Le bal masqué
En médias, de gauche à droite, les robes de Lacerta, Walburga, Druella et Amelia.
Bien froide était cette soirée. Je ne parlais pas seulement du temps qu'il faisait à l'extérieur, mais des expressions collées sur les visages. Pendant le banquet, dans la plus grande salle du château, j'eus le droit à une démonstration d'hypocrisie parfaite de la part de Druella. Elle saluait les uns et les autres à grands coup de sourire pour me marmonner à l'oreille à quel point leurs robes étaient affreuses et leur statut de sang beaucoup trop bas.
Le décor n'était pourtant pas trop désagréable, avec les lustres d'or, les peintures baroques et les balcons intérieurs qui menaient à des balcons extérieurs. Mais c'était la présence de tous ses sorciers si pâles qu'ils devaient être lucifuges, qui me rendait également mal à l'aise.
Coincée entre Druella et son frère, quel ne fut pas mon contentement lorsque les derniers desserts disparurent des tables ! Nous nous levâmes en choeur et les tables s'envolèrent pour se placer contre les murs. Une estrade apparut au fond de la salle et des musiciens y montèrent sous une salve d'applaudissements, nous laissant le temps d'enfiler nos masques. Enfin, nous reculâmes pour laisser une piste de danse assez large et dans un premier trémolo de violon, Lucretia et Ignatus entamèrent une valse.
Ils se mouvaient avec tant de grâce que je me sentis presque... intimidée. Pourtant, je savais parfaitement danser la valse, ma grand-mère me l'avais apprise. Alors que la musique prenait fin, d'autres couples s'avancèrent. Devais-je également danser ? Avec Rosier ? Où était Amy quand il fallait qu'elle me sauve la vie ?!
Ce ne fut pas Amy qui apparut derrière moi, contrairement à mes espérances, mais une jeune femme brune, au visage caché par un masque pourpre, qui s'était glissée comme un serpent au travers de la foule. Sa robe me plut énormément : la jupe, couverte de plumes de corbeaux frémissait sous une brise qui n'existait pas et le bustier serré, de la même couleur que le masque, chatoyait sous les chandelles des lustres.
- Venez ! ordonna-t-elle, le ton impérieux.
Sa voix, moins caquetante que celle de Druella, n'en restait pas moins dure et sèche. Sous son masque vert, j'aperçus dans les yeux de Druella une lueur mesquine. Visiblement, elle venait de trouver une compagne avec qui partager ses méchants lazzis.
- Walburga ! s'exclama Druella avec un grand sourire.
Nickel. La mère de Sirius. Visiblement j'avais vu juste. Contre mon gré, je la suivis à l'écart de la piste de danse et elle s'installa sur une chaise à la manière d'une impératrice.
- Ce mariage est une blague, dit-elle d'un ton méprisant en sortant sa baguette d'un pli de sa robe. Mais ça nous fait une famille de la Liste en plus sur notre arbre.
- La Liste ? répétais-je, interloquée.
- Lacerta ? La Liste des Vingt-Huit Sacré ! De quoi d'autre veux-tu que je parle ? Ce n'est pas parce que ta famille n'est pas dessus que la Liste n'a pas son importance, ajouta-t-elle en reniflant méchamment.
Ah ! Cette liste là ! Il me semblait l'avoir vu quelque part sur Pottermore. Et, effectivement, il me semblait n'y avoir jamais vu le nom de Kenneth.
- Mais ça ne veut pas dire que ton sang est impur, rattrapa Druella en s'asseyant à son tour. Beaucoup d'autres familles comme la tienne n'y sont pas. Les Smith, ou les Fleamont, par exemple.
- Ou les Blackthorn, ajouta Walburga avec un sourire torve.
- En parlant d'eux, dit Druella d'un ton joyeux, tu as vu la robe de Amelia ? On dirait un Demiguise qui danse devant un arc-en-ciel !
Les deux jeunes femmes éclatèrent de rire. Moi pas. Pourquoi est-ce que je restais avec ses deux harpies ?
- Je la trouve très bien, moi, sa robe, dis-je en essayant de contenir ma colère.
- Qu'est-ce qui te prends ? s'étonna Walburga en haussant les sourcils. Tu t'es prise d'affection pour cette fille ? Elle est tellement...
- Elle ne voit pas de problème aux mariages morganatiques, acheva Druella méprisamment.
Mis à part le fait que je ne connaissais pas ce mot, je compris très bien ce que pensaient Walburga et Druella de Amy.
- Pourtant, elle semble vous apprécier, vous... balbutiai-je.
- Bien sûr ! s'exclama Walburga. Comment ne pas nous idolâtrer ?
En vous parlant, ça suffit...
Le deuxième morceau termina dans une longue note de la flûte traversière de l'orchestre. Commença alors une mélodie plus rapide, plus harmonieuse, plus... moldue... C'était la valse de la Belle au Bois Dormant, de Tchaïkovsky. Je connaissais rapidement le compositeur, mais la musique me disait principalement quelque chose grâce au dessin animé Disney. Walburga se leva d'un bond.
- Je veux danser sur cette musique, décréta-t-elle. Druella, qui devrais-je prendre pour cavalier ?
- Orion ?
- Bien trop jeune, et c'est déjà mon fiancé. Autre chose.
- Abraxas Malefoy ?
Walburga fit semblant de réfléchir pendant une demi-dizaine de secondes.
- Riche, beau et bon danseur... Je devrais te demander conseil plus souvent Druella.
Sur ce, elle disparut dans la foule, Druella sur les talons. Enfin seule, je tâchai de trouver Amy aux travers des sorciers, mais elle dansait au milieu de la salle, avec un jeune homme qui lui ressemblait fortement.
Cette musique me plaisait. Je voulais danser. Mais pas avec Connor. J'étais devenue pour lui aussi intéressante qu'un elfe de maison et il était, par ailleurs, assis avec Jedusor et trois autres garçons du même âge, échangeant des paroles conspiratrices.
Je grimpai les escaliers qui menaient aux balcons intérieurs. La vue de là-haut était formidable. Les danseurs s'apparentaient à des nuées colorées et, surtout, je n'avais plus à subir Walburga et Druella. Je me mis à fredonner et à balancer ma robe distraitement.
Tiens ? La fenêtre est ouverte ?
Je m'approchai de l'ouverture en chantonnant distraitement, en choeur avec les violons. Elle menait à un vrai balcon, protégé du froid par un quelconque enchantement et éclairé par des lampes à huiles. Mes talons se mirent à claquer sur le sol dallé et je tournoyai plus vite. La mélodie s'infiltrait doucement en moi et peu importait qu'on me vit ou pas. Je dansai de plus en plus vite, le paysage devenant flou, comme prise d'une sorte de transe.
- Besoin d'un cavalier ? dit une voix enjouée.
Je stoppai net. Trop net : je fus prise de vertiges et manquai de trébucher. Un jeune homme me regardait, appuyé contre l'embrasure de la fenêtre. Enfin, je devinai qu'il me regardait, un touret noir en forme de chat cachant ses yeux. Sa robe, relativement simple, était également noire et ses cheveux, longs et coiffés en catogan, aussi. Quand à son visage, il était translucide. Visiblement, à cette époque, la mode était d'être anti-soleil chez les Sang-Pur...
- Je... Vous... me regardiez ? balbutiai-je, me sentant rougir sous mon masque.
- Oui, répondit le jeune homme avec un grand sourire. Permettez-moi de vous dire que vous dansez très bien.
- Je ne faisais que tourner sur moi-même, marmonnai-je à voix basse.
- Alors que dites-vous d'un cavalier ? Ça ne me dérange pas de tourner sur moi-même avec vous. (Il tapota sur son masque.) Là, je vous fais un clin d'oeil.
Ça alors ! Ce jeune homme venait de me remonter le morale ! À la poubelle Connor, je ne danserai pas toute seule à cause de toi !
- Je vous préviens, si je vous marche sur les pieds vous devrez vous rappeler que c'est vous qui m'avez invité, ris-je alors qu'il s'approchait.
- Je prends le risque, j'ai de bonnes chaussures, assura-t-il gaiement.
Il me prit dans sa main la mienne et posa la deuxième sur ma taille, commençant une danse avec un sourire jusqu'aux oreilles.
Je découvris joyeusement qu'il était encore plus maladroit que moi, ratant des pas et des mesures, et nous éclatâmes tous les deux de rire lorsque, dans le grand final de la valse, il marcha malencontreusement sur ma robe, me faisant indubitablement tomber sur lui.
- D'habitude, je ne suis pas aussi distrait, avoua-t-il alors que nous retournions à l'intérieur.
- Vous avez déjà participé à beaucoup de bals comme celui-ci ?
- Non, mais je me suis beaucoup entrainé à danser.
- Ah bon ? Avec qui ?
- Mon elfe de maison, Cheena, ria-il tandis que nous descendions les escaliers qui nous ramenaient vers la vrai piste de danse. Très bonne valseuse, mais c'est la première fois que je dansais avec quelqu'un de si grand.
- Vous... commençai-je avant de me rendre compte que, depuis le début, je vouvoyais un garçon qui devait avoir mon âge (et sur qui j'étais tombée). Tu as un elfe de maison ?
Il tiqua, restant perplexe face à mon audace, puis son visage s'illumina.
- Oui, bien sûr ! Pas toi ?
Je répondis par un vague "Mmmh", et changeai de sujet.
- Il me semble que nous ne nous sommes pas présentés, dis-je ( je remarquai que, plus je passais de temps avec des Sang-Pur des années quarante, plus mon langage devenait châtié.)
- Oh, mais c'est juste, s'exclama-t-il. Moi je m'appelle...
- Alphard ! s'écria Walburga qui était survenue de nulle part.
Elle s'avança, non pas vers moi, mais vers mon cavalier au masque félin. Je constatai que Druella manquait à l'appel.
- Alphard ? répétai-je, surprise.
Alphard Black ? Le frère de Walburga ? L'oncle de Sirius, qui s'était fait effacé de l'arbre généalogique des Black pour avoir aidé son neveu à fuguer ? Ce personnage qui n'était mentionné qu'une seule fois dans les livres, mais visiblement assez pour avoir plus de profondeur que quelqu'un d'autre ?
Visiblement, aucun des deux ne s'attarda sur mon étonnement.
- Qu'est-ce que Mère t'as dit ?
- Je me fiche de ce qu'elle a dit, rétorqua Alphard en retirant son loup pour fixer sa soeur dans les yeux.
- Idiot, pas étonnant que personne ne veuille de toi, siffla Walburga. Et toi, ajouta-t-elle en se tournant vers moi, qu'est-ce que tu fais avec lui ?
Son air était si sec et méchant, que je me mis soudainement à éprouver beaucoup de peine pour Sirius et Regulus. Et de la peur, aussi. Mais pour moi.
- Moi ? bredouillai-je, ne sachant que répondre. Euh... Je... Euh...
- Qu'est-ce que tu lui veux, Walburga ? soupira Alphard. Tu ne pourras pas empêcher à tout le monde de m'adresser la parole...
- Pourtant, Lacerta Kenneth à des choses bien plus intéressantes à faire que de t'adresser la parole, rétorqua Walburga avec malveillance.
Soudain, une ombre passa dans les yeux gris d'Alphard et il me fixa comme si j'étais... et bien... ce que j'étais censée être : une peste méprisante et orgueilleuse, une menteuse malveillante et élevée dans la haine des Moldus.
- Ah, se contenta-t-il de dire. Je vois.
Sur ce, il s'en alla sans se retourner. Walburga eut un ricanement moqueur.
- Bon vent ! le salua-t-elle. Bien, maintenant, toi tu vas cesser de disparaître et tâcher de tenir la conversation avec ta future belle-mère.
Ce fut une véritable torture de devoir converser avec Lady Rosier. Chaque mot de travers se soldait par un regard en croix, chaque nom sur lequel je ne pouvais mettre de visage me valait un rictus sévère. Elle ne se détourna de moi qu'au bout de vingt longue minutes, prétextant vouloir aller féliciter les mariés.
Malheureusement, je ne croisais pas Amy de la soirée, trop occupée à danser et badiner avec des vieilles dames chapotées.
Je m'assis donc, mélancolique, regardant les gens danser en pensant à l'air si froid que Alphard avait pris en apprenant mon nom. Je ne remarquai en revanche pas Tom Jedusor, caché sous un masque en demi-lune, qui m'observait avec intérêt. Mon comportement louche l'interpelait, et il allait tout faire pour découvrir comment une parfaite petite Sang-Pur en était arrivée à danser avec le rebelle Alphard Black.
Note de l'auteur : Kyaaaah ! Introduction de nouveaux personnages, plein de questions se posent : Comment va réagir Edith face au comportement de Alphard ? Pourquoi Amy l'a complètement ignoré ? Est-ce qu'on pourrait pas foutre des baffes à Druella et Walburga? Et SURTOUT que va-t-il arriver à Edith alors que Tom Elvis Jedusor la soupçonne de quelque chose ?! *musique dramatique* Bref, voilà un chapitre de plus ! Prochainement, on retourne à Poudlard, et Edith va devoir commencer les cours de magie ! 🙃 Sur ce, hésitez pas à commenter, car tout commentaire est constructif ! 😄 Biz, Rodnoffyrg 💝
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