Voyage au bout du néant
Février s'annonça avec une douceur inattendue. La neige avait totalement disparu, à présent, laissant enfin la nature reprendre son souffle. Dans le ciel dégagé d'un bleu limpide volaient les premiers oiseaux, et c'était comme si le printemps s'annonçait plus tôt. Bien sûr, l'air demeurait frais et le soleil bas, si bien que les élèves restaient emmitouflés au chaud dans leurs capes et leurs écharpes. Le cours de transplanage, le premier samedi, eut lieu à mon plus grand étonnement au dehors. Il m'avait pourtant semblé que le premier d'Harry, Ron et Hermione s'était déroulé dans la Grande Salle, mais, ne pouvant me remémorer en détail de ce passage du Prince de Sang-Mêlé, je me dis que c'était surement des changements qui avaient eu lieu en fonction de l'époque.
Lorsque j'arrivai seule à l'endroit du parc qui servait habituellement aux cours de Vol pour les première années, je remarquai que tous les directeurs des maisons étaient présents : le professeur de Botanique, John Mandrake, pour les Poufsouffles, Galatea Têtenjoy qui, en plus d'enseigner la Défense contre les Forces du Mal, s'occupait des Serdaigle, ainsi que le professeur Slughorn et le professeur Dumbledore, de retour après son étrange absence injustifiée. Ils étaient accompagnés d'un autre sorcier, que je n'avais jamais vu auparavant et qui devait être le moniteur de transplanage. C'était un homme d'une trentaine d'années, au visage mal rasé et à l'air indifférent. Il avait des cheveux bruns désordonnés, une robe qui tombait sur ses épaules voûtées et ses yeux bleus limpides nous examinaient un à un, comme s'il se demandait lequel d'entre nous parviendrait à transplaner en premier. J'avais presque envie de lui dire de ne pas trop se creuser la tête, et de miser sur Jedusor avant d'être déçu par quelqu'un d'autre. Quelques filles de Poufsouffle gloussèrent derrière moi, et je perçus à plusieurs reprises le mot « mignon ». Aussitôt, je levai les yeux au ciel en songeant que cet homme devait bien avoir le double de leur âge. Mais bon, il valait toujours mieux ça que Wilkie Tycross, le moniteur qu'avaient eu Harry, Ron et Hermione.
- Un peu de silence ! ordonna le professeur Têtenjoy lorsque tous les élèves furent arrivés.
Peu à peu, les conversations se tarirent et les élèves portèrent leur attention sur le moniteur.
- Bonjour, dit-il d'une voix grave et monocorde. Je m'appelle Clarence Seraphin. C'est moi qui aie été chargé par le Ministère de la Magie de vous enseigner durant les douze prochaines semaines le transplanage, dans le but de vous préparer à passer votre permis...
Il parlait d'une voix si robotique qu'on eut dit qu'il récitait un poème par coeur sans mettre d'intonation. Derrière moi, les Poufouffles continuaient de glousser, mais le regard noir que leur lança leur directeur suffit à les faire taire. Seraphin fixa un instant ses yeux limpides sur elles avant de reprendre son monologue.
- Le transplanage est un moyen de transport qui ne requière rien d'autre que la magie du sorcier, contrairement aux balais magiques ou à la poudre de Cheminette, par exemple. Ainsi, je ne m'attends pas à ce que vous réussissiez tous du premier coup, ni même du deuxième ou du troisième. D'ailleurs, il se peut qu'adulte, vous ne réussissiez toujours pas... Je vais cependant faire de tout mon possible pour que cela n'arrive pas. (Il s'arrêta une seconde pour vérifier que nous écoutions toujours.) L'examen se déroulera à la fin du mois de Mai pour tous ceux qui seront majeur. Ceux qui ne le seront pas devront se rendre au Ministère le jour de leurs dix-sept ans pour être pris en charge.
Quelques élèves hochèrent la tête dans les rangs et Seraphin continua :
- Très bien. Vous êtes tous censés savoir qu'il est impossible de transplaner dans l'enceinte de Poudlard, mais le professeur Dippet a suspendu cette mesure pour une heure, et seulement dans l'espace de cette cour. Je vous demanderais donc de ne pas essayer de transplaner plus loin que demandé au risque d'avoir une très mauvaise surprise...
Un élève de Gryffondor, Cattermole, leva la main.
- Oui ? l'interrogea Seraphin.
- Qu'est-ce qui se passe si jamais on essaye ?
- Vous pourriez vous retrouver désartibulé au mieux, ou coincé entre ici et là-bas sans que nous ne puissions rien faire au pire, répondit Seraphin sans paraitre chagriné par un tel sort. D'autres questions avant que nous ne commencions ?
Janice leva la main à son tour.
- Allez-y, Miss...
- Peakes. Qu'est-ce que le désartibulement, Monsieur ?
- Le désartibulement est le fait de perdre un membre durant le transplanage. Ce peut-être plus ou moins grave, de la perte d'un sourcil à la perte d'une jambe, d'une perte complète ou partielle... Elle arrive généralement chez les sorciers les plus inexpérimentés. Mais, généralement, c'est facilement guérissable. Douloureux, mais facilement guérissable. Certains d'entre vous vont peut-être être désartibulés, mais je vous garantis que ce ne sera qu'un mauvais moment à passer.
Les élèves se lancèrent des regards incertains. Peut-être n'avaient-ils plus vraiment envie de participer à ces cours... Quoi qu'il en fût, cet homme ne cherchait pas à dissiper notre malaise, ni même à nous rendre confiants, ou, du moins, il ne réussissait pas à le faire.
- Maintenant, je vais vous demander de vous placer de sorte à être à un mètre cinquante de vos camarades. En silence, s'il vous plaît.
Ce dernier ordre ne sembla pas avoir bien été assimilé, car, dès lors qu'il eût terminé de parler, les élèves se précipitèrent à grands cris pour se placer à côté de leurs amis, se bousculant et se marchant dessus sans vergogne. Je vins me placer derrière Sharon, à l'opposé de "Jedusor&Co", tandis que les professeurs, excédés, plaçaient de force les plus dissipés.
- Si tu me pousses encore, je te jette un sort !
- Un peu de tenue, Mr Frawley ! aboya le professeur Mandrake.
De son côté, le professeur Têtenjoy tentait tant bien que mal de place Stebbins et Fortârome qui se battaient pour être le plus au devant, en bons Serdaigles. Un peu plus loin devant nous, des élèves d'années inférieurs s'arrêtaient, intéressés, pour voir ce qui se passait. Ils étaient par petits groupes de deux ou trois à chaque fois, mais suffisaient à nous mettre mal à l'aise, plus encore que nous l'étions déjà. J'aperçus Alphard parmi eux et lui lançai un sourire nerveux. Il était accompagné de ses amis mais ne semblait pas m'avoir vu.
- Très bien, dit Seraphin lorsque tous les élèves furent installés et silencieux. Le but, aujourd'hui, sera pour vous de réussir à transplaner à une distance de un mètre cinquante dans... - il sortit sa baguette de sa poche et esquissa un mouvement du poignet - ...ces cerceaux.
Aussitôt, des cerceaux bicolores d'une mode passée apparurent devant nous. Certains élèves les regardèrent comme s'il s'agissait de monstres particulièrement effrayants.
- La méthode de transplanage que l'on m'a demandé de vous enseigner est celle que vos parents ont apprise, ainsi que vous grands-parents... et que vos enfants et petits-enfants apprendront sûrement. Il s'agit de la méthode des "trois D". Le premier D est pour Destination. Il faut se concentrer sur la destination souhaitée en se la figurant avec précision. Le deuxième D est pour Détermination, car il faut se déterminer sur l'espace à occuper. Le dernier D est pour décision. Pour transplaner, il faut tourner sur soi-même et voyager au travers du néant avec décision. Comme ceci.
Il tourna soudainement sur lui-même dans un bruissement de cape et disparut dans un craquement sonore. Il réapparut à quelques mètres de là sous les murmures admiratifs, l'air blasé.
Du coin de l'oeil, je pouvais voir le teint blafard d'Olive, qui fixait son cercle rouge et blanc comme une canne à sucre sans cligner des yeux. Devant, Sharon se balançait sur ses pieds avec impatience.
- Pour ma part, je désapprouve cette méthode, dit Seraphin, rompant la tension.
Je levai les yeux vers lui en fronçant les sourcils. Il n'était pas très commun pour un employé du Ministère d'en désapprouver les méthodes devant les élèves de Poudlard.
- Certes, le transplanage nécessite une certaine réflexion, mais il n'en repose pas moins sur la magie. Lorsque l'on transplane, c'est comme lorsque l'on jette un sort. C'est surtout dans le ressenti. Il faut ressentir la magie. Le transplanage n'est pas un voyage au travers du néant, mais un voyage au bout du néant. Ce n'est pas une lutte pour s'en sortir, c'est une étape d'un point à un autre.
Soudain, Clarence Séraphin semblait beaucoup plus animé par ce qu'il disait. Une lueur brillait au fond de ses yeux d'azur.
- Si vous êtes prêts, alors je vais vous demander d'essayer de transplaner.
Il vérifia un instant que personne ne levait la main ; tous étaient trop intimidés pour dire quoi que ce fût.
- À mon signal...
Les élèves plus jeunes, en face de nous, tendirent le cou pour mieux nous observer.
- Un...
Et si je ne réussissais pas ? Je n'allais certainement pas réussir, personne ne réussissait au premier essai. J'aurais simplement l'air idiote, à tourner sur moi-même sans que rien ne se passe. Mais personne ne se moquerait de moi, puisqu'il arriverait à tout le monde la même chose.
- ...deux...
Pas de destination, détermination, décision, donc. Je fermai les yeux et soupirai bruyamment.
- ...trois !
Un ange passa un instant, durant lequel les élèves hésitaient encore, puis tout le monde se mit à tourner sur lui-même, à la manière du moniteur. Bien sûr, les résultats furent si inexistants que c'en était ridicule. Pour ma part, je m'étais mise à pivoter bêtement sans cesser de penser à ce maudit cerceau et m'étais retrouvée, emportée par mon élan, deux pas plus loin, à l'opposé de la destination souhaitée. Mais je fus ravie de constater que je n'étais pas la seule. Sharon tituba légèrement, en équilibre sur un pied et deux ou trois personnes étaient même tombées. Rosier était du loin le plus ridicule : il avait regardé à gauche puis à droite lorsque tous les élèves avaient les yeux fermé pour sauter à pieds joints dans son cerceau. Il n'avait juste pas fait attention à Clarence Seraphin, qui l'avait fixé tout du long.
- Ce n'est pas du transplanage, ça, dit-il de sa voix monocorde en fronçant légèrement les sourcils.
Rosier rougit sous les éclats de rire auxquels je participai, tandis qu'à côté de lui, Jedusor avait l'air furieux de son échec.
- Si vous n'avez rien ressenti, c'est encore normal, il faut plusieurs tentatives avant de pouvoir espérer transplaner, assura Seraphin. Remettez-vous en place et réessayez à nouveau. À mon signal...
Nous en étions déjà à la troisième tentative et toujours rien ne se passait. Jedusor me décevait presque. D'ailleurs, ses échecs le rendaient de plus en plus furieux. Comment ? Lui, le grand Tom Jedusor ne parvenait même pas à transplaner ? Il réussit la cinquième fois, sous les regards impressionnés et les acclamations de nos spectateurs, l'air enfin satisfait. Mais il se fit malheureusement bien vite voler la vedette par Sharon, qui disparut de sa place et réapparut dans son cerceau au moment ou un Seraphin ravi se dirigeait vers Jedusor.
- Monsieur, l'interpella Sharon d'une voix tendue.
Elle tourna la tête et je pus apercevoir qu'elle avait le visage livide.
- Je crois que j'ai un petit problème.
Elle tendit les mains en direction du moniteur qui avait dévié sa trajectoire. Tous ses ongles avaient disparu, formant un petit tas à l'endroit qu'elle venait de quitter.
Lorsque la séance prit fin et que Seraphin nous salua, emportant avec lui ses cerceaux, on n'avait pas eu le droit à d'autres événements notables que l'exploit plus trop extraordinaire de Jedusor et les doigts sans ongles de Sharon Ackney. Mais ces deux faits suffisaient largement à étayer les conversations, qui reprirent dès que les professeurs retournèrent vaquer à leurs occupations. Les élèves d'années inférieurs s'éloignèrent également, sauf un qui me fit discrètement signe de le rejoindre.
J'attendis que la foule diminue pour me diriger vers lui, sous le regard réprobateur de Sharon. Je lui avais tout raconté, lorsqu'elle m'avait sauvé de Jedusor. Tout ce qui ne concernait pas directement Edith Xavier, en tout cas. Mais je lui avais dit, pour Alphard, pour Filly, pour Druella, pour Walburga, pour Rosier, pour Jedusor, et même pour les frères Potter. Cependant, Sharon n'était pas la meilleure des confidentes. Elle avait bien promis de ne rien répéter (et je n'avais pas besoin de Serment Inviolable pour la croire sur paroles) mais ne s'était pas empêché de me faire comprendre qu'elle me désapprouvait. Si je voulais continuer à voir Alphard, il valait mieux que je coupe tout lien avec Rosier, avant de me retrouver avec de gros problèmes. Bien sûr, elle n'avait pas tous les éléments de l'histoire, elle ne pouvait pas comprendre... Ou peut-être était-ce moi qui n'y comprenais rien ? Je n'avais donc pas assez de questions à me poser comme ça ? Débarrassant mon esprit de ce qui le tourmentait (ou, essayant, du moins), je me dirigeai lentement à l'opposé du château.
Alphard, que ses amis avaient quitté, m'accueillit en passant le bras au dessus de mon épaule, me serrant doucement contre lui. Il souriait, comme à son habitude, et replaça quelques unes de mes mèches rebelles derrière mon oreille. Aussitôt, nous entamâmes une marche et commençâmes à contourner le château, sous l'agréable retour du soleil.
- On vous regardait, depuis tout à l'heure, avec Henri et Ramiel.
- Désolé de ne pas vous avoir offert du spectacle, dis-je en repensant à mes multiples tentatives stériles.
- Tu oublies que deux élèves ont quand même réussi à transplaner dès la première séance.
- Oui, bon, Jedusor et Sharon, ce n'est pas vraiment étonnant...
Le sourire d'Alphard s'élargit, amusé.
- Tu as raison, ça n'a rien de bien intéressant. Ce n'est que le transplanage, après tout.
Je saisis son ironie et me rendis soudain compte que je devenais aussi blasée que Clarence Seraphin, notre moniteur.
- D'accord, tu as raison, c'était plutôt impressionnant quand Sharon a perdu tous ses ongles, admis-je en lui rendant son étreinte.
- Elle a vraiment perdu tous ses ongles ? répéta Alphard en écarquillant les yeux.
- Tu n'as pas vu ?
- J'étais trop loin...
- Rassure-toi, tu n'as pas manqué grand chose... Où est-ce que tu m'emmènes ? demandai-je alors.
- Je ne sais pas, tu préfères le kiosque ou la salle de Sortilège ?
Je réfléchis un instant. Alphard et moi avions désormais l'habitude de nous retrouver lorsque nous en avions le temps, et toujours à des endroits un peu cachés. Le kiosque en était par d'ailleurs devenu notre repère. Mais, aujourd'hui, alors que tout le monde retournait dans sa salle commune, je préférais retourner dans le château, quitte à ne pas profiter du soleil - mon côté de Moldue casanière reprenait parfois le dessus sur moi...
- La salle des Sortilèges, répondis-je donc.
Tandis que nous nous dirigions vers une entrée un peu dissimulée du château, je repensais à ce maudit souvenir que je n'avais toujours pas réussi à récupérer du bureau de Dumbledore. Ce souvenir hantait mes pensées depuis que je m'étais faite prendre par Tom Jedusor. Bien sûr que j'avais tenté d'y retourner, le soir, durant mes tours de garde pour être sûre de ne pas me faire prendre, même si j'avais de peu croisé Peeves durant une de ces nuits. Malheureusement, je rencontrais toujours cette petite porte en bois hermétiquement fermée, peu importait le sortilège. Lorsque le professeur Dumbledore était revenu de son absence, dont je soupçonnais Gellert Grindelwald d'en être la cause, j'avais essayé d'élaborer un nouveau plan. Maintenant qu'il était là, il n'avait plus besoin de protéger son bureau, et l'accès y serait donc plus simple. Comme pour Hagrid et Rosemonde Westmore, j'avais rassemblé des idées dans mon esprit, cherchant celle qui serait la bonne en me triturant les méninges.
Lorsque nous arrivâmes dans la salle de Sortilège, on entendait là comme un sinistre bruit de grattement, et Alphard me lança un regard surpris.
- Heu... Y'a quelqu'un ? demandai-je en priant Merlin de ne pas tomber sur un professeur ou le concierge.
Le grattement continua mais personne ne répondit. Je haussai les épaules et entraîna Alphard en le tenant par la main.
- Ce doit être des bestioles qui se promènent, assurai-je.
- Dans la salle de Sortilège ?
Je lui lançai un regard narquois.
- On dirait que ça vient de là, dis-je en pointant du doigt une vieille armoire, dans un coin de la pièce.
Je m'en approchai lentement et effectivement, le bruit se faisait plus fort et plus clair.
- Tu ne vas pas l'ouvrir, quand même ? s'enquit Alphard en haussant les sourcils tandis que mes doigts s'approchaient des poignées.
- Qu'est-ce que je risque ?
- Ce pourrait être des Doxys...
- Je croyais qu'il n'y avait pas de bestioles dans la salle de Sortilège, fis-je remarquer avec un grand sourire.
Alphard leva les yeux au ciel et je sortis ma baguette de ma poche, au cas où. Aussitôt, j'ouvris l'armoire et laissa s'en échapper ce qui y était enfermé.
Note de l'auteur : Salut ! Voici un nouveau chapitre sur les cours de transplanage ! Hééé oui, j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire, j'espère que vous avez pris tout autant de plaisir à le lire ^^ Bon, le nouveau moniteur de transplanage est une grosse référence à lui tout seul, peut-être que certain d'entre vous comprendront x)
Bref, avez vous aimé ? Avez-vous des théories sur la créature qui se cache dans l'armoire ? Sur la manière dont Edith va récupérer le souvenir ? Sur ce qui va se passer pour la suite ?
Merci d'avoir lu ce chapitre jusqu'au bout, et à la semaine prochaine !
Rodnoffyrg <3
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