Une étincelle à Noël (partie unique)
Il ne tenait pas en place. Une jambe tressautante, des doigts pianotant sur la table à laquelle il était assis, un regard regardant l'horloge au mur toutes les deux minutes, l'attente commençait à être beaucoup trop longue pour Milo. Il n'était pourtant là que depuis un quart d'heure. Pourtant, s'il devait être honnête avec lui-même, ça faisait bien une année qu'il attendait ce jour.
Un dernier regard vers la pendule lui apprit qu'Il était en retard. De deux minutes pour être précis. Alors Milo se mit à pester contre les gens incapable d'arriver à l'heure au travail alors que d'autres personnes les attendent. Bien sûr, c'était l'impatience qui le faisait râler de la sorte. Lui-même, le reste du temps, avait tendant à arriver pile à l'heure voire cinq ou dix minutes en retard. Il n'y avait bien qu'en ce jour qu'il était à l'heure et même en avance.
La porte du bureau s'ouvrit enfin et Milo sauta de sa chaise.
— Eh ben ! C'est pas la ponctualité qui t'étouffe, s'exclama-t-il à l'homme qui venait d'arriver, un énorme sac sur le dos. Qu'est-ce qui t'a pris autant de temps ?
— C'est plutôt à moi de te demander pourquoi tu es à l'heure, fit remarquer le nouvel arrivant. Tu aimes tellement les lettres de Noël ?
— Oui, oui, c'est ça ! Allez, vide ton sac !
— Si tu insistes. C'est vrai qu'en fait ça va pas forcément au top ...
— Le sac de lettres crétin !
Le crétin en question lui adressa un regard abasourdi et posa sa main sur le cœur avant de prendre un air vexé. Milo leva les yeux au ciel et lui fit simplement un geste pour qu'il s'exécute.
— J'arrive pas à croire qu'on soit cousin, dit Adam en vidant enfin le sac qu'il portait.
— Moi non plus Adam.
— Tu es une personne horrible. Tiens tes lettres, moi je pars noyer mon chagrin chez la femme de ma vie !
— Super, salue ta mère pour moi.
Adam lui tira de façon très mature la langue avant de repartir. Milo ricana puis partit se réinstaller là où il était quelques minutes auparavant.
Milo et Adam étaient cousins par leurs mères. Ils vivaient dans le même petit village et avaient grandi ensemble. Ils étaient inséparables mais ne pouvaient s'empêcher de se lancer des vacheries régulièrement. Comme des frères le feraient en fait. En temps normal, Milo prenait quand même le temps de prendre soin de son cousin _ sa famille en générale _ et de veiller à ne pas aller trop loin dans ses taquineries. Mais aujourd'hui est un jour différent des autres.
Les lettres de Noël sont là.
Contrairement à ce qu'Adam a dit, il n'aimait pas tant que ça les lettres de Noël, bien sûr, il y avait parfois les mots d'enfants adorables ou drôles, mais il aimait une lettre en particulier. Celle d'un homme, dont il ne connaissait pas le nom, mais qui depuis trois ans désormais envoyait une des lettres au Père Noël qui parvenaient au bureau de poste où travaillait Milo.
La première année, Milo avait été étonné de tomber sur la lettre ne venant pas d'un enfant. Il avait lu la lettre et s'était surpris à la garder dans sa poche en rentrant chez lui. L'année d'après, il ne s'était pas attendu à retrouver une lettre de cette même personne mais s'en était retrouvé heureux, bien plus qu'il ne l'aurait imaginé. La troisième année, il avait pensé que ce serait trop beau que l'enveloppe lui parvienne encore une fois. Pourtant, encore une fois, il était celui qui avait réceptionné la lettre de l'inconnu. Alors cette fois-ci, il avait attendu impatiemment l'arrivée des lettres de Noël en espérant trouver à nouveau celle de l'homme qui avait envahi son esprit pendant toute l'année.
Oui, toute l'année et à cette pensée, Milo soupira. Il n'avait pas pu s'en empêcher. Toute l'année, il avait pensé à cet inconnu. Lorsqu'il passait à côté d'une personne qu'il ne connaissait pas, il se demandait si cela pouvait être lui. Il ne savait pourtant pas grand-chose de cet homme, ni son âge, ni la ville où il habitait, ni un quelconque indice sur son physique et pour son prénom, il n'avait qu'une initiale. Il espérait alors que cette année, une nouvelle lettre arriverait et que cette fois-ci, son inconnu en dévoilerait un peu plus sur lui.
Milo observa la table face à lui et les lettres qui la recouvraient. Il y en avait encore plus que l'année précédente, à croire que les villages voisins avaient eu une explosion de naissances. Il fouilla un moment avant de la trouver. Ça ne pouvait être qu'elle. Chaque année, son inconnu mettait la même adresse.
Maison du Père Noël
Sur la route de Noël
5653 Cœur des enfants
Sans perdre une seconde supplémentaire, il ouvrit l'enveloppe et déplia la lettre qu'elle contenait. C'était bien lui ! Son inconnu avait écrit cette année encore !
Cher Père Noël ... enfin, cher « lutin » du Père Noël
C'est maintenant la quatrième lettre que je t'envoie. Tu es peut-être déjà tombé sur une d'entre elle ces dernières années. Si ce n'est pas le cas, je m'excuse d'avance pour l'étrangeté de cette lettre.
Cette année, j'ai fêté mes vingt-cinq ans. Un quart de siècle. Ça parait énorme, non ? Et pourtant, en vingt-cinq and je n'ai toujours rien vécu. Ma vie n'a rien de palpitante et n'est même pas un minimum intéressante. Je suis toujours seul, mes parents n'acceptent pas mon homosexualité et le fait que j'ai refusé de suivre la voie qu'ils me destinaient. Non, je n'ai aucune envie d'être médecin. Le problème cependant, c'est que je ne sais toujours pas ce que je veux faire dans la vie. En plus de tout cela, mes « amis » ne viennent me parler que lorsqu'ils ont besoin de quelque chose ou d'une oreille pour les entendre râler et pleurnicher. Et si en plus de ça ils peuvent parader à mes côtés, ça ne leur pose aucun problème.
En soit, rien de bien différent de l'année dernière. Sauf que cette fois-ci, tout ça me pèse de plus en plus. Ma vie ne mène à rien et je ne vois pas vers quel futur je me dirige. Tout me paraît trop incertain. Et en plus de cela, j'aimerais pouvoir changer la vie des gens, l'améliorer, leur être utile, etc. Parce que plus que tout, c'est ce sentiment d'inutilité qui est le plus dur à supporter. Le monde peut très bien tourner que je sois là ou non. Je ne suis essentiel à personne et parfois, je sens mon cœur être rongé par cette impression de ne rien avoir à faire ici.
Mais malgré tout ça, je garde espoir. Je continue à croire qu'un jour cela changera. C'est pour ça que cette année, je te fais une demande Père Noël. Cette année, j'aimerais une lumière. Non, même pas. Je voudrais simplement une étincelle. Une de celle qui nous guide et qui nous réchauffe le corps et le cœur. Une étincelle qui, aussi petite qu'elle soit, suffit à bouleverser nos vies en les rendant meilleures, voire simplement différentes.
Tu dois me trouver idiot. Comment pourrais-tu m'envoyer une étincelle ? Je ne peux compter que sur moi pour cela. Je dois ... faire des efforts ... et compter sur la chance. Beaucoup de chance. Alors à défaut de m'envoyer cette étincelle, tu peux au moins me souhaiter bonne chance.
En attendant, je te souhaite de belles fêtes, beaucoup de bonheur et bon courage pour répondre à toutes les lettres que tu as reçues.
Peut-être à l'année prochaine.
J.
Milo replia la lettre, pensif. Cette année encore les paroles de son inconnu étaient remplies de tristesse mais aussi d'une lueur nouvelle qui n'était pas présente les deux dernières années. De l'espoir. Le vœu d'une étincelle qui se manifesterait pour bouleverser sa vie.
Ce J. l'attendrissait, son mal-être était poignant et il donnerait n'importe quoi pour le rencontrer. Il voudrait tellement pouvoir lui montrer que la vie pouvait se montrer douce si on était entouré par les bonnes personnes. Milo voudrait être son étincelle.
Mais c'était impossible. Comment pourrait-il faire ? Il ne savait même pas qui était l'auteur des lettres. Pour pouvoir avoir une quelconque influence dans sa vie, il faudrait au moins ...
— Oh bordel de crotte en bois ! s'exclama Milo en attrapant l'enveloppe dans laquelle avait été envoyé la lettre.
Là, juste là, à l'intérieur de l'enveloppe mais visible de l'extérieur, se trouvait une adresse mail. La sienne, celle de son inconnu. Il attrapa alors ses affaires et sortit précipitamment de la salle, manquant au passage de percuter quelqu'un.
— Milo ? Mais ..., commença la femme qui entrait dans la pièce.
— Je reviens maman ! Juste un truc urgent à voir dans mon bureau !
Il se dirigea vers un des couloirs et ouvrit la porte la plus éloignée. Il entra alors dans un bureau et s'installa derrière le meuble dont il ouvrit chaque tiroir, à la recherche de quelque chose, des précédentes lettres pour être précis. Il les trouva et regarda l'intérieur des enveloppes. Une adresse mail s'y trouvait à chaque fois, mais moins visible que sur la dernière. C'était comme si, cette année, son inconnu voulait vraiment être contacté.
Alors sans perdre une seule minute supplémentaire, il alluma son ordinateur et ouvrit sa boîte mail. Il cliqua sur l'icône « nouveau message » et se figea. Qu'est-ce qu'il pouvait dire à une personne qui, par quatre fois, avait envoyé une lettre pleine de douleur sans jamais recevoir de réponse ? Milo avait trois ans de retard, il n'avait donc pas le droit à l'erreur.
Finalement, au bout de cinq minutes qui lui parurent interminable, il décida de ne plus réfléchir et de laisser parler son cœur. C'était une manière de faire et de dire absolument niaise mais elle restait la meilleure dans ce genre de situation. Comment parler avec sa tête à une personne qui s'est livré corps et âme à quatre reprises ? Le cœur, à défaut de délivrer les bonnes réponses, donne au moins le bon sentiment aux mots.
Cher J,
Tu ne sais pas qui je suis, de la même manière que je ne sais pas qui tu es. Mais voilà trois ans maintenant que j'ai ouvert ta première lettre et, pour être honnête avec toi, je m'en suis retrouvé totalement bouleversé. Après cela, j'ai espéré pouvoir lire à nouveaux une de tes lettres et cette année a été accompagné de ta quatrième lettre. J'aurais voulu te répondre plus tôt, mais ce n'est qu'il y a cinq minutes que j'ai trouvé ton adresse mail.
Je suis tellement désolé. Je suis un idiot. Je n'avais pas pensé à regarder dans l'enveloppe. A la place, je me languissais simplement de savoir si je recevrai une nouvelle lettre et si ta vie avait enfin changé. Pardonne-moi.
Mais me voilà. Nous ne nous connaissons pas, mais tes mots m'ont vraiment touché et j'aimerais répondre à ta dernière lettre.
Le sentiment d'inutilité dont tu parles dans ta dernière lettre, il n'existe pas. Un être humain ne naît pas pour être utile à quelque chose ou à quelqu'un. Il nait simplement pour vivre. On a tous un rôle à jouer et parfois, celui-ci se résume à vivre, ce qui peut s'avérer parfois être déjà une lourde tâche à accomplir. Et si tu doutes de tout ça, sache que d'après ce que tu as dit dans chacune de tes lettres, ce sont les autres qui ne te méritent pas. Tes parents, par exemple, ne méritent pas un enfant comme toi. Tes amis ... peut-être réellement les appeler comme ça ? Ils n'ont rien laissant penser à des amis. Et pour ta carrière, je ne sais pas quel âge tu as, mais quel qu'il soit, c'est le bon âge pour trouver sa voie.
Mais tout ceci ne sont que des mots. Ils n'ont sûrement aucune valeur à tes yeux et ne te convaincront peut-être pas. Pourtant, j'aimerais tellement pouvoir t'envoyer cette étincelle dont tu parlais, une qui pourrait réellement te venir en aide et te prouver que ton existence a son importance et que même si tu n'en as pas conscience, tu as un rôle à jouer dans ce monde.
J'espère recevoir une réponse de ta part et surtout que tu pardonneras mon retard. Et même si je ne reçois pas de réponse de ta part, j'espère que tu passeras de très belles fêtes parce que, crois-le ou non, tu le mérites.
Joyeux Noël
Milo
Et voilà, c'était envoyé. Plus de marche arrière possible désormais. La seule chose qu'il pouvait faire maintenant était d'attendre. Et l'attente pouvait se montrer très longue, voire sans fin. Il ne savait même pas si J. allait lui répondre. Ou alors, allait-il mettre trois ans à le faire en représailles de son retard ? après tout, ce serait bien fait pour lui. Si Milo avait été un peu plus curieux ou attentif et n'avait pas simplement passé ces dernières années à attendre et se plaindre d'une chose qui se trouvait en réalité sous son nez, sûrement lui aurait-il répondu il y a des années maintenant.
Alors, puisque c'était la seule chose à faire, il attendit.
Et attendit.
Ses journées étaient malgré tout remplies. Des centaines de lettres adressées au Père Noël l'attendaient et sa mère lui avait reproché d'avoir quitté son poste pendant une heure sans lui expliquer pourquoi et lui laisser toutes les lettres éparpillées sur la table de la salle de réunion. Il s'était confondu en excuse et pour se faire pardonner avait pris soin de lire un maximum de lettre et d'y répondre à la place du Père Noël.
Il fallut trois jours pour qu'une notification fasse vibrer le téléphone de Milo que se jeta immédiatement dessus. Trois interminables journées.
Mais voilà. Maintenant qu'il voyait la notification du mail sur son écran et après s'est précipité sur son ordinateur pour plus de confort, Milo hésitait à ouvrir le message. Et si J. l'envoyait promener ? Et s'il lui avouer que ce n'était qu'un canular et qu'il attendait juste qu'un imbécile lui réponde ? Ou pire ... et s'il avait trouvé entre temps quelqu'un pour l'épauler et qu'il lui annonçait qu'il était bien gentil mais qu'il n'avait pas besoin de sa sollicitude ? En vrai, Milo se sentait mal de penser ça. Si J. avait trouvé quelqu'un pour l'aider à aller mieux, tant mieux pour lui ! Il le méritait. Mais ça lui briserait malgré tout le cœur. Comme une relation à sens unique de trois ans se terminant avant même d'avoir commencé.
Alors la question était désormais de savoir s'il devait cliquer ... ou ne pas cliquer ? Oh et puis zut, on ne vivait qu'une fois. Et qu'avait-il à perdre hein ? Au pire, il pourrait simplement reprendre son boulot et il n'aurait plus à se demander comment allait son inconnu pendant toute l'année et au mieux, il pourrait lui répondre et engager une nouvelle conversation.
Prenant son courage à deux main, il finit par cliquer sur la notification.
Cher Milo,
Je ne sais pas trop quoi te dire. Je pense que je ne m'étais jamais attendu à ce que quelqu'un me réponde réellement. Pourtant, c'est bien moi qui ai mis mon adresse mail dans l'enveloppe ... quatre fois de suite. C'est vrai, je l'ai fait. Mais je pense que l'idée que quelqu'un me réponde restait trop absurde dans mon esprit. Que quelqu'un découvre ma lettre, prenne la peine de la lire, trouve l'adresse mail et surtout l'utilise pour me venir me parler ? Ça me paraissait impossible. Surtout ne te méprend pas ! Je suis vraiment heureux que tu m'ais écrit. Vraiment heureux. Simplement, je suis aussi un peu sous le choc.
C'est à mon tour de m'excuser. Je suis désolé pour ces trois jours d'attente avant que je ne te réponde. J'ai été quelque peu occupé et ... je ne savais pas quoi te dire ni comment le faire. En fait, si je dois être honnête avec toi, c'est principalement pour cette raison que je n'ai pas réussi à te répondre avant. L'idée que quelqu'un m'ait envoyé un message en réponse aux lettres que j'ai envoyé devait atteindre mon cerveau avant que mes doigts ne puissent t'écrire quoi que ce soit. J'espère que tu ne m'en veux pas.
En tout cas, tu ne peux pas imaginer la joie que j'ai ressenti lorsque j'ai fini d'assimiler l'idée que j'avais réellement reçu un message. C'était tellement imprévu et ... c'est arrivé au moment où j'en avais le plus besoin.
Pour en revenir au contenu de ta lettre, je pense que tu es la première personne à me dire toutes ces choses alors tu comprendras que j'ai encore un peu de mal à y croire. Peut-être réellement dire à des parents qu'ils ne méritent pas leurs enfants ? De la même manière que des enfants ne méritent pas leurs parents, est-ce réellement possible ? Enfin, on ne choisit pas sa famille tu me diras. On partage simplement le même sang mais parfois, chez certaines familles, c'est un lien indestructible. Un lieu ou une chaîne, je ne sais pas.
Quant à mes amis ... je crois que je peux définitivement arrêter de les appeler comme ça. J'ai l'impression qu'ils m'ont définitivement tourné le dos et bien que ça m'attriste, je me rends compte que la peine est moins forte que ce que je n'aurais cru. Ou alors les émotions quittent simplement mon corps. Ce ne serait pas plus mal ... je pourrais alors me consacrer pleinement à mes prochaines études.
Et oui, tu as bien lu, je pense reprendre mes études. Je ne sais pas encore dans quelle branche mais ton message m'a aidé. C'est vrai, il n'y a pas d'âge pour trouver sa voie et puis, j'ai toujours le droit à l'erreur, n'est-ce pas ? En tout cas, j'aime le penser.
Merci pour ta réponse, elle m'a fait énormément de bien. J'ai l'impression de me sentir un peu moins seul. J'espère ne pas te faire fuir avec mes états d'âme.
J'attends ta réponse.
J.
Son inconnu lui avait répondu ! Il souhaitait même engager une véritable correspondance avec lui. C'était ... wow ! C'était tellement inattendu. Il avait eu tellement peur qu'il lui en veuille pour ces années à envoyer des lettres sans jamais recevoir de réponse ou alors qu'il n'ait simplement aucune envie de lui répondre que de savoir que J. était heureux d'avoir reçu un mail de sa part et voudrait continuer à parler avec lui ... c'était inespéré.
Bon, il avait signé par la première lettre de son prénom _ à moins que ce soit celle de son nom de famille _ mais il lui avait répondu, c'était déjà un excellent début et il aurait tout le temps de le découvrir désormais.
Maintenant, il fallait qu'il lui réponde. Et pas dans trois ans si possible. Il ouvrit alors un nouveau message et plaça ses mains au-dessus du clavier. Ok, mais pour écrire quoi ? Qu'est-ce qu'il pouvait bien lui répondre ? J. semblait tellement enfermé dans une bulle obscure de tristesse que Milo avait vraiment envie de la percer. Mais si on perce une bulle ou un ballon trop violemment, il éclate et tout disparait. Son contenant et son contenu. Alors s'il voulait le faire en douceur pour que J. ait le temps de s'acclimater, il y avait des précautions à prendre.
Se réinstallant un peu plus confortablement sur son siège de bureau, Milo se mit finalement à écrire. Il n'avait pas fait fuir J. la première fois, il n'avait qu'à refaire la même chose et ça devrait aller. Laisser parler le cœur bien plus que le cerveau. Ok !
Très cher J,
Comment suis-je sensé t'en vouloir d'avoir mis trois jours à me répondre quand moi-même j'ai mis trois ans à le faire ? T'en vouloir pour ça serait totalement insensé. Et puis, pour être honnête, je suis bien trop heureux que tu m'ais répondu pour me soucier de quoi que ce soit d'autre ! [...]
Très vite, une correspondance s'installa entre eux deux. Au fil des échange, Milo ne connaissait toujours pas le prénom de son interlocuteur mais il s'en fichait. Ces échanges lui étaient bien trop précieux.
Cher Milo
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Cher J.
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[...] Je suis allé dans un centre d'orientation comme tu me l'avais conseillé. Si je suis les résultats du test qu'ils m'ont fait passer, je devrais être archéologue, comédien et radiologue. A moins que tu ne connaisses un métier qui réunisse ces trois disciplines, je ne suis pas plus avancé qu'hier ! [...]
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[...] Aujourd'hui encore, on a reçu énormément de lettres. Que des lettres d'enfants pour le coup. La plupart sont assez banales, un veut une cuisine, une veut un costume de pompier, etc. Mais d'autres sont vraiment adorables ! J'ai reçu la lettre d'un enfant qui voulait un stock de dents de lait pour pouvoir en mettre régulièrement sous son oreiller pour que la Petite Souris vienne les remplacer par des pièces quand il en a besoin. Il aurait tout aussi bien pu demander directement de l'argent ! [...]
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[...] Je me posais une question ! Comment t'es-tu retrouvé à travailler au centre de tri des lettres du Père Noël ? C'est une carrière assez particulière mine de rien même si ça doit être à la fois drôle et adorable ! Peut-être que moi aussi je devrais emprunter cette voie même si ce n'est qu'un mois dans l'année ! [...]
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[...] Pour tout t'avouer, ce n'était pas prévu ! Je travaille dans la poste de mon village avec littéralement que des membres de ma famille. Ma mère tient le guichet avec une de mes sœurs, mon cousin et mon père font la tournée et moi je suis dans mon bureau à gérer les commandes, la gestion du budget, etc. Et il se trouve que le centre de tri qui s'occupait des lettres du Père Noël du département a fermé ses portes. Après une longue discussion familiale, on a fini par proposer à la préfecture de reprendre ce travail. Et puisque je suis tout le temps dans mon bureau, j'ai proposé de m'occuper d'une partie du tri avec ma mère et ma sœur lorsqu'elles ne sont pas au guichet. Ma tante et même des cousins viennent nous aider aussi lorsque leurs emplois du temps le permettent ! [...]
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[...] Tu vas jamais me croire ! J'ai parlé à mes amis ... enfin, à mes anciens amis. Je dis ancien parce que crois-le ou non, la seule chose qu'ils m'ont dit lorsque je leur ai avoué ne plus vouloir être la dernière roue du carrosse ou le pote qu'on utilise pour se parader, c'est adieu. Juste adieu ! Mais le pire dans tout ça c'est que, tu sais ce que j'ai ressenti après qu'ils soient partis ? Rien du tout ! Ou enfin si ! Du soulagement et de l'impatience parce que tu m'avais sûrement envoyé un message et que cette simple pensée était suffisante pour moi ! [...]
Milo laissa tomber sa tête sur son bureau. Son visage devait être rouge écarlate. Il était à la fois touché et heureux de ce qu'il venait de lire. Ça faisait maintenant un mois que J et lui correspondaient et s'il devait être honnête, Milo adorait de plus en plus lire les messages que J. lui envoyait et lui répondre était devenu d'une facilité déconcertante. Comme parler à un de ses proches.
Il entendit la porte s'ouvrir puis claquer deux secondes après. Il leva piteusement la tête pour voir son cousin s'installer face à lui. Il soupira et laissa à nouveau sa tête tomber sur le bois de la table.
— Qu'est-ce que tu veux ? marmonna-t-il.
— Oh, j'en connais un qui a une peine de cœur !
Milo se redressa vivement et regarda Adam les yeux grands ouverts.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Tu veux que je sois amoureux de qui vu que je passe ma vie ici ?
— Je sais pas ! Peut-être la personne à qui tu écris tous les jours des messages et qui te fait sourire comme l'idiot que tu es !
Il souriait quand il lisait les messages de J. ? Non ... enfin si, sûrement. Après tout, J. était quelqu'un de sympathique avec qui il était agréable de parler. Il n'y avait rien de plus à cet échange. C'était plus comme lorsqu'on nous attribuait un correspondant ay collège ou lycée, sauf qu'ici, la personne avec qui il correspondait vivait dans le même département que lui.
— Bon, pourquoi tu es là ?
— Ah ... ça, bafouilla Adam. J'aimerais ma journée de demain.
— Mais, demain mon père travaille pas ! Il faut que vous soyez quatre pour distribuer le courrier !
— Eh bien fait le à ma place ! Mais s'il te plait, il me faut vraiment ma journée !
— Très bien, à une condition ... que tu me dises pourquoi ?
Il vit l'hésitation dans le regard d'Adam, ce qui le fit assez rire. C'était rare que son cousin semble aussi tirailler.
— Ok ! te fous pas de moi, mais demain ce sont les portes ouvertes du magasins de bricolage et du coup, ils proposent des ateliers gratuits.
— Mais, d'où tu bricoles ? T'es nul à ça ! Pire encore, tu es une véritable calamité quand il s'agit de construire quelque chose de tes propres mains !
— C'est bon, pas besoin d'en rajouter ! grogna-t-il avant de se prendre la tête entre les mains. J'ai foiré, ok ? J'y suis allé il y a deux mois parce que mon père voulait une perceuse pour son anniversaire et tu vois, j'ai repéré cette fille. Elle est tellement belle alors j'ai pas pu m'empêcher d'aller lui demander conseil. Et je n'ai absolument rien compris de ce qu'elle me racontait, mais elle sa voix était si ... et elle si ... et j'ai fait croire que c'était pour moi. J'y suis retourné la semaine d'après et je l'ai recroisé. Je lui ai dit que la perceuse était vraiment géniale _ alors que j'en sais rien du tout _ mais qu'il me fallait maintenant de quoi retaper mes meubles. Elle m'a demandé ce que je retapais comme meuble et je suis parti dans une histoire comme quoi je venais d'emménager dans un nouvel appartement, que j'avais acheté pleins de vieux meubles et que maintenant je voulais tout retaper moi-même.
— C'est n'importe quoi, fit remarquer Milo.
— Je sais ! J'ai perdu mes moyens et j'ai vraiment raconté n'importe quoi ! le pire c'est que j'y suis retourné plusieurs fois depuis et à chaque fois, on a fini par parler restauration de meubles, décoration intérieure et elle arrive presque à me passionner quand elle en parle ! Et hier, elle m'a dit que demain elle animait un atelier gratuit sur la restauration de vieux meubles et m'a proposé de m'y inscrire. Alors du coup, tu sais ce que j'ai répondu ?
— Que t'étais partant ?
— Que j'étais partant ! Milo, je sais même pas planter un clou ! J'ai même dû appeler ma mère pour qu'elle change l'ampoule de mon couloir parce que j'arrivais pas à retirer la suspension ! Je suis misérable !
— Mais nan ! T'es juste pas très doué ! J'espère que tu finiras pas à l'hôpital demain !
— Ça veut dire que tu acceptes de me donner un jour de congé ?
Milo hocha la tête et sourit en voyant son cousin si heureux.
— T'es génial ! Le meilleur cousin même si je sais pas si je suis heureux ou si j'aurais préféré que tu refuses ! Ça m'aurait donné une raison de ne pas aller me faire ridiculiser !
— C'est bien pour ça que j'accepte ! Et je veux un compte rendu total de ta journée en compensation de la tournée que je vais devoir faire à ta place !
Adam le remercia à nouveau et fila hors de la pièce. Milo le regarda faire avec un sourire avant d'attraper son téléphone pour appeler son père. Il lui demanda si le lendemain il pouvait faire la tournée à la place d'Adam qui prenait un jour de congé. Son père adorait son cousin et encore plus son travail, il accepta alors directement. Ça rassurait Milo. Pas qu'il ne voulait pas prendre la place de son cousin, mais il avait un sens de l'orientation affreux et les seuls fois où il avait participé à la tournée, il avait mis deux fois plus de temps pour distribuer le courrier parce qu'il ne trouvait pas les bonnes rues. De plus, demain était le dernier jour où ils récupéraient les lettres de Noël et les lisaient. Il ne devrait pas y en avoir beaucoup puisque Noël était dans une semaine mais ça lui tenait à cœur de s'en occuper.
Puis, il avait peur d'une chose. Il avait peur d'espérer à chaque prénom ou nom de famille commençant par un J, de commencer à imaginer que ce soit son J. Enfin, son J, il voulait bien sûr dire le J avec lequel il correspondait. Pas Son dans le sens possessif, genre le sien. Mais ... bref, il se comprenait.
En parlant de J, il fallait qu'il réponde à son dernier message avant de s'attaquer au boulot qu'il lui restait encore à faire aujourd'hui. Il fallait qu'il lui dise que lui aussi il était heureux à l'idée de recevoir une réponse de sa part. C'était même la chose qui le rendait le plus en joie dans sa journée. Il ne s'endormait le soir que pour faire venir le matin plus vite et ainsi attendre moins longtemps que la réponse de J. arrive. De la même manière, il ne prenait de pauses dans la journée que pour vérifier s'il avait reçu un message de sa part. Il ne vivait presque que pour ça et ... en fait, Adam avait raison. Son cœur rentrait beaucoup trop en jeu dans cette histoire. Son cœur et surtout ses sentiments.
Il commençait à être totalement sous le charme de son inconnu alors qu'il ne savait ni son nom, ni son âge ou quoi que ce soit d'autres et malgré tout un mois à parler ensemble, il n'avait jamais laissé passer le moindre indice. Maintenant que Milo y pensait, c'était frustrant.
Finalement, il ne lui répondit pas. Il avait peur qu'en se mettant face au clavier maintenant, il ne se mette à écrire beaucoup trop de choses et pas forcément les bonnes. Alors il attendit le lendemain. Entre deux dossiers, il ouvrit sa boite de messagerie et écrivit un message qu'il ne prit pas la peine de relire avant de l'envoyer.
Cher J,
Désolé de ne pas t'avoir répondu hier mais je devais réfléchir. J'aimerais en savoir plus sur toi. Ton nom et ton âge par exemple. Peut-être savoir dans quelle ville tu habites, même si c'est un peu bizarre de demander ça, et ce que tu faisais avant d'envisager de changer de voie ? Ce genre de choses basiques mais que j'ignore à ton propos.
Ça fait un mois maintenant que l'on parle et je me dois d'être sincère avec toi. J'adore parler avec toi, je t'apprécie beaucoup ... vraiment beaucoup. Mais ne rien savoir de ton identité me frustre et me donne l'impression qu'une barrière infranchissable se trouve entre nous.
J'espère ne pas te faire fuir par ce message. C'est juste que ... Il fallait que je te dise tout ceci.
Milo
Il eut envie de se frapper la tête. C'était sûr maintenant, il allait arrêter de lui envoyer des messages. Il allait forcément prendre mal son envie d'en savoir plus. Il trouverait sûrement ça intrusif et peut-être beaucoup trop précipité. Alors il allait stopper la correspondance et même bloquer son adresse mail pour ne plus lire ses messages.
L'esprit de Milo commençait à bien trop divaguer et à se faire des films. Mais il mettait à couper, il le pressentait, il ne recevrait plus de messages de la part de J. à partir d'aujourd'hui.
Les craintes de Milo se confirmèrent doucement au fil des jours. Il pensa alors qu'avec Noël puis Nouvel An, J. était peut-être trop occupé pour lui répondre. En plus de cela, Milo avait été assez occupé à cause de son cousin qui l'avait obligé à lui trouver un remplaçant pour plusieurs semaines à cause d'un accident qu'il avait eu lors de sa fameuse journée portes ouvertes.
Mais rapidement, Pâques pointa son nez et toujours aucune nouvelle. Rien. Pas un seul message, pas une seule notification pour dire que ses propres mails avaient été renvoyé à l'expéditeur, parce que oui, Milo avait réessayé plusieurs fois de le recontacter J. avait simplement disparu, comme si rien de tout ça n'avait existé. Si Milo ne voyait pas dans la messagerie, chaque jour où il travaillait, les messages qu'ils s'étaient envoyés, il aurait fini par penser qu'il l'avait rêvé. Était-il aussi pathétique pour imaginer une histoire pareille ? Peut-être bien tout compte fait. En tout cas, il se pensait totalement fou en ce moment.
Parfois, lorsqu'une personne venait au bureau de Poste et qu'il l'entendait prononcer un nom ou prénom en J, il se surprenait à sursauter et se retourner vers le client. Il n'arrivait pas à se l'ôter de la tête et finit par s'investir encore plus dans le boulot pour essayer de ne plus y penser.
— Si ça se trouve, c'était un vieil homme en recherche d'occupation, marmonna-t-il avec un rire jaune.
— Tu disais ? lui demanda Adam qui mangeait avec lui.
— Nan, rien ! Je réfléchissais juste.
— Te fais pas trop mal à la tête avec ça !
Mais Milo n'était plus d'humeur à rire. Il vira même taciturne. Son humeur changea un peu lorsqu'en plein milieu de l'été, il reconnut l'adresse mail de J. dans ses nouveaux messages. Son cœur rata un battement et sa main, tremblante, se figea au-dessus de la souris. Qu'est-ce qu'il devait faire ? Ça faisait plus de six mois qu'il n'avait pas eu de nouvelles et voilà qu'il se trouvait confronter à une nouvelle notification. Et s'il venait de voir tous les mails qu'il lui avait envoyé et lui demandait d'arrêter de le harceler ?
Il inspira un énorme coup et cliqua sur le message. Ses yeux s'écarquillèrent en tombant sur un message de revoie lui annonçant que le dernier mail qu'il avait envoyé n'était pas parvenu à son destinataire. Milo se mit alors à rire. Un rire incontrôlable bien trop vite accompagné de grosses larmes qui firent trembler son corps. D'énormes sanglots le prirent à la poitrine et il mit du temps avant de parvenir à se calmer.
Il était fichu.
Ce n'était que maintenant qu'il se rendait compte qu'il était bien plus attaché à J. qu'il ne le pensait. Il avait cru un moment simplement l'apprécier, puis avoir une sorte de petit coup de cœur pour lui. Mais sa propre réaction l'étonnait. Quelle importance avait vraiment cette correspondance, pour lui, pour qu'ils se mettent à pleurer de la sorte ?
Mais c'était décidé. Il n'allait plus s'en occuper désormais. Le message lui avait été retourné, c'était une réponse suffisante pour savoir ce qu'il devait faire désormais. Il supprima alors tous leurs échanges et retira même l'adresse mail de J. de son carnet d'adresse. Il ne voulait plus lui adresser la parole, très bien, il allait l'oublier lui aussi.
Et il y parvint. Pendant quelques semaines. La fin des grandes vacances d'été fut un peu compliquée. Il lui arrivait de penser à lui lorsqu'il regarder sa boite de réception. Puis septembre pointa le bout de son nez, emportant avec lui la fin de l'été et son envie de penser à J. Il pouvait désormais passer des jours voire des semaines sans que ses souvenirs ne viennent l'envahir.
Sauf que, sans prévenir, arrivèrent les premières lettres de Noël.
Milo crut devenir fou lorsqu'Adam lui ramena la première fournée de lettres. Il vérifia le calendrier et se rendit compte qu'effectivement, décembre était là et avec lui les premiers vœux des enfants. Alors il ne put s'empêcher de repenser à Lui. Est-ce qu'il allait renvoyer une lettre cette année ? Et Milo, qu'espérait-il ? Qu'il le fasse ou non ? Il hésitait presque à léguer sa place à son cousin et de prendre sa part de tournée jusqu'à la nouvelle année.
Alors à la place, les premiers jours, Milo demanda à sa mère de s'occuper de trier les premières lettres. Il lui laissa malgré tout la consigne de ne pas ouvrir la moindre enveloppe adressée à la maison du père Noël, sur la route de Noël dans le Cœur des enfants. La demande lui parut bizarre mais elle lui promit de la lui mettre de côté si elle tombait dessus.
Lors des deux premières fournées, Milo resta donc à l'accueil du bureau de poste à aider la plupart du temps des grand-mères voulant envoyer les cadeaux de Noël à leurs enfants et petits-enfants. Il avait beau leur dire qu'elles étaient très en avance, elles lui répétaient toutes qu'avec la poste, on ne savait jamais quand est-ce que les colis arrivaient. Très réjouissant pour une famille d'employés de la poste.
La journée touchait presque à sa fin et Milo était épuisé. Il jetait régulièrement un regard à l'heure et ne rêvait que d'une chose, de rejoindre son lit et de dormir pendant une semaine. Lorsque la sonnette d'entrée retentit, il salua le nouveau client avec un sourie tout en se promettant qu'une fois celui-ci partit, il fermerait boutique et s'en irait. Tant pis pour les quelques minutes restantes.
— Bonjour, comment puis-je vous aider ?
— Je ... voudrais envoyer une lettre.
Sans rire ?
— Eh bien figurez-vous que vous êtes au bon endroit ! fit-il remarquer avec un petit rire.
— Oui, désolé Milo, c'était idiot.
— Ce n'est pas ... attendez !
Les yeux de Milo papillonnèrent et il força son cerveau à reprendre la conversation du début. Le client était arrivé, disant qu'il voulait poster une lettre, Milo s'était légèrement moqué et le client l'avait appelé par son prénom. Et il ne portait pas de badge à son nom.
— Vous m'avez appelé par mon prénom ? Comment le connaissez-vous ?
— C'est ... enfin ... laissez tomber. Je n'aurais pas dû venir !
A ces mots, cela fit enfin tilt dans la tête de Milo.
— Tu es lui ? cria Milo avant que le client n'atteigne la porte de sortie. Tu es J ? précisa-t-il.
Il le vit faire demi-tour et venir vers lui la tête basse.
— Salut ...
— Qu'est-ce que tu fais là ? Comment tu ... je suis perdu, j'ai trop de questions-là. Alors déjà, pourquoi tu es là ? Tu ne m'as plus répondu depuis Noël dernier ! Tu as même bloqué mes mails ! Ils m'étaient renvoyés !
— J'ai été viré de chez moi quelques jours avant Noël. Je n'ai eu le droit de rien prendre, mon téléphone et mon ordinateur ont été détruit par mes parents.
— Quoi ? Mais ... tu n'as rien pu faire ?
— Non ! C'est la maison de mes parents, ils ont tous les droits de faire ça. Mais du coup, je n'ai pas pu te prévenir ... je n'avais plus ton adresse et pas moyen de récupérer le mot de passe de ma messagerie. Au bout d'un moment, le boîte était pleine et tous les nouveaux messages ont été renvoyé à l'expéditeur.
— Qu'est-ce que tu as fait alors ?
— Une tante m'a hébergé le temps que je me remette sur pied. Et crois-le ou non, j'ai commencé une formation en décalé !
— Vraiment ? ne put s'empêcher de s'extasier Milo. C'est génial !
— Oui ! Je fais une formation d'accompagnement d'élève en situation de handicap. Je voulais faire quelque chose qui me rende utile auprès des gens. Et je vais enfin l'être ! Utile. J'ai déjà validé tous mes crédits, je dois juste attendre la validation de la pratique d'ici janvier et je serai diplômé.
— C'est super ! Un de tes souhaits s'est réalisé ! Tu vas pouvoir finalement prendre ton indépendance, ne plus avoir à vivre sous le même toi que tes géniteurs et te sentir utile. Presque tout ce que tu as souhaité dans ta lettre l'année dernière s'est réalisée.
— En parlant de lettre ...
Il lui tendit alors l'enveloppe qu'il tenait dans les mains depuis le début. Milo l'attrapa et ne put empêcher un sourire de poindre sur ses lèvres lorsqu'il vit l'adresse qu'utilisait J. chaque année pour sa lettre au Père Noël. J. l'intima de l'ouvrir.
Cher Père Noël,
L'année dernière, grâce à la lettre que je t'ai envoyée, j'ai pu faire la meilleure rencontre qu'il soit. Il y a un an jour pour jour, je recevais un mail de cette personne. A partir de là, ma vie a totalement changé et en mieux. J'ai beau avoir eu un problème avec mes parents, ça m'a permis de mettre de la distance entre eux et moi et de me préparer pour vivre une nouvelle vie.
Malheureusement, il reste une chose qui n'est pas encore exaucée. L'étincelle qu'il me faut. Ou plutôt, je l'ai trouvé, mais avec toutes les choses qui me sont arrivées, j'ai dû la laisser partir.
Alors, Père Noël, j'ai désormais un seul souhait pour cette année. Je veux retrouver cette étincelle et j'espère vraiment qu'il acceptera de revenir dans ma vie, mais d'une manière bien plus réelle cette fois-ci.
Merci à toi pour tout ce que tu as fait pour moi.
Joyeux Noël et Bonne Année
Joshua
Milo ne savait pas quoi dire. Il avait peur d'avoir mal compris la lettre. Peut-être avait-il cumulé bien trop d'espoir en un an. Et s'il se faisait des idées et que J. _ enfin Joshua _ voulait dire autre chose ?
— Je t'ai cherché, lui dit Joshua. Lorsque j'ai terminé mon dernier stage, j'ai fait des recherches. J'ai cherché quel bureau de poste s'occupait des lettres de Noël dans le département et j'ai découvert que c'était ici. Pour tout t'avouer, je suis déjà venu hier mais je ne suis tombé que sur une femme qui doit être ta mère. Tout à l'heure, quand je t'ai appelé par ton prénom, je ne savais pas que c'était toi. Je l'ai simplement espéré.
— Et cette lettre ? Qu'est-ce qu'elle signifie ?
— Tu es l'étincelle Milo. Sans toi, je pense que je n'aurais pas survécu à mon expulsion de la maison ... et les seules attaches que j'avais étaient ces gens que je pensais être des amis. Et, après ces longs mois sans pouvoir te parler, j'aimerais tout reprendre du début. Je veux t'avoir à nouveau dans ma vie mais plus à travers des mails. Je veux qu'on devienne amis dans la vraie vie.
— Et si je ne veux pas être ton ami ? lui demanda Milo.
— Je ... c'est ton droit, répondit Joshua en baissant la tête. J'aurais dû trouver un moyen de te contacter. Tu dois m'en vouloir et je le comprends ...
— Non, je veux dire ... enfin si, je t'en ai voulu mais tu m'as tout expliqué et ... bon sang, Joshua, tu as vécu des mois horribles. Je n'ai aucun droit de t'en vouloir plus longtemps ! Mais, malgré tout, je ne suis pas sûr de vouloir être ton ami ... J'aimerais qu'on apprenne à se connaître plus que ça. Je veux dire ... Tu m'as tout de suite plu lorsqu'on se parlait par message et ne plus avoir de nouvelles m'a détruit, vraiment. Alors maintenant que tu es là, j'aimerais savoir si cette attirance existe toujours et surtout si elle pourrait être réciproque.
Joshua prit une grande inspiration avant qu'un énorme sourire n'apparaisse sur ses lèvres.
— J'en serais honoré.
— Je ferme dans deux minutes ...
— Pas de problème, le coupa Joshua. Je vais rapprocher ma voiture et ... tu m'attends ?
— Bien sûr. Je t'attendrais trois ans s'il le fallait monsieur J., répondit Milo avec sourire.
— Trois minutes ... je pense que cette fois-ci trois minutes seront amplement suffisante monsieur étincelle.
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