Jour 3 - 6
« - Fuis avant que je ne te tue. »
Le plus âgé n'avait pas attendu la menace de son jeune ami pour nager loin de lui, hélas, il ne fut pas assez rapide et l'ombre menaçante lui tomba dessus en lui mordant l'épaule. Geonhak glapit en essayant de se débarrasser de Dongju qui ressemblait à un chiot de cinq mois qui faisait ses dents. Les deux continuèrent longtemps à se chamailler tout comme Seoho et Youngjo, un peu plus loin, qui se lançaient de l'eau à la figure. Puis, à un moment, les aînés cessèrent leur bataille aquatique en hélant le dernier duo qui était toujours sur la terre ferme à les observer avec des yeux rieurs.
« - Allez Keonhee et Hwanwoong ! Venez nous rejoindre !
- C'est moins froid quand on est dedans à faire les cons !
- Parle pour toi ! Je ne suis pas con moi.
- Tu n'es pas sérieux ? Youngjo Hyung, TU es le roi des cons !
- Répètes ça d'un peu plus près l'écureuil... »
Le duo encore habillé observa la nouvelle bataille être livrée entre leurs aînés, cette scène réchauffait totalement le cœur des garçons. C'était d'une immense banalité et pourtant c'étaient ces petits moments de la Vie qui étaient les plus précieux. Keonhee et Hwanwoong s'échangèrent un regard, leur iris se perdirent dans celle de l'un et l'autre tout en se souriant avec sincérité. Les adolescents étaient des amis de longues dates, ils se connaissaient depuis tellement de temps, avaient vécu tant de choses que, maintenant, ils avaient développé leur propre langage.
Personne ne les comprenait en cet instant. Leurs lèvres se mouvèrent mais personne n'arrivait à saisir le sens de leur parole, à part eux deux. Des propos incompréhensibles s'échangèrent, des dires qui feraient froncer les sourcils des inconnus qui passeraient à leur côté. Ce mélange de cliquetis, de sonorités fantaisistes qui sonnaient comme une fausse note à l'oreille des non-connaisseurs de la chose. Le reste de la bande c'était habitué à l'acte mais ils n'arrivaient toujours pas à comprendre leurs échanges lorsqu'ils étaient dans leur bulle. Actuellement, sur la berge, il n'y avait que Keonhee, Hwanwoong et leur propre langue qui était le système racinaire de leur univers.
« - On va les rejoindre ?
- Ouais, ils nous attendent depuis assez longtemps je pense. »
Leurs sacs à dos rejoignirent ceux des quatre autres sur le sol, au côté du tas de vêtements roulés en boule sur un petit tas de feuilles séchées. Le plus âgé des garçons saisit le bas de son t-shirt avant de le relever dévoilant son torse mais surtout ses clavicules proéminentes. Keonhee laissa un petit rire quitter ses lèvres charnues en remarquant que son ami d'enfance le fixait, étrangement obnubilé, par ses os saillants. Pris sur le fait, Hwanwoong se mit brusquement à rougir tout en se raclant la gorge en regardant ailleurs : sa réaction était tout sauf naturelle mais cela était tellement adorable de voir ses oreilles se teindre de pourpres.
Afin de se rattraper, mais surtout de penser à autre chose qu'au feu qui naquit sur ses pommettes à cause du gêne, Hwanwoong se concentra sur sa tâche initiale : se déshabiller. L'adolescent abaissa lentement son pantalon, tout comme son camarades, montrant ses jambes finement dessinées par une musculature légère grâce à la danse. Hélas, leur beauté était sabotée par ces marques verdâtres, voire brunâtres à certains endroits. Il y avait aussi ses éraflures sur les genoux qui salissaient la peau de porcelaine du garçon.
Keonhee avait terminé d'ôter ses couches de vêtements et il s'enfonça dans l'eau sous les acclamations enjouées des autres. Sur la berge, il ne restait plus que Hwanwoong en t-shirt manches longues et caleçon. Sa tête était baissée vers ses mains tremblantes qui tenaient, comme elles pouvaient, le bord de son haut mais il n'arrivait pas à effectuer le geste pour le retirer. C'était comme si une force supérieur le retenait, l'empêchait de soulever le bout de tissu fait de polyester.
Une fois son torse mit à nu, le voile tombera et les doutes s'envoleront. Les cinq se douteront, avec fulgurance, que tous ses hématomes n'étaient pas uniquement dû à l'accident de bus qui remontait à quelques heures à peine. De plus, ses cicatrices n'avaient pas pu être crées dans la journée, aucun humain n'avait de telle capacité régénératrice. Non, quand le rideau s'effondrera sur le sol et que les regards se poseront sur lui tout le monde saura cette vérité : le secret de Hwanwoong.
Plongé dans un combat mental contre sa propre personne, le jeune adulte hésita un instant à se jeter à l'eau avec son t-shirt. Mais, ceci attiserait un peu plus encore la curiosité, ainsi que le doute, de ses frères de cœur qui le forceraient à le retirer en trouvant une excuse malicieuse afin de percer la chose. L'adolescent avait beau se créer trois milles scénarios, la fin était toujours la même : ils apprenaient la réalité car tout secret ne pouvait pas être éternellement gardait. Les langues finissent toujours, tôt ou tard, par se délier lorsque les limites du supportables ne pouvaient plus être dépassées.
Fermant les paupières, honteux, Hwanwoong passa son haut par-dessus sa tête dévoilant au grand jour son torse meurtri. Des dizaines et des dizaines d'ecchymoses tâchés la peau laiteuse du jeune homme qui semblait sur le point de vomir tellement l'angoisse était si grande en lui. Parfois, au milieu de ce sordide tableau où le bleu dominait le beige, il était possible de discerner certaines stigmates correctement cicatrisées ou non.
Le corps de Hwanwoong ressemblait à une œuvre d'art abstraite, une de ses toiles blanches sur laquelle on avait fait des giclées de peintures bleues, vertes et violines. La toile semblait être une de ses créations dénonçant la violence de tel ou tel acte, mais, il ne s'agissait pas d'un tableau. Ici, on avait bel et bien le corps d'un garçon marquait par des années de souffrance et de chaos.
Comme il se doutait, les regards de ses amis, ses frères de cœur plongés depuis toujours dans l'ignorance, s'écarquillèrent, s'exorbitèrent face à l'horreur de la chose car ils étaient tous certains à cent pourcent qu'un accident ne causait pas ce genre de marque. Dongju ne put observer la peau de son ami plus longtemps, il tourna le dos à la chose tandis que des larmes de remords apparaissaient dans ses iris brisées par la culpabilité : il n'avait rien remarqué.
Geonhak et Youngjo, quant à eux, serrèrent leur poing alors qu'une colère noire envahissait leur cœur habituellement si pure. Qui avait osé faire cela à leur ami ? L'envie de justice, de réparation de vengeance bouillonnait dans leur corps. Ils voulaient rouer de coups le connard qui avait fait subir ce genre de traitement à leur ami, cet Homme devait payer, et, ils entendaient par-là que ce bâtard devait bouffer le trottoir.
Keonhee essayait de se protéger comme il pouvait de la vérité sur la situation. Le jeune adulte savait très bien qu'il ne pourrait jamais se dresser face au monstre qui battait son compagnon de quasi toujours, il était si faible. Alors il préféra nier la chose, oublier ce qu'il avait vu, enfermer cette information dans un coin abandonné de sa mémoire. Il avait honte, si honte d'avoir une telle réaction. N'était-il pas un piètre ami ? Chacun supportait, ou plutôt digérait, la nouvelle à sa manière : Youngjo et Geonhak laissaient la colère prendre le dessus sur tout le reste, Keonhee se plongeait dans un profond déni tandis que Dongju se laissait dominer par la tristesse, son cœur se brisant en mille morceaux à cause de la culpabilité qui le rongeait. Personne ne réagissait de la même manière lorsqu'on apprenait une mauvaise information.
Hwanwoong, seul sur sa rive, avait la tête basse, les muscles tendus à cause de la tétanie qui l'avait gagné. Les rayons du soleil de quinze heures traversaient la canopée pour lécher les plaies les mettant clairement en lumière : il était abominable. L'adolescent de dix-huit ans voulait se cacher six pieds sous terre, se recouvrir de mille et une couche de tissus afin de camoufler ces sordides tâches de leur vue. Il voulait fuir, s'enterrer, ne devenir qu'une ombre, un être invisible. Ses yeux se remplirent de larmes : il avait si honte, il était une ignominie dans ce monde. Comment pouvait-il continuer à vivre ?
Sa peau était si marquée qu'on peinait à discerner une parcelle de chair vierge de toutes traces de violence physique. Hwanwoong avait dû vivre des centaines et des centaines de fois l'horreur des coups, voire peut-être bien pire : on ne pouvait pas connaître l'entièreté de l'envers du décor lié à ses plaies. Comment pouvait-il continuer à sourire, à rire ? Comment gardait-il tout cela en lui ? Tout ceci était tellement... Inhumain.
Honte, honte, honte. Hwanwoong avait honte et il ne put retenir les larmes de franchir la barrière de ses paupières. Les perles salées roulèrent tandis qu'un gémissement suppliant et tourmenté s'échappa de ses lèvres : Hwanwoong n'était pas un homme. Pourquoi ? Car Hwanwoong se faisait frapper sans rien dire. Hwanwoong était faible, terriblement faible. Du moins, c'était ce qu'il LUI avait dit lors de chaque punition alors il l'avait, naïvement, cru. Les membres tremblants, la tête se baissant toujours plus tandis que son dos se voûtait, le garçon fixait le sol tout en enlaçant son torse sans rien faire à part s'insulter mentalement, se rabaisser inlassablement. Et, plongé dans l'étouffante obscurité de ses pensées, le jeune adulte ne remarqua pas la personne qui sortait de l'eau pour venir à sa rencontre.
Il était le seul qui était resté fort en découvrant la chose, le seul qui avait fait taire ses sentiments personnels et qui avait marché vers le plus jeune tout en arborant un doux sourire amicale sur ses lèvres. Seoho avait tari sa haine, sa tristesse, son regret, sa douleur afin de se concentrer sur celui qui tremblait d'infamie sur la berge. Doucement, le plus âgé avait attrapé le menton de son ami afin de lui relever la tête en effectuant un contact visuel entre les deux. Ce que Hwanwoong vit dans les iris de son Hyung lui fit un choc mais pas un choc douloureux, au contraire, ce dernier lui fit du bien. Dans ses prunelles onyx, ils n'y avaient aucunes traces de jugement, pitié ou dégoût juste du soutien avec une once... D'admiration ?
Seoho essuya les perles de cristal qui avaient roulé sur le jolie visage de son dongsaeng puis, avec la plus grande tendresse, ses mains glissèrent sur la mâchoire du plus petit tout en se dirigeant, avec lenteur, sur sa nuque jusqu'à finir leur chemin sur son torse. Avec une grande bienveillance, le Hyung commença à effectuer le contour de certaines cicatrices et ecchymoses faisant frissonner Hwanwoong sous ces petites caresses si inattendues de la part de son aîné. En effet, Seoho était surement un des moins tactile de la bande, il n'appréciait pas ce genre de contact physique, mais, si on lui demandait gentiment il acceptait toujours : il était plus receveur que donneur.
Alors, le voir offrir ce genre de touché à Hwanwoong était plutôt déstabilisant. De plus, les expressions sur son visage était un mix de sérieux mais aussi de chaleur. L'aîné détaillait avec minutie chaque meurtrissures tout en fronçant légèrement son nez par moment ou s'excusant platement après avoir effleuré une zone douloureuse faisant couiner de souffrance Hwanwoong.
Plongé dans cette bulle intime, Seoho brisa le silence pesant tout en laissant un sourire rassurant naître sur son doux visage.
« - Tu nous en parleras quand tu te sentiras prêt. On ne te forcera pas, mais, rappelles toi qu'on sera toujours là pour t'écouter, te comprendre et t'aider. On est des amis, limite des frères, donc si tu as besoin d'aide, on est là.
- M-Merci Hyung. »
Ce furent les uniques paroles que put prononcer Hwanwoong sous le choc. Ses propos étaient justes sans être intrusifs. L'adolescent n'était pas prêt à se confier, tout ceci était si difficile à décrire, à avouer... Il était soulagé de savoir qu'ils ne leur forceraient jamais à confesser ce qu'il avait vécu même si le garçon se doutait que ses amis voudraient savoir. Mais, aujourd'hui n'était pas l'heure des révélations et Seoho reprit la parole.
« - Ah ! Et le plus important. Ne déteste pas ton corps. N'ai pas honte de ce dernier. Tu es sublime Hwanwoong. »
Accompagnant ses paroles avec des gestes, le Hyung déposa un doux baiser sur le front de son dongsaeng tout en attrapant sa main afin de lier leurs doigts ensembles.
« - Allez, viens te baigner. Tu pues. »
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