Huis clos

partie 1

Bien, ne deviens pas folle, Luna.

Inspire. Expire. 

Tout va bien se passer. 

Ce n'est pas parce que tu es enfermée dans une pièce avec un homme horripilant que tu dois vriller. Il y a forcément une issue. Quelqu'un va remarquer notre absence. Quelqu'un va bien finir par nous sortir de là. 

Mes doigts se glissent dans mes cheveux tandis que je fais les cent pas sur le sol froid et légèrement poussiéreux. Matteo, adossé à une étagère en métal, me suit du regard avec son éternel air suffisant.

J'ai essayé d'enfoncer la porte, de la crocheter et de taper pour que quelqu'un nous entende, mais rien n'a fonctionné.

- À mon avis, tu devrais faire un peu plus de sport. 

Je m'arrête net et le fusille du regard. 

- Pardon ? 

- Tes bras sont trop petits. Une ou deux séances de musculation, et tu arriverais sûrement à défoncer cette porte.

Je prends sur moi pour ne pas lui jeter un des cartons qui traînent à la figure. 

- Oh, crois-moi, si je devais faire un effort physique, ce serait uniquement pour t'étrangler. 

Il ricane. 

- J'adorerais voir ça. 

J'inspire profondément et détourne mon attention vers notre environnement. 

La réserve est plus grande que je ne l'avais remarqué au départ. Ce n'est pas juste un placard à balais exigu, mais un véritable stock où s'entassent des caisses et des étagères remplies de matériel. Certaines sont fermées avec des cadenas, d'autres laissent entrevoir des piles de serviettes, des cartons de bouteilles et du matériel d'entretien. 

Le néon blafard qui grésille au plafond est notre seule source de lumière. Il projette une lueur jaunâtre et tremblotante sur les murs en béton, rendant l'ambiance encore plus oppressante. 

- Bon sang... mais comment on a pu se retrouver enfermés ici ? 

- Tu es entrée la première, je t'ai suivie, et quelqu'un a refermé derrière nous, explique Matteo en haussant les épaules. 

Je me tourne brusquement vers lui. 

- Et tu n'as rien dit ? 

- J'ai cru que tu faisais exprès. 

- Pourquoi est-ce que je m'enfermerais volontairement avec toi ? 

Il sourit. 

- Parce que tu ne peux pas résister à mon charme. 

Je lève les yeux au ciel.

Je prends une profonde inspiration et détourne brusquement mon regard de lui, préférant concentrer mon énergie sur quelque chose de plus productif. Mes yeux balayent la pièce, cherchant une issue, un indice, n'importe quoi.

Je m'approche une nouvelle fois de la porte. Une porte en métal, sans poignée apparente de notre côté. Un petit hublot en hauteur, beaucoup trop étroit pour qu'on puisse y passer. Les murs sont lisses, sans la moindre prise. Génial.

- Y'a quelqu'un ?! je crie en frappant contre le métal. 

Aucune réponse. 

Derrière moi, Matteo pousse un soupir dramatique et s'assoit sur une caisse. 

- À mon avis, on est coincés pour un moment, Luna. Tu peux tourner en rond autant que tu veux, mais tant qu'on ne nous ouvre pas, on ne sortira pas.

- Merci, Einstein, c'est exactement ce dont j'avais besoin, une analyse brillante de la situation !

Je croise les bras. 

- Ils vont bien finir par remarquer qu'on a disparu. 

Car oui, à la base, on était censés être à une soirée à la résidence. Une soirée bruyante, pleine de musique et de lumières tamisées, de verres qui trinquent et de conversations animées. Mais au lieu de ça, nous voilà coincés ici, dans une réserve lugubre, coupés du monde.

Matteo hausse un sourcil.

- On parie ?

- Pardon ?

Il s'assoit sur une caisse en face de moi, l'air faussement sérieux.

- Combien de temps avant que quelqu'un remarque qu'on a disparu ?

Je le fixe.

- Quinze minutes, pas plus.

- Je dirais une heure.

Je grimace.

- Une heure ? Tu plaisantes ?

- Réfléchis. On est en pleine soirée. Les gens sont occupés, ils dansent, ils boivent, ils discutent. Personne ne va se dire immédiatement : "Tiens, où sont passés Luna et Matteo ?"

Je déteste l'admettre, mais il a raison.

Je soupire.

- Super.

Le silence s'installe, seulement interrompu par le bruit lointain de la musique, étouffé par les murs épais.

Matteo commence à fouiller dans les étagères, probablement à la recherche de quelque chose d'utile. Il tombe sur une lampe torche, l'allume, l'éteint puis la rallume à nouveau avant de l'éteindre encore. Puis de la faire tourner entre ses doigts.

- Au moins on ne mourra pas dans le noir. 

- Merci pour cette contribution précieuse, Indiana Jones. 

Il rit doucement et s'appuie contre une caisse. 

- Tu comptes vraiment rester là à râler jusqu'à ce qu'on nous trouve ? 

Je l'ignore et continue de marcher, cherchant désespérément une autre issue. Mais il n'y en a pas. 

Et puis, soudain. 

Le néon grésille plus fort. Une série de flashs nerveux, et puis— 

Plongés dans le noir. 

Un silence écrasant s'abat sur la pièce. 

Je me fige instantanément, sentant mon cœur cogner plus vite dans ma poitrine. 

- Matteo ? 

- Toujours là, Valente. 

Je l'entends bouger, puis la lueur de la lampe torche illumine vaguement la réserve. 

- Génial... comme si la situation n'était pas déjà assez flippante, je grommelle. 

- T'as peur du noir ? 

- Non, mais j'ai pas envie de me retrouver coincée ici avec toi et des rats. 

- Y'en a quand même un sur deux plus agréable que l'autre. 

- Non, vous êtes au même niveau.

Je sursaute en entendant un bruit sourd quelque part dans la réserve. 

Un craquement. 

Un objet qui tombe. 

Mes yeux s'agrandissent. 

- C'était quoi, ça ? 

Matteo braque la lampe torche vers l'origine du bruit, mais tout ce que nous voyons, ce sont des ombres projetées sur les étagères. 

- Probablement un carton qui s'est renversé, dit-il calmement. 

Je secoue la tête. 

- Non, j'ai entendu un bruit avant. Comme si... comme si quelque chose bougeait. 

Il arque un sourcil. 

- Comme un fantôme ? 

Je lui lance un regard noir. 

- Ce n'est pas drôle, Matteo. 

- Relax, y'a rien ici à part nous. 

Je n'ai pas le temps de répondre qu'un nouveau bruit retentit. Un frôlement. Un son à peine perceptible, mais suffisant pour que mon instinct de survie se déclenche en mode panique totale. 

Sans réfléchir, je bondis en avant et me jette sur Matteo, agrippant son bras et tirant sur son t-shirt avec une force désespérée. 

- Oh putain, c'est quoi ce truc ?! 

Je sens son torse se contracter sous mon élan soudain. Il est figé une seconde, puis éclate de rire. 

- Attends, attends... tu viens de ME sauter dessus ? 

- Matteo, ce n'est PAS le moment ! 

- Je crois que je vais pouvoir me racheter un t-shirt là Luna.

Je me raccroche à lui sans la moindre honte, l'adrénaline battant dans mes veines. Il est grand, musclé, et à cet instant précis, je décide qu'il fera un bouclier humain très efficace.

- Luna, détends-toi. 

- Détends-toi ?! Il y a quelque chose ici ! 

Il braque de nouveau la lampe torche, et cette fois, la lumière révèle... 

... un balai tombé au sol. 

Silence. 

Je réalise lentement ce que ça signifie. 

Je suis littéralement accrochée à Matteo comme une liane, mon visage enfoui contre son torse, parce qu'un putain de balai est tombé. 

Il prend une grande inspiration et je sens ses épaules trembler. 

- Ne. Dis. Rien. 

Explosion de rire. 

- Putain, Luna, c'est magnifique. 

Je me détache brusquement et lui assène une tape sur le bras. 

- Matteo ! 

- Je suis désolé, mais c'était absolument mémorable. 

Je croise les bras, mortifiée. 

Il reprend son souffle, essuyant une larme au coin de son œil. 

- Bon, maintenant qu'on sait que les balais ne nous attaqueront pas, on fait quoi ? 

Je lève les yeux au ciel, essayant d'ignorer la chaleur qui me monte aux joues. 
Je prends une profonde inspiration et me masse les tempes, essayant d'ignorer l'envie grandissante de l'étrangler avec le manche du balai en question.

- Ce qu'on fait ? On trouve un moyen de sortir d'ici avant que je ne sois accusée de meurtre avec préméditation.

Matteo secoue la tête, un sourire toujours vissé sur les lèvres.

- T'as vraiment un problème avec moi, Valente.

- Quelle perspicacité, Matteo, vraiment, t'as loupé ta vocation.

Je tourne les talons et commence à fouiller moi aussi parmi les étagères. Il y a bien quelque chose ici qui pourrait nous aider, non ? Une clé, un tournevis, n'importe quoi. Mais rien. Juste des cartons, des balais traîtres et... des bouteilles.

Je plisse les yeux et attrape l'une d'elles.

- Attends une seconde... C'est du champagne ?

Matteo lève la tête et fronce les sourcils.

- Tu plaisantes ?

Je secoue la tête et lui tends la bouteille sous la lumière de la lampe torche. L'étiquette dorée brille faiblement.

- C'est pas juste du champagne, c'est du Dom Pérignon.

Matteo siffle doucement.

- Putain, ils stockent les bonnes choses ici.

- Tu crois qu'on pourrait s'en servir ?

- Pour sortir d'ici ? À moins que tu sois capable d'ouvrir une serrure avec des bulles, je vois pas comment.

Il attrape une autre bouteille et la fait tourner dans sa main.

- Mais pour patienter, en revanche...

Je lève un sourcil, sceptique.

- Attends, tu veux sérieusement qu'on boive du champagne pendant qu'on est coincés ici ?

- T'as une meilleure idée ?

Je soupire et m'assieds sur une caisse, croisant les bras.

- Honnêtement ? Non.

Matteo ne se fait pas prier. Il débouche habilement la bouteille avec un tire bouchon trouvé dans un couteau suisse sur une étagère (décidément, on trouve de tout ici, sauf une foutue clé) et me tend le goulot.

Je le fixe, hésitante, puis, après un court instant, je hausse les épaules et bois une gorgée.

- Si quelqu'un nous trouve et voit qu'on a entamé une bouteille de Dom Pérignon, on va se faire massacrer.

- Seulement si on se fait prendre.

Je lui rends la bouteille et il boit à son tour, un sourire amusé sur le visage.

- Tu sais quoi, Valente ?

- Hm ?

- Si on n'était pas coincés dans une réserve sombre et poussiéreuse, je pourrais presque dire que c'est un moment sympa.

Je le regarde, un peu surprise. Son ton est léger, mais il y a une sincérité inattendue dans sa voix. Je détourne les yeux et prends une nouvelle gorgée.

- T'as raison, presque.

Un silence confortable s'installe. Pour la première fois depuis qu'on est enfermés ici, je me sens un peu moins agacée par sa présence.

Mais bien sûr, c'était trop beau pour durer.

Un *clac* retentit soudainement, suivi d'un grésillement électrique.

Puis, un bruit étrange. Comme un vrombissement, ou un mécanisme qui s'enclenche.

Je me fige.

- Matteo... tu as entendu ça ?

Il repose lentement la bouteille et hoche la tête.

- Ouais... et j'ai un très mauvais pressentiment.

Un autre bruit se fait entendre, cette fois plus fort, plus proche. Comme si quelque chose était en train de bouger derrière un mur.

- Ok, là, je flippe, murmuré-je.

Matteo se lève lentement, scrutant la pièce.

- C'est peut-être juste...

Il ne termine pas sa phrase.

Parce que, juste à ce moment-là, une partie du mur du fond... commence à s'ouvrir.

Un panneau métallique coulisse lentement, révélant un passage sombre derrière.

Je me tourne lentement vers Matteo, les yeux écarquillés.

- T'as trouvé une sortie, on dirait, dit-il doucement.

- Ou une entrée vers un putain de film d'horreur.

Nous restons figés quelques secondes, le silence pesant entre nous.

Puis, sans prévenir, Matteo attrape la lampe torche et se dirige vers l'ouverture.

- Attends ! Qu'est-ce que tu fais ?!

- Bah, on va voir ce qu'il y a derrière.

- Et si c'était un piège ?!

Il me lance un regard amusé.

- T'as vu trop de films, Valente.

Je serre les dents, mais le suis quand même, le cœur battant à tout rompre.

- Si on meurt, je te hanterai.

Il rit doucement et passe le premier dans l'ouverture.

Je prends une dernière gorgée de champagne pour me donner du courage...

Puis je le suis.

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