chapitre 7 : ça calme

SHAYNE

Assis, seul, dans l'une des salles de contrôle de la base de Dallas, Shayne avait le nez enfoncé dans les dernières images satellitaires de l'Italie. Vieilles de deux semaines, ils n'avaient plus aucune nouvelle de tout le bassin sud de l'Europe. Non pas que c'était leur problème le plus absolu mais pour Shayne c'était une toute autre affaire. Il ne comprenait pas comment Sarah avait préféré braver tout les interdits et la mort elle même pour aller dans ce foutoir à emmerdes plutôt que de faire face à ses responsabilités. Alors il était assis là, à la grande table de la salle de conférence où s'asseyaient normalement des grands officiers de guerre, à se morfondre contre ces images brouillés par des couvertures de neige et de villages détruits. Il finit par les balancer et tandis qu'il posa son visage non rasé d'une semaine sur le bois de la grande table, les feuilles voletèrent jusqu'à la moquette grise. Il allait certainement s'endormir quand la porte s'ouvrit brusquement et qu'un Lieutenant-Général entra. Shayne se releva donc sur le coup, manquant de peu de tomber et s'excusa en ramassant ses affaires.

- Désolé, je sais que je devrai pas être là, mais...

- Non, non, ce n'est pas grave...

Shayne le contourna alors et s'engouffra dans le couloir pour ne pas accentuer son cas. Si un aussi grand officier l'attrapait à roupiller dans une salle de conférence réservés à eux, il pouvait se retrouver dans d'autres problèmes dont il n'avait absolument pas besoin.

***

Pour se libérer l'esprit, le Lieutenant-Colonel décida d'aller tirer son désespoir sur le cibles du centre d'entraînement. Etrangement, alors qu'il était sous l'influence de l'alcool et qu'il était à présent borgne, il avait rarement effectué d'aussi beaux tirs. Il s'arrêta même un instant pour observer la feuille qu'il avait déchiré en deux et se pressa contre le mur pour soulager sa jambe en atèle. ça faisait encore un mal de chien, cette connerie...

- Ah, vous êtes là !

Son repos fut cependant de courte durée car Mikolaï était là. Et il se dirigeait tout droit vers lui. Shayne roula les yeux au plafond et essaya de l'ignorer en passant de nouvelles munitions dans son fusil d'assaut. 

- ça fait un bon moment que j'ai pas eu de vos nouvelles... Ou ça fait parti de l'entraînement ?

Shayne lui adressa un unique coup d'œil, mais ce fut suffisant pour faire naître sa culpabilité. Il soupira alors lourdement et brandit à nouveau son fusil sur sa cible pour viser.

- Tu devrais partir, petit.

- Hein ?

Il ne lui laissa cependant pas le temps de répondre car il tira en rafales, coupant ainsi l'accès du son à son oreille. Tant mieux. C'était vraiment pas une conversation qu'il tenait à avoir. Il aurait même voulu que Mikolaï l'oublie et ne vienne juste pas lui parler, qu'il avait compris au bout du deuxième jour qu'il n'avait pas prit contact que c'était foutu. Mais non. Fallait tout expliquer aux gamins, putain...

- Qu'est ce qui se passe exactement ? J'ai fais quelque chose de mal ?

Shayne releva la es yeux aux plafonds en mimant silencieusement du bout des lèvres une injure mais se donna quand même du courage pour lui faire face et de lui dire, net et précis.

- Non. J'ai juste plus envie de t'entraîner, c'est tout.

- Quoi ? Mais comment ça ?

- Bon Dieu, petit, tu as vraiment un cerveau en bouillie ! Juste comme ça ! J'en ai juste plus envie, c'est tout ! 

Shayne s'apprêta à se reconcentrer sur sa cible quand tout d'un coup, un homme non méconnu se fit parmi les autres membres du centre de tir. Le père de Mikolaï se tenait à une centaine de mètres de là, debout, dans son uniforme scintillant, les mains fermement croisés dans son dos, en les regardants d'un regard d'aigle. Le jeune officier en frissonna d'horreur, il y avait tellement de sadisme qui s'émanait de lui à ce moment précis... S'en était détourant. Voyant le regard fixe de Shayne au dessus de son épaule, Mikolaï se retourna à son terre, ce qui fit partir l'homme, d'un pas lent.

- Vous avez parlé avec mon père ?

- Je t'ai dit de dégager, il me semble non ? Il faut que je te dise en quelle langue encore ?!

- Vous êtes pas sérieux... 

- Tu commences à me gonfler.

Mikolaï se mit à sourire, ce qui augmenta l'incompréhension et l'agacement de Shayne qui déposa son fusil d'assaut contre la paroi du mur de protection, afin de ne pas succomber à sa montée de colère.

- Pourquoi tu souris ?

Son sourire s'accrut d'autant plus et le voilà qui riait. Riait à un point où il devait se plier en deux pour mettre ses mains sur ses genoux.

- donc vous étiez là, à me tenir tout ces grands discours, faisant genre vous êtes un grand et féroce guerrier à qui même la vie ne fait pas effet et... Et vous avez peur de mon père ? Wow, c'est dingue à quelle vitesse vous passez d'impressionant à... À pathétique !

- quoi ?

- ouais ! Vous êtes pathétique ! Quoi, il vous a menacé, c'est ça ? Oh... C'est si triste... Vraiment, c'est vraiment triste !

Shayne fronça les sourcils et l'attrapa par le col de son t-shirt avec véhémence afin de gronder.

- tu ferais vite de fermer ta grande gueule avant que je te casse ta mâchoire...

- permettez moi de bailler.

Répondit simplement Mikolaï en le repoussant d'à peine quelques doigts sur le sternum. Quand il le relâcha, le policier d'élite releva un peu son t-shirt sur son abdomen, ce qui révéla une grosse cicatrice à l'endroit où devrait être sa rate.

- j'avais six ans quand il m'a enfoncé son pied si fort dans les côtes que j'en ai eu une rupture. Six ans, quand je me suis retrouvé en plein milieu de la nuit à l'hôpital, à hurler à la mort parce que j'avais l'impression que mon corps était fait de lave et que chaque inspiration me paralysait au plus haut point... Vous croyez qu'aujourd'hui, il me fait encore peur ? Il peut pas m'enlever plus. Il m'a littéralement... Volé... Un putain d'organe. Mais je suis là, encore debout et bien déterminé à lui montrer que je suis pas la... "Lavette" qu'il prétendait que je sois. Mais vous, en revanche... Vous êtes en train de lui prouver qu'il a encore un pouvoir sur moi !

Shayne regarda Mikolaï dans les yeux et il put y voir non pas de la peine quant à ces souvenirs, mais de la colère. Nombreux devaient être les années qu'il rêvait du moment de tuer son père... Mais sa revanche était autre que celle de Jay dans le désert du Sahara. Non, la revanche de Mikolaï était sa liberté et sa force indépendante.

C'était admirable.

Le Lieutenant-Colonel s'en pinça un peu les lèvres et poussa un grand soupir d'exaspération. Finalement, ce gars n'allait vraiment pas le lâcher d'une semelle. Il réflechit un court instant avant de remonter la manche de sa chemise blanche d'uniforme sur son bras droit qui révéla son coude couvert de cicatrices. Surtout l'une d'elle, une ancienne, qui allait du bras à l'avant bras. Il l'allongea et le replia, ce qui fit dévoiler un léger son de craquement.

- 5 ans. Mon père m'a cassé le bras en me traînant hors d'un parc parce qu'un autre garçon m'avait frappé avec un caillou et que j'ai pleuré. Je peux encore sentir mes os craquer sous son emprise.

La lueur folle dans les yeux de Mikolaï disparut sous cette première confession, ce premier signe de confiance et ne fit qu'augmenter sa détermination.

- on peut pas les laisser gagner.

- non, on ne peut pas.

- alors, qu'est ce que vous en dites ? On l'emmerde ?

- fermement. Tiens, prends ce fusil d'assaut, tu vas t'entraîner avec ça, il vaut mieux que tu apprennes aussi à faire des tirs diversifiés.

Mikolaï mit à peine une demi minute pour se mettre en place et alors qu'il avait la queue du fusil plaqué sur son épaule gauche, il demanda.

- pourquoi ?

- au cas où tu paniques. S'il n'y a pas d'autres options que de tirer au fusil et qu'il n'y a plus que toi, bah va falloir que tu t'y colles. Et les tirs en rafle peuvent être impressionnants et déroutants pour quelqu'un qui tire sec d'habitude.

Alors que Mikolaï s'exécuta sans poser d'autres questions, Shayne tourna un regard osé vers l'endroit où se tenait le Colonel Novak il n'y avait encore pas quelques minutes.

Mais il n'y avait plus personne.

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