Le départ
Je claque la porte de la résidence, et dévale les escaliers déjà inondés par l'averse qui tombait sur Buenos Aires. Je passe l'allée terreuse située dans la longévité de l'immense demeure, puis rejoins le portail assez prestement. J'ouvre manuellement la grille de fer, froide et trempée, et continue ma course le plus rapidement possible sur le goudron mouillé du trottoir qui longe l'espace vert de la propriété. J'ai les yeux mouillés et les joues scintillantes, mais ce n'est pas la pluie qui s'écrase sur mon visage ou la chaleur lourde de cette soirée qui s'abat sur moi. Ce sont juste mes larmes et mes pleurs qui se mélangent avec l'adrénaline de cette nouvelle, mon coeur bat à tout rompre à l'idée d'arriver trop tard. Cela me paraissait de plus en plus fou à mesure que j'approchais du lieu. Et si tout ça ne servait à rien ? Si, traverser la route alors qu'une paire de fars me brouillait la vue, être à la limite de me ramasser chaque secondes de cette course folle, à vouloir courir en talons aiguilles sous un torrent de pluie, gravir le froid en robe de soirée légère, ne me servait à rien à part peut-être m'humilier ? En fait, que le résultat de toute cette mascarade ne réussisse pas était peut-être le dernier de mes soucis. J'avais en premier temps le besoin et l'envie de lui dire ce que j'avais sur le coeur, de lui révéler ce que je pouvais ressentir. Je ne sais pas si cet acte, aussi petit soit-il, pourra lui prouver ma sincérité envers lui, mais je tente quand même.
J'ai passé la grande avenue, après une bonne dizaines de minutes à avoir tracé mon chemin jusqu'ici. J'ai parcouru le parking extérieur de l'aéroport, j'ai esquivé et bousculé de nombreux voyageurs avant d'entrer dans le grand hall et de me mettre au sec. Je sent l'humidité de mes boucles tomber en cascade sur mes joues ainsi que sur mes omoplates, j'essuie d'un revers de main l'eau sur mon visage, mon regard épis à présent tous les alentours à la recherche d'une seule et même personne. J'essaye tant bien que mal d'apercevoir une silhouette familière au milieu de cet épais brouillard de monde.
J'arrive à me fendre un chemin entre les vacanciers et leurs nombre abondant de bagages qu'ils pouvaient posséder, l'un de mes talons à même faillit flancher, mais c'est ma cheville qui a prit. Je me redresse en grimaçant, il ne manquait plus que l'un de mes pieds me lâche et que je me retrouve en plein milieu d'une masse de personnes complètement inconnues.
- Quels talons de merde, m'injuriais-je
La douleur me tiraillait le pied, mais je ne pouvais pas me permettre de m'arrêter ainsi, l'avion n'est peut-être pas encore parti et je me dois de continuer au mieux mes recherches dans ce vaste endroit bourré de monde. Je tourne en rond depuis au moins un quart d'heure, sans vraiment savoir dans quelle direction me diriger ou par où regarder.
Une première annonce résonne dans tout le bâtiment en direction de Miami, plusieurs personnes se dirigent vers leur zone d'embarquement respectif et tout d'un coup la salle semble plus épurée. Je scrute plus facilement les alentours malheureusement en vain, il n'est pas sur une chaise dans la zone d'attente, ni dans la queue pour enregistrer ses valises et les boutiques touristiques sont presque vides. Mon dernier espoir était de consulter les panneaux d'affichages pour les vols à venir.
Buenos Aires —> Italie, Milan : 21h20
Je tourne la tête sur l'horloge murale de l'aéroport, ayant aucune idée de l'heure qu'il pouvait être. Les grandes aiguilles noires indiquent vingt et une heures seize, mon coeur se mit a taper contre ma cage thoracique. C'est de la folie, je n'y serais jamais me criait ma conscience.
Les mains tremblantes et le visage soucieux, je traverse le hall en courant sous les regards plus ou moins étonnés des passants. Je me précite vers les escalators que je dévale en bousculant quelques couples avec leur enfants, avant même que la machine n'ait eu le temps de m'amener jusqu'en haut. Je regarde les plusieurs panneaux d'affichages et me dirige vers le quai 8 précipitamment, une queue monstre défilait devant moi. Je reste un long moment à la grande vitre de l'aéroport, observant chaque personne de la longue file de gens qui s'étendait devant moi. Je ne le vis pas. Je consulte une seconde fois l'un des panneaux numérique, cinq minutes étaient passées depuis, mais le vol semble avoir comme d'habitude un peu de retard. En lissant le tissu de ma robe, anxieuse, je pars en courant vers les portes coulissantes qui amènent à l'extérieur. Je rejoins la file et mon coeur rate un battement, je l'aperçut sortir de là où je venais, la tête plongée sur son téléphone, un gobelet Starbucks à la main, l'air totalement innocent. Pendant un instant, le simple fait de l'avoir vu m'a apaisé, je n'étais même plus sure de vouloir aller l'importuner au risque de m'humilier devant lui. Alors, stoppée dans mon élan, je resta sur le carreau en l'observant s'avancer de loin, dois-je vraiment essayer de le retenir ? Jusque là, j'étais persuadée qu'il fallait que je le fasse, que je lui dise ce que je m'interdisais de ressentir depuis quelques mois, que je lui dise que finalement j'avais besoin de lui, ici, à Buenos Aires. Mais c'était comme s'il me rendait nerveuse. Je n'étais plus sure de vouloir le faire, et pourtant j'en mourrais d'envie. J'étais paralysée, mon coeur crépitait contre ma poitrine comme un appel à aller le voir avant qu'il ne soit trop tard. Tu vas le regretter me criait ma conscience, lorsque ses pieds franchiront la porte de cet avion tout sera fichu.
Je pris mon courage à deux main, et m'avança vers lui n'ayant aucun contrôle sur mon corps. Mes jambes avancent mais, je n'ai pas la moindre idée de ce que j'allais lui dire.
- Matteo ! l'interpellais-je de loin.
Il tourne sa tête en ma direction et affiche une mine très étonnée lorsqu'il se rend compte que je suis en face de lui. Je le regarde, le suppliant de m'accorder quelques petites minutes avec lui avant qu'il ne franchise ces portes, mais il restait seulement deux couples avant son passage.
Il questionne son père du regard qui acquiesce en lui tapotant l'épaule, Matteo lui tend son gobelet et s'empresse de me rejoindre pour éviter de perdre plus de temps.
- Luna ?
J'ai quelques minutes à peine si je veux avoir l'occasion de lui dire tout ce dont j'ai besoin. Il est devant moi en train de s'impatienter, du coin de l'œil je pouvais voir son père monter une marche de plus de l'avion, mon rythme cardiaque est irrégulier et les secondes tournent à une vitesse folle.
- Bon qu'est-ce qui t'arrives ? s'impatiente-t-il en consultant sa montre.
Je n'arrive pas à le regarder droit dans les yeux, il me rend nerveuse. Je baisse mon regard sur mes deux mains que je persiste à triturer sans but précis, j'admire le ciel, ou encore la file de voyageurs qui diminue de plus en plus devant nous. Je regarde tout, sauf lui, j'y arrive pas. Il me cloue le bec. Cependant, avec un élan de courage j'arrive à sortir quelques mots.
- Matteo pars pas je t'en supplie
Une minute de silence se fit entendre entre nous malgré le brouhaha des voyageurs en fond. Il devait être surprit par ma soudaine pulsion, pourquoi vouloir le retenir ? Et pourquoi prendre les devants maintenant ?
- Pourquoi ? demande-t-il quand même.
- J'ai besoin de toi ici, à Buenos Aires.
- Non t'as pas besoin de moi, tu as Simon et tous tes amis ici Luna.
Il est déterminé à quitter la terre argentine avec son père. Rien ne le retient vraiment ici, il a terminé ses études, il n'a pas de petite amie, son meilleur ami avait déménagé pour rejoindre l'université de ses rêves et le Jam&Roller n'est pas au goût du jour.
Une boule se forme dans ma gorge lorsque je pris en considération ce qui allait se produire dans les prochaines minutes. Matteo allait quitter Buenos Aires pour toujours. Le mec que tu as percuté il y a un an au Mexique, que tu n'as pas pu encadrer durant des mois, le roi de la piste si imbu de sa personne soit-il, celui qui t'en fais voir de toutes les couleurs va quitter la ville. Il m'a peut-être fallut ça pour me rendre compte à quel point il manquerait à ma vie maintenant que je l'ai rencontré. Rien ne serait pareil sans lui, lorsque j'arriverai au Roller personne ne sera là pour me rappeler combien de fois je tombe sur la piste, personne ne sera là pour me remonter le moral avec une danse, et personne ne m'amènera faire un tour au parc quand je m'ennuierais. Ou alors personne ne le fera aussi bien que lui. Il fallait que j'essaye de le retenir, même si ça pouvait paraître égoïste.
- Non, Matteo s'il te plaît...dis-je éplorée.
Je vis son visage s'attendrir, il plaça l'une de ses mains sur ma joue et essaya de capter mon regard presque en vain.
- Luna, tout va bien se passer ici pour toi, t'es bien entourée, et puis, je ne m'en fais pas pour ton futur tu as toujours su te débrouiller pour atteindre des sommets.
Sa voix était douce et bienveillante, mais ce n'était pas la réponse que j'attendais. Mon futur ne pouvait pas être meilleur si notre roi de la piste nous quittait comme ça. Personne n'avait envie de le voir partir, pas maintenant et pas comme ça, alors qu'il pouvait avoir un avenir ici.
- J'ai atteint ces sommets quand tu étais là...
Je le sens coller son front au mien avec la plus grande délicatesse du monde.
- Tu y arriveras sans moi. souffle-t-il.
- Mais on forme une équipe. je me détache, et plante mon regard dans le sien. Matteo je ne peux pas réussir si tu n'es pas à mes côtés.
- Si, tu y arriveras même mieux...
- Non ! je le coupe dans son élan. On avait dit qu'on se quitterait pas, tu m'as dit qu'on ne pouvait pas être meilleurs sans l'autre...dis-je attristée.
Il se pince les lèvres, et baisse son regard vers le sol.
- Mais je ne peux pas continuer comme ça avec toi Luna. avoue-t-il.
Je vis son père retirer les deux billets de sa poche, le dernier couple entre dans l'avion et son tour était pour dans quelques secondes.
Je me suis promis de venir ici pour lui avouer, et que je ne le laisserais pas partir sans l'avoir fait. Même si ça me fous la trouille et que je ne suis pas sure d'avoir un retour positif, tant pis, il faut que je le fasse.
- Mais moi je t'aime. susurrais-je en regardant mes pieds.
Je le vis relever la tête du coin de l'œil, me regarder intensément et reprendre ma joue pour me faire regarder devant moi.
- Tu quoi ?
Mon regard encré dans le sien, je pouvais sentir mon coeur battre contre ma cage thoracique prêt à en bondir.
- Je t'aime..
Soudain, un long et tendre sourire s'étend sur ses lèvres, son visage est illuminé d'une lueur que je ne connaissais pas encore chez lui. Son pouce se mit à caresser ma peau, son autre main est venue à l'encontre de ma joue avant qu'il ne s'approche de moi pour déposer délicatement ses lèvres contre les miennes. C'est alors notre énième baiser, mais l'explosion au creux de mon ventre est restée intacte depuis le premier jour.
***
Fin
Hello hello !
J'espère que vous allez bien et que votre déconfinement s'est bien passé.
Petit one shot, pas folichon je vous l'accorde:/ Mais j'espère qu'il vous aura tout de même plu :)
Dites moi ce que vous en avez pensé en commentaire :)
Bizouuu ❤️
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