Le lendemain était un grand jour : Logan allait enfin être sauvé. Les différents binômes passaient des tests, s'affrontaient. Il fut dur de les départager : ils avaient tous atteint un niveau impressionnant pour des jeunes de leur tranche d'âge.

« Merci pour tout le travail et toute la volonté que vous avez mis dans ce projet, vous m'avez rendu fière, tous. Évidemment, il a fallu faire un choix mais sachez que vos efforts ne seront pas en vain : une guerre se prépare et vous y serez les soldats. Sans grande surprise, Ezra et Lisa vous irez sauver Lilian, vous avez une véritable osmose entre vous, votre binôme fonctionne à merveille. Félicitations. »

S'en suivis des applaudissements. Aucune jalousie n'était présente : il paraissait évident qu'ils le méritaient plus que n'importe qui. De plus, c'était un peu comme un cadeau empoisonné : rien ne leur certifiait que le plan se déroulerait comme prévu.

Ezra affichait un visage fier. Iel lui tardait de sauver son ami et iel n'avait aucun doute quant à la réussite de la mission qu'on leur confiait. Lisa, elle, n'était pas aussi confiante. Elle se doutait qu'on la cherchait, que Lilian la cherchait. Si par malheur il apprenait qu'elle était là-bas, elle reviendrait sûrement avec un énorme ventre.

La préparation fut rapide, Lisa n'avait besoin que de son couteau et Ezra de son arc et ses flèches. La mère de Lisa avait insisté pour qu'ils portent un gilet par balle, une simple sécurité disait-elle.

Au grand malheur de Lisa, il n'y eu même pas d'au revoir. Elle et Ezra furent transportés aussitôt habillés et prêts à partir. Le trajet fut silencieux, une certaine tension, un stress s'installait. Ils pourraient très bien y rester et ils le savaient.

On les déposa à environ deux kilomètres du Centre pour éviter d'être repéré par les caméras de surveillance et les gardes.

« Prête ?

-J'ai le choix ? »

Ezra afficha un sourire triste. Iel comprenait son angoisse : iel avait la même. Ainsi, ils marchèrent discrètement dans la forêt qui longeait le Centre, se dirigeant vers l'entrée secrète. C'était un miracle d'ailleurs que celle-ci n'avait pas encore été découverte et rebouchée.

« Qui passe en premier en éclaireur ?

-Je te laisse cet honneur.

-Quelle gentillesse Ezra.

-J'ai toujours été le plus courageux, pour une fois tu n'as qu'à l'être.

-Je te demande pardon ?!

-Sans ton père, on n'en serait pas là. Assume.

-Je ne savais pas que tu étais encore un gamin à me rejeter la faute comme ça. »

Énervée, Lisa plongea alors dans le tunnel et le traversa rapidement. Mais, au moment où elle ouvrit la trappe qui menait au Centre, elle fut directement maîtrisée par des gardes. Ils savaient. Ils savaient que ce passage existait.

« Lâchez-moi ! Vous me faites mal !

-Ton promis t'attend jeune fille. Laisse-nous faire notre boulot. »

De l'autre côté du grillage, Ezra regardait cette scène, impuissant. Iel était en infériorité. Même avec son arc, iel savait qu'iel n'avait aucune chance de sortir Lisa de cette situation sans y laisser sa peau. C'était peut-être égoïste, mais iel avait fui, laissant Lisa aux mains du Centre.

Iel avait couru, des larmes collant sur ses joues. Ezra était fort, iel pleurait rarement. Mais laisser sa nouvelle amie, être égoïste comme iel l'avait fait, c'était trop. Si seulement iel avait été plus courageux, iel aurait été en premier dans ce tunnel, iel se serait fait prendre, pas elle.

Ce qu'Ezra n'eût pas compris, c'était que les gardes n'en avaient rien à faire de lui : la seule et unique chose qui les intéressait était la promise du fils du président. En arrivant dans le bureau du chef de projet, les gardes avaient un énorme sourire aux lèvres : ils allaient recevoir la prime promise.

Lisa s'était débattue au début, puis elle avait abandonné : ces quelques semaines d'entraînements n'ont servi à rien face à ces géants. Cependant, maintenant qu'elle était là, elle comptait bien récupérer quelques informations, notamment l'état de santé de son père qu'elle espérait toujours en vie. Elle sentait qu'il était en vie. Ils en auraient parlé dans les journaux sinon n'est-ce pas ?

Mais elle tomba de haut en voyant que ce n'était pas son père dans ce bureau. C'était un autre homme, plus grand. Il portait un costume de haute couture et était placé de dos, regardant par la fenêtre les jeunes filles qui marchaient dans la cour.

Il y avait toujours un espoir, Lisa le savait : tant qu'il n'y avait pas de corps, il n'y avait pas de mort. Elle affichait un regard sérieux, prête à argumenter contre ce nouveau directeur.

« Lisa Brajia, tu nous as donné du fils à retorde.

-Et j'en suis particulièrement fière. »

Lisa l'entendit rire légèrement, ce qui l'agaçait particulièrement. L'homme se retourna enfin vers son interlocutrice, souriant. Il avança d'un pas léger vers elle, tendant sa main.

« Je ne me suis même pas présenté. Je suis Bernard Wilson, nouveau directeur de projet.

-Où est mon père ?

-Toutes mes condoléances.

-Je veux le voir !

-Il est au cimetière de ta ville. On s'est dit qu'il souhaitait sûrement y être enterré.

-Vous ne le connaissez-pas ! Comment avez-vous osé l'enterrer sans sa famille ! Sans moi, sans son fils, sans sa femme ?

-Au cas où tu l'es déjà oubliée, vous étiez injoignable. Et puis ton frère était là lui, il te racontera.

-Esteban est ici ?

-Oui, il fait partie de l'expérience. Sa promise est d'ailleurs déjà enceinte il me semble.

-Mais il a à peine 14 ans !

-Il s'est porté volontaire, nous avions autorisé les garçons à partir de 14 ans pour avoir le maximum de candidatures.

- 14 ans ? Mais c'est beaucoup trop tôt !

-La plupart est apte à créer la vie donc non ce n'est pas trop tôt. »

Lisa tournait à présent en rond, trainant des pieds. Trop d'informations lui avaient été données en si peu de temps. Déjà, l'espoir de revoir son père en vie avait encore diminué et en plus son petit frère de 14 ans allait devenir papa ! Comment son monde avait changé si rapidement ?

« Désolé de te couper dans tes pensées mais il est temps pour toi de faire enfin le pourquoi tu es ici.

-Vous plaisantez j'espère ?

-Lilian vous attend dans votre chambre. Soldats, s'il vous plaît, emmenez-là. »