ELU ; j'ai peur (pt. 2)
LUCAS LALLEMANT X ELIOTT DEMAURY
- - -
2. j'ai menti
Lucas ne savait pas si les autres avaient oublié les messages qu'il avait échangés avec Eliott à l'instant, mais ils n'en reparlèrent plus après les trois fois où Yann demanda s'il avait reçu quelque chose. L'émission ne devait pas tarder à se terminer, mais il ne saurait pas dire ce qui s'était passé depuis qu'ils avaient recommencé à regarder. Il aurait dû le savoir, qu'Eliott ne l'appellerait pas. Il fallait choisir, et il avait choisi Lucille. Évidemment. Comme s'il devait se poser la question. Et dire qu'il avait espéré, pendant un instant...
Son téléphone vibra contre la table basse, l'écran s'alluma. Tous les garçons sursautèrent et se redressèrent. Mais personne ne dit rien pendant un moment, ni ne bougea ; leurs yeux étaient fixés sur le téléphone portable de Lucas.
« Est-ce que c'est... lui ? » demanda Basile à voix basse, comme si Eliott pouvait surgir de n'importe où à tout moment.
Lucas déglutit. Il n'était pas sûr de vouloir regarder. Ce n'était probablement même pas Eliott... Peut-être Mika, qui disait qu'il ne rentrerait pas ce soir. Ou Manon, qui avait dû annuler sa soirée pyjama chez Emma à la dernière minute. Pourtant, il attrapa son téléphone et le déverrouilla pour tomber immédiatement sur la conversation avec Eliott, qu'il n'avait pas pensé à quitter plus tôt. Une nouvelle bulle. Sa respiration resta bloquée dans ses poumons quand ses yeux eurent fini de scanner le message.
« Il... commença-t-il. Il est là.
— Hein ? demanda Yann.
— Genre, là-là ? s'écria Arthur.
— Je sais pas, moi ! Putain, je fais quoi ? »
Une sonnerie coupa Lucas dans son moment de panique. La sonnerie de l'appartement.
Eliott était en bas.
Ou ça pouvait être Mika, ou Manon, ou Lisa, ou... n'importe qui. N'importe qui sauf Eliott.
Pourquoi Eliott serait ici, de toute façon ? Il avait dû se tromper de numéro ; il voulait sûrement l'envoyer à Lucille.
Pourtant Lucas se leva. Quand il avança vers l'interphone qui permettait de voir qui se tenait devant l'entrée de l'appartement, il eut l'impression de rejoindre une guillotine, endroit de mort certaine. Il déglutit et mit en marche la caméra, et ses yeux s'écarquillèrent en voyant la figure d'Eliott. Ses yeux étaient baissés, dans le vide, ses doigts effleuraient sa lèvre inférieure, et il semblait gigoter d'un pied à l'autre, probablement à cause du froid qu'il faisait une fois la nuit tombée. Même comme ça, il était magnifique. Lucas n'en revenait pas. Après tant de semaines, il ne pouvait toujours pas croire qu'Eliott était réel, et encore moins qu'Eliott avait voulu quelque chose, même si ce ne fût que pour quelque jours, avec quelqu'un comme lui. Il pouvait avoir qui il voulait, quand il voulait, où il voulait ; rien qu'en claquant des doigts, il pourrait posséder le monde entier tellement son visage était naturellement parfait. Ses mains et ses lèvres l'avaient exploré, à la recherche d'un défaut, n'importe lequel, mais en vain.
Quand Eliott leva la tête, ses yeux rencontrèrent les siens à travers l'image renvoyée par la caméra et Lucas sentit la flamme dans son ventre s'amplifier. Rien qu'un regard, cela suffisait à le rendre toute chose. Il était tombé tellement bas, tellement brusquement, il n'avait rien vu venir.
« Putain, c'est Eliott. »
Le dire à haute voix déclencha un interrupteur dans son cerveau et la réalisation le frappa : Eliott était là, devant chez lui, pour lui. Pour qui d'autre ?
« Putain de merde, c'est Eliott, répéta-t-il. Vous devez bouger. Maintenant.
— Quoi ? Pourquoi ? se plaignit Basile.
— Parce qu'ils vont baiser, voilà pourquoi, se moqua Arthur en se levant du canapé.
— Mais on va pas...
— D'ailleurs tu m'as toujours pas dit comme vous faisiez, remarqua le bouclé.
— Bougez ! Passez par l'escalier de service, au bout du couloir.
— Ça va, ça va... »
La sonnerie retentit une deuxième fois et Lucas se précipita sur les trois garçons pour les faire dépêcher. Il tendit bières et téléphones, des chaussures qui traînaient dans le coin du salon et les mit dehors avant qu'ils eussent pu les enfiler.
« Escalier de service tout au bout du couloir. S'il vous plaît. Merci.
— Bonne soirée, lui lança Yann en faisant danser ses sourcils alors que les deux autres s'enfuyaient en courant.
— Va-t-en ! »
Lucas lâcha un rire et fit un au revoir de la main à son meilleur ami avant de fermer la porte et de se plaquer contre celle-ci, essoufflé. La sonnerie retentit à nouveau, alors il se redressa et appuya sur le bouton qui permettait d'ouvrir la porte d'entrée, non sans un moment d'hésitation.
Il habitait au troisième étage. D'ici quelques minutes, Eliott serait ici.
Putain, Eliott était venu pour lui.
Et, soudain, tout lui revint en mémoire. Lucille. Le SMS. « Un peu vite ». Les baisers, le baiser. Les dessins. Son destin.
Lucas en voulait à Eliott, il lui en voulait tellement. Il avait honte de lui-même pour réussir à oublier tout ce qu'il lui avait fait rien qu'en regardant un instant ses traits. Les larmes menaçaient de couler de ses yeux quand, tout à coup, des coups se firent entendre contre la porte.
Il lui fallut une seconde pour se redonner une contenance et se résoudre à l'ouvrir.
Eliott était là. Avec ses cheveux ébouriffés qui lui donnaient tant envie de passer sa main dedans. Avec ses yeux si profonds qui lui donnaient tant envie de s'y perdre à jamais. Avec sa mâchoire sculptée qui lui donnait tant envie de la dessiner. Avec sa bouche entrouverte qui lui donnait tant envie de l'embrasser jusqu'à ce qu'ils ne pussent plus sentir leurs lèvres.
Lucas n'en fit rien. Il ne fit que l'observer, il ne fit qu'attendre. Attendre qu'Eliott dît quelque chose, n'importe quoi. Car si lui commençait à parler, il ne savait pas s'il arriverait à retenir ses larmes, à retenir ses mots.
« Lucas, je... »
Eliott ne prononça aucun autre mot, laissant une grande bouffée d'air entrer dans ses poumons à la place.
« Pourquoi t'es ici, Eliott ? » demanda Lucas.
Pourquoi est-ce que tu cherches à me faire du mal, Eliott ?
Les larmes étaient si proches, elles ne devaient pas tomber. Pas devant lui. Pas maintenant.
Et dire qu'il était si euphorique il y a à peine quelques minutes.
« Tu m'as dit de venir quand j'aurais décidé. J'ai décidé.
— C'était pas littéralement, c'était... Putain de merde, Eliott. Tu te rends pas compte du mal que tu m'as fait et tu veux que je t'accueille bras ouverts ? »
C'était trop tard pour lui : Lucas sentit une larme couler le long de sa joue et vit Eliott la suivre du regard.
« Non, Lucas, je...
— Deux semaines, deux putain de semaines où j'ai pas arrêté de penser à toi, de pleurer en pensant à toi parce que oui, tu me fais pleurer, Eliott. Je dors plus, je mange plus depuis ce putain de message, j'en bave tous les jours et je comprends que dalle ! Je comprends que dalle parce que je sais que j'ai fait quelque chose de mal, je le sais, je le sais alors ne me dis pas que ce n'est pas de ma faute, je le sais.
— Lucas... C'est pas ta faute, c'est...
— Je suis tellement désolé, Eliott, l'interrompit-il, laissant ses larmes couler à flots et ses sanglots résonner dans la pièce. Je sais pas ce que j'ai fait mais j'étais tellement heureux et maintenant j'ai l'impression que je suis en train de mourir tellement j'ai mal. Je sais pas ce que j'ai fait mais je m'excuse, je voulais pas te blesser, je voulais pas nous blesser. Je suis tellement désolé, Eliott... Je... »
Lucas ne savait pas exactement quand ni comment, mais son visage se retrouva plongé dans le coton noir du sweat d'Eliott. Il y avait son odeur. Elle emplissait ses narines et il sentit ses larmes redoubler. Ses mots étaient étouffés par le vêtement. Désolé, désolé, désolé, désolé... Encore et encore. Il l'était.
Eliott se recula de lui, ses deux mains posées sur chacune de ses épaules, et le regarda avec insistance. Lucas aperçut au bord de ses yeux de petites larmes qui menaçaient de tomber à leur tour.
« Je t'ai menti, Eliott... avoua-t-il, le cœur serré par les sanglots qu'il essayait de retenir. Je t'ai menti ce soir-là. J'ai peur. J'ai peur, Eliott. J'ai peur parce que c'est la première fois que ça m'arrive. J'ai peur parce que j'arrive pas à gérer. J'ai peur parce que je me fais peur et que tu me fais peur et que nous, ça me fait peur. Je... J'ai peur parce que je me sens tomber amoureux de toi. Et ça... ça, ça me fait peur, Eliott... Ça me fait tellement peur, putain... »
Les mains d'Eliott remontèrent doucement le long de ses épaules et de son cou pour se poser sur ses joues humides et Lucas releva la tête pour le regarder. Il n'était pas dans un meilleur état que lui et ses lèvres étaient plissées en une ligne de droite alors que des larmes uniques coulaient l'une après l'autre le long de son visage. Cela ne l'empêcha pas de se pencher prudemment pour, doucement, poser ses lèvres sur les siennes. Son corps entier sembla recevoir une décharge électrique et Lucas sentit ses membres se relaxer, son cœur se détendre, ses poumons s'agrandir alors que l'air y pénétrait enfin librement. Quand il entreprit de répondre au baiser, ses pieds se hissèrent sur leurs pointes et ses mains s'accrochèrent au manteau d'Eliott, comme s'il avait peur qu'il ne fût qu'un mirage et que, si jamais il le laissait partir, il disparaîtrait comme avant. Leurs lèvres mouvaient ensemble d'une manière si désordonnée, leurs dents claquaient les unes contre les autres, leurs langues cherchaient constamment à se caresser et Lucas ne voulait jamais que ça s'arrêtât. Il ne voulait plus jamais, jamais laisser partir Eliott. Plus jamais.
Ils se détachèrent cependant et leurs yeux brillants de larmes se croisèrent. Lucas voulait dire quelque chose, n'importe quoi, mais les mots ne voulaient pas sortir de sa gorge. Alors, Eliott les fit pivoter et ferma la porte avant de l'appuyer contre celle-ci. Il était si proche, si proche de son visage, la respiration de Lucas peinait encore à se régulariser mais il ne put s'empêcher d'empoigner la mâchoire d'Eliott et de se jeter contre ses lèvres. Ses mains grimpèrent dans ses cheveux pour l'abaisser à sa taille alors que celles d'Eliott cherchaient à entrer en contact avec le moindre millimètre de son corps. Une chair de poule le recouvrit totalement quand un de ses doigts froids rencontra la peau nue sous son tee-shirt et il avait l'impression de brûler. Il brûlait parce qu'Eliott le touchait, il brûlait parce qu'il voulait qu'Eliott le touchât encore plus, toujours plus.
Ses mains retirèrent le manteau d'Eliott avant que son cerveau ne put les en empêcher et le garçon se recula un instant pour le regarder de ses grands yeux. Lucas le regarda en retour, essayant de transmettre tout ce qu'il ressentait en ce moment-même, tout l'amour qu'il ressentait pour lui. Puis son tee-shirt se retrouva par terre, suivi presqu'immédiatement du sweat d'Eliott, et leurs lèvres, leurs langues, leurs dents se retrouvèrent. Les doigts de Lucas traçaient des lignes sur son dos, ses épaules, ceux d'Eliott sur ses hanches, cherchant à se rapprocher davantage bien que leurs torses fussent collés l'un contre l'autre. Les résidus de leurs larmes se mélangeaient, leurs cœurs battaient, résonnaient à l'unisson alors que leurs corps semblaient ne faire qu'un.
Avec Eliott, Lucas se sentait respirer.
Avec Eliott, Lucas se sentait revivre.
Avec Eliott, Lucas n'avait plus peur.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top