Scène coupée
Le tournage de mon nouveau clip était censé être une formalité. Un projet comme un autre, une vidéo léchée pour accompagner la sortie de mon prochain single. Mais ça, c'était avant que Luna entre dans l'équation.
- Ne me dis pas que t'as vraiment choisi Luna pour ce clip juste pour... tu sais.
La voix de Gastón résonne dans mes écouteurs pendant que j'observe l'équipe technique s'affairer sur le plateau. J'ai mis mon téléphone en haut-parleur et le laisse posé sur ma table de loge.
- Juste pour quoi ? je demande en haussant un sourcil, feignant l'innocence.
- Oh, tu sais très bien de quoi je parle.
Je souris en secouant la tête. Il me connaît trop bien.
- J'ai choisi Luna parce qu'elle correspondait à l'ambiance du clip.
Un silence. Puis un rire amusé de l'autre côté de la ligne.
- Et parce qu'elle te rend complètement dingue, accessoirement.
Je ne réponds pas tout de suite. Luna et moi, c'est une histoire qui défie les définitions. On s'est rencontrés au lycée, on a flirté avec cette ligne floue entre l'amitié et autre chose, et on n'a jamais vraiment su sur quel pied danser. Aujourd'hui, on est proches, oui. Mais parfois, il y a encore cette tension entre nous, cette énergie électrique qu'aucun de nous ne veut vraiment nommer.
Alors peut-être que j'ai accepté un peu trop vite quand le réalisateur a suggéré Luna pour le rôle principal du clip. Peut-être que j'ai secrètement aimé l'idée de la voir jouer ma partenaire à l'écran.
Mais ce n'est pas comme si ça changeait quoi que ce soit... pas vrai ?
- T'es chiant, Gastón.
- Je sais. Mais avoue, t'es foutu.
Je raccroche en roulant des yeux, mais avec un sourire aux lèvres.
J'arrive sur le plateau et je la vois tout de suite. Luna discute avec le réalisateur, un café dans les mains, habillée en jean large et débardeur noir. Elle a remonté ses cheveux en un chignon négligé, et pourtant, elle attire mon regard comme un aimant.
Quand elle me voit, elle me lance un sourire en coin.
- Ah, la star est enfin là.
- Tu t'es regardée ? je réplique en m'asseyant sur le canapé à côté d'elle.
Elle hausse les épaules, faussement modeste.
- Ça va, je tiens à préciser que je suis ici pour mon talent d'actrice, pas juste parce que j'ai une belle tête.
- Et toi, prêt à jouer les petits amis parfaits ? me lance-t-elle
Son ton est léger, taquin, mais la question a un arrière-goût particulier. Je me demande si elle y a pensé autant que moi. Si elle a ressenti ce petit picotement en réalisant qu'on allait jouer un couple à l'écran.
- Je suis un professionnel, tu sais bien.
- Mouais. On verra ça.
Le réalisateur nous interrompt en nous appelant pour nous briefer sur les scènes. La première est simple : un plan où Luna entre dans l'appartement et me trouve en train de composer au piano. Facile. Mais ensuite vient la fameuse scène du petit-déjeuner.
- L'idée, c'est une ambiance intime, naturelle. explique le directeur artistique. Luna portera une chemise blanche, comme si c'était celle de Matteo. Lui sera torse nu, en short. On veut donner l'impression d'un moment volé dans leur quotidien.
Je jette un coup d'œil à Luna, qui hoche la tête, concentrée. Elle est professionnelle, bien sûr. Moi aussi.
Alors pourquoi j'ai l'impression que cette scène va être une épreuve ?
**
La caméra tourne.
Je suis adossé au comptoir, torse nu, en short de survêtement. L'éclairage est doux, filtré comme une matinée de week-end paresseuse. L'odeur du café flotte dans l'air.
Puis Luna entre dans le cadre.
Et pendant une seconde, j'oublie que c'est un tournage.
Elle porte cette chemise blanche, trop grande, censée être la mienne. Les premiers boutons sont défaits, dévoilant juste assez de peau pour que mon regard y reste accroché une fraction de seconde de trop. La chemise glisse légèrement sur son épaule, révélant la bretelle fine de son soutien-gorge. Ses jambes nues captent la lumière du matin, et ses cheveux encore un peu décoiffés donnent l'illusion qu'elle vient de se réveiller dans mon lit.
Elle s'approche de moi, un sourire à peine esquissé aux lèvres.
- T'as déjà commencé le café sans moi ?
Sa voix est douce, légèrement rauque. Je me redresse un peu contre le comptoir, essayant de me concentrer sur mon rôle.
- Je t'en ai laissé.
Elle lève les yeux vers moi, amusée, avant de venir se coller contre mon torse, sans hésitation.
Je retiens mon souffle.
Ses bras se glissent autour de ma taille, son corps chaud contre le mien. L'instant est suspendu. Je sens la douceur de sa peau sous mes doigts quand je passe une main sur son dos. La chaleur de sa paume contre mon torse envoie une décharge électrique dans mes veines.
Elle me sourit.
Sourire que je lui rends, mais mon cœur cogne trop fort.
Elle lève la tête vers moi, son regard plonge dans le mien. Mon pouce effleure machinalement la peau nue de son dos sous la chemise. Elle frissonne.
On oublie presque la caméra.
Le réalisateur laisse tourner longtemps. Il veut capturer des gestes spontanés, des éclats de rire volés. Alors Luna improvise. Elle attrape mon café et boit une gorgée avant de grimacer.
- Il est trop fort.
- Tu préfères le mien ?
Elle hoche la tête et je tends ma tasse. Nos doigts se frôlent.
Le temps semble s'étirer.
Puis elle pose sa tasse et se hisse légèrement sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur ma joue.
Je reste figé. Ce n'était pas dans le script.
- Coupez !
La voix du réalisateur nous ramène brutalement à la réalité.
Luna s'écarte doucement, mais je vois son sourire en coin.
Elle l'a fait exprès.
Et je suis foutu.
- Ok, elle était bien mais on va la refaire. Matteo, j'aimerai que tu ai plus de contact avec elle, sois naturel, fais la rire, sortez du script.
Je hoche la tête.
Mettre plus de contact dans une situation où j'ai conscience qu'elle est en sous vêtements sous cette chemise, va devenir assez compliqué.
Je suis censé jouer un homme amoureux, et pourtant, rien dans ce que je ressens à cet instant n'a besoin d'être joué.
Je me tourne vers Luna, qui évite mon regard en attrapant une gorgée de café, un sourire au coin des lèvres.
Ce tournage va être plus compliqué que prévu.
**
Action !
La scène démarre une seconde fois.
Je suis debout, en face de l'immense baie vitrée qui surplombe Buenos Aires. Le ciel est encore teinté des couleurs de l'aube, et la ville en contrebas s'étire sous mes yeux, vivante, lumineuse. Dans ma main droite, une tasse de café encore fumante. L'autre est enfouie dans la poche de mon short de survêtement.
Derrière moi, Luna entre sûrement dans le champ. Je ne la vois pas, mais je la devine.
Puis je la sens.
Ses mains effleurent mon dos nu, légères, hésitantes. Une seconde plus tard, elle se rapproche et pose doucement sa tête contre moi avant d'encercler ma taille de ses bras. Son souffle chaud chatouille ma peau, et je retiens inconsciemment ma respiration.
Ses doigts esquissent de petits cercles sur mes abdos. Le contact est à la fois délicat et troublant.
Je suis figé.
La scène me paraît trop réelle. Pendant un instant, je perds la frontière entre la fiction et ce que j'aimerais que ce soit. Il faudrait que je réagisse, que j'improvise pour la faire rire, que je sorte du script. Mais je n'ai pas envie de bouger.
J'ai envie de rester ici, devant cette vue, sous ses doigts.
En fond, ma musique tourne en boucle, remplissant la pièce d'une ambiance feutrée. La mélodie se mêle au silence du plateau, amplifiant ce moment suspendu.
Je cligne des yeux, me forçant à reprendre le contrôle. Ma main quitte la poche de mon short, et je pose ma tasse sur la table basse, lentement.
Puis, je me retourne vers elle.
Si elle était vraiment dans mon appartement, dans cette tenue – cette chemise trop grande qui glisse négligemment sur son épaule, révélant un soupçon de peau –, je ne me contenterais pas de la regarder. Je la couvrirais de baisers. Je l'emmènerais danser face à cette vue, pieds nus, insouciants, comme si le monde extérieur n'existait pas.
Alors, c'est exactement ce que je fais.
Mes mains glissent naturellement sur ses hanches, attirant son corps contre le mien. Elle me regarde, surprise, mais un sourire éclaire déjà son visage.
Sans prévenir, j'écrase une pluie de baisers sur ses joues, puis dans son cou.
Elle explose de rire instantanément, se tortillant dans mes bras.
Parce qu'elle craint les bisous dans le cou.
Elle crie en me demandant d'arrêter.
Elle tente de se dégager, mais je resserre légèrement mon emprise, profitant du chaos que j'ai déclenché.
Sa voix est entrecoupée de rires incontrôlables, et je peux sentir la chaleur de son corps contre le mien. Elle gigote, me donne un petit coup à l'épaule en riant, et l'instant d'après, je saisis sa main pour la faire tourner au milieu de ce salon factice, sous les projecteurs.
Elle tournoie, la chemise virevolte autour d'elle, dévoilant brièvement plus de peau qu'elle ne le devrait. Mais elle ne s'en soucie pas.
Son rire résonne dans l'espace, éclatant, sincère.
Quand elle revient contre moi, son sourire est immense. Je ne sais pas si c'est elle ou moi qui avons oublié que nous étions en plein tournage, mais à cet instant, ça n'a aucune importance.
- Coupez !
La voix du réalisateur brise la bulle dans laquelle on était plongés.
- C'était parfait ! C'est exactement ce dont on avait besoin !
Je relâche doucement Luna, mais son regard accroche le mien une fraction de seconde de plus que nécessaire.
Et dans ses yeux brillants d'amusement, je devine qu'elle a ressenti exactement la même chose que moi.
**
Le dernier plan est bouclé, l'équipe technique commence à ranger le matériel. Je sors du plateau et trouve Luna adossée contre un mur, son téléphone à la main.
- T'as bien joué je lance en m'approchant.
Elle lève les yeux vers moi, un sourire au coin des lèvres.
- Toi aussi. Un vrai acteur.
Il y a un silence. Pas un silence gênant, mais un de ceux où on sait qu'on doit dire quelque chose, mais qu'on hésite.
Finalement, elle range son téléphone et se redresse.
- Tu viens, on va manger un truc ?
- T'es sûre que c'est pas un date déguisé ?
Elle rit.
- Trop tard, c'est toi qui as proposé la première.
Elle passe devant moi, et je la suis, incapable de cacher mon sourire.
Peut-être que ce clip a changé quelque chose. Peut-être qu'on n'a plus envie de danser autour de cette tension.
Ou peut-être que, comme toujours, Luna et moi sommes condamnés à jouer un rôle qu'on n'ose pas encore assumer.
Pour l'instant.
~~
fin.
une situation où scène particulière que vous aimeriez voir apparaître dans un prochain one shot ?
quelles chanson de Ruggero - Matteo avez-vous imaginé pour ce clip ? 🙂↔️
n'hésitez pas à voter & commenter :)
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