chapitre 79 : mon trésor le plus cher
PARKER
Parker rangea à nouveau le lanceur de fusées de secours dans son sac et se prit un violent coup dans le bras de la part d'Emily.
- Mais tu es complètement malade ou quoi ?! Maintenant on va se faire tracer comme des lapins !
- On a quatre minutes pour se dépêcher. Tu veux les passer à discuter ?
Elle ouvrit la bouche, mais le son d'une alarme retentit, volant ses mots au passage. Le jeune homme attacha son casque à nouveau sur la tête et tout en prenant la main de sa compagne, il se dirigea à travers les pins et se mit à courir de plus en plus vite.
Courir sous l'adrénaline, par peur de se faire attraper, Parker ne l'avait pas fait depuis le Nigeria, ce qui malheureusement pour lui ne le mit pas tellement en confiance vis-à-vis de cette situation. Quand il avait rencontré Emily, il s'était juré que cette partie de sa vie ne resurgirait jamais. Qu'il ferait tout pour la protéger, qu'il ne se mettrai plus dans des situations désastreuses. Elle et elle seule, comptait à ses yeux. Et pourtant il avait suivi Jay et les autres. Il avait quitté le Texas pour une Italie enneigée et chaotique.
Pourtant, le voilà qui était à nouveau en train de courir et d'ignorer l'état dans lequel elle se trouvait.
Pour quoi ? Pour se retrouver à nouveau en face d'une falaise. Parker s'arrêta en glissant dans la neige et balança son sac dans le petit tas qu'il venait de créer. Il décrocha les mousquetons qu'il venait d'accrocher à la ceinture d'Emily et prépara une corde. Il s'apprêta à nouer un nœud quand une violente quinte de toux retentit derrière lui. Il pressa ses genoux sur la neige et se tourna vers sa compagne. Courbée en deux, elle s'agrippait à la neige en s'étouffant. Il aurait surement bougé pour l'aider, mais il savait, à en juger les petites taches de sang qui vinrent teinter la neige, qu'il n'allait pas pouvoir faire quoi que ce soit... Peu importait à quel point il la tiendrait dans ses bras. Emily s'essuya sa bouche bleuie d'un revers de manche et marmonna, la voix brisée.
- ça va. ça va, Parker... ça va.
Non. Et il comprit. Il comprit que non, ça n'allait pas. Que rien de tout ça, n'allait. Ni où ils se trouvaient, ni l'état dans lequel ils se trouvaient... Ni le fait que malgré la fusée qui avait été lancée, personne ne les traçait.
Rien n'allait.
Il se redressa sur ses genoux et lui lança la corde.
- Occupe-toi de ça. Je... Je couvre nos arrières.
La jeune femme redressa ses joues creusées du sol et obéit tandis que Parker se leva et se dirigea vers la lisière des arbres. En pointant le nez vers la vallée embusquée qu'ils venaient de traverser, il remarqua que les quelques camions militaires qui le sillonnaient, avaient à présent disparu. Le prenant comme un signe qu'ils étaient à leurs trousses, il recula et revint à nouveau près de la falaise où Emily avait figé la corde d'escalade. Il lui saisit ses joues qui, dans son souvenir, paraissaient plus rondes et planta ses yeux dans les siens.
- On va descendre. On va rester dans la cave qu'on avait rencontré à l'aller. On y attendra Jay et les autres. On sauvera Grace, on sauvera tout le monde. On te sauvera, toi.
Emily retrouva son souffle et accrocha son mousqueton à sa ceinture.
- On se sauvera mutuellement.
- Allons-y.
***
Comme à l'aller, le vent hurlait autour d'eux, emmenant de nouveaux flocons de neige, de plus en plus gros. Le visage de Parker se retrouva flagellé au point où il ne sentait plus le bout de son nez. Ses doigts à peine gantés ripaient sur la paroi rocheuse du flanc qui ne faisait qu'une bouchée de sa pulpe. Malgré tout, au nom de la chaleur extravagante qu'il avait dû survivre en Afrique, il tenait bon. Pour Emily qui descendait, sous lui. Soudain, elle se figea.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Em' ?!
- Parker... Je... Je vais...
Elle glissa et une masse alourdit la ceinture de Parker qui manqua de peu de lâcher la corde. Peut-être que c'était le poids, peut-être que c'était le vent... Ou peut-être parce qu'il n'avait pas vérifié avant de descendre, mais la corde se détacha un peu, les faisant basculer sur quelques mètres. Quand le mousqueton tira sur son ventre, il en eut le souffle coupé. Il cria, mais son bruit s'étouffa lorsque sa tête heurta la paroi. La douleur... Acerbe, aiguisée, elle lui vrilla le crâne au point où il gémit.
La corde lâcha à nouveau, mais cette fois-ci pour de bon. Et Parker n'avait plus rien sur quoi s'accrocher. Heureusement pour lui, la cave n'était pas loin et à la dernière minute, il parvint à s'agripper sur la paroi. Une vague de neige s'abattit sur eux et il se mit à crier sous l'effort. Sa ceinture glissa sur l'une de ses cuisses et le poids d'Emily tira sur le col de son fémur. Une douleur massacrante qui se résulta rapidement dans un bruit sourd de craquement. Sa foutue jambe venait de se déloger de son socle. Des larmes vinrent creuser les sillons de ses yeux et il mordit férocement dans l'épais tissu blanc de son uniforme.
- Parker !
S'époumona Emily en dessous de lui, la voix cassée. Parker rassembla quelques-unes de ses dernières forces et parvint même à poser un coude sur le sol de la caverne... Un effort très vite perdu, car une autre douleur se prononça dans son avant-bras, accompagné d'une longue coulée de sang visqueux et chaud... La roche céda sous son poids ainsi que celle de sa compagne et ses mains glissèrent arrachant sa peau et tordant ses os à vif. Ses cris ricochèrent dans le vide... Malheureusement, ce fut une nuée de flocons de neige de plus en plus ardente qui lui répondit. Il n'allait pas y arriver. Il ne savait même pas comment il réussissait à tenir. Un grondement rauque naquit en sa poitrine alors qu'il tentait, vainement, de se redresser, de reprendre cette avance qu'il avait sur la grotte. Il avait réussi à poser son coude... Il y parviendrai encore. Il le ferait, peu importe à quel coût. Il le ferait parce qu'il devait rentrer chez lui, dans son lit et se réveiller au petit matin avec Emily. Il devait ouvrir les yeux sur la vue de ses longs cheveux blonds miel dans le nez. Il se devait de râler, de la repousser et qu'elle viendrait à nouveau se blottir contre lui, peu importait à quel point il pouvait râler. Il se devait de lui préparer son café, de l'embrasser sur le front et d'aller courir ensemble en se moquant des cadets de la base qui souffraient sous les ordres de leurs sergents instructeurs.
Il se devait de la ramener, pour qu'ils puissent manger leurs dîners devant ces stupides émissions de télé.
Alors peu importait sa hanche déboîtée, peu importe ses doigts et son bras en sang, ses ongles arrachés... Peu importait la force qu'il n'avait plus. Il essayait. Encore et encore.
Même s'il sentait qu'en dessous de lui, Emily avait arrêté d'essayer.
- Em' ? Em', aide-moi, s'il te plaît... Essaye de trouver prise sur la paroi !
- Parker, écoute-moi...
- Je vais nous tirer de là, Emily, ne t'en fais pas...
Allez maudits doigts, allez...
- Ce n'est pas grave, tu sais... Toi, tu peux encore y arriver...
- Ne dis pas des conneries Em' !
Il mit encore plus d'intensité sur ses efforts quand les sanglots fluets d'Emily retentirent.
- Je t'aime, Parker...
- Arrête de dire des putains de conneries !!
Mais quand il baissa la tête vers elle, elle avait déjà sorti de son gilet par balle son couteau de service. Ses joues étaient couvertes de larmes, ses grands yeux écarquillés... Sa peau n'avait jamais été aussi blanche. Ses lèvres, couvertes de sang, étaient craquelées.
- Range ce couteau Emily ! Merde !
- Je t'aime vraiment.
Il n'eut pas le temps de répliquer que le couteau trancha la corde et qu'Emily disparut dans la brume.
- Emily ! Emily !!
Débarrassé du poids, Parker réussit soudainement à se relever et s'écroula sur le sol de la caverne. Il se laissa glisser jusqu'au rebord et tira le bras vers le vide embrumé. Il ouvrit bien la bouche pour continuer à crier, mais il n'y avait pas un son qui dépassa la barrière de ses lèvres. Rien.
Absolument... Rien.
Ni la douleur que criait son corps, ni le froid mordant...
Il n'y avait que Parker, la cave... Et rien d'autre. Alors lorsqu'il pressa sa joue contre la pierre froide et couverte de fins flocons de neige de la cave...
Il ferma les yeux. Parce que c'était tout ce qu'il parvint encore à faire.
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