huit clos 2

partie 2

- Matteo... c'est une blague, non ?

Je le regarde, le souffle court. Lui, avance déjà, sans la moindre hésitation, avec ce regard malicieux qui lui est propre.

- T'as peur de ça, Valente ?

Il braque la lampe torche dans l'ouverture, la lumière qui vacille, projetant des ombres déformées sur les murs en béton. L'endroit semble à la fois lugubre et... intrigant. Une porte derrière un mur. Pas vraiment le genre de décor auquel on s'attend quand on se perd dans une réserve d'une résidence, non ?

Je croise les bras, la nervosité bien installée dans ma poitrine. Pourtant, je n'arrive pas à détacher mes yeux du couloir qui s'étend devant nous. Une part de moi a envie de fuir, mais une autre... est attirée par ce mystère, ce frisson qui remonte le long de ma colonne vertébrale.

- Qu'est-ce que tu fais, là ?

Je vois Matteo hésiter un instant. C'est rare. Peut-être que lui aussi ressent cette étrange sensation de danger. Mais non, il reprend sa marche, ses pas résonnant dans l'espace clos.

- On y va ou on attend qu'un autre carton de balais te tombe sur la tête ?

Sa voix dédramatise un peu l'instant. Comme d'habitude, Matteo semble avoir une capacité à rendre tout plus léger. Pourtant, je ne suis pas certaine qu'il ait saisi l'ampleur de la situation. Ce passage, c'est pas juste un petit détour par un couloir poussiéreux, c'est un mystère bien plus grand que lui, et ça me donne froid dans le dos.

Je ne peux pas rester là. Pas sans savoir ce qu'il y a derrière cette porte secrète. C'est comme si le décor lui-même m'appelait. Mais... Matteo a l'air d'être tout sauf effrayé. À croire qu'il a fait le tour de tous les pièges avant nous.

Je le suis malgré moi, mes pas résonnant derrière lui, tout en serrant les dents. Le néon clignote à peine derrière nous, comme une ultime mise en garde. Et pourtant, chaque pas que nous faisons nous rapproche de l'inconnu.

Je sens mon cœur battre dans ma gorge alors que Matteo avance dans le tunnel, la lampe torche dans une main, l'autre libre mais proche de l'ouverture. Je fais une pause, l'adrénaline me saisissant, mais je n'ai pas vraiment le choix. Je ne peux pas rester là à attendre que quelque chose de mauvais arrive. Si je veux savoir ce qui se cache derrière ce passage, il va falloir que je suive Matteo.

Je prends une inspiration et me glisse derrière lui, mais l'obscurité me rattrape presque instantanément. Le noir est total, si épais qu'on dirait qu'il me broie. Ma main attrape aussitôt le bas de son t-shirt, serrant le tissu entre mes doigts, comme une bouée de sauvetage.

- T'as peur, Valente ? me taquine-t-il sans se retourner.

Je ne réponds pas, mais je sens mes pieds hésiter sur le sol, les murs autour de moi me donnant l'impression de se refermer. Le fait que je sois derrière lui ne m'apporte aucune forme de sécurité. Bien au contraire. Il avance calmement, presque trop tranquillement.

- Eh bien, qu'est-ce qui t'arrive ? Ça t'ennuierait de me laisser un peu d'espace ?

J'acquiesce, mais je ne lâche pas son t-shirt. Il finit par se moquer doucement :

- Si tu me colle encore tu vas me marcher sur les pieds, Valente.

Je me mord la lèvre, gênée, mais je serre encore un peu plus le tissu.

- Silence, Indiana Jones. Si tu veux pas que je te transforme en momie, c'est maintenant qu'il faut garder ton calme.

Il ricane, mais c'est plus pour se moquer de moi que pour me rassurer. Je ferme les yeux un instant, essayant de dominer la panique, puis je rouvre les yeux. Le tunnel s'élargit, mais il reste aussi sinistre. J'ai l'impression que chaque bruit résonne contre les murs étroits. Je suis sur le point de lui dire quelque chose lorsque je sens une pression sur mon poignet. Matteo se fige.

- C'est quoi ce bruit ?

Le vent froid souffle dans le tunnel. Mes cheveux se hérissent à la base de mon cou, mais je n'ai pas le courage de lâcher sa main. Ce tunnel, cette obscurité, tout me donne l'impression que la situation échappe à tout contrôle. Mais Matteo avance encore, sans hésiter, un rictus d'amusement visible sur ses lèvres.

- Eh bien, tu t'es encore accrochée à mon t-shirt ? T'es vraiment attachée à moi, non ?

Je n'ai pas envie de lui répondre. De toute façon, il sait très bien que c'est la peur qui me fait agir ainsi.

Mais soudainement, il ralentit, et je vois une lueur étrange dans ses yeux. On dirait qu'il entend quelque chose, ou peut-être qu'il sent quelque chose qui m'échappe. Je me rapproche un peu plus de lui, une étrange tension m'envahit.

Sauf que, avant que je ne puisse formuler une pensée, une porte métallique se ferme brusquement devant nous, dans un grincement affreusement bruyant, et le silence retombe.

La lumière de la lampe torche vacille légèrement, projetant des ombres mouvantes sur les murs poussiéreux du passage secret.

Je lance un regard à Matteo, qui tient fermement la lampe, son expression plus sérieuse qu'à l'ordinaire. Il n'a plus son sourire moqueur, et ça, c'est presque plus inquiétant que l'obscurité qui nous entoure.

- Je rêve où tu flippes, Matteo ?

Il ricane doucement, mais son rire sonne un peu forcé.

- Je t'en prie, Valente. C'est pas quelques vieilles pierres et une odeur de renfermé qui vont me faire peur.

J'hausse un sourcil mais ne relève pas. J'ai moi-même le cœur qui bat un peu trop vite. Pas seulement parce qu'on est coincés ici, mais parce que ce lieu... me met étrangement mal à l'aise.

Le tunnel est étroit, ses murs de pierre brute sont couverts d'une fine couche de poussière. On avance lentement, nos pas résonnant légèrement sous la voûte basse. Qui aurait cru qu'un passage secret existait sous la résidence Benson ?

- Tu crois qu'on va tomber sur une crypte secrète ? ironise Matteo.

- Très drôle. J'espère surtout qu'on va tomber sur une sortie.

Mais au fond, une partie de moi sait que ce tunnel n'a pas été construit pour ça.

Et puis, au bout de quelques minutes de marche, Matteo s'arrête net devant moi.

- Attends. Regarde ça.

Il braque la lampe sur une porte en bois massive, encastrée dans la pierre. Elle est ancienne, avec des ferrures noircies par le temps. Et surtout, elle est légèrement entrouverte.

Un frisson me parcourt l'échine.

- C'est peut-être juste une autre réserve...

- Ou bien c'est le genre d'endroit où les riches planquent leurs secrets.

Il me jette un regard plein de défi avant de pousser la porte. Elle grince dans un bruit sinistre.

Nous entrons.

La pièce est plus grande que je l'aurais cru. Des étagères bordent les murs, remplies de boîtes en bois et en métal. Au centre, une table couverte de vieux dossiers et de lettres jaunies. Sur l'un des murs, un immense tableau encadré attire mon regard.

C'est un arbre généalogique.

Je m'avance lentement, mes doigts effleurant le cadre poussiéreux.

Mon nom y est inscrit.

Sol Benson. Juste en dessous de celui de mes parents.

Mes jambes flanchent légèrement.

- Matteo...

Il s'approche, suivant mon regard. Un silence s'installe.

- C'est... toi, ça ?

Je hoche lentement la tête. Je le savais déjà, du moins en partie. Mais voir ça, ici, dans un endroit aussi secret, me paraît juste très bizarre.

Comme si, cette pièce avait été créer pour renfermer les secrets de ma famille.

Puis Matteo plisse les yeux et pointe un autre document, posé sur une table, juste en dessous de ce tableau.

- Mais Luna, c'est des documents sur ta famille ?

Tout me paraît étrange, comme si je pouvais découvrir des tas d'autres choses, alors que je suis persuadée que mon grand-père m'a racontait tout ce que je devais savoir.

Je ravale ma salive, mon cœur battant à un rythme effréné. Je n'ai pas le temps d'y réfléchir davantage.

Un bruit sourd résonne au loin.

Je sursaute, et Matteo attrape immédiatement mon poignet.

Je me fige, mes muscles se tendent immédiatement.

Matteo l'a entendu aussi. Il me jette un regard et je devine, à la raideur de son corps, qu'il est sur le qui-vive.

Un second bruit, plus proche cette fois. Un grincement léger. Comme une porte qu'on referme lentement.

L'air devient plus épais, plus pesant.

Puis une voix grave, rauque, fend le silence :

- Il y a quelqu'un ?

C'est Rey.

Je sens mon estomac se tordre.

Matteo attrape mon bras dans un réflexe et éteint immédiatement la lampe torche. L'obscurité engloutit tout autour de nous, me laissant aveugle.

Je retiens un hoquet de panique. Mon cœur tambourine si fort que j'ai l'impression que la personne qui vient d'entrer peut l'entendre.

Matteo serre un peu plus mon poignet. Il cherche une issue, une cachette, mais dans ce noir complet, c'est impossible de se repérer.

Les pas résonnent sur le sol en pierre, lents, méthodiques.

- Je sais qu'il y a quelqu'un...

Le sang quitte mon visage.

On est foutus.

Matteo me tire doucement par le bras, avançant à l'aveugle. Ma respiration est trop rapide, mes mouvements trop maladroits. Je bute contre quelque chose et manque de trébucher, mais il me rattrape de justesse.

Un bruit métallique. Comme si la personne venait de poser un objet sur une table.

Puis de nouveaux pas.

Proches. Trop proches.

Mes doigts s'accrochent instinctivement au bas du t-shirt de Matteo, et il se fige.

- Là, murmuré-je.

Il comprend avant moi. Il y a un espace derrière une immense étagère, étroit mais suffisant pour nous dissimuler.

Sans me lâcher, il m'entraîne avec lui dans la pénombre et me plaque doucement contre le mur. L'endroit est exigu. Trop. Mon souffle s'emmêle avec le sien alors que nous restons figés, retenant l'air dans nos poumons.

Les pas se rapprochent encore.

Rey est juste là.

Une silhouette se dessine vaguement dans l'obscurité, juste à quelques mètres de nous.

Ma main serre le tissu de Matteo plus fort.

- Qui est là ?

Je ferme les yeux un instant, priant pour qu'il s'en aille.

Un silence pesant s'installe.

Puis un soupir.

- Ces foutues vieilles portes...

Un bruit de froissement. Comme s'il regardait quelque chose sur une table.

Mon cœur bat à tout rompre. Matteo, tout près de moi, ne bouge pas d'un millimètre.

Les secondes semblent interminables.

Enfin, la silhouette recule.

Les pas s'éloignent lentement, puis disparaissent.

Un nouveau grincement. Une porte qui s'ouvre... puis qui se referme.

Le silence revient.

Je reste figée quelques secondes de plus, mon corps collé à celui de Matteo, incapable de réaliser qu'on l'a échappé belle.

Puis je sens son souffle effleurer mon oreille.

- Je crois qu'on vient de battre un record de proximité, murmure-t-il avec amusement.

J'ouvre les yeux et croise les siens, l'éclat malicieux toujours présent malgré la tension.

- Matteo...

- Je plaisante, souffle-t-il.

Mais il ne bouge pas.

Moi non plus.

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