminer de me l'enlever.

"Harry !!! Tu ne m'as jamais dit ! je l'entends s'étonner derrière moi.

- Quoi ? je m'inquiète aussitôt.

- Ce tatouage ! La perfection des plumes. J'ai l'impression que si je passe ma main dessus, j'en sentirai toute la douceur."


Je me retourne pour lui faire face. Il faut bien cacher mes ailes quand elles ne peuvent être déployées.

Instinctivement, avec cette envie qui me gagne de jour en jour depuis ma rencontre avec Louis, je prends son visage entre mes deux mains et embrasse ses lèvres. C'est la première fois que je l'embrasse avec autant de fougue, de passion.

Louis s'accroche à moi et m'incite à reculer vers sa chambre. Mon corps bascule sur son lit. Louis m'observe, sa lèvre inférieure torturée par ses dents. Il enlève ses vêtements et je découvre son corps parfait, musclé.

Les étoiles nous entourent à nouveau mais j'ai l'impression d'être le seul à les voir. Elles gravitent autour de Louis, comme autour du Soleil.

Il finit par se pencher sur moi et retrouver mes lèvres.

Cette nuit-là, Louis m'offre une sensation nouvelle, une chaleur qui s'étend dans chaque parcelle de mon corps, jusque dans mes ailes. Je les sens se colorer de rouge. Le rouge de la passion, de la tentation, de l'interdit, de la détermination...

Cette nuit-là, Louis me fait l'amour. Ses battements de cœur semblent résonner dans ma poitrine.

Cette nuit-là, je prends conscience que je veux vivre éternellement des instants comme celui-là, que je veux vivre éternellement avec Louis.

*

* *

Un soupçon de magie et je laisse Louis dormir alors que je m'éclipse. Je dois absolument voir Liam, lui parler de ce qui est en train de me chambouler, de ce que je suis en train de ressentir.

"Il y a forcément une solution, je dis à Liam, d'un ton brusque qui ne me ressemble pas.

- Harry, je suis désolé mais il n'y a pas de solution. A minuit aujourd'hui, Louis t'oubliera et reprendra sa vie.

- Je le retrouverai et lui expliquerai.

- Tu lui expliqueras quoi ? Que tu es un être magique, pourvu de pouvoir et de deux ailes ? Voyons Harry ! Tu sais très bien que les Anges ne sont pas dotés de sentiments.

- Alors comment tu expliques ça ?"


Je m'approche de Liam et m'empare de sa main que je colle contre ma poitrine. C'est là, au fond de moi et ça grandit de plus en plus, de plus en plus fort. Ça ne s'arrête pas depuis que j'ai fait l'amour avec Louis. Liam me regarde, incrédule.

"Ce n'est pas possible Harry..."

Et pour la première fois, sa phrase n'est pas catégorique. Il se passe quelque chose au fond de moi, quelque chose qui n'était encore jamais arrivé à notre espèce.

Et si, finalement, on m'avait envoyé sur Terre pour Louis. Si grâce à Louis, je devenais vivant...

*

* *

La soirée bat son plein. Tout le village est réuni dans l'ancienne grange aménagée pour l'occasion, toute décorée aux couleurs d'Halloween, orange et noir, toiles d'araignées et squelettes. Les enfants courent partout. Les adultes dansent et chantent. L'alcool coule à flot.

Mon Louis sourit et m'embrasse, enlacés tous les deux au milieu de la piste de danse. Nos hanches bougent au rythme d'une chanson de Stevie Nicks. Je resserre mon étreinte autour de lui, ravagé par quelque chose qui est en train de m'engloutir. Le chagrin.

"Tu vas m'oublier, je murmure à son oreille.

- Pourquoi voudrais-tu que je t'oublie, me répond Louis. J'ai pas l'intention de te quitter Harry."


Au loin, le clocher sonne les quatre quarts de la onzième heure et le premier des douze coups de minuit.

Je me penche sur Louis, ferme les yeux et l'embrasse. Des milliers d'étoiles nous entourent. Louis s'accroche à mon cou et intensifie notre baiser.

Deux. Trois. Quatre. Cinq.

Je sens nos corps s'élever sans que je ne le contrôle. Ma langue caresse celle de Louis, langoureusement. Mon corps s'enflamme. Je plaque mes mains dans le dos de Louis comme pour le retenir, comme pour m'accrocher à ce que je suis en train de perdre.

Six. Sept. Huit.

Louis s'écarte et écarquille les yeux quand il découvre que nos pieds ont quitté le sol.

"Je suis un Ange Louis."

Neuf. Dix.

Son regard est incrédule. Sa main s'approche de l'une de mes ailes déployées. Je caresse sa joue doucement et lui sourit. Il est si beau ce soir. Il ressemble à un prince de conte de fées.

Onze.

Je capture ses lèvres.

Douze.

Tout s'efface.... Et une larme dévale ma joue... pour la première fois.

*

* *

✨ 👼 ✨

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