chapitre 89 : juste un peu plus de temps
Respirer paraissait plus simple. Malgré ses paupières lourdes et ses iris brûlants, Nala restait éveillée, regardant la pluie se geler sur les vitres de sa maison. La nuit était encore maîtresse de l'extérieur, mais c'était mieux ainsi.
Nala aimait bien la nuit.
Elle avait toujours adoré la nuit.
Au Nigéria, elle regardait les étoiles tomber dans la vallée, avec Jordan. Plus tard, elle rencontrait Colt, Maxsim, Bashille avant que le soleil ne se lève, juste pour pouvoir le voir apparaître au-delà des cimes des arbres de la jungle. Cette grande boule sanguine qui déchirait les obscurités comme les dents des loups qui s'abattaient dans la gorge de leurs proies. La nuit avait quelque chose de rassurant. On pouvait commettre n'importe quel crime, les pires horreurs pouvaient sillonner les ruelles sombres ou les recoins inconnus... Ce n'était pas grave.
Car comme au Nigéria, comme l'avait dit Seth avant la Grande Bataille...
Le soleil allait se lever et les effacer. Et ça continuerait. Encore et encore.
Car rien n'était important, pas vrai ?
Absolument rien.
Parce que la nuit régnait en maître.
Un soupir fin et léger s'échappa de ses lèvres. Des lèvres qui avaient été goûté à nouveau. Des lèvres qui s'étaient pressé contre leurs jumelles. La jeune femme porta deux doigts à celles-ci et les effleura, provoquant l'ouverture des paupières à qui elles appartenaient. Emmitouflé contre Nala, Nash tressaillit juste une petite seconde, avant de croiser son regard bleuté.
- Hey.
- Hey...
Ses cheveux fins avaient séché. Sa peau douce pressée contre la sienne brûlait et c'était la seule chaleur dont elle avait besoin. Elle faisait renaître celle qui brûlait jadis dans son ventre. Tout comme son sourire d'ailleurs. Et Dieu seul savait comment les sourires se faisaient rares.
Mais Nash était ravissant. Une magnificence pure et dure. Ce genre de beauté qu'on tenait à bout de doigts, qu'on avait peur de lâcher. C'est ce que Nala faisait d'ailleurs. Les siens se perdaient de plus en plus dans la chair tendre de ses joues barbues, tout comme son regard dans le sien. Un ancrage parfait. Elle signait son épitaphe dans sa peau. Un passage funèbre qui n'avait de rien de bon.
Mais pendant un instant, rien qu'un instant, où elle le contemplait, il n'y avait rien de tout ça.
On accepte parfois la peine qui nous attend. Car elle en vaut le coup.
Elle en vaut tellement le coup...
Nash renifla légèrement et murmura sans pour autant élever la voix :
- Je ne te demande rien, Nala.
- Je sais.
- Je ne te demande certainement pas de le dire en retour.
Un silence. Les mots étaient là, pourtant. Simplement, faire le choix entre tous ceux qui se bousculaient dans sa bouche semblait être impossible. Complètement impossible. L'habilité d'avoir un jour pu trouver une excuse, d'avoir pu s'expliquer envers un tel ou un tel... Tout était à présent anéanti à l'était de cendres. Elle n'avait plus aucune barrière, plus aucun mur, plus rien qui la protégeait. Nala était là, nue, littéralement, pressée contre un homme qui la tenait entre ses mains comme s'il tenait à la vie.
Une renaissance, en quelque sorte.
Nala abaissa sa main de sa joue et longea le flanc du jeune homme jusqu'à venir se figer dans sa taille. L'irradiante envie de le saisir à nouveau et de faire taire ses paroles dans les actions l'emplissait à rebord. Mais malheureusement pour l'un, comme pour l'autre, la jeune femme était un vase qui était depuis longtemps fissuré.
Alors tout ce qu'elle pouvait faire, c'était remonter son regard vers le sien.
- Tu es... Quelqu'un à qui on a envie de dire un millier de choses.
- Mais pas ça, pas vrai ?
- Plus encore. Parce que c'est trop banal.
Ce sont des émotions qui n'ont pas de mots.
Nash pinça ses lèvres, ce qui fit frémir quelques poils de sa moustache quelque peu sauvage, mais avant qu'il ne dise quelque chose d'autre, elle plaqua sa tête sur son torse et força son bras à venir entourer ses épaules dénudées. Il la recouvrit légèrement du plaid bleu qui s'arrêtait d'ailleurs en dessous de son nombril et Nala soupira sous l'apaisement.
- Tu as raison sur un point, Nala.
- Quoi donc ?
- Parfois il y a juste des choses qui ne méritent pas de mots.
- Oui.
- On trouvera des mots plus tard.
- Qui sait ? Peut-être, oui.
- Ce n'est plus un monde de mots, de toute façon.
Non. De cris.
-... Et parfois, les mots ne sont que des démons déguisés.
- Et si on les laissait en enfer, pour l'instant ?
Ce n'était pas par peur, qu'elle lui disait ça. Plutôt par bonheur. Voilà un autre sentiment que Nala n'avait pas éprouvé depuis un très long moment. Pas faute d'avoir essayé pourtant. Ce fut un sentiment qui se développa plus encore lorsqu'elle se blottit contre la poitrine de Nash qui forma une parenthèse autour de son corps.
- Bonne idée.
- J'en ai toujours eu, non ?
***
Un rayon de soleil osa se risquer à travers la fenêtre, réveillant Nala avec plus de froideur qu'il n'y paraissait. Dans un geste automatique, sa main se porta sur la place à côté d'elle dans le canapé, seulement pour s'apercevoir que celle-ci était complètement vide. La jeune femme se redressa dans un sursaut paniqué avant d'apercevoir Nash de l'autre côté du canapé en train de s'enfiler son pull en silence. Il tenait des clefs dans sa bouche qui cliquetaient à chaque fois qu'il bougeait avant de les enfoncer dans la poche de son jean. Il en ressortit un portable à l'écran fissuré et se rapprocha du canapé sur lequel il s'accouda afin d'embrasser Nala sur la joue, à quelques centimètres à peine de sa bouche.
- J'ai reçu un message du boulot. Il y a une urgence.
- Le pays entier est en urgence, Nash.
- Et qui serais-je si je n'y répondais pas ?
Quand il arqua un sourcil malicieux, Nala s'autorisa un sourire. Elle effectua un faible geste de la main et s'enfila son t-shirt sur le corps qu'il avait aidé à dénuder.
- Vas-y, Captain America.
- Je reviendrai.
Il l'embrassa à nouveau. Encore et encore jusqu'à ce que Nala noua ses poignets derrière sa nuque afin de le lui rendre.
- Je le sais. Peu importe où je vais dans ce monde, tu es là.
Nash se figea, mais s'apaisa tout de suite lorsqu'il vit le sourire rayonnant qu'elle lui accorda.
- Ça, c'est bien vrai. Le vent souffle si fort que ça ?
Ils rirent ensemble, quand Nash se baissa une ultime fois pour attraper sa veste sur le sol.
- Je reviendrai très vite, Nala, ne crois pas que je vais t'abandonner après... Après...
- File, Nash. Ne t'en fais pas, je ne t'en crois pas capable, de toute façon.
Ricana la jeune femme en passant une main dans ses cheveux jais.
- Fais attention. Je pourrai te surprendre.
La défia-t-il en posant sa main sur le poignet. Sa remarque se mua néanmoins lorsqu'il plissa les lèvres dans une mimique de baiser et que sur un dernier sourire, il sortit, ne laissant plus qu'une effluve de parfum derrière lui. Nala s'empressa de se rhabiller et monta les escaliers une à une jusqu'à rentrer dans la chambre de Bonnie.
Endormie dans les tréfonds de son lit d'enfant, sa couette Disney repliée sur ses tresses, la fillette ne laissait dépasser que son pouce, enfouie dans sa petite bouche rose.
Nala enjamba les milliers de jouets qui jonchaient le parquet, prudente, afin de ne pas réveiller le plus grand cadeau que lui a donné dans sa vie et vint se coucher à ses côtés.
- Maman t'aime, mon cœur. Plus que tout au monde.
Il fallait bien qu'elle le dise. Pas vrai ? Il fallait que cette dose d'amour soit au moins énoncé une fois.
Tant que les murs étaient détruits... Il fallait en profiter.
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