Jour 7 - 5 : Youngjo

« - Youngjo ! Réveille-toi gros paresseux !

- Hmm... Laisse-moi dormir Noona.

- Tu as cours, donc non. Debout ! A moins que tu souhaites que j'emploie la manière forte ?

- Tss... Tout ça pour deux heures de mathématiques et de coréen. »

La grande sœur du jeune garçon endormi eut une soudaine moue attendrie en voyant son frère se redresser tout en frottant ses yeux ensommeillés : Youngjo était vraiment adorable quand il le voulait. Elle se rapprocha un peu plus près de lui avant de lui caresser tendrement les cheveux tout en lui chuchotant posément ce qu'on lui avait toujours dit.

« - Allons, c'est en travaillant dur à l'école que tu pourras avoir un avenir qui te plaît.

- Les mathématiques servent à quoi dans la composition musicale ?

- Youngjo...

- Oui je sais, je sais... Appa et eomma veulent me voir dans le commerce ou l'ingénierie mais me vois-tu réellement là-dedans ? Bloqué derrière un bureau à taper sur un ordinateur en regardant les performances de la boîte ou cloîtrer dans une usine à trier des pièces pour je ne sais quelle machine débile ? Penses-tu que c'est réellement ce futur qui me convient le mieux Noona ?

- ... Va te préparer Youngjo. Tu dois aller en cours. »

Les paroles de l'aîné furent tranchantes et sans appel : le garçon devait aller à l'école aujourd'hui. La jeune femme se redressa après avoir retirer sa main de la chevelure de son cadet puis elle quitta la chambre commune de la petite famille.

Youngjo soupira sur son vieux matelas troué, il ne voulait pas y aller, c'était inutile. Il ne voulait pas de cette vie « classique », il voulait avoir un futur qui le correspondait réellement. Hélas, il était dans l'obligation de se lever sinon le jeune élève pourrait recevoir les foudres de sa Noona et il voulait éviter cela. Quittant sa fine couette tâchée et poussiéreuse, le garçon traîna des pieds jusqu'à son uniforme lavé la veille au lavomatique : l'odeur des produits nettoyants était encore présente dans le tissu.

Tout en continuant de souffler, Youngjo boutonna maladroitement sa chemise tout en la lissant un minimum puisqu'il n'avait pas de quoi repasser le vieux tissu froissé et usé : les joies de la location d'uniforme scolaire. Puis, en passant ses mains sur ses manches, le garçon sentit un trou au niveau de son coude ce qui le fit grogner.

« - Encore un de plus... Aish. Faudra que j'en parle à eomma... »

Cette vie était épuisante pour Youngjo et sa famille, il étouffé dans cette petite baraque poussiéreuse difficilement vivable pour quatre personnes. Ce quotidien miséreux, il le connaissait depuis que son père avait perdu son emploi à la suite de la faillite de l'entreprise dans laquelle il travaillait. Youngjo était jeune à cette époque, sa mère lui avait avoué, en pleurs, qu'à partir d'aujourd'hui tout serait différent et qu'il fallait être fort et garder la tête haute.

Douze ans. Voilà douze ans que la petite famille demeurait dans cette extrême précarité. L'argent ne servait qu'à leur survie bien qu'il peinait à remplir leur minuscule frigo : les fins du mois étaient toujours signe de serrage de ceinture un peu plus important. Les loisirs, et autres petits plaisirs de la vie, n'étaient plus jamais réalisés. Les gâteaux d'anniversaire étaient devenus un simple macaron surmonté d'une bougie à moitié fondue qui traversait les âges tandis que les cadeaux n'étaient que quelques Wons que Youngjo mettait de côté. En effet, le jeune homme avait l'espoir, qu'un jour, il pourrait s'acheter ce matériel dont il rêvait tant pour enfin produire sa propre musique.

« - Bonjour eomma ! »

L'étudiant venait de quitter sa chambre pour rejoindre la deuxième pièce de la maison qui servait de salon, salle à manger, cuisine et entrée. Le garçon s'approcha de sa mère après l'avoir salué pour lui claquer un rapide bisou sur joue qui fit sourire la femme âgé, ridé par la fatigue de cette épuisante vie.

« - Bonjour appa !

- Bonjour adeul. Bien dormi ?

- J'aurais bien voulu me reposer un peu plus longtemps...

- L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt et qui travaillent dur Youngjo.

- Je le sais appa... Bon j'y vais. Ne m'attendais pas pour manger ce soir, je serais de service au 7-eleven.

- D'accord, fais attention en rentrant ce soir.

- Oui, oui eomma. Bonne journée ! »

Tout attrapant une vieille pomme tout abîmée qu'il enfonça dans son sac de toile déchiré, Youngjo parti sur ses dernière paroles avec le ventre vide comme chaque matin mais il ne pouvait pas se permettre de faire un petit déjeuner : la nourriture était devenu une chose rare et précieuse pour eux quatre. Youngjo enfonça ses mains dans ses poches tout en partant en direction de son établissement scolaire : le voilà parti pour quarante minutes de marche.

En effet, le bus était un luxe qu'il ne pouvait pas se payer. L'abonnement annuel était totalement hors des moyens de la petite famille mais il avait fini par s'habituer à cette petite trotte jusqu'à son école et cela lui offrait une petite balade matinale. Tous les jours le spectacle était plus ou moins similaire, à quelques détails. L'activité de Séoul atteignait son paroxysme aux alentours de huit heures moins dix, les gens courraient dans tous les sens, sortaient des taxis pour rejoindre les bureaux afin de commencer une journée ennuyante au travail où ils allaient taper sur un clavier d'ordinateur en se racontant les derniers potins vus sur les réseaux sociaux : une vie si morose.

Youngjo soupira en levant le nez vers le ciel, il faisait plutôt frais ce jour-là, l'hiver se rapprochait de plus en plus puisqu'un petit nuage de fumée quitta ses lèvres. L'étudiant redoutait déjà les multiples nuits d'insomnies à cause du froid qui allait lui mordre le corps en lui rongeant les os à cause de son habitation mal isolée : au moins il aurait du temps pour composer ce qui lui passait par la tête.

« - Tiens, voilà le pauvre.

- Tu as pris une douche hier Youngjo ? Où n'en as-tu pas les moyens ? »

Les gosses de riches ricanaient contre le mur près de l'entrée de l'école tout en dévisageant le jeune rêveur : les richous étaient parfois de sacrés parasites qui se croyaient tout permis. Prenant sur lui, Youngjo offrit son plus beau faux sourire à ses petits cons avant de lâcher d'une voix douce.

« - Tu sais, j'ai les moyens de te mettre mon poing dans ta belle gueule de con ? Tu veux essayer ? »

Les phalanges du garçon craquaient et le petit riche ne savait pas comment répliquer face à cette menace qui lui avait fait peur : une vraie bande de mauviettes. Youngjo, en voyant leur manque de réaction, décida de reprendre sa route vers sa salle de classe où il serait enfin tranquille mais, surtout, où il pourra charger son portable minable. En effet, l'élève avait réussi à trouver un vieux portable tout abîmé dans un parc un soir d'été et, après s'être assuré qu'il n'appartenait à personne, il l'avait amené avec lui puis réparé du mieux qu'il pouvait. Le petit objet électronique lui permettait de garder contact avec ses quelques amis dont le plus important était Kim Geonhak.

S'installant au fond de la salle au côté de la prise de courant, Youngjo mit son vieux casque sur les oreilles avant de commencer à gratter le papier avec ses rares productions qu'il avait réussi à composer grâce à beaucoup de débrouille : un piano dans un magasin de musique, un service qu'un ami musicien lui avait fait... Youngjo savait très bien trouver des solutions lorsqu'il s'agissait d'écrire et produire de la musique.

Partitions, couplets, ponts, l'étudiant faisait tout de A à Z et il adorait tant cette activité. La musique était devenue son échappatoire et sa façon de rêver, de s'évader. Il n'avait pas la chance de voir ces superbes paysages étrangers en prenant l'avion alors, lui, il se les imaginait, voir, il créait ses propres contrées. Un jour, Youngjo s'était figuré la plage avec cette immense étendue d'eau appelée mer et qu'il n'avait jamais eu l'occasion de voir. Une autre fois, il voyait quelque chose de plus fantastique en pensant à une forêt enchanteresse aux ramages fuschia et turquoise. Youngjo était le créateur et le fondateur de son propre imaginaire.

Hélas, il ne put perdre plus de temps dans son esprit puisque le cours commençait. Le garçon quitta son monde chimérique pour un barbant cours sur la trigonométrie : une nouvelle connaissance qui ne lui serait d'aucune utilité dans la vie. Les heures éducatives durèrent une éternité mais elles eurent tout de même une fin qui fit soupirer de joie tous les élèves qui avaient fini leur journée de travail, à l'exception de Youngjo.

Après l'école venait le travail afin de gagner un maigre salaire que le jeune homme mettait précieusement de côté pour cet avenir qu'il espérait tant avoir. Le temps continua à s'éterniser, non pas derrière un bureau mais de l'autre côté de la caisse cette fois-ci. Quelques camarades de classe vinrent s'acheter de quoi faire la fête dans la soirée et, bien évidemment, il n'avait pas pu s'empêcher de se moquer du garçon : il était pauvre alors tous se pensaient supérieurs à lui.

Youngjo soupira simplement, il était habitué maintenant, cela était devenu son quotidien, son rythme de vie. Les moqueries sur son statut social ne le touchaient plus à force, sauf quand c'était elle qui l'avait rabaissé... Cette belle coréenne dans son école, cette jeune fille à la longue chevelure noire de jais et au charmant sourire : Kang Hyuna. Le garçon la trouvait si belle, son doux visage irradiant de bonheur l'avait tant inspiré, il ne savait plus où donner de la tête en la voyant, tout comme son cœur qui ne battait de manière irrégulière lorsqu'ils se croisaient dans les couloirs.

Hyuna était devenu un élément réccurent dans moultes des compositions de Youngjo. Il ne voyait qu'elle, ne pensait qu'à elle et son charme si envoûtant : la jeune fille était son premier amour. L'étudiant avait mis du temps avant de trouver le courage de lui déclarer sa flamme. Ce jour-là, il était bien habillé, il avait fait attention à ses cheveux et son visage en piquant même un peu de maquillage à sa Noona tout en mettant un peu de l'échantillon de parfum qu'il gardait pour les grandes occasions.

Puis, Youngjo avait marché jusqu'à l'école, le cœur battant à la chamade. Passant les grilles de l'établissement, il crut mourir de stress en se dirigeant vers la jeune fille qui rigolait avec ses amis : son rire était magnifique. Une fois qu'il avait attiré l'attention de Hyuna, il avoua ce qu'il ressentait pour elle mais, hélas, les sentiments n'étaient pas réciproques et la fille l'avait violemment recalé brisant le cœur du jeune garçon.

« - Heu... Pardon mais je ne sors pas avec des clodos moi. Donc, si tu peux partir ? Ta présence nous dérange avec mes amies. »

Cela avait été douloureux et si blessant. Pour la première fois de sa vie, Youngjo avait touché par des propos abordant sa classe sociale et il était venu à haïr l'injustice du monde pendant quelques jours avec de, finalement, digérer l'amère défaite. Soupirant derrière sa caisse au souvenir de cette cruelle réminiscence, le garçon remarqua l'arrivée de sa collègue qui allait prendre la relève : son service prenait fin.

Retirant son tablier tout sourire, Youngjo s'enfonça dans la nuit noire afin de rejoindre sa petite maison délabrée : la journée était enfin terminée pour lui mais pas pour tous les membres de sa famille. En effet, lorsqu'il arriva devant chez lui, sa sœur sortait de la bâtisse afin de récolter un petit peu d'argent car ce mois était particulièrement dur. Sa Noona était une jeune femme superbe, elle était resplendissante dans sa courte robe pourpre qui moulait si bien son corps parfait. Elle méritait bien mieux que cette vie misérable... Elle ne devrait pas être obligées de vendre son corps à ses hommes au regard lubrique pour quelques Wons. Mais entre vouloir et pouvoir il y avait un pas...

C'était leur triste vie, toute la famille Kim voulait mais il ne pouvait pas. S'il tentait de faire un pas en direction du pouvoir, il se heurtait à un mur infranchissable... Mais, sa Noona avait fait ce choix d'elle-même afin d'aider sa famille et de leur permettre de survivre dans des conditions légèrement meilleures. Youngjo lui offrit un petit sourire tout en lui demandant d'être prudente ce soir et il rentra chez lui le cœur lourd et le ventre vide. Voilà ce qu'était sa vie.

Fin du Flashback

Seul le bruit du vent soufflant dans les branches étaient audibles. Le quintuple retenait leur respiration après ce qu'il venait d'entendre. Bien évidemment il savait pour la pauvreté de leur aîné, il l'avait appris au tout début mais qu'est-ce qu'il s'en fichait que Youngjo soit riche ou pauvre, c'était la personne qui comptait, pas son statut social. Hwanwoong avait les poings légèrement serré et il ne pouvait pas s'empêcher de grogner contre une des personnes de l'histoire de son Hyung : comment avait-elle pu faire cela à Youngjo ?

« - Comment a-t-elle pu oser te dire ça cette Hyuna...

- C'est du passé mon Woong-ie. J'ai surpassé cette petite peine de cœur depuis longtemps maintenant.

- Mais, même... Elle n'avait pas le droit de faire ça ! Pour qui elle se prend ? On ne juge pas...

- Hey Woong-ie. Calmes. »

L'aîné se rapprocha de son petit frère en se mettant à genoux devant lui tout en caressant tendrement sa chevelure : c'était mignon et touchant de voir comment Hwanwoong défendait ses amis. Youngjo était heureux d'avoir rencontré cette petite bande de garçons qui l'acceptait pour ce qu'il était et qui ne le rejetait pas car il était un pauvre, limite un mendiant certains mois.

« - C'est du passé mon Woong-ie. Je vais mieux, et puis, je vous ai vous donc ne t'embêtes pas avec elle. Elle ne mérite pas que tu t'énerves, les gens comme cela il vaut mieux les ignorer. »

La main de l'aîné descendit sur la joue de son dongsaeng qu'il commença à caresser calmement avant de déposer un doux baiser sur le front de Hwanwoong qui rougit sous le geste mais cela eut le don de le calmer immédiatement. Youngjo sourit face aux pommettes rosées de son ami avant de lui ébouriffer les cheveux en lâchant un « tu es adorable mon Woong-ie ? ».

La petite bande fut attendri par la scène entre les deux, Hwanwoong et Youngjo avait cette chimie bien particulière dans leur relation mais les autres n'avaient jamais exposé leur hypothèse au grand jour sur ce que ressentait les deux l'un pour l'autre : étaient-ils réellement de simples amis ? Des faux-frères si proches qu'on dirait qu'ils étaient de la même famille ? Où était-ce autre chose ? Ils ne purent lancer le sujet car le temps filait toujours et il restait deux personnes qui n'avaient pas encore parlé.

« - Geonhak ? Hwanwoong ? Lequel se sent prêt à parler ?

- ...

- J-Je vais le faire. »

Le volontaire se proposa tout en lançant un rapide regard à l'autre qui semblait reconnaissant envers son ami car il ne se sentait toujours pas prêt à s'ouvrir à ses amis : c'était si dur d'avouer la vérité.

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