chapitre 53 : il serait peut-être temps de s'expliquer
JAY
L'aube. Les rayons de soleil qui luisaient sur une neige scintillante. Qui traversaient les arbres et les fourrées tels des fin filets d'or... C'était magnifique. Une pure splendeur. Un moment de paix dont Jay se régalait. Étant le dernier en garde et le seul éveillé, le Texan déchu jeta un petit coup d'œil sur sa petite troupe encore endormie. Près d'une fourrée, Parker et Emily dormaient tête contre tête, près d'eux Seth dont la bouche grande ouverte faisait échapper des nuées de buée dans la matinée fraiche.
Mais pas de Chelsea. Son sac de couchage près d'un arbre était vide, alors Jay se redressa dans un froissement d'uniforme pour la retrouver. Des traces de pas dans la neige épaisse conduisait jusqu'au petit chemin qu'ils avaient empruntés la veille, alors il en conclut qu'elle était partie en reconnaissance de garde.
Il s'était endormi.
Merde. Parfait officier en charge qu'il était...
Jay grogna dans sa barbe mal rasée et fit craquer ses os rouillés afin de s'étirer. Il posa ses doigts affaiblis et rougis par le froid sur le sol glacé et se leva. Une grande inspiration lui valu une brûlure pulmonaire, tant il n'était pas habitué à cette nature aussi fraiche. Il faisait cependant bien moins froid et il neigeait pas autant, à présent qu'ils avaient dépassé le fameux mur militaire Rome-Pescara. Rien n'avait de sens, au nord, il faisait plus chaud que sur les belles plages de Naples.
Tant de choses changeaient...
Mais il ne fallait pas se mettre hors de la tête, l'objectif premier : récupérer les otages.
Jay délaissa ses affaires, se retira sa veste militaire et laissa le vent frais s'engouffrer dans les plis de son t-shirt, collé à sa peau par la transpiration de ses cauchemars. Cela faisait plusieurs nuits qu'il repensait à plusieurs moments fatidiques de sa vie. Comme si la seule pensée de Grace enfermée dans une boîte faisait revenir tout ce que lui avait subi, il y avait bien du temps. Le poids de son vécu ne faisait que renforcer son envie féroce de faire quelque chose. Il le fallait. Il n'autoriserait plus personne à subir ce même foutu sort.
Jay repéra un peu plus loin, près d'un ruisseau gelé, un arbre avec une massive branche basse. Il s'y percha dans un petit saut et commença à exécuter quelques tractions, juste histoire de se préparer à la folle journée de voyage qui les attendait.
Et encore et encore plus de route... Passer à travers des villages bondés de personnes en panique, de militaires en patrouille qui demandait des papiers à chaque coin de rue...
Comment est-ce qu'un traître de patrie pouvait tranquillement passer dans ces mêmes rues, les armes à la main et absolument aucun attachement ? Une chose bien complexe.
Mais même s'il commençait à avoir l'habitude des regards, des contrôles et de tout le reste, il y avait une chose qui le tenaillait encore plus que tout.
L'odeur de la peur.
De la peur, putain. Aussi putride que néfaste, elle s'infiltrait même dans les cœurs les plus vaillants. Et au fur et à mesure qu'ils montaient et rejoignaient la terre du continent Européen, l'odeur se développait.
- Jay ?
Le concerné était tellement concentré dans son sport qu'il n'avait même pas entendu Chelsea débarquer. Il glissa du bois et tomba au sol dans un juron. La lieutenante aux cheveux blonds attachés en chignon s'apprêta à venir l'aider, mais il lui fit signe de rester là où elle était. Il s'essuya la neige de ses vêtements et grogna entre ses dents serrées.
- Tu m'as fait peur...
- Moi ? Moi, je t'ai fait peur ? Depuis quand c'est possible ?
Ricana-t-elle en prenant appui sur l'un des arbres, son pied relevé et ses bras croisés sur sa poitrine. Jay lui jeta un regard amusé avant de se redresser.
- Le chemin est vérifié ?
- Hm hm.
- Pas d'indésirables ?
- Pas pour l'instant. Je ne pense pas qu'on en aura, ici.
- Je préfère m'en assurer.
Le capitaine s'apprêta à rejoindre les autres pour les réveiller quand Chelsea fit un pas en avant, son front froncé.
- Jay, de toi à moi, tu vas bien ?
- Bien sûr que non. C'est quoi cette putain de question.
- Si tu veux en parler...
- Oh mon Dieu, je déteste quand les gens disent ça...
De l'outrage se mit à briller dans les yeux de défi de la lieutenante d'infanterie qui croisa à nouveau ses bras sur sa poitrine.
- Excuse-moi si je voulais te montrer que j'étais là pour toi, Jay. Vraiment. Ce que j'ai été conne, dis donc !
- Arrête, Chelsea, sérieusement... Tu veux qu'on se fasse ça, là ? Tout de suite ?
Il écarta les bras en grand pour bien montrer le néant les voisinant et continua, du sarcasme empreignant sa voix grave.
- Au milieu d'absolument nulle part ?
- Je tenais juste à profiter qu'on soit que tous les deux. Tu es censé être à notre tête. Si tu craques, aucun de nous survit.
- Parce que je suis un gars du genre à craquer ?
- Plus du genre à être con et impulsif.
La colère s'installa dans le cœur de Jay tel une brique. Il vit rouge et aurait très volontiers voulu arquer son poing et arracher le cœur du tronc d'un arbre. Mais ce serait prouver ses dires. Alors à la place, il casse le peu d'espace qui restait entre les deux anciens amants et pointa un doigt menaçant sur son sternum.
- N'oublie pas ta place.
- Laquelle ? Celle de la petite amie qui a tout fait pour toi ou celle de ton subordonné ? J'avais oublié... Je ne suis plus ni l'une, ni l'autre, alors toi, tu n'as rien à me dire. Je voulais être compatissante. Tu veux agir comme un gros connard comme ton frère ? Parfait. C'est ton choix. Mais n'oublie pas qui toi, tu es. Je peux très bien retourner tes menaces contre toi.
Grogna-t-elle de la même puissance que lui, dégageant son doigt menaçant d'un revers de main. Jay n'était offusqué. Les personnes comme Chelsea, c'était dans ce genre de moments où ils montraient leurs vrais visages. Et ça le fit rire.
- Pourquoi tu ris ?
- Parce que je vois. Enfin... C'est juste clair.
Irritée, elle se mit à trépigner dans la neige et à grogner de plus belle.
- Jay...
- C'est dingue, tout ce temps que tu prétends m'aimer... Mais tu te rends au moins compte de tout ce que tu dis ? Je veux dire... C'est comme si je te devais quelque chose.
- Regarde-toi bien, Jay. Tu vois ce que tu es ? Tu vois qui tu es devenu ? Tes coudes sont encore piqués ou non ? Si tu as ce grade et que tu as réussi à survivre, c'est parce que je t'ai ramassé à la petite cuillère. Ne l'oublie jamais.
- Oh, ne t'en fais pas. Je ne risquerai jamais de l'oublier.
Le mot "sorcière" lui brûlait le bout de la langue. Mais si Jay avait bien appris quelque chose avec son vécu, c'est qu'il ne fallait jamais sortir des insultes à l'égard d'une femme. Même des femmes comme Chelsea.
- Elle t'as bourré le crâne, ta copine, Jay. Vraiment. Moi, je ne veux que ton bien. Elle, elle t'as appris à te la jouer Lucky Luke qui vote démocrate !
Mais là, s'en était trop. Jay s'écria d'une telle force qu'elle en sursauta.
- Ne reparle plus jamais de ma famille.
- Ou sinon quoi ? Tu vas me donner une fessée ?
Déçu et certainement un peu dégoûté, le capitaine recula.
- Tu es une mère de famille et tu as toujours le comportement d'une gamine en crise.
De la frayeur passa dans les yeux de Chelsea, qui se mua cependant très rapidement en colère, lorsqu'elle fixa un point au-dessus de l'épaule de Jay.
- Qu'est-ce qu'il y a, Seth ?!
En effet, l'ancien conducteur de drone et sniper se trouvait derrière eu, se balançant d'un pied à l'autre sous la gène.
- Je voulais juste vous prévenir qu'on vous entends depuis là-bas.
- De toute façon, il faut qu'on y aille.
Chelsea s'enfuit dans un pas rapide sous le regard curieux de Seth et Jay. Le sergent se rapprocha de son ancien supérieur et demande, le front froncé d'inquiétude.
- Tout va bien ?
- Hm hm. Allez, on se remet en route.
Mais tout n'allait pas bien. Si quelqu'un avait le droit de critiquer sa famille, c'était seulement Nala, qui devait actuellement en train de le faire à pleins feux. Mais où qu'il soit, quoi qu'il arrive, il n'oubliera jamais à quel point il tient à elle. Et les peurs par lesquelles il devait traverser.
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