chapitre 56 : les maraudeurs de Pise

CHELSEA

Chelsea décrocha son visage du bitume chaud et ni une, ni deux, elle braqua son fusil d'assaut sur le bout du pont, à moitié cachée par une carcasse de voiture.

- Nous ne voulons aucun mal ! Baissez les armes et sortez de là !

- Americani, Americani ! Sono Americani !

- Ils nous prennent pour des Américains !

Grogna la lieutenante d'infanterie envers Jay qui retira son fusil de précision de son dos pour le poser sur le capot de la voiture. Seth et Emily couvrirent son flanc de leurs fusils de précision tandis que Parker revint sur leurs pas pour partir en reconnaissance, savoir d'où venait l'attaque. Jay marmonna dans sa barbe mal rasée.

- Pas étonnant, pour eux, ils ne comprennent toujours pas la différence...

- Certains d'entre nous ne comprennent toujours pas la différence non plus.

- La ferme, Parker. Bon ! Euh... On vient en paix ! On veut juste traverser ! Pas d'ennuis ! Baissez juste les armes !

- Vattene !

- Je crois qu'ils veulent qu'on...

- J'ai compris, Chelsea.

La lieutenante vérifia le chargeur de son fusil et activa le faisceau de son laser. Elle repointa le tout sur l'autre côté du pont, mais ce fut une mauvaise idée. Le faisceau eut à peine le temps d'éclairer le visage d'un homme habillé tout en noir, que ses copains braquèrent à leurs tour leurs armes. Très vite, les capots des voitures qui leur servaient de couvertures, se virent assaillis de balles. Les étincelles fusèrent autour d'eux et Chelsea se dépêcha de se recoucher au sol. Par instinct.

Un chargeur. Vidé.

Ne perdant pas plus de temps, profitant de cet infime fraction de seconde de silence, elle se retourna sur le ventre et plaça son œil dans son viseur.

Éliminer le poison. Tuer. Appuyer sur la détente n'était pas dur, pour Chelsea. Après tout, combien de fois ne l'avait-elle pas fait auparavant ? Mais cette fois-ci, quand elle tira, quand le ricochet de la balle fit frapper la crosse de son fusil dans son épaule, quand elle sentit ses coudes dénudés être écorchés à cause du bitume...

Ils n'étaient pas dans un pays ennemi. Ils n'étaient pas en train de traquer ces personnes parce qu'ils avaient causé du tort à toute une population et qu'ils représentaient un danger international.

Le mot "innocence" voila ses yeux quand sa balle tirée vint abattre un homme. Au point qu'elle en eut le souffle coupé.

Les autres prirent la fuite lorsque le sang commença à se déverser de son crâne sur le bitume. Parker tira quelques rafale, juste pour être certain, et ils attendirent tous avant d'enfin pouvoir se relever. Jay retira la balle du réservoir de son fusil de précision et se rapprocha de Chelsea, toujours coincée sur le sol, l'œil collé à son viseur. Elle ignora même la main qu'il lui tendit.

- Venez regarder tout ça !

Emily balança sa grosse botte dans les caissons immenses qui bloquaient le pont avec le restant des voitures, ce qui fit dérouler des provisions, des paquets appartenant à l'armée Italienne comme étrangère. Chelsea se releva enfin et s'en approcha pour mieux voir de quoi il s'agissait. L'endroit semblait ravagé et les personnes qui leur avaient balancé des grenades, avaient mis en place un sorte de campement. Des bâches, de l'armement... Tout pour faire un magnifique tas de...

- Maraudeurs. Ces fils de chiens profitent de la guerre et de la vulnérabilité des personnes qui fuient... J'en reviens pas !

Jay souffla en se mettant en poche plusieurs cartouches de munitions tandis que Seth vint s'agenouiller en face de l'homme que Chelsea venait d'abattre. Il lui releva la cagoule de son visage inerte, faisant un éclabousser un peu de sang sur l'uniforme pourtant immaculé de celle-ci, sursauta en arrière. 

Pourquoi maintenant ?

Dans toute sa carrière, elle n'avait jamais réfléchis plus de deux secondes à quelqu'un qu'elle tuait, surtout pas si cette personne était en train de jeter des grenades sur leurs têtes. 

Mais c'était un visage jeune. À peine une moustache au-dessus de sa lèvre.

- J'ai besoin de respirer.

Après s'être sanglé les manches de son sac, Chelsea enjamba le corps et s'infiltra dans la petite ruelle déserte qui suivait le pont. Ce ne fut qu'une fois qu'elle était hors de vue, qu'elle se laissa appuyer contre un muret, ses mains gantés de mitaines de tir posées sur ses genoux. 

Ce n'était qu'un jeune petit voyou qui avait volé deux trois munitions de l'armée et avait commencé son petit groupe de rebelles en ces temps de guerre.

- Tu fais quoi ?

La lieutenante manqua de sursauter lorsque Jay fit signaler sa présence de sa voix profonde. Elle se redressa et feignit un sourire.

- Rien. C'est bon, je reviens.

- Tu as fait ce qu'il fallait, tu le sais, ça, n'est-ce pas ?

- Oui, je sais.

Non, c'était loin d'être vrai. Il s'appuya sur le mur à ses côtés tandis que son visage se renfrogna.

- Les maraudeurs, ce sont le poison des villes qu'on a encore à traverser. Ce ne sera pas la dernière fois.

- Je te l'ai dit, je sais. C'est juste que... C'était un putain de gamin. Et si sa mère l'attendait, à la maison ? Qu'elle en a peut-être aussi marre, mais souhaite quand même revoir le bout de son nez ? Non, à la place, son nez il est enfoui dans son putain de sang ! 

- Calme-toi.

- J'ai de quoi être énervée !

- Ne laisse pas le personnel prendre le dessus. Même les gamins meurent à la guerre... Malheureusement.

- Tu es père, Jay, comment tu fais pour être aussi froid ?!

Il laissa échapper un petit rire ironique et répondit, aussi sèchement, de l'amertume brillant dans ses yeux.

- Parce que j'ai vu pas mal de gamins crever, déjà. Et puis il ne faut jamais penser à nos propres enfants. C'est pour ça que je te le dis.

- Mais, Jay, bordel, je t'ai menti !

- Je sais. 

Ce n'était pas du tout la réaction qu'elle attendait de lui. Au lieu d'afficher une expression choquée, il se redressa simplement, afin de jeter quelques coups d'yeux sur la ruelle toujours plongée dans l'obscurité, sans un chat qui traîne.

- Je voulais juste te l'entendre dire. La question est, pourquoi bordel de merde tu voulais t'encombrer avec un mensonge aussi con et inutile ? Tu croyais que ça allait changer quelque chose ? Entre toi et moi ? Me faire rendre... 

- Jaloux ? Exactement.

- Mais j'en reviens pas... ça commence à vraiment me faire chier ! Tu crois que tu vas faire ça combien de fois par jour ?!

- C'était quand je t'avais revu pour la première fois depuis le Yémen. ça n'a rien avoir avec maintenant ?

Il roula ses yeux au ciel où passaient les faisceaux des projecteurs militaires et tourna les talons afin de s'en aller. Chelsea s'empressa de le rejoindre et tenta de s'expliquer.

- J'avais plus d'argent, quelqu'un m'a demandé si je pouvais porter l'enfant de son couple et j'ai accepté. C'est tout !

- Il faut qu'on rejoigne les autres, on doit partir d'ici avant que les autres rappliquent.

- Jay...

- C'est rien, laisse tomber, Chelsea. Juste... Évite de tout ramener à toi alors que le putain de monde est en train de s'écrouler ! 

La lieutenante se posta devant lui pour le forcer à s'arrêter et même si une lueur colérique vint envenimer ses prunelles mentholées, il s'exécuta.

- La confiance, tu te rappelles, Jay ? On s'étais mis d'accord dans l'avion.

- Tu rends les choses très compliquées, Chelsea. Alors que ça devrait être simple. 

- Si tu veux qu'on ne s'adresse plus un mot jusqu'aux Alpes, très bien. Mais je t'en supplie... Je viens de tuer un ga... Un maraudeur. J'ai besoin de savoir que je ne serai pas seule pour le restant.

- Jamais, compte sur moi. Mais ça n'a rien de personnel. Je fais juste très bien mon boulot.

Sur ce, il la contourna et rejoignit Seth, Parker et Emily, laissant Chelsea face à ses frustrations. Décidément, elle n'arrêtait pas de foirer, en ce maudit jour...

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