[ Jibaku Shounen Hanako-kun ] It's a beautiful day (a beautiful day to die)
Jibaku Shounen Hanako-kun
Personnages : Amane Yugi / Tsukasa Yugi
Relation : N/A
CW : Violence / Sang / Suicide
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C'est une belle journée.
Ou en tout cas est-ce ce qui lui a traversé l'esprit lorsque ses yeux se sont ouverts, ce matin-là. Jamais n'aurait-il pensé que celle-ci prendrait une telle tournure. Que l'éblouissant éclat de ce Soleil estival finirait maculé de rouge avant de disparaître aussi abruptement.
Rouge. C'est la seule chose qu'il parvient à percevoir. Couleur vive parasitant son esprit, recouvrant sa vision. Elle agit en barrière entre lui et la réalité. Réalité qui semble si loin, si fragile. Comme si le moindre mouvement de sa part se trouvait en mesure de la briser en mille morceaux. De la faire s'effondrer sur lui. C'est pourquoi Amane ne bouge pas. Il demeure parfaitement immobile, aveuglé par cette ennuyeuse couleur. Il peut sentir son coeur battre, affolé, douloureux. Celui-ci résonne dans l'entièreté de son corps, faisant vibrer les os de sa cage thoracique. Une panique sourde rampe sous sa peau, le fait trembler. Sa respiration est erratique, incontrôlable.
Que s'est-il passé ? Pourquoi son être tout entier se retrouve-t-il dans un tel état ? Il ne parvient pas à s'en rappeler. Il le sait pourtant : la cause de son mal-être se dissimule derrière ce brouillard, cet écran cramoisi. S'il tend le bras, peut-être pourra-t-il s'en saisir, ramener la réalité. Mais quelque chose lui dit de ne pas s'y risquer. Plusieurs alarmes résonnent au sein de son crâne. Quelque chose de terrible se trouve au-delà du rouge. Quelque chose qui les briserait, lui, ainsi que la réalité. Mais il sait aussi que la barrière ne tiendra pas. Qu'elle n'est présente qu'afin de masquer cette horrible vérité, mais que son esprit finira, malgré lui, par la chasser.
S'il fait en sorte de bouger lentement, peut-être pourra-t-il s'éloigner sans risquer de réduire sa protection à néant ? Peut-être reprendra-t-il ses esprits en se trouvant loin de l'horreur face à lui ?
Mais cela ne changera rien au fait qu'une fois dissipée, il comprendra. Il comprendra, et le résultat en sera alors identique. Le poids de la réalité le brisera. Et cela arrivera quoi qu'il fasse. Il le sait.
Tout ce qu'Amane peut faire, en attendant que le voile rouge ne se lève, est de s'y préparer. De profiter de ces secondes aussi longues que des heures pour tenter de se persuader qu'il est assez fort pour affronter quoi qu'il se trouve derrière cette barrière.
Il tente d'inspirer, longuement...et immédiatement plisse le nez, pris d'un soudain haut-le-coeur. Une forte et désagréable odeur flotte dans l'air. Alourdit l'atmosphère. Des effluves...métalliques ?
Cette réalisation réveille quelque chose en lui. Quelques sensations de son corps lui reviennent. Il peut sentir de nouveau celui-ci. N'a plus l'impression de flotter quelque part dans le néant. A en juger par le placement de ses jambes, ainsi que la façon dont sa taille est courbée, il se trouve très probablement à quatre pattes, au sol... Non. Pas à quatre pattes. Ses mains sont... Elles tiennent quelque chose. Avec force. S'appuient presque dessus. Bien que peu rassuré, sa curiosité le pousse à faire glisser ses phalanges le long de l'objet, lentement. Très lentement. Jusqu'à ce qu'elles n'arrivent contre une surface plate, chaude et...humide ? Un liquide poisseux titille le bout de ses doigts. Cette substance... Cette odeur... Cette sensation...
Le brouillard se dissipe. Le rouge vole en éclats et la réalité se présente finalement à lui, froide, cruelle. Ses grands yeux dorés, jusqu'alors perdus dans le vide, se redressent soudainement, venant se poser sur un visage. Son visage. Le même. Trait pour trait. Un visage qui, lui aussi, le regarde. Un visage souriant, amusé, malgré la douleur visiblement présente dans ses iris. Pourquoi l'observe-t-il de cette manière, comme s'ils se trouvaient en plein milieu d'un jeu ? Les iris d'Amane dévient de cette expression déroutante pour se concentrer sur ce qui a pu le sortir de sa torpeur, sur cette chose que ses mains ont rencontré à leur descente. Et, bien qu'il se doutait de ce dont il pouvait s'agir, il doit retenir un cri lorsqu'il peut voir, enfin, l'incroyable quantité de sang s'échappant du corps en-dessous du sien. Plusieurs plaies se groupant en une seule, béante, semblent le fixer. Leur cause est toujours là, plantée profondément dans la chaire de sa victime : un couteau de cuisine, tranchant, aiguisé. En remarquant celui-ci, il entrouvre la bouche pour hurler... Mais aucun son ne lui échappe, ses cordes vocales sont écrasées par sa gorge serrée. Est-ce qu'il... Est-il le responsable de cette situation ? Est-il celui ayant enfoncé cette lame dans l'abdomen de ce garçon au visage similaire au sien ? C'est la seule explication possible. Sinon, pourquoi se trouverait-il là, au-dessus de lui ? Pourquoi aurait-il repris ses esprits, empoignant cette arme ?
Que s'est-il passé ? Qu'est-il arrivé pour qu'il en arrive à une telle extrémité ? Il ne se souvient pas. Tout semble si flou. Il... Il se rappelle d'une peur immense. De douleurs saisissantes. Il se rappelle avoir craint pour sa propre vie...
« T-Tsu... Tsukasa... » finit-il par murmurer, la voix étranglée.
A l'entente de son nom, le sourire de l'intéressé se fait plus grand, jusqu'à ce qu'il ne se mette à rire, faiblement, faisant tressauter son torse mutilé. Un rire lent, enfantin, qui ne se fait entendre que le temps de quelques secondes mais qui, Amane le sait, le hantera jusqu'à la fin de ses jours.
« Amane... Je t'aime...Amane... » souffle Tsukasa.
Puis, soudainement, ses yeux perdent leur éclat. Un dernier soupir lui échappe. Et il se fige, ce sourire toujours plaqué sur ses lèvres pâles.
Il semble si tranquille, si serein. Comme s'il s'était simplement mis à rêvasser, à se perdre dans les nuages de son imaginaire. C'est ce que l'on pourrait croire, si ce maudit couteau ne se trouvait pas là, si tout ce sang ne s'écoulait pas de son petit corps d'adolescent.
... Ah, mais peut-être... Peut-être fait-il semblant, pour faire peur à Amane ? Tsukasa serait totalement capable de ce genre de blagues douteuses ! Il veut faire croire à son frère qu'il a succombé à ses blessures pour que son inquiétude, déjà démesurée, n'explose, et qu'il s'excuse auprès de lui. Qu'il lui promette de faire tout ce qu'il veut, une fois qu'ils seront rentrés. Qu'il lui prépare son plat ainsi que son dessert préférés pour le repas de ce soir. Mais oui, c'est sûrement ça !
« Tsukasa... gémit Amane. Tsukasa, c'est pas drôle. Je... Je suis désolé. Je sais pas ce que... Ce qui m'a pris... Je voulais pas... Je voulais pas te faire de mal. Tsukasa... S'il te plaît, regarde-moi... Je... Je ferai... Je ferai ce que tu veux, d'accord...? On... On va rentrer, tous les deux... Et... Et je m'occuperai de tes blessures. Et après, je préparerai le repas. Ce que tu veux. P-promis. Allez, s'il te plaît... Tsukasa... Tsu...kasa... »
Rien à faire. Il a beau secouer son frère, l'appeler, le supplier, ce dernier ne bouge pas. Son corps demeure inerte, ses iris fixés dans le vide. Son sourire est figé dans le temps, sa respiration éteinte.
Tsukasa est... Amane a...
Non. Non, il refuse d'y croire. Son frère... Son jumeau ne laisserait rien les séparer, pas même la mort ! Il est donc impossible qu'il ait quitté ce monde aussi facilement ! Et puis, d'accord, il peut parfois se montrer dur avec Amane, voire même carrément cruel. Combien de fois l'a-t-il attaqué, directement ou non ? Combien de fois a-t-il failli lui casser quelque chose, lui a-t-il laissé des marques sur le corps ? Combien de fois celui-ci a-t-il eu peur pour sa vie ? Seulement, Tsukasa n'a pas conscience de ce qu'il fait. C'est sa manière à lui de montrer son amour. Il le sait. Il le connaît depuis toujours, alors bien sûr qu'il le sait. Il lui est donc impossible de lui en vouloir. Alors de l'agresser avec un couteau, de lui infliger de telles plaies ? C'est impossible. Jamais Amane ne ferait une chose pareille.
Pourtant, les preuves sont là, face à lui. Il a tué Tsukasa. Assassiné son frère jumeau. Et ce dernier ne semble même pas avoir eu l'opportunité de se défendre.
« Tsukasa... »
Le corps d'Amane se penche vers l'avant. Il attrape le col de la chemise de sa victime et vient poser son front contre le sien, déjà froid. Ce contact lui fait prendre entièrement conscience de la réalité, efface le moindre doute pouvant subsister en lui.
Son frère est mort.
Dès lors, un torrent de larmes se met à rouler le long de ses joues, s'écrasant contre ce visage sans vie, identique au sien. Il pleure, tremble, hoquette, sans parvenir à se contrôle, sans pouvoir s'arrêter. Comment a-t-il pu tuer son frère ? Comment a-t-il pu lui arracher la vie, aussi simplement ? Un monstre. Amane est un monstre. Amane est dangereux. Amane a tué son frère. Et maintenant, comment peut-il espérer vivre, avec ce poids, cette culpabilité ? Comment... Comment peut-il espérer vivre sans la présence de son jumeau à ses côtés ? Il va devoir payer. Payer pour son crime. Pour son péché. Et le simple fait de savoir que Tsukasa n'est plus de ce monde est bien pire que n'importe quelle punition. Il refuse... Refuse de passer le restant de ses jours sans lui. Refuse de rester en vie alors qu'il a arraché celle-ci à son frère. Cette simple idée lui déchire le coeur, fait redoubler ses larmes.
« Tsukasa... Je... Je te... Je te laisserai pas tout seul... Je te le promets... »
Retirer le couteau s'est avéré plus compliqué qu'il ne le pensait. Agrandir la plaie pour y parvenir a été nécessaire. Abîmer davantage le corps de son frère a été difficile. Douloureux. Mais si Amane doit mourir, alors ce sera à l'aide de cette même lame. Celle qui trônait fièrement dans le torse de Tsukasa.
Cependant, une fois l'arme en main, maculée de sang, un son lui parvient. Puis un autre. Quelqu'un montant les escaliers. Certainement le concierge. Ou un surveillant. Un sentiment de panique intense s'empare de lui. Le tour des classes, pour vérifier que plus aucun élève ne se trouve dans les parages. Et si on le découvre ainsi... Sans réfléchir, serrant le manche de l'ustensile de cuisine entre ses doigts blafard, il se hâte de sortir de la salle dans laquelle il se trouve - où sont d'ordinaire enseignés les arts ménagers - pour se rendre au sein des toilettes les plus proches : celles des filles, au troisième étage.
« Il y a quelqu'un ? » résonne une voix familière.
... Monsieur Tsuchigomori. Son professeur principal. Que fait-il encore ici, aussi tard ? Peu importe. Amane n'a pas le temps de s'en préoccuper. Il ne peut pas le laisser le voir ainsi, un couteau en main, son uniforme tâché du sang de son frère. Il est le seul à prêter un tant soit peu attention à lui, en dehors de Tsukasa. S'il comprend ce qu'il s'est passé... Il se mettra certainement à détester Amane. Ne voudra plus avoir à faire à lui.
... Il l'empêchera d'aller rejoindre son jumeau.
S'enfermant dans la troisième et dernière cabine en essayant de faire le moins de bruit possible, le souffle court, il se laisse tomber, assis, sur la cuvette. Il tremble encore. L'adrénaline court dans ses veines, rencontrant la panique, créant un mélange des plus explosifs l'empêchant de penser avec cohérence. Non pas qu'il ait encore besoin de réfléchir à quoi que ce soit. Tout ce qu'il a à faire, désormais, c'est de se punir. Se punir pour avoir fait du mal, pour avoir tué Tsukasa. Dans quelques minutes, le corps de ce dernier sera retrouvé. Et avec un peu de chance, le sien sera le suivant.
Les larmes, qui s'étaient quelque peu calmées, reprennent violemment, tandis qu'Amane lève les bras, tenant le couteau à deux mains, la lame dirigée vers lui. Il doit faire cela rapidement. Ne doit pas hésiter. S'il hésite, il risque de se rater. Alors il ferme les yeux, raffermit son emprise sur l'arme et lève la tête, de sorte à exposer sa gorge. Sa respiration est forte, rapide.
Un coup. Un coup, et tout sera fini.
« Tsukasa... »
C'est le dernier mot qu'Amane Yugi prononcera avant que la lame ne vienne transpercer sa carotide, teintant la cabine où il a trouvé refuge de rouge. De ce même rouge brouillant précédemment sa vision, tâchant le sol de la salle d'arts ménagers.
C'est une belle journée.
C'est une belle journée pour mourir.
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