🎭 In a day or two
24 Juin 1951
Magnus Shacklebolt était un jeune homme froid qui ne considérait la vie qu'avec amertume. Mais on ne pouvait nier que de tous les Aurors, c'était certainement lui le meilleur. Samira Campbellton, tout juste quarante ans, avait beau être son ainée dans la carrière, elle ne pouvait que l'affirmer. Son partenaire était exceptionnel en la matière. Elle se demandait souvent à quoi correspondait cette lueur mélancolique qu'elle lisait dans ses yeux sombres. Shacklebolt avait pourtant tout pour lui. En plus d'être un excellent chasseur de mages noirs, il était perspicace, plein de bon sens et – Samira ne pouvait pas mentir là-dessus – doté d'un charme frappant. Son visage noir mangé de barbe lui donnait plus d'une trentaine d'année, alors qu'il ne devait même pas en avoir vingt-cinq, et sa carrure fière le rendait très imposant, même pour ceux qui étaient meilleurs que lui en matière de magie.
Alors que Samira et lui revenaient d'une mission stérile, un soir, ils s'arrêtèrent au Chaudron Baveur, tous deux épuisés.
– Un vrai désastre, cette journée, marmonna Shacklebolt en entrant dans le pub, la mine sombre.
– Les alertes ne peuvent pas toujours mener à quelque chose, fit remarquer Samira avec lassitude.
Elle s'assit sur un des grands tabourets, autour du bar, aussitôt suivie par Shacklebolt.
– Qu'est-c'que j'vous sers ? demanda le barman aux cheveux huileux en nettoyant une chope de Bièraubeurre. Comme d'habitude Campbellton, Shacklebolt ?
Samira secoua la tête de gauche à droite.
– Quelque chose de vraiment fort ce soir, Tom.
– Moi aussi, grommela Shacklebolt.
Il s'apprêta à sortir sa bourse de la poche de sa cape, mais sa collègue l'arrêta dans son geste.
– Laisse, dit-elle. C'est moi qui offre.
Shacklebolt ne protesta pas et le barman alla chercher les verres, tandis que Samira rependait des Mornilles sur le bar, dans un bruit métallique. Dès que Tom eut rempli les verres d'un fond de Whisky Pur Feu, Samira et Magnus trinquèrent et les vidèrent cul-sec. La gorge brûlante, Samira fit signe au barman de les remplir à nouveau.
– Il va falloir revoir nos sources, dit Shacklebolt d'une voix grave.
– Nos sources sont très bonnes, rétorqua Samira. Les fausses alertes arrivent tout le temps et partout...
– Mouais, répondit Shacklebolt sans grande conviction, en fixant le contenu de son verre.
– Pourquoi es-tu tout le temps comme ça ?
– Comment, « comme ça » ? demanda Shacklebolt, les sourcils froncés.
Samira soupira et s'accouda au bar.
– Tu sais très bien de quoi je parle, Magnus.
– Shacklebolt, corrigea-t-il, les lèvres serrées.
– Ça fait deux ans qu'on travaille ensemble et tu ne veux toujours pas que je t'appelle par ton prénom ? Tu vois, ça, ça fait partie de ce dont je veux parler.
Shacklebolt tourna la tête vers Samira et ils se jaugèrent du regard pendant un long instant.
– Qu'est-ce que ça peut te faire, dans l'absolu ?
La remarque choqua Samira.
– Ce que ça peut me faire ? répéta-t-elle, les yeux ronds. Magnus ! Tu sais très bien que tu n'es jamais sincère et que ça te ronge de l'intérieur ! Je vois bien que tu ne ries jamais et que tu as tout le temps l'air malheureux...
– J'ai peut-être de bonnes raisons de l'être...
– Peut-être, oui, mais tu les gardes pour toi sans chercher à tourner la page !
– Que peux-tu y faire ?
– Ôter ce poids qui t'écrase. Je peux essayer. Je ne te demande pas de me révéler tous tes secrets, Magnus, mais saches que je ne considère pas simplement comme un collègue. À mes yeux, tu es un ami précieux, et tu n'as pas besoin de ce masque quand tu es avec moi.
Le visage de Shacklebolt, pour la première fois depuis deux ans, semblait enfin se décrisper. Ses sourcils se défroncèrent légèrement et son expression se radoucit.
– Tu as raison, acquiesça Shacklebolt en hochant la tête. Je suis désolé.
Samira posa une main amicale sur son épaule et Shacklebolt lui lança un regard surpris. Mais il ne se déroba pas à ce geste d'affection, au grand soulagement de la sorcière. Samira retira sa main avec un sourire confiant et termina ce qui lui restait de Whisky d'une traite.
– Alors, demanda soudainement Shacklebolt, dans quelle maison ton fils a été reparti ?
– Finalement, tu m'écoutais quand je monologuais, rit Samira, non sans être surprise par la soudaine ouverture de Shacklebolt. Hassan est à Gryffondor, comme son père. C'est parfait, il ne se voyais pas dans une autre maison.
– Tu le féliciteras de ma part ? Toute ma famille est passée par Gryffondor, aussi. Je suis le seul à m'être retrouvé à Serdaigle.
– Et c'était bien ? Je veux dire, Serdaigle ? Moi j'étais à Poufsouffle.
Shacklebolt hocha la tête, l'air absent.
– J'y ai fait des rencontres assez intéressantes...
– Raconte-moi, lui intima Samira.
Shacklebolt hésita un instant, mais le regard de Samira, totalement dépourvu de la moindre étincelle de jugement, le rassura et le rendit plus confiant.
– Je ne suis pas sûr que... commença-t-il.
– Pourquoi ça ?
Magnus se mordilla la lèvre inférieure.
– Ton opinion sur moi pourrait changer du tout au tout...
– C'est très mal me connaître, rétorqua Samira en haussant les sourcils si haut qu'ils disparurent presque sous sa frange de cheveux sombres.
Un sourire timide apparut sur le visage du jeune homme et il se résigna enfin à lever le voile sur son passé.
Lorsqu'il s'arrêta de parler, Samira avait l'air pensif. Comment allait -elle réagir ?
– Et vous vous êtes embrassés, donc, récapitula-t-elle. Et c'est tout ?
– Non, ce n'est pas tout, répondit Magnus avec un sourire soulagé. Mais je préfère t'épargner les détails.
– Je vois, dit Samira en haussant les sourcils, amusée. Et alors ? Où est le problème ? Pourquoi ne m'as-tu jamais parlé de Barnaby auparavant ?
Magnus baissa les yeux sur son verre vide.
– Barnaby a rompu avec sa petite amie après la Saint Valentin – il trouvait déplacé de le faire avant – et on a continué à se « fréquenter » en secret. On a réussi à vivre comme ça pendant un an et demi. Je suis même parvenu à l'inviter chez moi durant les vacances d'été, pendant que mes parents étaient en mission à l'autre bout du pays. (Il sourit à l'évocation de ce souvenir.) Mais... un jour... Barnaby en a eu marre de... de se cacher...
Soudain, Magnus s'arrêta dans sa tirade, la voix douloureuse.
– Et il a tout raconté... devina Samira.
– En effet... À la pire personne à laquelle il aurait pu raconter une chose pareille... son père...
– Oh... J'imagine que ça ne s'est pas bien passé ?
– Un vrai désastre... Le père de Barnaby, Mr Edgecombe... C'est un moldu, alors il ne pouvait rien me faire... Alors il a menacé son fils. Il lui a dit qu'il était sale, indigne et qui ne voulait plus de lui dans la famille. Mais Barnaby... Il n'est pas vraiment du genre à se rebeller, tu vois ? Son père lui a donné un choix : soit il continuait d'être une « erreur contre nature » et sa famille ferait comme si il n'avait jamais existé, soit...
Magnus déglutit. Des larmes commençaient à apparaitre dans ses yeux noirs.
- Soit, continua-t-il, il se fiançait à une jeune fille, peut importe laquelle, ne me fréquentait plus jamais et sa famille essayerait d'oublier cet écart.
Samira ne dit rien. Elle devinait facilement quelle décision avait pris Barnaby.
– Tu devines la suite, renifla Magnus en tournant la tête pour qu'elle ne le voit pas pleurer.
– Mais... Il t'aimait... chuchota Samira.
– Oui, mais il a toujours eu peur. Et quand il a été confronté à sa famille... C'était son choix...
– Qu'advient-il de lui, maintenant ?
– Il s'est marié avec une femme, comme il l'avait promis à ses parents. Et... Ils ont... eu un enfant...
– Magnus, je...
– Tu es désolée, je sais, dit Magnus en essuyant ses joues avec le dos de sa main. Mais tu n'y peux rien, c'est la vie...
Samira ne se serait jamais douté du secret que Magnus dissimulait. Et au grand soulagement de celui-ci, elle ne le jugeait aucunement, et sa compassion était réelle. C'était son histoire personnelle qui la rendait si compréhensive. Sa propre soeur avait connu exactement le même sort, mais avait fait un autre choix... Soudain, un hibou grand-duc surgit dans le pub et vint se poser devant les deux Aurors, une lettre accrochée à la patte. Magnus reprit son calme et détacha l'enveloppe.
– C'est le chef, dit-il en en lisant rapidement le contenu. Le corps d'une vieille femme a été retrouvé chez elle, une certaine Hepzibah Smith... Il faut qu'on s'y rende tout de suite.
Les deux Aurors se levèrent d'un bond et enfilèrent leur cape d'un geste.
– Je suis content d'avoir pu te raconter ça, Samira, chuchota Magnus.
Samira lui rendit son sourire. Et ils transplanèrent.
***
C'était la fin de l'histoire !
À demaaiiiin ❤
Rodnoffyrg 💝
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