ARTHUR B. ; le gobelet rose

ARTHUR BROUSSARD (+ BASILE SAVARY)

- - -

 À chaque fois que je n'ai personne à qui parler, je joue avec un gobelet. Je ne sais pas trop pourquoi. C'est une habitude que j'ai prise, comme si j'essayais par tous les moyens d'éloigner mon inconscient du constat que je suis seul la plupart du temps. Mes amis sont là, tout autour de moi, et pourtant, je suis seul. Là, maintenant, je suis seul. Pas de Lucas. Pas de Yann. Pas de Basile. Seul.

Et même le gobelet rose que je torture de mes doigts et de mes dents ne peut me le faire oublier.

Alors, quand Basile apparaît à côté de moi, je crois à un enchantement.

Et c'est ainsi tout le temps ; dès que je pense à lui, que son nom se met à clignoter dans mon esprit, il arrive, comme si je l'avais appelé à haute voix. Il a débarqué, comme ça, comme si quelque force lui avait fait comprendre que j'avais besoin de lui.

Mais sa voix surplombe mes espoirs et je comprends qu'il n'est pas venu pour me tenir compagnie.

« Arthur, tu vas jamais me croire ! Elle a... Daphné, elle a... Elle m'a dit je t'aime, Arthur. Tu te rends compte ? Elle m'a dit je t'aime ! Et je lui ai dit que je l'aimais aussi et... et elle va me présenter à sa mère et je vais lui présenter à la mienne et... C'était déjà super sérieux entre nous et là, je... Putain... »

Il sourit tant que j'en ai mal aux joues pour lui. Ses dents brillent sous la lumière artificielle de l'ampoule ; en m'approchant, je suis sûr que je pourrais y voir mon reflet. J'aime le voir aussi heureux. Le voir aussi rayonnant. Ça me donne envie de me jeter dans ses bras et de le serrer fort, fort, fort – et même plus encore. Pourtant... Ce sourire sur son visage aujourd'hui me tiraille. C'est quoi mon problème, putain ?

Ton problème, Arthur, c'est qui le rend heureux.

Au fond de moi, je le sais. Bien sûr que je le sais...

Je devrais être heureux de son bonheur. Basile mérite le bonheur. Je devrais être satisfait de le voir sourire autant, d'une manière aussi sincère. Il mérite de sourire ainsi à chaque seconde de sa vie. Je devrais...

Et puis, je le rends heureux, moi aussi, non ? Les sourires quotidiens sur son visage ne sont quand même pas tous dus à Daphné. Mais... et s'ils l'étaient ? Est-ce que je le rends heureux ? Lui, il me rend heureux – je le sais.

« Elle me rend si heureux, Arthur. »

Mais lui... lui a Daphné. Le bonheur qu'elle lui procure vaut tous le bonheur et tous les sourires et tous l'amour que je pourrais lui offrir. Et, même s'il arrive que je sois parfois la cause de ce sourire, je ne pourrais jamais le rendre heureux comme elle le rend heureux.

Et, si je parviens une seconde à être honnête avec moi-même, je saurais que c'est ça, au fond, qui me brise.

Tout à coup, il m'enlace. Habituellement, je me serais blotti, blotti tout contre lui ; j'aurais cherché à profiter de cette proximité et de cette chaleur et de la force de son étreinte. Pourtant, je me fige. Je me fige, mais mes pensées ne se figent pas et je vois encore, encore, encore leur premier baiser ; encore, encore, encore leur manie de rester collés ; encore, encore, encore leur joie et leur amour à faire gerber.le

J'aimerais réussir à le serrer fort, fort, fort pour détruire la jalousie qui m'empêche de bouger, de parler, qui m'empêche de respirer.

Mais je n'y arrive pas.

Basile est là, il me serre dans ses bras ; je sens la pression de ses paumes dans mon dos, de son menton sur mon épaule, de ses cheveux contre mon oreille. Mais il n'est pas vraiment là. Son cœur n'est pas là. Il est ailleurs – avec Daphné. Et le mien est seul. Je suis seul. Seul avec mes sentiments. Seul avec mes obstacles. Seul avec ma vie que j'essaie tant bien que mal de contrôler.

Seul.

Je suis seul.

Et je crois que je l'ai toujours été.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top