Sebaciel - Le choix
Le soleil se couchait sur le parc du manoir. Dans son bureau, la chaise vide et froide du comte tournait légèrement sur place grâce au petit souffle de vent qui s'était engouffré par la fenêtre. Les quelques mèches de cheveux de Sebastian se soulevaient doucement comme une danse sensuelle alors qu'il se redressait pour reposer la tasse de son maître sur la desserte.
La main gantée se dirigea par automatisme jusqu'à la poche pour actionner le bouton de la montre à gousset argentée qui s'y trouvait. 19 h 54. Les lèvres du démon s'étirèrent en un petit sourire triste : il ne lui restait plus que 6 minutes. 360 secondes exactement avant que sa vie ne bascule du tout au tout. Le majordome aurait voulu être à ses côtés, il aurait voulu tendre l'oreille, connaitre les paroles et la décision de son maître, mais il avait pour ordre de ne rien faire de tel. C'est donc ainsi, en finissant de ranger le bureau de Ciel que le démon retournait à ses occupations, essayant d'oublier un instant l'étourdissante course de la trotteuse qui filait dans sa poche.
***
La brise soufflait doucement dans les mèches blondes et bouclées de la marquise de Midford. La jeune femme avait dorénavant 18 ans, et cette soirée allait définir le reste de sa vie. Ciel avait même laissé de côté sa tasse de thé fumante pour l'accompagner jusqu'au parc du manoir, admirer ensembles le soleil couchant.
La jeune femme se mit à grelotter imperceptiblement. Son cousin était étrange. il semblait serein, sûr de lui, presque heureux, et voir cet air satisfait sur le visage de son promis était quelque chose de pratiquement irréel pour Elizabeth. L'instinct de la jeune lady la trompait pourtant rarement, et elle se doutait bien que cette soirée n'allait pas lui offrir le dénouement qu'elle aurait espéré. Pourtant elle attendait là, main dans la main avec celui qu'elle avait toujours aimé d'un amour pur et puissant. Quelques minutes. Elle le sentait. Il ne lui restait plus que quelques minutes avant de savoir enfin quel avenir allait se dessiner pour elle.
***
La frange du comte voletait doucement, dévoilant à moitié son cache-oeil. Le soleil se couchait, et le jeune homme de 19 ans maintenant savait très bien ce qu'il allait annoncer à sa cousine. Bien évidemment, il aimait Elizabeth, mais d'un amour purement familial, et pas de cet amour que l'on partage en couple.
Le jeune noble tenait dans sa main celle de sa fiancée, les yeux fermés tournés vers le soleil couchant. Cette chaleur et cette lumière rougeoyante le réchauffait, lui rappelant ses sentiments profonds. Ciel était serein, en paix avec cette décision et son choix, à nul doute possible, était une pure évidence. Malgré tout, il ne pouvait se demander si cela n'était pas une erreur stratégique. S'il quittait ce soir Elizabeth, il n'aurait plus de possibilité d'avoir de famille et de descendance, et il était quasiment impossible que les sentiments qui avaient poussés le comte à faire un tel choix se révèlent réciproques. Le comte rouvrit les yeux, le soleil commençait à se refléter dans le lac plus loin. Plus que quelques minutes, et son destin serait scellé à jamais.
***
La trotteuse venait d'atteindre le sommet, le majordome curieux ne pu s'empêcher de relever les yeux et de faire une pose dans ses tâches. C'était fini, il le savait bien. Les mots avaient été prononcés, tout était décidé, et une violente curiosité prenait place en même temps qu'un espoir inconnu se permettait d'envahir le cœur du démon.
***
_ Je le savais. murmura Elizabeth à son cousin. Je savais bien que tout allait se terminer ce soir. je ne t'en veux pas Ciel. pour être honnête, je me suis rendue compte que l'amour que je te porte est également un amour de cousins.
_ Merci de me comprendre Lizzie. je te souhaites le meilleur du monde. Trouve quelqu'un qui te rendra heureuse et qui saura t'aimer comme tu le mérites.
_ Évidemment. Cela dit, je te souhaite la même chose. Tu mérites le bonheur Ciel. Je vais rentrer. Merci pour cette belle soirée et ce magnifique couché de soleil en ta compagnie. J'espère que tu acceptera de me dire un jour qui à volé ce petit cœur.
_ C'est un secret que j'emporterais très certainement dans ma tombe. Rentre bien chère cousine.
Les deux jeunes se séparèrent, en bon terme, et tandis que le fiacre de sa cousine se perdait dans la forêt environnante, le jeune homme refermait derrière lui la grande porte du manoir.
_ Vous avez donc rompu avec votre fiancée ?!
Le noble sursauta en entendant dans son dos la voix du démon. Il ne s'était pas attendu à ce qu'il soit déjà dans le hall à attendre. Un petit sourire espiègle se dessina cependant sur son visage, faisant volte-face pour croiser le regard de la bête.
_ Ce pourrait-il que la curiosité te ronge au point de faire sursauter ton maître ?
Le démon, prit en flagrant délit écarquilla les yeux un instant. Il venait de montrer une faiblesse devant son maître, et cela ne lui ressemblait pas le moins du monde. Pour autant, ne pas avoir de réponse exacte de la part du jeune homme était assimilable à de la torture. Le majordome avait besoin d'une réponse. Et il se savait prêt à tout pour l'obtenir, ce qui ne manquait pas de le surprendre.
_ Il se pourrait en effet que la curiosité que j'éprouve m'ait fait commettre cette erreur. Répondis le majordome.
Le comte, contrairement à son serviteur un peu plus tôt réussi sans soucis à masquer son étonnement. Il adressa alors un sourire sadique à son majordome, avant de passer devant lui se dirigeant vers la salle à manger.
_ J'ai faim Sebastian. j'espère que le dîner est prêt.
N'obtenant pas de réponse du diable, trop abasourdis et irrité par l'ignorance, le noble fit volte-face.
_ Je t'ai demandé de me servir le dîner Sebastian.
_ Veuillez m'excuser monsieur. Je vais de ce pas vous le chercher.
Une fois l'assiette posée devant son maître, le démon se plaça comme à son habitude debout derrière ce-dernier. Le jeune homme commençait à prendre de plus en plus soin de lui, allant même jusqu'à se parfumer légèrement ces derniers jours, et le majordome l'avait bien remarqué. Il huma sans faire de bruit la douce fragrance que dégageait son contractant, appréciant chaque effluve, analysant cette odeur qui lui faisait perdre la tête. Le démon l'avait compris depuis peu, il était indéniablement attiré par cet humain, désirait le toucher, passer du temps à ses côtés, partager enfin de véritables discussions avec lui. Et il voulait également le faire sien. Combien de fois le démon avait imaginé plaquer cet être fragile contre un mur, un matelas, un bureau et le déchoir dans le plus délicieux des extases ?
_ Sebastian ! Qu'est-ce que tu as donc aujourd'hui ? C'est la cinquième fois que je t'appelle.
_ Pourquoi ne me répondez-vous pas monsieur ? Il me semble que si Lady Elizabeth doit emménager au manoir la semaine prochaine, je me dois d'être au courant.
Sans s'en rendre compte le démon venait de parler de manière si froide et sèche que le noble en avait fresque frissonner de frayeur. Il avait beau aimer son majordome, celui-ci restait le démon qui allait lui prendre son âme, et ça, Ciel Phantomhive ne pouvait pas l'oublier. Et bien que leur complicité ait grandit au fil des années, Sebastian, malgré lui, finissait toujours par rappeler à son maître quelle était sa véritable nature, et à quel point il pouvait être redoutable. Dans ces rares moments, le comte se sentait faible, comme un moins que rien face à la puissance de son démon, mais il était lasse de se cacher derrière sa carapace de froideur, et ce fut cette fois d'une voix tremblante qu'il répondit à son serviteur.
_ Pas la peine d'être menaçant. De plus tu n'as pas à t'en faire. Elizabeth et moi avons rompus nos fiançailles.
_ Monsieur veuillez me pardonner. Je ne sais pas ce qu'il m'a prit de vous parler ainsi. Cela ne se reproduira pl...
_ Dois-je te rappeler que tu n'as pas le droit de me mentir Sebastian ? Malgré ton apparence de serviteur parfait tu restes un démon, et je ne le sais que trop bien. Tu es une bête sauvage et tes réactions le prouvent parfois. Tu crois que c'est la première fois que je fait face à tes menaces sous-jacentes ? Alors épargne ta salive si c'est pour dire des sornettes.
Sebastian se tut, ne répondant rien au noble qui était de nouveau penché sur son assiette. Les mots durs de son maître et sa voix tremblante avaient fait l'effet de dizaines de fléchettes lancées une à une dans sa poitrine. Il sortit de la salle à manger pour aller chercher le dessert de son contractant, en profitant pour réfléchir à ce qu'il venait de se passer.
Être sûr qu'Elizabeth n'épouserait pas son maître l'avait soulagé, d'une manière si intense qu'il en avait était surpris, mais les mots poignants de son contractant lui avaient été si douloureux. Depuis quand de simples mots pouvaient le toucher si profondément ? En y réfléchissant bien, le majordome avait toujours eu beaucoup de mal a digérer les critiques lorsqu'elles venaient de son maître.
Une larme roula sur la joue du démon alors que les mots de son maître résonnaient dans son esprit. Ciel le voyait comme une bête, comme une menace même. Le démon remonta dans la salle, affichant un air neutre comme si rien ne s'était passé. Il savait qu'il pouvait se montrer froid, dur et menaçant, alors pourquoi le fait que son maître le lui dise directement lui faisait si mal ?
De son côté Ciel avait profité de l'aller-retour en cuisine de Sebastian pour se calmer et reprendre le contrôle de son corps et de sa voix. Sebastian restait un démon, son bourreau, et c'est pour ça qu'il ne le lui dirait jamais. C'est pour ça qu'il finirait sa vie sans avoir pu fonder sa propre famille. Pourtant, maintenant qu'il était enfin libéré d'Elizabeth, son coeur lui criait de tenter sa chance avec son serviteur. Il y avait pensé de nombreuses fois, mais s'il l'ordonnait à son démon, celui-ci pourrait-il lui rendre les sentiments qu'il lui portait ?
Les portes s'ouvrirent et Sebastian entra, sous le regard intense du comte. Le majordome avait arboré son aire neutre, qui ne laissait rien paraître de ce qu'il pouvait penser. Seulement il avait négligé les années que le noble avait passé à ses côtés, et Ciel avait bien compris que si Sebastian choisissait de montrer ce visage, c'est qu'il était blessé ou contrarié.
_ Qu'est-ce que tu as Sebastian ?
_ Pardon monsieur ? Si vous parlez du dessert je vous amène un...
_ Crumble aux fruits rouges. Oui, je le vois bien. Ce n'est pas ma question. Je sais que quelques chose te contrarie.
_ Vous êtes perspicace monsieur. Comme toujours.
_ Je ne te forcerais pas à répondre.
_ Je le sais bien monsieur. Même si je ne vous montre pas toujours le respect que je vous dois, je me dois d'admettre que vous m'en témoignez de plus en plus au fil des ans.
_ Oui. Sûrement parce qu'au final, même si tu montres parfois ton vrai visage, tu restes le seul sur qui je puisse vraiment compter en ce bas monde.
_ Monsieur...
_ Je suis lâche Sebastian. J'ai rompu avec Elizabeth parce que je suis amoureux de quelqu'un d'autre. Mais je ne me déclarerais jamais par couardise et par honte de faire déshonneur à la mémoire de mes parents. Je pourrais t'ordonner de mettre fin à ma vengeance ici et maintenant, mais j'ai peur de la mort et je serais capable de faire durer ce contrat encore des années. Je me dis seul, je n'ai aucun amis, mais je refuse d'accorder de l'affection ou de l'importance à qui que ce soit pour ne pas souffrir. Je passe mon temps à fuir et aujourd'hui j'ai fuis mes responsabilités de chef de famille. Et au milieu de tout ceci, et de toute cette fuite, la seule chose solide à laquelle je puisse me raccrocher, c'est ta présence ici en tant que majordome. Et même ça c'est un mensonge, puisque ton passage dans ce manoir reconstruit de tes mains ne sera pour toi qu'un grain de sable parmi tant d'autres. J'en ai assez des mensonges et je suis lasse de fuir. Mais je ne connais rien d'autre et je ne vois pas comment faire autrement.
_ Monsieur, vous êtes quelqu'un de bien. Vous oubliez toutes ces vies que vous avez sauvé en résolvants les enquêtes pour la Reine, tout le courage dont vous avez fait preuve durant toutes ces années pour redorer le blason de votre famille, tous les sacrifices que vous avez fait pour que des milliers d'enfants puissent afficher ce sourire que l'on vous a prit. Avec tout mon respect monsieur, et surtout, avec toute ma sincérité, vous n'êtes pas faible et lâche à mes yeux. Menteur, certes, mais il ne tiens qu'à vous de continuer sur votre lancée de courage et de révéler quelques vérités qui vous pèsent. Quant à moi, si je puis me permettre, je ne suis pas un mensonge my Lord. Je me permet de penser que je suis en effet un être solide sur lequel vous pouvez vous appuyer, et si j'ose, je dirais même que j'aimerais que vous puissiez vous confier à moi chaque fois que vous en ressentez le besoin, et avoir une pleine confiance en moi.
_ Tu dis ça parce que tu veux connaître chacune de mes faiblesses ?
_ Je dis ceci parce que je tiens à vous. Beaucoup plus que de raison, beaucoup trop pour un simple démon majordome. Mais puisque vous dites être lasse, alors laissez-moi vous dire que j'en ai assez également de cacher ce que je ressens. Je suis un démon, c'est malheureusement immuable, mais j'ai des sentiments monsieur, tout comme vous.
_ Si seulement tu pouvais comprendre... Sebastian, tu es obligé d'obéir au moindre de mes ordres n'est-ce pas ?
_ Effectivement monsieur.
_ Alors aime-moi. Tombe amoureux de moi comme je suis tombé amoureux de toi. C'est un...
Le noble n'eut pas le temps de finir sa phrase que ses lèvres étaient déjà collées à celles du diable. Il ne prit pas la peine de réfléchir et empoigna la chemise de son majordome pour le coller plus encore à lui. Le jeune homme ouvrit cependant les yeux de surprise quand il entendit le soupire de plaisir du démon suite à la rencontre de leurs langues. Il fut plus surpris encore lorsque Sebastian se pencha pour venir murmurer à l'oreille les trois mots qu'il rêvait de lui entendre dire.
_ Je vous aime my Lord. Plus que tout au monde.
_ Q-Qu'est-ce que... Tu... es sincère ?
_ Je ne peux vous mentir maître. Et je suis totalement sinc...
Cette fois ce fut le comte qui brisa l'espace entre leurs bouches. Les deux gémirent de bonheur alors que le baiser devenait plus langoureux, ravivant le feu dans leurs bas-ventres.
_ Si tu savais combien de fois j'ai rêvé de t'entendre me dire ça Sebastian. Je t'aime. Depuis longtemps, trop longtemps.
_ Monsieur, m'aut...
_ Appelle-moi Ciel.
Le démon écarquilla les yeux avant d'offrir un véritable sourire de bonheur à son cadet.
_ Ciel, acceptes-tu de devenir mien ce soir ? Et pour le reste de ta vie ?
Sebastian fit apparaître dans sa main un écrin noir en velour. Il plaça un genou à terre et ouvrit la boîte, sous les larmes du noble. La réponse ne se fit pas attendre et Ciel sauta sur son fiancé.
_ Pour toujours Sebastian. Je suis à toi pour toujours.
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