Chambre 14

partie 2

Je poursuis ma démarche d'un pas assuré, me retournant légèrement pour lui adresser un signe de la main, un sourire au coin des lèvres.

- Viens ! dis-je en descendant les marches d'un pas léger, portée par l'excitation du moment.

Il me suit en courant, son énergie vibrant dans l'air, et nous nous arrêtons devant le bar en contrebas. L'ambiance est électrique, les lumières tamisées se mêlent aux néons colorés qui clignotent au rythme de la musique. La foule, compacte et animée, danse, rit, vit pleinement cette nuit parisienne qui semble ne jamais vouloir s'éteindre.

Je me faufile habilement entre les corps en mouvement, esquivant les conversations et les éclats de rire, jusqu'à atteindre le comptoir. Mes doigts effleurent la surface fraîche du bar alors que je me penche légèrement, captant l'attention du barman dans ce chaos.

L'odeur du citron, du gin et de l'alcool sucré flotte dans l'air, me plongeant encore plus dans cette atmosphère enivrante.

- Deux shot de vodka s'il vous plaît.

Il hoche la tête tandis que Matteo me regarde, clairement incrédule. Le barman me tend les deux verres avec un sourire en coin et, dans un geste assuré, m'adresse un clin d'œil avant de s'appuyer sur le bar pour réduire la distance entre nous.

- Ça te fera cinq euros, ma belle

Je tourne le regard vers Matteo, qui me dévisage avec une petite lueur de reproche. Il se rapproche alors et dépose un billet sur le comptoir. Le barman se redresse, un peu surpris.

- Le surnom n'était pas nécessaire dit Matteo, d'un ton mi-amusé, mi-sérieux.

Il se tourne vers moi et attrape son verre, puis me regarde. Je lève un sourcil.

- La jalousie fait aussi partie du rôle du valentin ?

- Bien sur, mon rôle est complet ce soir. dit-il en souriant, un petit rire s'échappant de ses lèvres. Cul sec ?

Je hoche la tête comme pour accepter sa proposition.

- Cul sec !

Nos bras s'entrelacent, un sourire complice aux lèvres. D'un geste synchronisé, nous portons nos verres à nos lèvres, et le liquide brûlant glisse le long de nos gorges.

Dans un claquement sonore, nos verres retrouvent le comptoir, mais je n'ai pas le temps de reprendre mon souffle. Matteo attrape ma main et m'entraîne avec une énergie débordante au cœur de la foule. Les basses résonnent sous nos pieds, les lumières dansent sur les visages et l'air chargé d'excitation vibre autour de nous.

- Qu'est-ce que tu fais ? Je crie au milieu des gens qui nous écrasent.

- On va danser !

Nous nous retrouvons pris au piège au milieu d'une masse de corps en mouvement, bercés par les basses qui résonnent jusque dans nos poitrines. L'air est chargé de chaleur, de musique et d'euphorie. Au-dessus de nos têtes, des centaines de ballons en forme de cœur flottent, bousculés par les courants d'air et les lumières colorées qui clignotent en rythme.

Je grimace lorsqu'un inconnu se fraie un passage à travers la foule et pose sa main sur mes hanches pour m'écarter. Avant que je n'aie le temps de réagir, Matteo m'attire brusquement à lui, réduisant l'espace entre nous à néant. Nos corps se collent instinctivement, et une tension nouvelle s'infiltre entre nous.

Le DJ enchaîne sur une transition parfaite, puis la musique change. Le moment s'étire, suspendu dans l'air saturé d'électricité.

On se regarde, ma main en guise de micro, le bar entier chante.

Birds flying high, you know how I feel
Sun in the sky, you know how I feel
Breeze drifting' on by, you know I feel

Nos regards se croisent.

Je tends mon « micro » à Matteo.

It's a new dawn

Je reprends le micro.

It's a new day
It's a new life for me, yeah
It's a new dawn
It's a new day
It's a new life for me, ooh

Nos regards s'accrochent une nouvelle fois, et Matteo m'adresse un sourire en coin, chargé de sous-entendus.

Un frisson me traverse, une étincelle éclate dans mes yeux.

Portée par l'ambiance envoûtante, je pose ma main sur son torse d'un geste théâtral, mes doigts glissent légèrement sur le tissu de sa chemise. Autour de nous, la musique pulse, envoûtante, hypnotique. Le monde s'efface, et il ne reste plus que nous, bercés par les notes et l'électricité qui crépite entre nos peaux.

And I'm feeling good

Et, comme 90 % des filles du bar, je me laisse porter par le rythme envoûtant du jazz.

L'air sensuel de Feeling Good s'élève dans l'atmosphère surchauffée, les basses vibrant jusque dans ma cage thoracique. Les lumières tamisées projettent des ombres mouvantes sur les murs, accentuant l'ambiance feutrée et électrique du moment.

Au son du refrain, je fléchis lentement les genoux, laissant mon corps onduler avec la musique. Ma main effleure son torse dans une descente mesurée, frôlant le tissu avant que je ne me redresse, un éclat amusé dans le regard.

Autour de nous, les conversations s'estompent, comme si la scène se jouait à huis clos. Matteo ne me quitte pas des yeux, et son sourire en coin en dit long.

Fish in the sea, you know how I feel
River running free, you know how I feel

La musique continue, les basses résonnent encore dans mon corps tandis que le shot d'alcool commence doucement à se diffuser dans mes veines.

- On reprend un shot avant de partir ? me lance Matteo.

J'hésite une seconde avant de hausser les épaules, mais il n'attend pas ma réponse et m'attrape déjà par le bras pour me ramener vers le bar. Le liquide brûle une nouvelle fois ma gorge, et cette fois, l'ivresse se fait plus présente, plus légère, plus insouciante.

Matteo me fixe un instant, puis jette un coup d'œil complice au barman avant de prendre mon verre du bout des doigts. Un sourire en coin étire ses lèvres, et d'un geste rapide, il repose brusquement les shots sur le comptoir avant d'attraper ma main et de partir en courant.

- Matteo, mais qu'est-ce que... ?

Je n'ai même pas le temps de finir ma phrase qu'il m'entraîne déjà à travers la foule. Un hoquet de surprise s'échappe de mes lèvres, et ma cheville se tord presque sous cette course improvisée. L'air frais s'écrase contre mon visage en sortant, contrastant avec la chaleur du bar, tandis que, derrière nous, la voix du barman s'élève dans un mélange d'injures, perdu au milieu des rires et de la musique qui déborde de l'établissement.

Je n'ai pas le temps de demander à Matteo ce qu'il fait, le serveur nous poursuit et je n'ai pas d'argent sur moi.

Alors, je cours.

Sauf qu'avec mes talons, je ne vais pas aller bien loin.

Alors, sans réfléchir, portée par l'adrénaline qui pulse dans mon ventre, je me défais de mes chaussures et prends la fuite pieds nus sur le pavé froid.

Matteo est toujours devant, mais je commence à le rattraper. La fatigue, l'alcool et l'excitation de cette course volée me secouent d'un rire incontrôlable. Ça me ralentit, mais c'est plus fort que moi.

- Matteo, t'es complètement fou ! je crie entre deux éclats de rire, toujours en pleine course.

Et lui, il ne fait que rire encore plus fort.

Son rire résonne encore, porté par la brise nocturne qui s'entrechoque contre nos corps essoufflés. Derrière nous, plus aucune trace du barman. Matteo ralentit avant de s'arrêter près d'un banc, en plein milieu d'une pelouse, avec la Tour Eiffel illuminée en toile de fond.

L'herbe froide chatouille mes pieds nus tandis que mon souffle saccadé trahit la course effrénée. Sans réfléchir, je m'étale sur le banc, comme si c'était la seule chose capable de me soutenir à cet instant.

On ne dit rien. Le silence s'installe, seulement troublé par nos respirations encore désordonnées. Autour de nous, quelques passants nous jettent des regards curieux en descendant la rue. Ils doivent nous prendre pour deux fous, mais mon cerveau refuse de s'attarder sur ce détail.

Mon regard finit par glisser vers Matteo. Il est affalé sur le banc, les jambes étendues, le torse se soulevant de façon irrégulière. Ses boucles retombent sur son front, ses joues sont légèrement rougies par l'effort, et ses lèvres entrouvertes laissent passer son souffle court. Il tourne lentement la tête vers moi, et un sourire amusé se dessine sur son visage avant qu'il ne bascule sa tête en arrière, contemplant le ciel noir de Paris.

- Tu sais... Je sais pas vraiment qui t'a mise sur mon chemin, ni pourquoi, commence-t-il, sa voix encore un peu essoufflée.

Ses yeux rencontrent les miens, brillants sous les reflets dorés des réverbères.

- Mais je trouve que c'est une bonne chose.

Un sourire étire mes lèvres. Étrangement, je ressens exactement la même chose.

Cette soirée n'aura duré que quelques heures, et pourtant... elle a un goût d'éternité. Cette rencontre, aussi éphémère soit-elle, a été riche en moment joyeux.

Parce que parfois, on passe des mois, des années, à construire des relations en se fixant des règles, en érigeant des barrières invisibles, en s'interdisant des choses qui devraient être simples. On se soucie du regard de l'autre, de ce qu'il faut dire ou ne pas dire, de ce qui est convenable ou déplacé.

Mais ce soir, rien de tout ça n'a existé.

En quelques heures à peine, je suis sûre que Matteo et moi avons vécu plus d'insouciance et de spontanéité que dans certaines amitiés de plusieurs années. Juste, parce qu'on ne s'est pas soucié du regard de l'autre. Juste, parce qu'on n'a pas attendu avant d'être nous même.

Un sourire fatigué étire mes lèvres alors que mes paupières papillonnent sous l'effet de l'adrénaline retombée. Matteo laisse échapper un léger rire, les yeux toujours rivés sur la Tour Eiffel qui scintille au loin.

- Tu crois qu'on devrait rentrer ?

Sa voix est plus douce, comme si l'excitation de la soirée commençait à s'effacer pour laisser place à une certaine torpeur. Je hoche la tête en me redressant sur le banc, mes pieds nus effleurant l'herbe humide. J'attrape mes escarpins d'une main, réalisant enfin à quel point je suis épuisée.

- Aucun de nous deux ne peut prendre le volant, murmuré-je en regardant Matteo, un sourire en coin.

Il hoche la tête, déjà en train de sortir son téléphone de sa poche pour commander un Uber.

- J'ai une voiture de luxe dispo dans trois minutes. On rentre avec classe.

Je laisse échapper un rire fatigué et me lève, mes jambes légèrement engourdies par la course et l'alcool. Matteo se redresse à son tour, glissant ses mains dans les poches de son pantalon en me jetant un regard en biais. Nous quittons le champ de Mars en marchant côte à côte, dans un silence léger, bercés par le bruit lointain de la ville qui ne dort jamais.

Quand l'Uber arrive, Matteo m'ouvre la portière avec un sourire malicieux.

- Après vous, mademoiselle.

Je roule des yeux avant de m'engouffrer dans la voiture, me laissant tomber contre la banquette en cuir. Matteo me rejoint à l'intérieur et alors que le chauffeur démarre, un silence paisible s'installe. L'euphorie de la soirée laisse place à une fatigue agréable, et mes yeux se ferment presque malgré moi. Je sens ma tête basculer légèrement, puis rencontrer une surface chaude et familière.

- Tu t'endors sur moi ? souffle Matteo, amusé.

- Non... je repose juste mes yeux.

Il rit doucement, mais je ne cherche même pas à bouger. Son épaule est confortable, et sa chaleur m'apaise. Je me laisse bercer par le mouvement de la voiture, consciente que je vais devoir me lever dans quelques minutes, mais profitant de cet instant suspendu.

Quand la voiture s'arrête devant notre hôtel, Matteo me tapote doucement la cuisse pour me réveiller.

- On est arrivés, Britney.

Je me redresse difficilement, étouffant un bâillement. Matteo remercie le chauffeur pendant que je sors, remettant mes escarpins d'un geste las. La fraîcheur de la nuit me réveille un peu, et nous traversons le hall dans un silence teinté de cette douce complicité née en quelques heures.

Arrivés devant l'ascenseur, nous montons ensemble jusqu'à notre étage. Quand les portes s'ouvrent, nous nous dirigeons d'un pas lent vers ma chambre. Je m'arrête devant la porte et me tourne vers Matteo, qui m'observe, les mains dans les poches, un éclat indéchiffrable dans les yeux.

- Je crois que c'est ici que notre soirée se termine, dis-je doucement.

Il hoche la tête, un sourire en coin.

- Oui...

Mais aucun de nous ne bouge.

Il y a ce moment étrange, cette hésitation palpable. Comme si quelque chose planait entre nous, quelque chose qui ne demande qu'à être saisi. Nos regards se cherchent, s'accrochent, et je ressens un frisson me parcourir.

- Bonne nuit, Matteo.

Ma voix est plus lente, comme si, je cherchais un moyen de ralentir le temps. Je me mords l'intérieur de la joue, et puis, alors que j'amorce un mouvement vers ma porte.

- Luna, attends.

Je m'arrête instantanément et me tourne vers lui, intriguée.

Je reste confuse, les sourcils froncés, la main sur la poignée de ma porte.

Puis il fait un pas vers moi. Puis un autre.

Et quand il est suffisamment proche, sa main glisse sur ma joue, doucement.

Je ne recule pas.

Peut-être est-ce juste l'énergie de cette soirée qui refuse de s'éteindre. Ou peut-être que c'est lui, tout simplement.

Matteo s'approche encore, son regard plongé dans le mien, comme une promesse silencieuse.

Là, tout près, à portée de lèvres, il fait une pause. Ses yeux cherchent les miens une dernière fois, et avant que je puisse dire quoi que ce soit, il m'embrasse.

Le baiser est à la fois doux et brûlant, un mélange d'urgence et de tendresse, comme s'il savait, tout comme moi, que ce moment est unique. Que cette soirée serait la seule, et que dans quelques heures, elle serait probablement un souvenir de plus dans nos vies respectives.

L'instant est suspendu, hors du temps, et je me laisse emporter dans cette sensation, oubliant tout ce qui nous entoure, tout ce qui pourrait arriver ensuite.

Il rompt le baiser doucement, ses yeux fixés sur les miens. Il n'y a plus de mots à dire, pas besoin. Parce que c'est juste pour une soirée.

Une soirée, entre un valentin et une valentine improvisés.

Il prend ma main, et sans un mot de plus, il déverrouille la porte de sa suite et m'attire à l'intérieur.

Viens, me dit-il, sa voix basse.

La porte se referme doucement derrière nous, enfermant avec elle tout le reste du monde.

Ce moment, aussi improvisé et éphémère soit-il, se déroule pour la première fois de la soirée, à vive allure.

Nos lèvres se raccrochent, nos mains se dessinent. Comme si, inconsciemment, nous étions en train d'imprégner notre corps de l'empreinte de l'autre. Matteo me regarde, j'aperçois son sourire, ses mains glissent lentement le long de ma taille, me rapprochant de lui. Puis au milieu de ce chaos total, il détache ma robe. Le tissu glisse le long de mon corps. Mes talons sont abandonnés sur sa moquette, sa chemise les suit.

Les battements de mon cœur résonnent dans mes oreilles, et l'air dans la pièce semble vibrer autour de nous. Tout est plus intense maintenant, plus palpable. Mon souffle devient plus irrégulier, et l'étreinte de Matteo se fait plus pressante, comme s'il voulait me garder près de lui, comme s'il savait que, pour quelques instants, c'était tout ce que nous aurions.

Il frôle mon cou du bout de ses lèvres, chaque mouvement délibéré et pourtant désespéré, comme si le temps pouvait s'arrêter à tout moment. Je sens ses mains se poser délicatement sur ma peau, explorant sans hâte, mais avec cette tension douce qui rend chaque geste plus significatif.

La pièce autour de nous semble s'effacer, noyée dans l'intimité de ce moment suspendu. Le monde extérieur n'existe plus ; il n'y a plus que nos respirations, nos corps qui se rapprochent, se cherchent et se trouvent.

Je me perds dans ses yeux, une lueur de curiosité et de désir qui danse dans leur profondeur. C'est à la fois doux et électrique, et je me demande, dans cette fraction de seconde suspendue, si nous réaliserons un jour l'importance de ce moment.

Il me guide lentement vers le lit. Et à chaque pas, je sens cette connexion grandir, de plus en plus forte, alors que la frontière entre ce qui est voulu et ce qui est inévitable devient floue.

Tout s'effondre autour de nous, mais à cet instant, nous sommes les seuls maîtres du temps. Et peut-être que ce que nous vivons ne sera jamais qu'une étincelle, mais c'est cette étincelle qui nous consume tout entier.

Ce soir du 14 février.

~~



que pensez-vous de la relation de nos valentin & valentine improvisés préférés ?

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