Le trépas du lézard

Open your eyes

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Lorsque je me réveillai, je savais très bien où j'étais. Quand j'étais. Et qui j'étais. J'avais passé presque toute la nuit à feuilleter le journal de Marlene et en avait appris assez sur elle pour pouvoir l'imiter correctement. Elle avait une vie plutôt calme pour une élève de Poudlard dont la scolarité se déroulait en pleine première guerre des sorciers. Ses deux parents étaient deux sorciers de Sang-Mêlé, elle avait un petit frère qui n'était pas en âge d'aller à Poudlard, et sa plus grande ambition était de contribuer à la défaite de celui qui se faisait nommer Voldemort, ainsi que de ses partisans. Marlene ne doutait pas de ses capacités, mais ne semblait jamais vaniteuse. Elle était fière de ses forces et admettait ses faiblesses. Elle était enthousiaste, franche, sportive et fidèle aux principes de sa maison. 

  C'était fou à quel point elle se confiait à son journal. Elle y traçait les moindres petits détails de sa vie. Les seules fois ou j'avais essayé d'en tenir un, chaque jour était marqué d'un petit : "aujourd'hui comme hier, il ne s'est rien passé d'intéressant". Dans la classe de Marlene, il y avait toujours quelque chose. Souvent venant de la part des Maraudeurs, d'ailleurs. Marlene avait, à mon grand malheur, l'habitude de se lever une quinzaine de minutes avant les autres filles du dortoir pour se laver et se maquiller d'un simple trait d'eye-liner, toujours de la même longueur. 

  En me levant silencieusement pour ne pas réveiller Lily, Mary et Amanda Peakes, mon pied faillit riper sur une feuille volante qui gisait au sol. Je me penchai pour la ramasser, faisant tomber la cascade de cheveux bruns et bouclés de Marlene devant mes yeux. Il s'agissait d'une coupure de la Gazette. Le carnet de Marlene en était plein. Il n'était pas comme le journal de Jedusor, froid et impersonnel, seulement noircit d'encre : celui de Marlene était plein de dessins, de coupure de journaux et de photographies. Cette coupure était un article sur le département de la justice magique. Il parlait de recrutement et la photographie montrait une greffière au sourire éclatant de blancheur, Kayla Ascofare et un huissier aux cheveux crépus, Robert McKinnon, les parents de Marlene. Je le reposai délicatement sur ma table de chevet, et remarquai que le verso était consacré aux faire-part de décès. Trop glauque, songeai-je. 

  Avant d'apercevoir son nom. 

  Lacerta Rosier.

 Sans faire attention à Mary qui dormait encore juste à côté de moi, je poussai une exclamation étouffée. Oui, c'était bien le nom de Lacerta Kenneth qui était écrit ici. Du moins, son nom d'épouse.

  - Leopold Kenneth, son père, et Connor Rosier, son époux, ont l'immense chagrin de vous annoncer la mort de Lacerta Rosier, née le premier janvier 1927 et morte de douze avril 1954 à l'âge de vingt-sept ans... murmurai-je à voix haute en lisant le faire-part. Les obsèques se dérouleront dans la plus stricte intimité. 

  Je ne m'étais pas attendue à apprendre une telle chose ici, et à ce moment-là. Surprise, je reposai le papier et posai la main sur la bouche. Ainsi, Lacerta était morte... Morte depuis vingt-deux ans, de surcroît. Vingt-sept ans... C'était beaucoup trop jeune.... Qu'avait-il bien pu lui arriver ? Je songeai à sa mère, morte à un jeune âge également... Tant de mystère...

  - Tu as une trace sur le front, me fit remarquer Mary quarante-cinq minutes plus tard alors que nous étions en train de commencer le petit déjeuner.

  J'y passais distraitement la main en espérant l'effacer. Ce devait être de l'eye-liner. J'en avais mis n'importe comment avant de ressembler enfin à quelque chose.

- Tu l'as étalé !

- Attends, dit Lily en sortant sa baguette, avant que je n'empire encore la situation.

Elle la pointa sur mon front et marmonna une formule magique que je ne connaissais pas. Le sortilège me fit l'effet d'une serviette rêche sur la figure et le visage de Lily s'éclaira d'un sourire satisfait.

- Tu t'es maquillée dans le noir ? demanda-t-elle innocemment.

- J'ai pas fait gaffe.

J'avais dû me maquiller quelque fois, dans le corps de Lacerta. J'avais même appris à me maquiller, en Lacerta. Mais les mains de Marlene étaient plus longues, plus épaisses et je n'avais plus la même aisance (si on pût appeler aisance ma situation dans le corps de Lacerta).

Soudain, un bruit de battements d'ailes assourdissant retentit dabs la Grande Salle, et un millier de chouettes et de hiboux surgit au dessus de nos têtes. À force d'être à Poudlard, ce petit spectacle quotidien était devenu une habitude. Mais si Lacerta ne recevait jamais aucun courrier, sauf pour les occasions telles que Noël ou son anniversaire, ce n'était pas le cas de Marlene. Une chevêche d'Athéna atterrit devant moi en douceur, une lettre presque aussi grosse qu'elle attachée à la patte. Elle pencha la tête sur le côté et me fixa de ses yeux ambrés tandis que je la délaissait de son fardeau. Il y avait une photographie de cet animal dans le journal de Marlene, car il s'agissait de Jasmeen, sa chouette.

- Tiens, dis-je en poussant mon assiette vers elle, tout en ouvrant l'enveloppe.

Elle préféra cependant tremper son bec dans mon jus de citrouille, poussa un cri plus proche de « Kiwiiiit » que du hululement et s'envola à tire-d'aile. La lettre provenait des parents de Marlene, Robert et Kayla McKinnon. C'était une lettre semblable au genre de lettres sans intérêt que les parents envoyaient à leurs enfants en colonie de vacances : « Comment tu vas ? Nous tout va bien. Ça se passe bien l'école ? Tu as de bonnes notes ? Travaille bien pour tes BUSE, tu nous manques, on t'aime, bisous... ». Pas une seule fois ils ne mentionnaient l'atmosphère grave qui régnait dans tout le Royaume-Uni. Pas de préventions, d'inquiétude, tout semblait porter à croire que tout allait bien dans le meilleur des mondes. Et en même temps, lorsque des parents contactaient leur fille qui se trouvait loin d'eux, peut-être avaient-ils simplement envie de recevoir des nouvelles légères et de ne pas penser à ce qui pouvait bien arriver dehors.

Je tachai de ne pas m'éterniser sur ces questionnements inutiles. C'était fou la manie que j'avais de tout essayer de décortiquer ! Lily, en face de moi, buvait du chocolat chaud en lisant la Gazette par dessus l'épaule de Mary.

- Les Aurors Frank et Alice Londubat ont arrêté un type soumis au sortilège de l'Imperium, me raconta Mary - elle eut un frisson. C'est dingue, ce sort peut te faire faire n'importe quoi... J'ai hâte que le professeur Van Halen nous en parle...

- Si il nous en parle, fit remarquer Lily. Les Impardonnables ne sont pas au programme des BUSE...

- Au diable le programme des BUSE ! Tu sais ce qu'en pense le professeur Van Halen ! Ce n'est pas la théorie qui compte, mais de ce dont nous serons capable en sortant de Poudlard !

- Tu ne disais pas que je montais un peu trop sur mes grands hippogriffes, hier ? demanda Lily avec un sourire.

- Gagné, admit Mary en souriant à son tour.

Leur capacité à se chamailler pour se réconcilier aussitôt me sidérait autant qu'elle me rendait admirative. Ce genre d'amitié était de celles que tout le monde voulait connaître. Moi-même n'échangeai pas de cette manière, avec Tom et Poppy.

  Le déjeuner fut pour la suite plutôt silencieux. Je me demandai si je devais répondre à la lettre des parents de Marlene. Oui, sans doute... Une réponse bateau ferait l'affaire. A huit heures, je fus tirée dans la fraicheur de la matinée aux serres de botaniques. Si ce n'était les plantes étudiées, je ne voyais pas trop la différence entre les cours de cinquième année du professeur Chourave et ceux de sixième année du professeur Mandrake. La botanique était loin d'être ma matière favorite ; rempoter et arroser des végétaux qui pour la plupart tentaient de vous griffer, mordre, ou étrangler n'avait rien de bien amusant. De leur côté, les Maraudeurs s'amusaient à éclabousser d'eau les Poufsouffles avec leurs arrosoirs. Nan mais sérieusement ? Je levai les yeux au ciel devant tant de puérilité.

  Enfin, ce que j'attendais depuis la veille arriva enfin : un moment de répit. Un moment ou je pourrais enfin être tranquille et faire ce que j'aurais dû faire dès mon réveil. Je n'attendis ni Mary, ni Lily pour me précipiter au premier étage du château. Merlin savait que je n'attendais que ça. Pourquoi n'existait-il pas simplement un internet des sorciers dans lequel je marquerai simplement le nom de ceux dont je voulais connaître l'histoire. Mrs Pince me lança un regard courroucé lorsque je poussai les portes de la bibliothèque. Peut-être avais-je fait trop de bruit ? Je remarquai qu'en trente-quatre ans, l'épaisseur de ses lunettes avait doublé de volume et que son dos s'était courbé, lui donnant une allure de vautour.  Ses cheveux sombres parsemés de mèches blanches s'échappaient de son chignon en pendouillant disgracieusement.

  Grâce au faire-part de décès de Lacerta Rosier, je savais au moins par où commencer.

  En fait, non. J'y étais encore plusieurs heures plus tard sans avoir avancé. J'avais envie à la fois : de pleurer, de m'arracher les cheveux, de dormir, de hurler, et de sauter par la fenêtre. Je me demandai quel résultat cela donnerait si je faisais tout cela en même temps et eus un petit rire qui ressemblait à un gémissement étrangler.

  Si Cattus voulait me séparer de ceux à qui je m'étais attaché, pourquoi ne pas me ramener à la maison. J'avais accompli ma mission, pourquoi ne prenait-il pas quelqu'un d'autre pour la suite ? Je me rendis alors compte que j'avais sauté le repas et qu'un entrainement de Quidditch m'attendait encore.

  - Tuez-moi... me lamentai-je.

  - Chuuuut ! rétorqua Mrs Pince.

Je crois que je perdis toute volonté lorsque le fantôme d'une sorcière vêtue comme une courtisane sous le règne d'Henri XIII vint se placer derrière moi pour lire par dessus mon épaule. Son aura froide me glaçait le sang, et elle poussait un petit gémissement à chaque fois que je tournai une page qu'elle n'avait pas fini de lire. Agacée et mal à l'aise, je refermai l'ouvrage et, sans faire plus attention à l'apparition spectrale, le reposai sur l'étagère d'où je l'avais trouvé. Puis je fis de même avec tous les autres livres.

Je n'avais rien trouvé. Rien de rien. Pas un nom. Le registre le plus récent des élèves de Poudlard que l'on pouvait trouver à la bibliothèque s'arrêtait à 1933. Je ne me doutais pas que ce pouvait être aussi dur et laborieux. Moi, petite privilégiée qui disposait de Wikipédia, Facebook et de tous les autres petits trésors d'Internet.

Si, il y avait bien une chose que je savais. Le décès de Lacerta. C'était la seule chose dont je pouvais être sûre. Je n'avais jamais connu cette fille, puisque c'était moi qui la remplaçait, et ce que j'en avais entendu dire ne la décrivait pas glorieusement. Tout de même, j'avais partagé son corps durant plusieurs mois, et dans ce petit faire part de décès, je sentais une partie de moi même se consumer dans les flammes. Alors, je pensais à Marlene. Elle aussi allait mourir jeune. Combien de temps lui restait-il, cinq ans ? Par Merlin, c'était si peu...

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- Marlene, tu es en avance ! s'exclama une toute petite gamine de douze ans à peine.

- Il faut croire que oui, répondis-je avec un grand sourire.

Selon le journal intime de Marlene, cette fillette se nommait Clarke Cresswell. En deuxième année, elle était la plus jeune de l'équipe de Quidditch mais n'en demeurait pas moins une Poursuiveuse redoutable. Les vestiaires comportaient trois pièces. L'une pour permettre aux filles de se changer, l'autre, identique, pour les garçons, et la troisième, qui donnait sur le terrain, servait de lieu de débriefing avant un entraînement ou un match. Nous étions en ce moment dans la première pièce, enfilant nos robes de Quidditch pour l'entraînement.

- Salut ! dit la troisième et dernière fille de l'équipe, Juliet Warden, la Gardienne, en entrant dans le vestiaire.

Il y avait trois filles dans l'équipe, et quatre garçons, comme dans l'équipe de Quidditch originale de Harry Potter.

- Malcolm veut nous faire bosser une nouvelle tactique aujourd'hui, dit Juliet en se nouant les cheveux.

Elle replaça son bandeau sur son front, comme le faisaient les hippies dans les années... eh bien, dans ces années-là. Malcolm Knight, septième année, était le capitaine de l'équipe, ainsi que le deuxième Batteur. James serait sans aucuns doutes son successeur l'année suivante. Pour sa part, James occupait le poste de Poursuiveur, contrairement à ce que l'on pouvait voir dans les films. « Ce n'est pas très palpitant d'être Attrapeur, le citait Marlene dans son journal intime, tu te contentes d'attendre en regardant les autres dans le feu de l'action et d'attraper le Vif d'Or sans trop de casser la tête.» Pourtant, ça ne l'empêchait pas de se promener un peu partout avec ce précieux Vif d'Or pour impressionner tout le monde avec son agilité, le crétin...

- On y va ? demanda Clarke Cresswell, qui ressemblait au petit chaperon rouge dans sa robe écarlate, en empoignant son balai.

Juliet et moi hochâmes la tête et nous hâtâmes au dehors de la pièce.

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Pourquoi ce chapitre est-il plus court que ce à quoi je vous ai habitué dans cette deuxième partie ? Parce que je vous réserve un petit entrainement qui ne pourrait pas rentrer dans celui là 😏 Bref, les mystères s'épaississent, n'est-ce pas ? Ne vous inquiétez pas, vous aurez bien vite vos réponses !

Merci d'être là pour cette fanfiction !

Rodnoffyrg 💝


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