chapitre 55 : trigger
PARKER
Pise. La côte. Le soleil. Le rêve à l'état pur, une vraie carte postale décrite seulement dans les livres de géographie et les séries télé.
Et pourtant, après un voyage pas des moindres, à l'arrière de ce camion militaire, quand ils arrivèrent, il régnait un silence fou.
Quand le véhicule s'arrêta sur le port, Parker fut le premier à reprendre ses affaires et sauter sur le bitume de la route. Il faisait certes nuit, mais ce n'était pas tant ça qui rendait le paysage post-apocalyptique.
Les lumières de la ville au loin étaient inexistantes. Pas un chat. Pas une âme. Les seules personnes qui étaient là, c'étaient les militaires Italiens qui vérifiaient que tous les habitants respectaient le couvre-feu.
Sans parler de la baie qui était totalement envahie de bateaux et de faisceaux de miradors. Le chaos à Pise. Ça, ça ne figurait pas sur les cartes postales.
Alors que le véhicule reprit la route, Jay réunit tout le monde autour de lui en indiquant la route qui menait à la ville au loin.
- Il nous reste plus que quelques kilomètres avant de pouvoir intégrer la ville, mais ce n'est pas parce qu'on y sera qu'on sera tout de suite plus en sécurité, d'accord ? On reste sur nos gardes.
Tout le monde acquiesça d'un coup de tête identique et ce fut ainsi qu'ils se mirent en route.
Parker avait encore du mal à avoir chaud. Après des semaines à être emmitouflé dans d'épais uniformes rembourrés et mettre de l'effort dans chaque pas, car la neige montait jusqu'à mi-mollet, le simple goudron et la brise marine étaient comme des éléments perturbateurs. Pourtant, c'était dans la chaleur insoutenable et collante que Parker avait appris à se battre. Comme quoi, les changements de climat dont le monde devenait de plus en plus victime, cassait l'écosystème dans son intégralité. Le lieutenant se colla à sa compagne et posa ses mains sur son holster qui tenait son Glock, histoire de ne pas se laisser déconcentrer si quelque chose venait à arriver.
- Park', tu as vu ça ?
La voix douce d'Emily résonna à ses oreilles et il regarda dans la direction qu'elle indiquait. Les réverbères de la route étaient tous éteints, sans exception. Ils étaient éteints, car le verre en était cassé. Il y avait aussi des voitures abandonnées sur les côtés, couvertes de poussière jaune. Chelsea s'approcha d'une berline qu'ils longeaient et fit glisser son doigt sur le pare-brise. Elle le tendit à Jay dont le nez se fronça d'appréhension.
- Les vents du Sahara.
- Du Sahara ? Comment est-ce qu'il y a du sable qui arrive jusqu'ici alors que Naples s'est transformé en Aspen ?
Grogna Seth en inspectant les voitures du bout de sa lampe torche. En voilà une bonne question, par quoi le capitaine répondit par un simple haussement d'épaules.
- J'ai entendu des rapports du nord de la France qui disaient qu'il y a trois jours, une vague de chaleur s'est abattu sur une rangée de villages... Le goudron avait fondu et une centrale nucléaire a failli imploser. Les machines avaient perdu le contrôle, mais heureusement que des refroidisseurs d'urgence avaient pris le relais.
- Et c'est comme ça que tout commence !
- C'est l'apocalypse, putain...
- Fermez-la, on n'est pas dans un bouquin de Bradbury, tout ira bien, rien ne vas exploser. À part vos tronches si vous l'ouvrez encore une fois !
Tout le monde se tut à la réprimande de Jay, sauf Emily qui demanda dans le creux de l'oreille de Parker.
- Tu crois qu'il a un jour lu du Bradbury pour pouvoir dire un truc pareil ?
- Chut, Em.
Parker la doubla pour pouvoir se positionner aux côtés du capitaine dont les muscles des bras saillaient à travers son t-shirt empli de sueur. Lui aussi, apparemment, avait du mal à supporter le changement si brusque de climat.
- Capitaine, je voulais vous demander... Si on coupait le trajet par l'île d'Elbe ? De là, on aura certainement un bateau qui nous ramènera directement à la côté montagnarde.
- J'y ai pensé, mais non. La flotte Italienne et Française refuse de trop se rapprocher de peur de quitter leurs positions. C'est une barrière que seuls les poissons peuvent traverser. Il va falloir qu'on remonte tout seuls à pied.
- Mais ça va faire des jours... Les otages...
- Je sais. Mais dans l'histoire, il y a eu des prises d'otages qui ont duré plus longtemps que ça. Crois-moi. J'en sait quelque chose. Ce n'est pas pour le sport que ces crétins de terroristes nous ont gardé trois mois dans cette foutue cave Yéménite. Ils nous attendent.
- S'ils nous attendent... C'est un piège. Il faudra qu'on soit préparés.
Jay arqua un sourcil et un petit sourire vint s'étirer sur le coin de ses lèvres.
- Pourquoi, on ne l'est pas ?
Parker aurait bien voulu dire que le seul moment où il avait été prêt dans sa vie, c'était au Nigeria, avec les trois mille tanks et lanceurs de grenades de leurs côtés... Là ? Ils ressemblaient plus à des cambrioleurs en carton, prêts à faire un cambriolage à la Casa de Papel.
Mais il ne fallait mieux pas énerver Jay maintenant, surtout pas après ce qui s'était passé le matin avec Chelsea, selon les commérages de Seth.
En plus, ils étaient presque arrivés en ville. Ils quittèrent petit à petit la route principale et les voitures recouvertes du sable d'Afrique afin de débaucher sur un petit pont. Il n'y avait pas de bruits, comme partout ailleurs, sauf un peut-être. Un bruit que tous les militaires connaissent et appréhendent. Un trigger de réflexes. Un dégoupillement de grenade.
- À terre !
Parker se jeta aussitôt sur le côté en attrapant Emily par la taille et ensemble, s'écroulèrent sèchement sur le bitume. La grenade en question vint exploser un peu plus loin et là, toute la joie, toute la bonheur que Parker éprouvait déjà rarement depuis qu'il était arrivé dans ce pays en traître, s'évaporèrent comme la rosée du matin.
Comme la bataille de Monte Cassino, cette grenade était une déclaration de guerre.
Là, on sortait les armes.
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