Aussi rares soient-ils, il y avait bien des moments où Luffy restait assis, sans rien faire, profitant simplement d'être en vie à l'instant présent.
Et ces moments-là, il aimait les partager avec Zoro. Alors ils restaient tous les deux l'un contre l'autre, contre les bords du Sunny, à profiter du soleil et l'air marin qui fouettait leurs visages.

Aujourd'hui, ils avaient un de ces moments. Leurs amis étaient en ville pour faire des courses, et les deux hommes étaient chargés de surveiller le navire en leur absence. Zoro s'était attendu à ce que son Capitaine lui demande de jouer, mais le brun s'était contenté de se blottir contre lui en souriant. Il n'avait fais aucune remarque et l'avait seulement serré plus fort.

Ça lui faisait beaucoup de bien de l'avoir dans ses bras, vivant et aussi débordant de joie de vivre qu'à leurs débuts. Comme tout être humain normalement constitué, Luffy n'avait pas toujours été souriant. Ça lui arrivait de pleurer, de se fâcher, d'être frustré, blessé. Zoro n'aimait pas ces moments-là. Il les haïssait à vrai dire. Et en silence.

Oui, Zoro faisait beaucoup de choses en silence. Il pensait, analysait, souffrait, sans presque jamais rien dire de ce qui pouvait bien se passer dans son esprit. Les autres n'avaient pas besoin de savoir. Même s'il y en avait qui savaient, sans même son accord.

Pour certains, c'était embêtant, voire gênant. Pour d'autres, il s'en moquait. Non en fait, il n'y avait que pour Luffy qu'il s'en moquait. Le fait que son capitaine le lise si bien ne le dérangeait pas. Lui-même pouvait se vanter de le comprendre sans besoin de mots prononcés. Ils avaient un lien qu'il chérissait et chérirait jusqu'à la fin de sa vie, peu importe quand elle s'arrêtera.

C'était une décision qu'il avait prise depuis longtemps.

-Zoro...
-Hum ?
-Tu m'aimes ?
-Oui.
-Beaucoup ?
-Oui.

Doucement, le petit brun se glissa sur les genoux de son second, de sorte à être face à lui, enroulant ses bras autour de son cou.

-Qu'est-ce que tu n'aimes pas ?
-Hein ?
-Chez moi. Qu'est-ce que tu n'aimes pas chez moi ?
-Hum...je crois que j'aime tout chez toi.

Il fit glisser ses doigts le long des jambes du plus jeune, jusqu'à poser ses mains sur ses hanches.

-Ouais, je prendrai tout ce que tu me donneras.
-Tu es fou, Zoro.
-Bien sûr que je le suis. Je ne t'aurais pas rejoins, sinon.

Il ricana et se pencha en avant pour mordiller le bout du nez de Luffy, qui gonfla ses joues en boudant, avant de nicher sa tête dans le creux de l'épaule de son petit-ami.

-Tu prendrais vraiment tout ce que je te donnerai ?
-Tout.
-Même mes problèmes ?
-Tu nous impliques déjà dedans, je te rappelle.
-C'est vrai...

Luffy passa un de ses bras dans le dos de Zoro, et de l'autre, il dessina d'un doigt ses motifs imaginaires sur le torse de Zoro. Il rougit en élargissant un peu les pans de son vêtement pour avoir plus d'accès à sa peau.

-Et si j'avais...des traumatismes...et que je faisais des crises...
-Je prendrais toute ta douleur, tous tes cris et toutes tes larmes pour que tu puisses sourire à nouveau.
-Tu es romantique aujourd'hui, Zoro.
-L'instant s'y prête, mais si ça te gêne, je peux arrêter.

Le brun secoua la tête, poursuivant son exploration du torse de son compagnon. L'un des bras du Roronoa s'enroula autour de la taille du plus petit, son autre main caressant ses cheveux avec tendresse. Il pencha un peu sa tête en arrière, et un souvenir s'imposa à son esprit.

Il ne plaisantait pas en disant qu'il prendrait tout ce que Luffy avait à donner ; il l'avait déjà fait. Blessures, fatigue, tristesse : peu importait ce que c'était, il n'avait pas peur. Il voulait juste que Luffy vive, et ce n'était pas un souci s'il était le prix à payer.
Quoique, depuis les événements Marineford, il se faisait de plus en plus la remarque que sacrifier sa vie ne devait être que le dernier recours. Évidemment, c'était déjà le cas avant, mais avant qu'il ne devienne un membre des Mugiwaras, ça ne concernait que lui. S'il mourrait, c'est qu'il n'était pas en mesure d'aller plus loin. Soit, se disait-il. Maintenant, il lui fallait être capable d'aller plus loin. Parce qu'il ne pourrait pas supporter que Luffy souffre de sa perte. Ni lui, ni aucun membre de son équipage, d'ailleurs. Il doit les protéger.

-Zoro...
-Ouais ?
-Moi aussi, je veux prendre tout ce que tu as à me donner. Et...peut-être un peu plus...
-Tu dis ça comme si je pouvais te refuser quoi que ce soit.

Il prit doucement sa main et l'apporta à ses lèvres pour l'embrasser en souriant.

-C'est toi le Capitaine, après tout.
-Tu ne m'en voudras pas ?
-Non.
-Mais...si je prenais ton rêve ?
-Tu ne ferais jamais ça, Luffy. Je ne tombe pas amoureux de n'importe qui.

Le Capitaine sourit, et tira le visage de Zoro vers lui pour l'embrasser amoureusement. Le bretteur intensifia l'échange en rapprochant le petit corps du sien, heureux de le sentir contre lui.

Est-ce qu'il serait capable d'en vouloir à Luffy ? Non ; il n'y avait pas une chose qu'il ne lui donnerait pas, ou ne prendrait pas.

Même s'il lui donnait la mort, Zoro l'accepterait.