Chapitre 1 : Un jour ordinaire


« Debout mes grosses marmottes, vous allez encore être en retard pour l'école ! » cria Mme Brajia, si fort que ses paroles se firent entendre dans chaque pièce de la maison.

Un matin ordinaire dans une famille ordinaire.

La jeune Lisa, âgée seulement d'une quinzaine d'année, ronchonnait en remettant sa tête dans son oreiller. Elle ne voulait pas se lever, ni aller dans le lycée qui lui servait de lieu de scolarisation, mais ce n'est pas comme si elle avait le choix. Alors qu'elle sortait doucement du confort de son lit, une boule de poils vint se frotter à ses jambes en miaulant légèrement, sûrement pour réclamer de la nourriture. La jeune fille caressa son chat pendant plusieurs minutes avant de se décider à changer de tenue, son pyjama n'étant pas vraiment l'idéal pour aller étudier. Elle se dirigea, encore à moitié endormie, vers son dressing. Il n'était pas très grand, mais cela lui suffisait amplement. Elle n'était pas une professionnelle de la mode – bien au contraire – elle aimait simplement se sentir belle dans de jolis vêtements.

Mais malheureusement, cette jeune fille avait un complexe qui la rongeait de l'intérieur et lui bouffait la vie : elle se trouvait plutôt grosse. Toutes ses amies étaient maigres et magnifiques, elles pourraient toutes être mannequins. Et elles recevaient pleins de compliments sur leur beauté, elles étaient aimées de tous. Lisa n'était pas pour autant détestée, ni harcelée, tout le monde était gentil avec elle, mais ce n'était pas pareil, elle avait l'impression qu'on ne lui parlait que par politesse et que personne ne l'aimait vraiment pour ce qu'elle était. Tout le monde préférait sa meilleure amie à elle, cela ne faisait aucun doute et elle en était blessée.

Elle cherchait en vain une tenue qui pourrait lui aller, elle en avait déjà essayé trois ou quatre, mais rien ne semblait lui convenir. Elle en eût rapidement assez, et enfila la tenue qu'elle avait porté le jour précédent. Le reflet que lui renvoyait le miroir lui plaisait : c'était définitivement sa tenue préférée.

Elle se dirigea ensuite vers la seconde étape de sa routine du matin : la salle de bain. Sûrement celle que Lisa déteste le plus, elle trouvait son visage aussi horrible que le reste de son corps. Il faut dire que l'adné ne l'avait pas épargné, son visage était couvert d'imperfections. Elle faisait tout pour cacher tout cela derrière des tonnes de maquillages, puis en voyant – comme chaque matin - le résultat, elle souriait et oubliait toutes ses craintes. Elle se trouvait enfin jolie.

Elle descendit ensuite les escaliers à toute vitesse pour rejoindre sa mère et son petit frère dans la cuisine pour le petit déjeuner.

« Et voilà notre petite princesse ! » S'exclama Valérie – la mère de Lisa – alors qu'elle souriait à sa fille. « Tu es magnifique comme toujours ma puce. »

Lisa ne répondit qu'avec un léger sourire, les compliments de sa mère lui faisait toujours plaisirs mais elle se disait qu'elle se sentait obligée de lui faire des compliments, il s'agit de sa mère après tout, elle ne pouvait pas la détester.

Elle se servit un jus de fruit et une biscotte en observant son frère faire le pitre avec ses céréales, bientôt, le bol fut renversé sur table avec la mine « désolé » du fautif. Lisa cacha son fou rire, bien que cela arrivait presque tous les matins, c'était toujours aussi drôle à ses yeux.

« Esteban ! Encore ? Jamais tu n'arrêteras jamais de faire des bêtises ! » Entendit-on depuis le salon.

Lisa avait directement reconnu la voix de son père, de son modèle. Il devait être en train de regarder les actualités sur leur télévision, il ne faisait que ça ces temps-ci. Lisa, après avoir posé son verre dans l'évier et fini d'engloutir sa nourriture, se dirigea vers leur salon où elle vit son paternel affalé sur le canapé encore en pyjama, un café à la main.

« Quoi de neuf ? Toujours le même problème ?

- Et oui, il faut croire que je vais encore passer ma journée sur ça ! »

M. Brajia travaillait pour le gouvernement français, il n'était pas très connu, c'est une des personnes de l'ombre. Il a été embauché par celui-ci pour gérer la plus grande crise que le monde est connu et pour l'instant, et depuis plus d'une centaine d'année, aucune solution efficace, durable et accepté par la population n'a été trouvée par aucun pays du monde, si l'on ne compte pas le continent Africain, eux n'avait pas vraiment eu à chercher. Et M. Brajia essayait sans relâche de trouver cette solution miracle.

« Essaye quand même de passer une bonne journée papa, à ce soir. »

Elle fit un bisou sur la joue de son père avant de répéter l'action sur son frère et sa mère. En attrapant son sac d'école, elle effectua un dernier signe de main à sa famille avant de sortir définitivement de la maison familiale.

Lisa et sa famille vivaient dans un quartier « mixte », un des seuls de France. Et celui-ci n'était même pas grand - une vingtaine de maisons tout au plus – bien qu'on se trouvait dans une ville autrefois habitée par plus de dix mille personnes. Rien qu'à cette pensée, Lisa s'attrista. Elle aurait tellement aimé vivre avant tout ça. Même si elle n'avait eu ni son téléphone portable, ni ses séries américaines qu'elle aime tant, elle aurait peut-être pu avoir plus que ses quelques amies de classe. Mais il en était ainsi, elle devait vivre avec.

En regardant son téléphone, elle remarqua qu'elle était déjà en retard pour le bus. Heureusement qu'elles n'étaient que deux à prendre ce véhicule autonome. Elle se mit à courir, son sac à dos se balançant de droit à gauche sur ses épaules et réussit sans difficulté à rejoindre dans les temps sa meilleure amie déjà assise à leur place favorite. Dès que Lisa eût fini de scanner sa carte par la machine, la porte se ferma et une voix se déclencha :

« Bienvenue chers passagers, vous vous trouvez à présent dans le bus qui fera le trajet du quartier mixte de la ville de Catarire au lycée et collège de la Région Centre Val de Loire. Le temps du trajet est estimé à deux heures et cinq minutes. Les ceintures de sécurités vont se refermées automatiquement dans exactement 15 secondes, veuillez lever les mains en l'air pour ne pas vous retrouver coincé durant toute la durée du trajet. »

Lisa, pendant que la voix- qu'elle connaissait par cœur maintenant – récitait son texte habituel, s'était assise à la place à côté de Candice et lui avait fait la bise. On entendit bientôt toutes les ceintures du busse refermer, toutes sauf celle de Lisa et son amie. Elles les avaient trafiquées l'année dernière, les jugeant trop serrées et inutiles. Et comme personne excepté elles ne prenait ce bus, elles étaient tranquilles.

« Nous vous remercions d'avoir choisis notre compagnie pour ce trajet et vous souhaitons un bon voyage.

- Comme si nous avions le choix, soupira Candice, c'est la seule compagnie de bus qui existe ici ! »

Lisa rigola à cette remarque, elle avait totalement raison mais personne n'avait besoin d'une autre compagnie de bus, celle-là suffisait amplement. La population française ne sortait plus puisqu'elle était presque exclusivement formée de personnes âgées. Il n'existait qu'un collège/lycée dans chaque région, donc les transports scolaires étaient primordiaux, mais peu utilisés vu qu'ils n'y avaient pas beaucoup d'étudiants. Après tout, il n'y a plus qu'environ trois cents naissances par an, dont seulement une cinquantaine voulue, les enfants se faisaient donc assez rare dans les environs.

Et puis, cette compagnie avait un avantage : il y avait le Wi-Fi dans les bus, et croyez-moi, c'est un bon argument.

« Il paraît qu'il va y avoir une nouvelle dans notre classe, annonça Candice

- On a des rumeurs sur des nouveaux chaque semaine, ne me dis pas que tu crois encore ces conneries ! Répondit Lisa, sans y croire une seule seconde.

- Non mais cette fois-ci, c'est sérieux. La proviseure en a parlé avec Alice. Elle m'a rapporté tout ce qu'elle sait : c'est la fille d'une ancienne camarade de classe de la prof de cinquième et d'après ce qu'elle m'a dit, elle est magnifique !

- Et du coup tu t'es imaginé sortira avec cette mystérieuse nouvelle élève, que vous ayez un rendez-vous amoureux, pour que vous fuguiez ensemble vers un endroit où tes parents ne pourraient pas t'attraper.

- Tu me connais beaucoup trop bien. »,conclu Candice avec un sourire en coin.

Durant le reste du trajet, les deux jeunes adolescentes parlèrent des potins sur leurs stars favorites jusqu'à ce qu'on entende encore une fois la fameuse voix.

« Vous êtes arrivés à destination. Les ceintures vont automatiquement se défaire donc nous vous prions de lever les mains pour ne pas qu'elle vous blesse »

Toutes les ceintures du bus se détachent ce qui créer un énorme bruit dans le bus. Heureusement que les jeunes filles savaient à l'avance qu'il fallait se boucher les oreilles.

« Merci d'avoir voyagé avec notre compagnie, en espérant vous revoir bientôt dans nos bus.

- À ce soir ! », s'écrièrent les deux adolescentes en cœur avant de descendre du bus.

Elles se dirigèrent ensuite vers l'entrée de leur école en traînant des pieds, aucune des deux ne voulant être ici, mais le choix ne se présentait pas à elles.

« Candice, Lisa ! s'écria une nouvelle arrivante devant elles.

- Alice ! Alors cette nouvelle ? Elle est comment ? Blonde ou Brune ? Des yeux de quelle couleur ? Je parie qu'ils sont bleus comme l'océan ! S'excita Candice en sautant partout comme une enfant attendant son cadeau de Noël.

- C'est une bombe ! Tout le monde veut sortir avec elle, même les mecs ! Et pour répondre à tes questions, elle est blonde aux yeux bleus. Viens je vais te la présenter ! »

Sur ses mots, Alice prit la main de Candice et la tira jusqu'au milieu de la cour de récréation. Lisa, qui avait l'habitude qu'on l'oublie, les suivis avec une pointe de curiosité. Elle n'était pas homosexuelle – contrairement à toute l'école – mais elle voulait être amie avec toutes les filles, cette nouvelle y compris.

« Candice, j'ai l'honneur de te présenter Lisa Gurière, ladite nouvelle. Et Lisa, je te présente Candice, ta future petite-amie. », annonça Alice accompagné d'un clin d'œil.

Lisa faillit tomber par terre, la nouvelle avait le même prénom qu'elle. C'était un enfer, déjà qu'avant elle se faisait à peine remarquer, mais au moins tout le monde savait que quand on parlait d'une Lisa, c'était elle. Maintenant, tout le monde allait dire souvent son prénom, sans qu'on s'adresse ou qu'on parle d'elle, l'énervement et l'agacement vont rapidement la gagner.

Candice, de son côté et à l'inverse de sa meilleure amie, était au paradis. Elle trouvait la nouvelle absolument magnifique, un ange tombé du ciel sûrement. Elle avait les cheveux blonds tressés qui lui arrivait en bas du dos, accompagné d'une peau légèrement bronzée et d'yeux de couleur bleu océan. Un océan où elle se noyait actuellement.

« Et bien c'est un honneur de rencontrer ma future petite-amie dans ce cas, rigola légèrement la nouvelle Lisa.

- De même », répondit Candice avec un énorme sourire collé au visage, les yeux toujours plongés dans ceux de son interlocutrice.

La sonnerie stoppa ce jeu de regard après quelques secondes qui parurent une éternité pour notre ancienne Lisa.

Tout le monde se dirigea vers sa classe. Chaque niveau avait la sienne, ainsi que son professeur. Il n'y avait pas assez d'enseignant pour fonctionner comme avant, c'était donc des professeurs sous forme d'hologramme qui leur enseignaient les bases de la vie.

Lisa et Candice étaient en seconde, le niveau soi-disant tranquille. Alors, accompagné d'Alice et la nouvelle Lisa, elles se digèrent vers leur salle de classe où il n'était que douze, six garçons et maintenant six filles. Tous, en dehors de l'ancienne Lisa et Candice, avaient été abandonnés par leurs parents et recueillis par les couples homosexuels chanceux. Beaucoup de ces couples voulaient un enfant, mais très peu l'obtenaient.

Commençons par les garçons : tout d'abord, nous avions les jumeaux, Mario et Luigi, fils de deux énormes geeks. Ensuite, il y avait Logan, Adam, Arthur et Milo, tous adoptés de couples de gays dans la région.

Côté fille, nous trouvions Maria, Alice et Chloé, trois adorables jeunes filles adoptées de trois couples de lesbiennes. Et donc également nos deux Lisa et Candice.

La classe était divisée en deux : les garçons étaient installés à droite tandis que les filles s'asseyaient à gauche. Ils ne parlaient que très rarement entre eux, une tension régnait, ils ne se détestaient pas, mais ne s'aimaient pas non plus. Ils avaient été habitués à cause de la vision de leurs parents à ne pas adresser la parole au sexe opposé, ce que l'ancienne Lisa trouvait toujours aussi idiot, étant née dans une famille mixte.

Elle alla pour s'asseoir à sa place mais observa avec étonnement qu'elle était déjà prise. Et sans dire un mot ni montrer qu'elle était blessée, elle se dirigea donc à la seule place restante au fond de classe à côté d'Alice.

« Ta meilleure amie te lâche pour sa nouvelle copine, je n'aurais pas aimé. », ricana Alice en souriant, sachant très bien que même si elle ne le montrait pas, Lisa n'aimait pas qu'on lui vole sa place.

Elle ne prit d'ailleurs même pas la peine de répondre, beaucoup trop occupée à ne pas laisser éclater sa colère devant toute la classe. Elle sortit ses affaires et évitant à tout prix le regard de Candice qui essayait de trouver le siens, lui faisant ainsi comprendre que cela ne lui plaisait pas.

La matinée passa vite, beaucoup trop vite au goût de notre ancienne Lisa, elle redoutait la fameuse conversation qu'elle allait avoir avec sa meilleure amie. Ces deux-là avaient toujours été amies, et en quinze ans d'amitié, elles n'avaient eu d'une dispute en maternelle pour un livre qu'elles voulaient toutes les deux. Et là, c'était plus grave qu'un simple partage de livre.

Tout le monde sortit de la salle de classe, par duo. Candice avec la nouvelle, Chloé avec Marie et enfin Lisa resta collée à Alice, elle ne voulait pas affronter le regard de Candice. Elle avait peur de voir qu'elle ne s'intéressait qu'à sa nouvelle amie sans même remarquer qu'elle avait prit sa place. Ce n'était pas de la jalousie, juste, Lisa était déçue.

Finalement, elles ne s'adressèrent pas un mot de la journée, chacune avec leur nouvelle meilleure amie. Et aux yeux de notre héroïne, elle passa avec une lenteur exaspérante. Alice n'était pas méchante, elle était même géniale et ses histoires étaient intéressantes, mais elle ne pouvait pas remplacer sa meilleure amie.

Lisa se disait qu'au moins il restait leur moment à elles : le bus. C'est ainsi qu'après avoir fait un au revoir à Alice, elle se dirigea vers son arrêt de bus. Mais Candice n'y était pas et elle ne vint d'ailleurs jamais. Un air dépité au visage, elle monta dans le bus et s'assit à sa place. Jamais Candice n'avait manqué le bus.

Elle regarda sa montre, il était l'heure, le bus allait partir. C'est alors qu'elle entendit un bruit de chaussure à l'avant du bus et releva la tête dans un mouvement brusque en souriant. Mais ce sourire, elle le perdit vite, ce n'était pas Candice.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top