Double peine et trouble
Carry on, you will always remember
*
- Ça va ? demandai-je à Alphard en haussant les sourcils. Qu'est-ce qui se passe ?
Alphard essaya de sourire, mais il ne parvint qu'à grimacer. Je ne l'avais jamais vu comme ça auparavant. D'habitude, c'était moi l'être torturé qui cherchait du réconfort mais qui ne parvenait pas à dire ce qu'il avait sur le coeur.
- Ça va te paraître stupide, marmonna Alphard en détournant le regard.
- Alphard, tu crois vraiment que je vais me moquer de toi ? m'étonnai-je en haussant les sourcils.
- Non, non ! Bien sûr que non ! C'est juste que...
Je lui serrai la main et l'incitai à s'asseoir sur le rebord d'une fenêtre aux carreaux colorés. La pierre était froide et mal taillée, et la lumière du soleil qui passait au travers de la vitre multicolore donnait d'étrange couleurs à nos visages.
- Est-ce qu'il s'agit de la raison pour laquelle tu es tellement en colère ?
- Je ne suis pas en colère, mentit Alphard avec précipitation.
Sa remarque me fit plisser les yeux.
- Alors pourquoi est-ce que tu t'es battu ?
- Malefoy allait les attaquer par derrière !
- Je sais. Je ne parle pas de ça. Je parle du fait que tu te sois jeté dans la bagarre juste après.
Sous mon regard réprobateur, Alphard poussa un soupir et ferma brièvement les yeux.
- Tu as raison, finit-il par dire. Je suis désolé, je me suis comporté comme un idiot. Se battre comme ça c'était... impulsif, irréfléchi et stupide...
Soudain, je sentis mon visage me brûler. je me rendis alors compte du ridicule de la situation. Moi ? J'osai faire la morale à Alphard parce qu'il s'était battu sous un excès de colère ? Alors qu'il m'arrivait sans cesse la même chose avec Tom Jedusor ? Dès que cette pensée me percuta, je me ratatinai de gêne et me mordis la lèvre. Heureusement qu'Alphard ne s'en était pas rendu compte.
- Dis-moi ce qui te tracasse, lui intimai-je doucement.
Mon regard perdit toute forme de sévérité (du moins, j'essayai de faire en sorte de retrouver une expression normal), indiquant à Alphard que j'étais passée au dessus du fait qu'il s'était bagarré. Il posa les yeux sur son sac, qui gisait à nos pieds, puis, après une demi-seconde d'hésitation, reporta son attention sur moi.
- J'ai reçu une lettre de mes parents juste avant... de surprendre Malefoy. Je...
La voix d'Alphard se brisa, et c'était comme s'il allait fondre en larmes à tous moments. Je l'enlaçai aussitôt et il enfouit son visage dans le creux de mon cou. Cependant, il ne laissa échapper aucun sanglot.
- Ça n'a pas d'importance à leur yeux, chuchota-t-il. Aux yeux de mes parents, ni à ceux de Cygnus ou Walburga.
- Mais ça en a aux tiens, dis-je à voix basse en caressant ses cheveux sombres.
- Ils ne peuvent pas comprendre...
Il y eut un moment de silence, comme s'il prenait son courage à deux mains.
- Mon elfe de maison est morte, lâcha-t-il enfin.
Ma main s'arrêta dans ses cheveux.
- Cheena ? demandai-je d'une voix blanche.
Il m'avait tant parlé de son elfe, la mère de Filly et Kreattur, me disant qu'elle s'était bien plus occupée de lui que sa mère lorsqu'il était petit, qu'elle avait toujours été là pour lui, comme une nourrice ou une gouvernante. Alphard se détacha de moi et hocha silencieusement la tête.
- Je suis désolée, Alphard, balbutiai-je. Je ne savais pas, je... Filly est au courant ?
Je songeai aussitôt à la petite elfe aux yeux marrons. Je ne savais pas vraiment comment fonctionnait la famille chez les elfes de maison, mais je me doutais que ce ne devait pas être si différent que chez les êtres humains.
- Non, répondit Alphard en se raclant la gorge. Je viens de recevoir la lettre et... je ne saurais pas comment faire. Mais ce n'est pas le pire... Tu ne peux pas te douter de la façon dont on traite les elfes chez les Black...
Alphard se mit alors à fixer résolument le sol. C'était alors comme si on me faisait avaler de l'acide de force. Lorsqu'un elfe décédait dans la maison des Black, sa tête était tranchée et accrochée au mur, selon la tradition lancée par la très charmante grande-tante Elladora.
- Tes parents l'ont déjà fait ? demandai-je d'une toute petite voix.
Surpris et l'air malheureux, Alphard leva les yeux vers moi et hocha lentement la tête. Je fus soudain prise d'une envie de vomir, la scène d'imposant par elle-même dans mon esprit.
- Ils s'en moquent, mes parents, dit Alphard avec rancoeur. Kreattur est là pour la remplacer. Walburga est ravie, parce qu'il lui voue un véritable culte... Mais ça ne leur fait ni chaud ni froid, tant qu'il y a un autre esclave pour remplacer le précédent.
- Tu ne peux pas essayer de raisonner tes parents ? m'étranglai-je. Pour que Cheena ait le droit à un enterrement ?
Mais à quoi pensais-je ? Enterrer un elfe de maison, quelle idée ! Je me figeai, sans faire attention à la réponse d'Alphard. Pourquoi venais-je de me dire qu'enterrer un elfe était une idée absurde ?! Lacerta revenait sans cesse à la charge, frappant contre les parois de mon crâne.
- Ça va ? s'inquiéta Alphard lorsqu'il remarqua que je me prenais la tête entre les mains.
- Oui, oui, grimaçai-je en fermant étroitement les yeux. Ce n'est rien qu'une petite migraine.
Mon mensonge ne convainquit pas Alphard, mais la douleur subite et aiguë qui envahit mon crâne ne m'empêcha pas de lutter lorsqu'il chercha à m'aider.
- Lacerta, tu n'as vraiment pas l'air bien, il faut aller à l'infirmerie, dit-il.
Je secouai la tête de gauche à droite, sans pouvoir me lever.
- Non, sifflai-je. Je vais bien, ça va passer.
Et l'horrible migraine passa, disparaissant aussi subitement qu'elle n'était apparue. Je relevai aussitôt la tête, en m'efforçant de sourire.
- Tu as vu ? insistai-je. Tout va bien, je n'ai plus mal.
- Et ça t'arrive souvent ? demanda Alphard en haussant les sourcils.
- Parfois, mais ce n'est rien de grave, juste un petit problème de... euh... circulation du sang... inventai-je maladroitement, avant de reporter précipitamment la conversation sur ses malheurs à lui. Pourquoi as-tu dis que tu ne pouvais pas parler de ton elfe à tes amis ?
- Henri et Ramiel ne sont pas du genre à comprendre ce genre de choses... marmonna Alphard. Ce sont des Sang-Mêlés mais ils pensent la même chose des elfes que la plupart des Sang-Purs, tu sais ? Cette histoire d'infériorité naturelle qu'ont les elfes par rapport aux humains, ce qui rend leur esclavage "naturellement justifié".
- Tu penses que les elfes devraient être libres ?
- Je ne sais pas si ils seraient prêts, aujourd'hui. La plupart d'entre eux aiment leur condition, ce qui conforte les sorciers dans la manière qu'ils ont de les traiter, mais peut-être qu'un jour, une personne sera suffisamment courageuse et tenace pour défendre leur cause au grand jour et, qui sait, leur obtenir des droits ?
- Oui, je vois bien un élève de Poudlard créer la "Société d'Aide à la Libération des Elfes", gloussai-je, tandis qu'un panneau lumineux sur lequel était écrit "Hermione Granger" clignotait avec force dans mon esprit.
Alphard eut un rire qui résonna étrangement dans le coin silencieux où nous nous étions réfugiés. Au moins, il riait, c'était déjà ça.
- L'idée me plaît bien, même si je me vois mal clamer que je fais partie de la "sale"...
Un moment de silence vient aérer la conversation et Alphard récupéra ma main, la serrant avec force dans la sienne.
- Merci, Lacerta, dit-il à voix basse. Merci d'être là pour moi quand j'en ai besoin, de m'écouter et de me comprendre... Je... Je t'aime.
Il tourna la tête vers moi et me sourit avec tendresse. "Je t'aime". Cette phrase sonnait si étrangement. Bien sûr, je savais ce qu'il ressentait pour moi, mais le dire rendait la chose si concrète, presque... officielle. Cette phrase était si commune et, pourtant, on ne me l'avais jamais dites auparavant. Je me sentis rougir, mais ne détournai pas le regard.
- Moi aussi, Alphard, lui dis-je en prenant mon courage à deux mains. Moi aussi, je t'aime.
Le visage d'Alphard s'éclaira et son sourire s'étira. Le poids qui rendait son coeur si lourd semblait d'être allégé et il attira mon visage vers le sien, déposant sur mes lèvres un baiser passionné qui provoqua l'envol d'un millier de papillons au creux de mon estomac.
Nous descendîmes quelques instants plus tard à l'infirmerie, lui pour guérir sa lèvre et moi ma bosse. Madame Whisp nous accueillit avec froideur. Une douzaine d'élèves étaient déjà passés par là après la bagarre. Alphard dû insister sur le fait que j'avais tenté d'arrêter la bagarre, pour que Madame Whisp consentît à me donner une décoction pour ma blessure, trop peu importante selon elle.
Lors du repas, le soir même, Olive tirait une mine aussi pâle que celle d'un fantôme. Janice se pencha vers elle, inquiète.
- Qu'est-ce qui se passe, Olive ? demanda-t-elle.
De son côté, Amy, à qui je n'adressais plus la parole (bien fait, Jedusor), haussa les sourcils et tendit l'oreille.
- Code bleu, marmonna Olive.
Sharon grogna et leva les yeux au ciel.
- Quand ? enquit-elle.
- Juste avant le repas, répondit Olive.
- Et qu'est-ce qu'elle voulait ?
- Mais c'est pas possible ! la coupa Janice. Tu as vu le Ministère, il y a eu une enquête... Elle n'a plus le droit de t'approcher !
Tout en découpant son steak de boeuf, Sharon poussa un ricanement :
- Elle a assisté au mariage de ton frère cet été, non ?
Olive lui lança un regard meurtrier. Si je ne savais pas ce que signifiait "code bleu", je commençais à comprendre de qui les trois filles parlaient.
- Tu m'en veux à son propos, c'est ça Sharon ? siffla Olive. Tu as bien vite oublié que tu ne l'as jamais aimé !
- Je n'ai pas oublié que je n'aimais pas Myrtle, rétorqua Sharon. Elle était intrusive, moqueuse et geignarde. Mais je n'ai jamais fait preuve de méchanceté à son égard.
Le regard inquisiteur de Sharon se mit à peser sur ma nuque, et je me plongeai dans mon assiette, les épaules voûtées, me sentant coupable pour des faits que je n'avais pas commis.
- Je me suis juste moqué de ses lunettes ! protesta Olive.
- Oui, tu t'es juste moquée de ses lunettes, admit Sharon. Une fois, deux fois, trois fois... Puis tu te moquais de ses boutons, de son impopularité, de son insupportable habitude de toujours se plaindre. Au bout d'un moment, on craque, Olive...
Plissant le nez, Olive croisa les bras sans répondre. Janice, désireuse d'apaiser la tension, rompit le silence :
- Breeeef... dit-elle en se raclant la gorge. Qu'est-ce qu'elle voulait, Mimi ?
- La même chose que d'habitude, répondit Olive, mal à l'aise. Me dire que tout était de ma faute et qu'elle ne serait pas morte si je n'avais pas été là...
- Tu sais très bien que c'est faux, Liv, la rassura Janice. C'est la faute du monstre, pas la tienne.
Olive grimaça, peu convaincue. Je m'imaginai alors qu'un peu moins d'un an plus tôt, elle devait avoir retrouvé le cadavre de Myrtle Warren, dans les toilettes des filles. Cette vision n'avait certainement jamais quitté son esprit. Gênée par la conversation, je continuai à les écouter débattre sur les événements de l'année précédente, tout en restant dans mon coin. Lacerta était bien plus coupable des malheurs de Mimi qu'Olive. Or, c'était moi, Lacerta...
La semaine suivante passa sans événements particuliers, mais, tous les soirs, on pouvait entendre, en tendant l'oreille, une personne qui faisait les cents pas et qui chuchotait d'un ton excédé : et cette personne, c'était moi. Je me disputais plusieurs fois avec Cattus à propos du souvenir de Dumbledore. Bien sûr que je comptais faire quelque chose ! Bien sûr que je n'avais aucune idée de plan ! Pourquoi ce maudit chat ne m'apportait-il pas de l'aide, au lieu de me réprimander ? Je m'empêchai plusieurs fois de m'arracher les cheveux, ou Lacerta se serait retrouvée chauve à son réveil. Lorsque j'avais proposé à Cattus de simplement demander son souvenir à Dumbledore, le Gardien s'était ouvertement moqué de moi, sans m'en donner l'explication. Que faire ? Que faire ? Bon sang, Lacerta commençait déjà à prendre le contrôle sur moi...
La situation, si jamais elle fût un jour sous mon contrôle, m'échappait totalement. Je n'avais aucune idée de ce que je faisais, ou de ce que je devais faire. Quant aux agissements de Tom Jedusor, je n'étais pas plus informée non plus. Que me voulait-il, par la barbe de Merlin ? Quel était ce mystérieux objet dont Filly m'avait rapporté l'existence ? Que savait-il des secrets de Lacerta ? Des secrets d'Edith ?
Aucune réponse ne pouvait tomber du ciel. C'était à moi d'aller les chercher. Et peut-être les trouverais-je lors de la sortie à Pré-au-Lard, le samedi suivant...
Salut vous tous ? Comment ça va ?
Voilà, on approche de plus en plus de la fin, il ne reste plus que trois chapitre maintenant...
Qu'en avez-vous pensé ? Avez-vous aimé ce chapitre ou l'avez-vous trouvé trop long ? trop court ? pas assez riche en action ? pas très bien écrit ? Je prends en compte tous vos conseils ;)
Comme la fin approche, j'ai décidé d'ouvrir une FAQ ! A tous les chapitre qui restent, vous pourrez poser vos questions à l'auteure ou aux personnages :)
Posez vos premières questions ici -->
Je vous ai également fait comprendre que je voulais changer de titre et de couverture, j'ai donc choisi : Oniromancie, Métempsycose et baguettes magiques. L'histoire sera en deux tomes, avec deux parties chacun. Le titre changera lorsque j'aurais ma nouvelle couverture ^^
Merci d'avoir lu ce chapitre ! A la semaine prochaine !
Rodnoffyrg <3
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