Jour 2 - 2
Seoho dut se résigner à faire taire son instinct, il fit demi-tour puis rentra dans leur cachette afin de prendre soin de ses dongsaeng toujours endormi : il espérait que tout se passerait sans couac.
Hwanwoong était entre ses deux aînés qui semblaient être ses gardes du corps au vue de la différence de taille et gabarit entre lui et eux. Tous les trois marchaient à la même allure, restant sur leur gardes tout en étant prêt à réagir au moindre bruit suspect. Ils s'engouffraient avec méfiance dans les rues d'un Séoul anormalement désert, tout ceci était si angoissant. La ville, habituellement si animée, semblait morte donnant cette sensation qu'un mal s'était abattu sur les environs faisant disparaître une partie de l'humanité.
Le groupe passa devant une maison qu'ils connaissaient bien. Habituellement, la demeure de monsieur Im Jeonghan était si chaleureuse. Il s'agissait d'un homme d'âge mûr qui avait la gentille manie de donner quelques gâteries aux garçons lorsqu'il les voyait vadrouiller dans le quartier. Hwanwoong aimait énormément monsieur Im. L'adolescent n'avait jamais eu la chance de connaître ses deux grands-pères puisque l'un était mort alors qu'il n'avait que quatre ans et que l'autre avait abandonné sa femme avec le père de Hwanwoong qui devait avoir six ans à cette triste époque.
Alors, monsieur Im était devenu la papy gâteau du jeune garçon. Cet homme était d'une bonté sans pareille et le jeune adulte n'avait jamais rencontré de personne aussi gentille que cet homme âgé qui vivait seul depuis le décès naturelle de sa femme. Elle était partie un soir dans son sommeil, une mort douce et agréable qui avait, hélas, laissait un énorme vide dans la vie de Im Jeonghan.
Mais, aujourd'hui, la maison semblait plus déserte que jamais : son propriétaire semblait absent. Les volets étaient tous fermés, sa voiture n'était pas garée sur sa place de parking et il n'y avait même plus ce fameux paillasson portant l'inscription « Welcome ». Hwanwoong aurait tant voulu aller frapper à la porte afin de savoir si son papy gâteau était toujours présent ou non mais il n'avait pas le temps... Il devait se dépêcher maintenant que leur vie était comptée de manière définitive. Ce fût à contre-cœur que le plus petit rattrapa ses aînés qui avaient pris un peu d'avance comparé à lui.
Geonhak était en tête, c'était lui qui avait repéré le supermarché lors de sa ronde matinale donc il était celui qui connaissait le chemin. Hwanwoong arriva finalement au niveau de Youngjo et, naturellement, il se rapprocha de son aîné alors qu'un mauvais pressentiment grandissait en lui. L'adolescent avait de plus en plus de mal à déglutir, ses jambes semblaient devenir du coton tandis qu'une sueur froide coula au niveau de son échine. Pourquoi avait-il si peur ? Ils n'allaient faire que de simple course après tout, il n'y avait pas de quoi s'inquiéter. Et pourtant, le garçon porta instinctivement sa main à sa poche arrière de son jean afin de sentir son arme. Était-ce une manière de se rassurer ? Il ne savait pas, il avait juste eu le besoin de s'assurer que son couteau-suisse était toujours là en cas de problème.
Puis le magasin se dessina devant eux. C'était un 7-eleven comme les autres, Hwanwoong en avait déjà vu des centaines de fois dans sa vie mais c'était la première fois où il avait aussi peur d'en passer les portes automatiques. Pourtant ils ne s'apprêtaient à ne rien faire de mal. Hier soir, ils avaient fini par renoncer à l'idée du vol, le plus petit était totalement contre cette idée comme les autres plus jeunes. Ils avaient suffisamment d'argent pour régler leur achat donc cela ne valait pas la peine de commettre un tel acte. Alors pourquoi Hwanwoong avait-il si peur ?
Les portes vitrées coulissèrent ouvrant la voie au trio qui s'engouffra dans le lieu bien que le plus jeune se sentait de plus en plus mal. Geonhak, qui était toujours en tête, se dirigea hâtivement vers le rayon qui l'intéressait soit le matériel pouvant servir à la survie. Youngjo, quant à lui, attrapa gentiment le bras de son dongsaeng afin de le guider vers l'endroit où était disposé les plats qui se conservaient. Comme ils s'en doutaient, les étalages avaient été en grande partie vidée ne laissant que quelques conserves et paquets de gâteaux solitaires.
Soupirant face à cette réalité, le Hyung commença à prendre les articles restants tout en demandant au plus petit d'aller chercher des bouteilles d'eau, ces dernières étaient exposées deux rayons plus loin. Le châtain eut un petit moment d'hésitation à cause de cette boule au ventre qui ne cessait de grossir, il ne voulait pas lâcher d'une semelle son ami mais ce dernier réitéra gentiment sa demande, tout en lui rappelant que leur temps était compté.
À contre-cœur, Hwanwoong tourna les talons tout en serrant ses poings afin de canaliser son stress et son angoissante grandissante. Ses sourcils se froncèrent légèrement, son regard devenait méfiant mais aussi fuyant tandis qu'il n'arrêtait pas de déglutir frénétiquement. Il avait l'horrible sentiment d'être surveillé, épié et cette sensation venait de se renforcer maintenant qu'il s'était éloigné de Youngjo et Geonhak. L'adolescent se sentait tel un lapin dans la ligne de mire d'un chasseur dont le doigt était sur la gâchette de son fusil de chasse.
Les sens en alerte, l'ouïe extrêmement aiguisé à cause de la tension, Hwanwoong attrapa plusieurs bouteilles d'eau qu'il rangea dans son petit panier en plastique prit lorsqu'il était rentré dans la supérette. La sensation d'être observé augmentée de plus en plus, le jeune garçon tourna à plusieurs reprises sa tête de gauche à droite afin de sonder le rayon et savoir qui l'espionnait, qui était son chasseur. Déposant une dernière bouteille dans son petit panier, Hwanwoong sursauta en entendant les portes du 7-eleven s'ouvrirent.
Immédiatement, le garçon se tourna vers les nouveaux venus, posant son regard ébène sur le corps de ces deux hommes qui devaient avoir la trentaine. Ils avaient une belle apparence physique malgré leur tenue qui se voulait « jeune » afin de se faire passer pour des adultes dans la vingtaine. L'adolescent ne pouvait s'empêcher de les fixer, il avait le pressentiment que s'il détournait le regard cela serait trop tard, que la balle serait tirée.
Sa main gauche trembla de manière accrue, sa gorge s'asséchait de plus en plus à cause du stress la rendant horriblement douloureuse : il avait affreusement peur. Puis, son regard croisa celui d'un des inconnus et ce fut l'erreur à ne pas faire. Les iris ambre du trentenaire se plongèrent dans celle ténébreuse de Hwanwoong qui hoqueta de surprise tandis que l'autre laissa un sourire espiègle se dessiner sur son visage. L'adulte donna un coup de coude à son collègue, sans pour autant briser le contact visuel qu'il avait avec l'adolescent qui était tétanisé, et son camarade regarda, intrigué, dans la direction pointée.
Ce ne fut plus une mais deux paires d'œil qui se mirent à fixer intensément le châtain qui n'arrivait plus à bouger, tout ce qu'il sentait été cette goutte de sueur froide qui glisser le long de sa nuque : il connaissait ce genre de regard. La terreur se propagea dans tout l'organisme de Hwanwoong, il oublia tout ce qui se passait autour de lui, il ne se rappelait même pas que dans quelques jours l'humanité ne serait plus qu'un lointain souvenir, une trace dans les livres d'Histoire. Non, le garçon se sentait piégé par ses orbes noisettes qui ne cessait de l'observer comme si elles fouillaient dans ses souvenirs, son âme.
Hwanwoong avait la sensation d'avoir les pieds et mains liés par des chaînes invisibles créés de toute pièce par cet homme qui se mordit la lèvre inférieur tout en s'avançant vers lui. Leurs regards vitreux ne se détournaient pas de leur cible, de leur proie et ce n'était qu'une question de secondes avant qu'ils ne l'attrapent.
« - Hwanwoong ! »
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