chapitre 60 : San Antonio pour Nash

Le weekend était venu trop vite. La semaine avait été plus que stressante pour Nala, surtout en pensant qu'elle allait devoir présenter son doudou, son petit bébé, sa petite fille d'amour à la démone sans âme qui était sa mère. Alors oui, il y avait matière à stresser.

Cependant, quand elle avait rejoint Nash qui se mit directement à bercer Bonnie qui était surchargée d'énergie, son petit pouce dans sa bouche rose, un poids immense s'enleva de sa poitrine.

***

Il aurait fallu de deux heures de route pour que Bonnie s'endorme à l'arrière de la voiture. Deux heures où elle passait son temps à regarder, émerveillée, les flocons de neige tomber en lourdes loques sur le sol. L'enfant du soleil qu'elle était, était tout simplement ébahie face à cette poudre blanche qui tombaient des cieux grisés. Enfin... Grisés... Du peu qu'ils étaient avec ce flash rouge qui les aveuglaient tous, au bout de l'autoroute.

Cramponnée à son volant, Nala ne cessa de souffler sur ses mèches qui retombaient à chaque fois dans ses yeux, rivés sur la comète.

En voyant comme elle était crispée, Nash cessa de bailler et se redressa du siège à ses côtés. Il décolla sa main de sa joue qui en gardait la trace et se racla la gorge avant de demander.

- Je croyais que ça ne te stressait pas ?

- Ce n'est pas le cas.

Elle se redressa en tentant de se mettre un peu plus à l'aise. Mais bon. Avec sa fille à l'arrière, surtout si elle était en train de dormir, ses instincts maternels étaient en train de la tirailler de partout.

- Hm hm...

- D'accord, d'accord... Bon, je l'admets. C'est bien. On est deux stressés.

- Moi, je vais bien.

Nala étouffa un rire amusé dans le renflement de son épaule. Un geste qui fit arquer un sourcil irrité de Nash.

- Quoi ?

- J'ai remarqué qu'il y a trois trucs que tu dis tout le temps.

- Ah oui ?

- "je vais bien", "ça ira pour moi" et "ne t'inquiète pas, tout va bien se passer".

- Parce que c'est la réalité. Je la répètent juste très souvent parce que personne ne veut me croire.

- Tu mens tellement mal...

Nash jeta un coup d'œil sur Bonnie à l'arrière, blottie contre son petit doudou et répondit en descendant d'une octave afin de ne pas la réveiller.

- C'est pour ça que tu m'as demandé de venir ? Tu me séquestres ?

- Tu crois sincèrement que je te demandais de venir avec moi juste pour qu'on puisse parler de mes problèmes ? Ton opinion de moi est si basse, ça me vexe...

Même si son ton était léger, Nala était de loin plus que sérieuse. Elle quitta la route, les flocons et la comète rouge du regard pendant un instant et demanda à Nash, sans perdre plus de temps.

- Elle était qui, pour toi ?

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

- Peut-être parce que je parle d'une "qui".

Nash ne répondit pas. À la place, il porta ses ongles à sa bouche et se mit à ruminer dans son coin. Son visage, pourtant si tendre, si jovial et si illuminé, s'assombrit. Il était tellement rongé par les démons que même Nala pouvait les entendre, de là où elle était assise. Normalement, elle l'aurait laissé tranquille. Comme toutes les autres fois. Mais la profondeur de ses cernes, le bleu fadé de ses iris, la façon dont ses épaules s'étaient abaissées ces derniers temps... Elle ne pouvait juste pas.

- Je demande parce que... Ça avait l'air assez... Acharné.

- C'est un bon mot pour décrire la situation.

- Dis-moi.

Il souffla lourdement, au point d'en faire gonfler ses joues et essuya ses cheveux de son front, de ses deux mains.

- On n'a jamais été sur la même longueur d'onde, elle et moi.

- Sur ?

- Ce qu'on voulait.

- Vous vous connaissiez depuis longtemps ?

- Très. Très longtemps, oui. On a... On a grandi ensemble. On a appris à s'aimer ensemble.

- C'est mignon.

Alors pourquoi son cœur se serrait et une boule naissait dans sa gorge ? Nala se cramponna à nouveau sur son volant pour qu'il ne voit pas son visage renfrogné tandis que Nash enchaîna.

- Mais elle m'a trompé et tout a été gâché.

- C'est possible ça ?

La remarque s'échappa de sa bouche dans un automatisme qu'elle regretta aussitôt. Nash ne la releva cependant pas et recolla son visage contre la vitre embrumée.

- Je ne parle jamais de ça, parce que j'en ai tout simplement pas envie. Le fait que Billie revienne, ça a juste... Tout ramené.

- Au moins tu l'admets. Et c'est bien.

- Parfait. Ouais. J'adore.

- Allez, Nash. C'est peut-être ce qu'il te fallait ? Pour guérir ?

- Peut-être.

Les deux jeunes gens se sourirent et Nash se redressa vers la route en indiquant un panneau du bout de son index.

Tu es prête ? Pour revenir à San Antonio ?

- Non. Pas du tout.

- Ta mère habite dans la même maison de...

- Oui, oui, oui... La maison du prestige, tout ça, tout ça !

- Tu sais que y'a très longtemps, j'ai rencontré ton père ?

Nala se mit à rire. La situation était soit trop drôle, soit trop gênante. Dans tous les cas, elle évacua un rire qui venait des tréfonds de son âme. Nash aurait donc rencontré ses deux parents...

Quelque chose que Jay, ne pouvait pas en dire autant.

- Je te jure que c'est vrai !

- Ah, mais je te crois !

- Il a voulu rencontrer mon père pour un soutien politique, à l'époque de la révolution.

- Et comment ça s'était passé ?

- À peine parti, mon père n'a pas arrêté de dire que le tiens était dangereux. Qu'avec son beau sourire, il allait causer la perte de tout le monde.

- Peut-être qu'il n'avait pas tort.

La réplique de Nala mua Nash dans le silence. Elle sentait son regard inquisiteur l'inspecter, la brûler. Fourmiller sa peau comme un laser de sniper. C'était ironique. Elle se sentait comme les victimes qu'elle avait abattu durant sa carrière.

- Et bien regarde où nous sommes. Tu crois qu'on se tiendrai là où on serait si le Texas n'aurait jamais demandé l'indépendance ?

- Ton père serait le début d'une guerre que des hommes ont préparé depuis le moment où il savaient allumer du feu ?

- Je...

- Ton père n'est pas responsable. Si le Texas n'aurait pas demandé l'indépendance à l'époque, des milliers de gosses seraient envoyés au front et une révolution finirait quand même par éclater. Ce n'est juste qu'une histoire de temps, Nala.

- Hm.

- Concentre-toi sur ta mère. Qui elle, est bien vivante et qui t'attends au bout de cette foutue route.

Nala posa un instant sa tête contre son volant et marmonna entre ses dents serrées.

- On forme un groupe de sacrés foutus, toi et moi.

- On excelle.

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