La rambarde du toit...
Ma seule protection contre le sol, quinze mètres plus bas. Si je la franchissais, je finissais en bouillie. Je m'y étais accoudée de nombreuses fois, en équilibre précaire sur la pointe des pieds, mais jamais je n'avais été aussi loin. Pourtant, à cet instant, j'en avais envie, plus que de quoi que ce soit d'autre.
Ce n'était pas la première fois. Encore moins la dernière. Mais cette fois-là l'envie était plus forte.
Plus attractive.
Sauter et ne plus se préoccuper de rien d'autre que l'air effleurant ma peau dans une dernière caresse. Sentir le court moment où je resterais en apesanteur, avant de chuter pour la dernière fois.

Je l'avais compris il y a longtemps déjà: je ne voulais pas -plus- vivre.

La vie, c'était pour les gens heureux à qui tout souriait, pas pour ceux qui s'accrochaient désespérément à leurs derniers lambeaux d'espoir comme à une bouée de sauvetage en se berçant d'illusions. Puis la bouée coule à son tour, et on comprend que c'est la fin, que les profondeurs contre lesquelles on a tant lutté vont nous avaler. Je voyais parfaitement arriver ma noyade; j'étais totalement consciente de m'épuiser inutilement sans parvenir à remonter à la surface; je mourais à petit feu, et ça ne me dérangeait même pas. Je ne ressentais rien, comme une coquille vide. De toute façon, j'étais morte à l'instant où mon modèle était parti en claquant la porte, criant qu'il ne reviendrait jamais, sans même m'adresser un regard. 

Et ma dernière parcelle de vie m'avait finalement quittée le soir où j'avais perdu ce à quoi je tenais le plus dans ce monde de merde: mon petit frère.