🎭 I'll be gone
Dès lors qu'il entra dans le pub bondé des Trois Balais, Barnaby ne souhaita qu'une chose : sortir d'ici. Mais c'était sans compter le pot de Glu Perpétuelle qui lui servait de petite amie, et qui l'empoigna avec force à la recherche d'une table qui serait miraculeusement libre.
- C'est super, n'est-ce pas ? babilla Lisbeth par dessus le brouhaha.
Barnaby haussa les sourcils sans répondre. Il y avait beaucoup trop de monde à son goût, ici. Il reconnaissait des Poufsouffles de son année, dans un coin avec Sharon Ackney, ses camarades de l'équipe de Quidditch, quelques professeurs, mais pas de Magnus Shacklebolt en vue.
Pourquoi est-ce que je pense à lui, moi ? se demanda soudain Barnaby en fronçant les sourcils.
- PEGGYYYYY ! s'écria Lisbeth, le faisant sursauter.
Elle se mit à faire de grands gestes de la main avant de se précipiter vers son amie, emportant Barnaby avec elle. Ce n'était pas que Barnaby la détestait, non, quand même pas. Lisbeth pouvait être très gentille quand elle le voulait. Mais il y avait des fois où elle se comportait tellement comme... une fille... Lorsque son amie les aperçut, assise toute seule à une table étroite, on eut dit qu'elle était partagée entre le soulagement de ne plus être en tête à tête avec sa solitude et l'agacement de devoir tenir la chandelle.
- Vous vous amusez bien ? demanda Peggy.
- Tu peux pas savoir, répondit Barnaby.
Visiblement, Lisbeth ne saisit pas son ironie.
- On est allés se promener dans la boutique de vêtements, Gaichiffon ! lança-t-elle. Tu verrais leurs nouveaux arrivages, oh la la...
- Oui, j'ai vu ! J'ai adoré la fourrure de blaireau mort qu'ils ont cousu en forme de slip ! fit semblant de s'enthousiasmer Peggy sans pouvoir s'empêcher de lancer à Barnaby un regard désolé.
- Oh, arrête un peu.. Les serveurs ne viennent pas ? s'étonna Lisbeth.
- À mon avis, ils doivent être débordés avec tout ce monde...
- Il faudrait que l'un de nous aille commander au bar...
Peggy hocha la tête et le regard des deux filles dévia lentement en direction de Barnaby.
- Ok, j'y vais, céda celui-ci en levant les yeux au ciel.
- Oooh, c'est mignon de te proposer Barn, se moqua gentiment Peggy.
Barnaby se leva de sa chaise et se dirigea vers le comptoir en slalomant entre les tables. En y pensant, ce n'était pas si terrible de sortir avec Lisbeth Dillonsby. Peut-être ne ressentait-il aucun sentiment amoureux vis à vis de la jeune fille, mais il avait fait la rencontre de son amie, Peggy, qui possédait un humour noir insoupçonné. Soudain, il se fit pousser sur le côté par une fille au cheveux blonds (nulle autre que Lacerta Kenneth) qui venait de surgir en trombe de nulle part et atterrit sur un serveur qui portait une commande en équilibre sur les deux bras. Proportionnellement à ce qui se trouvait sur les plateau, Barnaby eut de la chance. Il ne se retrouva pas moins avec la robe de Poudlard trempée de rhum groseille.
Poussant un juron, il ne laissa pas le temps au serveur de dire quoi que ce fût et fonça vers les toilettes des hommes. La salle d'eau du pub était impeccable et étonnamment vide. Barnaby contempla le désastre dans l'un des grands miroirs qui surplombaient les lavabos. Il ne se risqua pas à étaler la tache en frottant dessus comme un moldu et sortit directement sa baguette magique.
- Recurvite, marmonna-t-il en pointant l'extrémité sur sa robe.
Le sortilège n'était pas parfaitement exécuté mais la trace s'estompa suffisamment. Barnaby leva la tête dans un soupir. Il avait toujours la même apparence, ses émotions ne se lisant pas sur son visage, si ce n'était que ses cheveux bruns devenaient ternes et sans forme. En tentant d'examiner ses mèches de cheveux dans le miroir, il ne prêta pas grande attention au bruit de chasse d'eau derrière lui, suivit d'un léger cliquetit. En revanche, il aperçut parfaitement la personne qui sortit du cabinet.
En constatant la présence de Barnaby, Magnus se figea un instant. Il ne s'était pas du tout attendu à le voir ici à cet instant. Puis il essaya de reprendre son calme et se dirigea vers les robinets, deux lavabos plus loin.
- Ça va ? demanda-t-il sur le ton de la conversation en activant l'eau froide.
Il y eut un moment de silence durant lequel on entendait plus que Magnus se laver les mains.
- Oui, tout va bien, finit par répondre Barnaby.
- Tant mieux, dit Magnus en s'emparant d'une serviette.
Il s'apprêtait à mettre un terme à cette conversation stérile en s'en allant lorsque Barnaby l'interpella :
- Tant mieux ? répéta-il d'une voix étrange.
Luttant contre lui-même pour ne pas dire tout ce qu'il avait sur le coeur, Magnus se remémora la promesse qu'il avait faite un mois plus tôt.
- Oui, tant mieux.
- C'est vraiment ce que tu penses ?
- Non, souffla Magnus d'une voix douloureuse. Tu sais ce que je pense. Arrête de me faire ça je t'en prie... C'est bon, j'ai saisis...
Il essaya de s'en aller mais Barnaby, dans un geste qui les surpris tous les deux, l'attrapa par le bras pour le retenir.
- Je suis désolé, dit-il.
- C'est moi qui suis désolé, Barnaby. Je n'aurais jamais dû te le dire, si seulement on pouvait redevenir amis comme av...
- Non, tu ne comprends pas, le coupa Barnaby. Je suis vraiment désolé, j'ai... Je t'ai menti.
Il n'avait aucune idée d'où lui venait cette soudaine témérité, mais il comptait bien en user jusqu'à l'épuiser complètement. Chaque mot qu'il prononçait libérait son coeur d'un poids étouffant. Après tout, pourquoi ne pouvait-il pas être sincère ? En quoi ses sentiments dérangeaient-ils ?
- Comment ?
- J'ai menti. Depuis le début, je mens. Je suis un lâche de toute façon, pas étonnant que je mente. En vérité, je ne suis pas amoureux de Lisbeth Dillonsby.
Alors qu'il se confiait, il lâcha le bras de Magnus qui n'opposait plus aucune résistance. Celui-ci ne dit rien, trop surpris pour emettre le moindre son.
- Je crois que j'ai voulu me... protéger en lui demandant si elle voulait sortir avec moi, avoua Barnaby en détournant le regard. Je savais qu'elle allait dire oui de toute façon. Mais je ne l'ai jamais aimé, je n'ai jamais vraiment aimé personne, dans ce sens du terme...
Rassemblant toute la bravoure qui lui restait, il s'efforça de plonger ses yeux dans ceux de Magnus et murmura :
- Sauf toi.
Alors que la barrière de la honte, du déni et de la souffrance cédait, il franchit le pas qui le séparait de Magnus et déposa délicatement ses lèvres sur les siennes. Magnus s'empressa d'intensifier leur baiser, enroulant ses bras autour de Barnaby, le coeur battant à la chamade. Ce dont il avait toujours rêvé se réalisait enfin au bout de tant d'années. Ils restèrent enlacés durant ce qui sembla être une éternité, dans les toilettes d'un pub bondé, à la merci du premier badaud qui pousserait la porte.
Mais durant cet instant si précieux, plus rien ne comptait, si ce n'étaient eux deux.
- Je suis désolé, Magnus, répéta Barnaby lorsqu'ils se détachèrent lentement l'un de l'autre. Pour tout.
Il posa sa tête contre le torse de Magnus en poussant un long soupir.
- Barnaby, tout va bien, ce n'est pas grave...
Barnaby eut un ricanement.
- Tu as raison, te traiter comme un Veracrasse ça n'a rien de grave.
- Barnaby, écoute-moi. Tu avais peur, peur de l'avis des autres, peur de ce que tu pouvais ressentir, mais je te pardonne. Je te pardonne, Barnaby, parce que je t'aime.
Relevant la tête, Barnaby croisa le regard si confiant de Magnus et ne pu s'empêcher d'esquisser un sourire timide.
- Moi aussi je... je t'aime, Magnus.
Quelques secondes silencieuses s'étirèrent encore entre les deux jeunes hommes. Cependant, il n'y avait plus aucun malaise. Finalement, Magnus attrapa la main de Barnaby et la serra avec force dans la sienne.
- Dis-moi juste, Barnaby, commença-t-il d'un ton hésitant. Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ?
- Je n'en pouvais plus de me mentir à moi-même, avoua Barnaby. De chercher à me persuader, d'avoir peur de l'avis que les autres pourraient avoir... Mais je n'arrêtais pas de penser à toi, de me remémorer ta déclaration, de sentir ton regard dans mon dos, tout en sachant que j'étais la cause de ta souffrance. Et quand je t'ai vu là, après avoir passé toute la matinée avec une fille que je n'aime pas, qui essayait de m'embrasser tout en me tirant dans les pires boutiques de Pré-au-Lard... Ça a explosé, tous les ressentiments que j'intériorisais parce que la société veut qu'on soit faits d'une façon et pas d'une autre.
Achevant sa longue tirade en reprenant son souffle, Barnaby guetta la réaction de Magnus.
- Je comprends.
- Tu comprends ?
- Oh que ça oui... Pourquoi crois-tu qu'il m'a fallut six ans pour avouer à mon meilleur ami que j'étais fou amoureux de lui ?
Soudain, la poignée de la porte s'actionna et ils se lâchèrent la main. Un sorcier dodu se dirigea vers la cabine la plus proche sans faire attention à eux. Magnus et Barnaby, ayant momentanément oublié la fonction première de l'endroit, en sortirent précipitamment sans pouvoir retenir leurs rires.
Le charme de l'instant avait été brisé, mais bien d'autres instants les attendaient, à présent.
***
Plus qu'un chapitre avant de clôturer cette mini histoire ! 😜 Alors, vont-ils s'en sortir dans un monde si homophobe ? La suite sortira avant la partie 2 😇
Rodnoffyrg 💝
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