Proximité

J'entre aussi vite que possible dans ma loge et claque la porte aussitôt. Ma main parcourait tout le maquillage étalé sur ma coiffeuse à la recherche de mon chargeur. Mes doigts tremblaient comme une feuille, ma respiration saccadée faisait voler quelques unes de mes mèches maintenant blondes. Trois coups se firent entendre sur la porte presque instantanément suivis de ses paroles. Je croise mon regard dans le miroir, ma main était en lévitation au dessus du tas de make up.

- Karol ouvre.

Plus aucun bruit ne se faisait entendre dans la pièce. J'avais stoppé toute activité, si bien que mes doigts auront bientôt des crampes à force de rester en l'air.

- Karol..ouvre-moi.

Je ferme mes paupières et mords ma lèvre inférieure me forçant à ne sortir aucun son. Une goutte cristalline venait de se faire la mâle, elle longeait maintenant toute ma joue à une vitesse folle.

- Qu'est-ce que j'ai fait ?

Elle rejoint ma mâchoire.

- Qu'est-ce que je t'ai fait ? répète-t-il désespérément.

Elle quitte ma peau.

Je prends une grande respiration fébrile. Tremblante. Il allait partir. Il va partir. Il ne restera pas éternellement devant ta porte.

- Karol, est-ce que tu vas bien ?

Ne dis rien. Ne te laisse pas tenter par sa putain de voix d'ange. Il sait ce qu'il a fait. Et toi tu sais ce que tu ne veux pas.

- Karol répond-moi..dis-moi juste que tu vas bien.

Je vais bien ne t'inquiète pas. Mais j'irais mieux quand tu ne seras plus là. Quand j'arrêterais d'entendre ta voix tambouriner derrière cette porte, résonner dans ma tête. J'irais mieux le jour où tu disparaîtras de ma vie. Parce que c'est trop dur avec toi.

- Je te jure que je vais défoncer cette porte si elle est verrouillée.

Verrouillée. Merde. Mon cœur tape contre ma cage thoracique. Putain de merde la porte. Je referme mes poings et réouvre les yeux laissant des gouttes d'eau s'écraser au sol.
Tu as quelques pas à faire, juste quelques petits pas.
La pointe de mon pied droit vient taper le carrelage en premier, suivi du gauche. Je sentais l'adrénaline qui savait qu'à tout moment sa main allait se poser sur cette poignée.

Deux pas de plus.

À tout moment c'est moi qui me casse la figure. Je ne suis qu'à quelques mètres. Il était de plus en plus difficile pour moi de contrôler ma respiration.

- C'est Chiara qui m'a dit que tu étais là.

Ferme la. Ça me rends nerveuse.

- J'ai dit quelque chose qui ne fallait pas ?

Non. Quand est-ce que tu as dit quelque chose qu'il fallait ? Ton monde ne tourne pas autour de moi. Elle est là, c'est tout.

Je sursaute lorsque sa tête cogne contre la porte. Il s'est adossé dessus.

- Tu as très bien chanté ce soir.

Parce que d'habitude c'est un désastre ?

- Enfin...pas que tu chantes mal d'habitude.

Tu t'enfonces. Pars, je veux juste être tranquille. Pas t'entendre me complimenter.

Il ricane doucement.

- Aussi bien t'es pas là, et je parle tout seul comme un con.

Je suis là, mais tu parles bien tout seul. Comme un con.

La porte me faisait face. Je n'avais qu'à tendre le bras pour la verrouiller une bonne fois pour toute.

- T'as fait quelque chose à tes cheveux ?

Mon bras se bloque une nouvelle fois en l'air. Il ment il n'a rien remarqué.

- T'as de nouvelles boucles d'oreilles aussi.

Je reste figée, comme si le simple fait qu'il ait remarqué d'aussi petits détails sur moi me faisait de l'effet. J'ai bien changé mes boucles d'oreilles ce matin, avec l'espoir inconscient qu'il le remarque.

- Elles te vont bien.

Ma main se recroqueville, sans un bruit. Les larmes sèches sur mon visage tiraient mes pommettes comme un lifting. Seul ma respiration redevenue normale se faisait entendre dans la loge.
Ferme cette porte Karol. Maintenant.

- Tu sais quoi ? Y'a un truc que je vais regretter quand tout ça sera fini.

- Rester devant la porte de ta loge à attendre que tu ai finis de te changer.

Je colle délicatement mon front et ma main sur la porte en fermant les yeux. Encore des larmes qui s'échappent.

- Quand je te raconte mes anecdotes de la semaine, ou mes blagues pourries.

- Je te soupçonne de te foutre de ma gueule dans ton coin d'ailleurs. rit-il.

Mes lèvres s'étirent à la pensée de ces souvenirs. Il rentrait plus tard chez lui pour me raconter ses petites historiettes. Pour me raccompagner chez moi juste après.

- Aujourd'hui tu ne sortiras pas, mais je t'aurais raconté un peu de nos souvenirs. Histoire que tu les oublies pas.

Un long silence flotte entre nous. Plus personne ne parle, plus personne ne bouge, plus rien ne se passe. Et cette fichue porte est toujours ouverte.

- Je t'attends dehors, on sait jamais, je sais pas si tu viendras. Mais je t'attends.

C'est ainsi que je l'entends s'éloigner de ma loge. Ne m'attends pas. J'en ai pas envie. Pars. Retourne à ton appartement. Mais laisse moi en dehors de tout ça.

^^

Ça fait une heure. Soixante minutes qu'il est venu me parler à travers la porte que je suis entrain de fixer. Je me suis changée, remaquillée légèrement juste histoire d'enlever les traces de mascara. Maintenant je ne sais pas si je dois sortir. Je n'ai pas envie de le croiser, j'espère ne pas croiser les autres non plus. J'ai pas trop le moral.

Je me lève de la chaise de ma coiffeuse et m'avance vers le canapé de la loge. J'y attrape mon sac et ma veste et rejoins la porte pour sortir. J'enfile mon manteau et libère mes boucles blondes avant de glisser les anses de mon sac sur mon épaule. Lio me glisse un sourire et un à demain en passant à côté de moi. Carolina m'offre un gentil « bisou ma belle », je lui souris chaleureusement et sors enfin de la salle de concert.
Une grande vague de froid me frappe alors le visage. Je respire un bon coup avant de m'avancer sur le parking pour récupérer ma voiture. Grande nouvelle j'ai passé le permis, pour permettre à ma mère de ne pas devoir faire chaque trajet allé retour, à son grand ravissement.

J'ouvre la portière arrière et dépose mon sac sur la banquette arrière. Mais mon portable semble manquer à l'appel. Je fouille un long moment dans tout le fouillis qu'est mon sac à main, mais rien. Je suis pourtant sûre de ne pas l'avoir oublié dans ma loge.

- T'es là

Je me fige une énième fois. Non. C'est pas possible. Aucune issue de sortie, aucun moyen de se cacher cette fois-ci. Alors je relève la tête et pose mon regard sur lui. Un long manteau gris et un col roulé noir l'habillait en ces températures de novembre. Je le regardais, comme prise sur le fait.

- Euh...ouais.

Il s'approche un peu plus, les mains dans les poches, ses yeux toujours encrés dans les miens. Ma gorge était sèche, que faire ? Comment agir devant lui ?

J'ai peur de faire une connerie. Parce qu'il était là. Beau et sexy avec ses boucles qui dégoulinaient le long de son front. Parce que je ne supportais pas cette proximité entre nous. Parce que l'envie était bien trop grande.

Il m'avait attendu. Comme il l'avait si bien dit.

Alors c'est moi qui m'avance, et qui attrape son visage entre mes doigts pour venir poser mes lèvres sur les siennes. C'est moi qui fait le premier pas, mais c'est lui qui empoigne mes hanches en second temps. Je sursaute à ce contact, et m'agrippe au col de son manteau. Il enroule ses deux bras autour de mon corps et me fait reculer vers la porte.

- J'en avais marre de parler tout seul. dit-il entre deux baisers.

Je souris contre ses lèvres et viens le coller un peu plus à moi.

La proximité que je ne supportais pas, Ruggero Pasquarelli ne la supportait pas non plus.

^^

Fin.

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