Si tu no estás
Ruggero
Je tiens ce bout de papier entre mes mains. Les paroles de ma chanson se froissent sous mes doigts, et je fini par les compresser contre ma paume. Tu me la rendu. Tu as décroché ce souvenir du mur depuis déjà plusieurs mois, mais je crois que je refusais de voir la réalité en face avant tout ça.
Je me trouve dans le studio d'enregistrement, il est vingt deux heures. Cette pièce représente tellement de choses, et aujourd'hui tout semble très vide. Il y a toutes ces photos, accrochées au mur. Il y a ta présence, même si tu n'es pas là. J'ai l'impression de t'apercevoir ici, alors que je sais que je ne t'y verrais plus.
Je n'aime pas trop penser en venant dans cette pièce, mais cette fois, c'est comme si je ne pouvais pas faire autrement. Tu envahis mon esprit, plus que d'habitude.
Je crois qu'il n'y a plus personne, la pièce est tamisée d'une lumière orangée et ça fait déjà un moment que je regarde le micro qui se tient devant moi. Mais je n'arrive pas à bouger, depuis que je suis rentré, j'ai l'impression que tu es partout sans vraiment être là. Le silence prend trop de place autour de moi, j'ai presque la sensation qu'il me compresse. Je n'aime plus venir depuis que tu es partie, parce que tu y es trop présente.
Je m'apprête à attraper mon casque et à chanter quelques paroles, mais ça me terrifie, parce qu'elles auront une signification pour nous. Pour moi.
Parfois j'ai l'impression d'être totalement impuissant face aux émotions que je peux ressentir à ton sujet, je n'ai jamais su les gérer. Tu le sais, et c'est ce qui t'as fait partir.
Je prends le casque enroulé au micro, et le mets contre mes oreilles. Mes doigts tremblent, et lorsque ma voix commence à dessiner les premières notes dans la pièce, je retrouve cette douleur qui hurle ton prénom au creux de mon coeur. Comme une mélodie enchanteresse qui m'envoute, les souvenirs de cet endroit m'enserrent, et tu me conduis encore une fois petit à petit à ma perte.
Le tiraillement se fait de plus en plus fort, plus présent dans ma poitrine. La chanson continue, puis les paroles passent, les mots s'envolent et je semble de plus en plus vulnérable. Je n'y arrive pas. Je n'arrive plus à chanter en pensant à toi, ça me fait trop mal. Mes compositions te sont dédiées, et les jouer deviennent un réel supplice plus les mois passent. Ma gorge se sert, la musique dérive dans la pièce mais je ne chante plus. Les mots ne sortent plus de ma bouche, je suis comme incapable de continuer. La douleur persiste, les murs sont soudainement plus étroits, la chaleur de la pièce plus étouffante et ton absence trop présente.
Il faut que je sorte de cet endroit, mon cœur me fait mal, j'ai l'impression d'étouffer entre ces quatre murs.
J'ai du mal à ouvrir la porte, à me diriger vers la sortie, mais j'y parviens. L'air lourd de cette nuit d'été a un effet pesant sur tout mon corps, j'ai des courbatures, je me sens mal. Plus j'avance dans cette rue sombre, et plus mon cœur chancelle.
Tu es en train de m'oublier, je le sens. Petit à petit tu retires nos photos de tes murs, tu fais disparaître nos derniers souvenirs, mon odeur de tes draps, mes chansons de ton esprit. Tu me délaisses, tu as rencontré quelqu'un d'autre et demain tu m'auras sorti de tes pensées.
Mais je te demande de me donner une autre chance. Je sais à quel point c'est facile de jouer l'aveugle, de tomber dans son propre piège puis de te demander pardon. Mais je sais aussi que contrairement à toi, si tu pars, ton souvenir restera gravé en moi. La douleur ne disparaîtra pas.
On s'est connus plus jeunes, on a parcouru des années ensembles. Je n'y ai pas pu grand chose, ça m'ai tombé dessus. La flèche de l'amour a transpercé ma peau, et c'était certainement le plus beau moment de ma vie.
Je t'ai vu dans tous tes états d'esprits, tu as appris à me comprendre même si parfois ce n'était pas facile. On est passé du rire aux larmes tous les deux, je crois que nos regards ne trompaient pas. Rien n'existait autour. Je pensais que jamais tu ne serais loin de moi après ça, après ce que l'on a vécu, après nos mots doux. Mais maintenant, plus le temps file, plus tu me fais mal au coeur. J'ai ce goût amère d'inachevé avec toi, j'aimerai tout recommencer. Tout refaire, en mieux. Ne pas faire les mêmes erreurs, te dire clairement que je tiens à toi, ne pas fuir comme un lâche et ne pas te laisser comme j'ai pu le faire auparavant. Je sais que je pourrais le faire, que je saurai te prouver que je t'aime et que j'ai mûri. Si seulement on pouvait arrêter le temps, histoire que je trouve une solution pour que tu me crois.
Mais maintenant je parcours ces rues, en espérant pouvoir t'arrêter à temps. Je veux t'empêcher d'effacer tout ça. Je n'ai pas envie de disparaître à jamais de ta mémoire. Et c'est certainement égoïste de ma part, mais une partie de moi sait, elle sait pertinemment que ce n'est pas pour rien que je veux le faire. Je sais qu'on s'aime, qu'il y a quelque chose à construire, à reconstruire. Notre histoire n'est pas terminée, elle peut même recommencer à zéro s'il le faut, mais elle ne peut pas être raturée de tes pensées.
J'ai atrocement mal au coeur, à chaque pas, la douleur est un petit peu plus dure à surmonter. La rue sombre et humide, me paraît interminable. Je n'ai pas l'impression d'avoir la capacité d'aller jusqu'au bout. Comme si mon subconscient savait pertinemment que je n'arriverai pas jusqu'à toi, avant que le dernier souvenir de moi soit arraché de ta vie. C'est triste, et cette pensée m'achève à petit feu. Je ne pensais pas que ce soir arriverait. Que je vivrais le jour où tu m'oublies, et où je meurs d'amour pour toi, au sens propre.
Je suis en train de m'effondrer petit à petit sur le goudron dur et froid, les larmes aux yeux, avec une image de ton visage dans mes pensées. Tandis que toi tu m'effaces, avec un autre homme à tes côtés.
Ma respiration se fait plus difficile, l'air me semble tout à coup plus lourd, plus chaud. Je me sens impuissant. Tu es loin et je suis là, allongé sur le sol à espérer, qu'une part de toi ne m'oubliera jamais. Ce sentiment est douloureux, je ne perçois que mon torse se soulever au rythme irrégulier de ma respiration. Mon coeur me pique, mes mains sont moites, et je ferme les yeux.
Mes larmes dévalent mes joues et toute ma douleur s'enfuit, loin, en même temps que ton dernier souvenir.
~~
Fin.
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