chapitre 51 : maman
Le lendemain soir, après le briefing des officiers instructeurs, Nala prit congé de tout le monde, trop fatiguée. Elle glissa le long des couloirs telle une fantôme, sa fille à bout de main qui à elle toute seule, avait plus d'énergie que n'importe qui dans tout ce centre d'entraînement.
Les nouveaux, le briefing, les infos à la télé... Rien, absolument rien, n'égalait à la frousse bleu qu'elle ressentait depuis qu'elle avait appris pour Shayne.
Pas parce qu'il avait dit toutes ces choses médicales qui n'avaient aucun sens, pas parce qu'il avait des soucis d'argent...
Mais parce que pour la toute première fois de sa vie, elle l'avait vu effrayé. La peur avait brillé dans ses yeux, même le non valide, comme un rayon irradiant. Quelque chose qui le consumait.
Si Shayne perdait l'équilibre de la vie, tel l'Ouroboros qui tenait celui de la vie... Le monde s'écroulait. Et ce n'était pas juste une métaphore.
C'était le chaos.
Et si avec Sarah, il avait touché le fond, là... Ce n'était même pas un fond.
C'était de l'humanisme pure.
Et Shayne n'avait pas le droit d'être humain... Shayne était plus.
- Maman, dépêche-toi, il faut qu'on rentre à la maison !
Le cri de Bonnie réveilla Nala de son songe et elle secoua un peu la tête en se mettant sur le côté, pile à temps avant qu'un groupe de jeunes recrues ne vienne débouler dans le couloir.
- Bonne soirée, Sergent-Major Quinn !
Nala ne répondit qu'aux siens avec un petit geste de la main puis se baissa à demi pour attraper Bonnie par la taille et la porter dans ses bras.
- Viens ma chérie, on va rentrer.
***
La nuit régnait dehors dans un silence étrange. Un silence qui n'augurait qu'un style de temps très spécial... La neige. Une petite aura qui plombait les tympans de Nala, qui, à sa grande surprise, releva le bout de son nez vers le ciel sans étoiles et sans Lune. Il n'y avait pas un chat dans la rue, rien. Il n'y avait que Bonnie qui trépignait autour de la jeune mère en uniforme, son bonnet aux oreilles de chat miroitant de paillettes sous les lumières orangées des réverbères.
- Grouilles, maman !
- Dis-donc, jeune fille, c'est à moi de donner des ordres, normalement...
Railla Nala en continuant à trifouiller son sac à la recherche de ses clefs. Il y avait de tout pourtant, ses vêtements sales, des lingettes, son portefeuille, son portable... Mais pas les moindres clefs en vue... Elle marmonna une insulte du bout de ses lèvres, mais à peine qu'elle s'était agenouillée sur le bitume couverte d'une fine couche de bruine, que Bonnie s'écria, émerveillée et se mit à courir.
- Nash !
Nala releva si vite sa tête qu'une crampe musculaire lui assaillit le cou. Quand elle se releva, son sac toujours posé sur ses bottes militaires, elle put voir sa fille jaillir dans les bras de Nash qui repartait justement.
Il la prit dans ses bras et Bonnie enroula si férocement ses bras autour de son cou qu'il en eut le souffle coupé.
- Je vais devoir revoir l'éducation de cette petite...
Nash revint vers elle, la fillette toujours accroché à son cou, tel un bébé capucin. Un sourire amusé ornait ses lèvres, surplombées de son habituelle petite barbe un peu brute.
- Je crois que j'ai trouvé quelque chose qui t'appartenais, Nala.
- Oh, tu n'étais pas dans l'urgence de la ramener... Je plaisante, je plaisante !
Rassura Nala en voyant le visage outré de sa fille. Nash la reposa par terre, mais ce n'était pas pour autant qu'elle le lâcha. Elle enroula ses mains emmitouflées de ses moufles autour de sa taille costumée et enfonça son petit visage ravi dans son ventre.
- Tu m'as trop manqué ! ça fait super longtemps...
- Le travail, ma chérie.
- Mais ça ne te gênais pas avant !
Nash étouffa une quinte de toux gêné et redressa enfin son doux regard vers Nala, tout en se laissant balancer, mimant un pas de danse avec Bonnie, toujours aux anges.
- Dure journée de travail ?
- Plutôt... Tu sais comment c'est dur de devoir tout expliquer du début à des jeunes crétins ?
- Ouais... Je me rappelle qu'on l'étais aussi, avant.
- Exactement. Mais nos officiers avaient quatre ans pour nous dresser. Moi, trois semaines. ça en fait déjà une et... J'ai l'impression qu'il y a encore tant à faire...
Nala trouva enfin ses maudits clefs, mais voyant que Bonnie avait soudainement oublié son envie pressente de rentrer à la maison, bien au chaud dans les bras de Nash qui exécutait son étreinte à la perfection, elle s'appuya simplement contre la portière froide de sa voiture afin de lui demander la même chose.
- Et toi ? Comment se passe votre essai ?
- Ce n'est pas tant un essai, c'est surtout pour savoir si notre contrat sera forgé dans le long terme... Mais rien de spécial de mon côté, surtout des formalités qui me rendent malade... Des dîners d'affaires sur dîners d'affaires...
- Quel outrage... Non, je comprends, ça doit être une véritable torture de manger du homard aux sons d'une musique de fond !
Le sourire de Nash s'agrandit encore plus et il s'excusa en faisant virevolter Bonnie telle une princesse à un bal.
- Oui, désolé, je ne me plaindrai plus jamais sur un dîner d'affaires.
- Voilà qui est mieux !
- Tu m'emmèneras manger du homard, Nash ?
- Tu veux manger du homard ?
- C'est pas bon, Bonnie, c'est encore tout vivant quand on le met dans la casserole !
- Quoi ?!
Nala regretta presque aussitôt ce qu'elle vint de dire, en voyant son visage pourtant si doux se tordre sous le dégoût et la peur, mais heureusement que Nash était là pour rattraper le coup.
- Mais c'est une fois dans la casserole qu'on lui donne quelque chose pour qu'il dorme et c'est en paix qu'il part.
- Tu me mens !
- Moi ? Mentir ? Jamais ! Promis !
Bonnie lui lâcha ses mains et tout en arrachant son moufle droit, elle lui tendit son petit doigt.
- Tu me le jure ?
- Tout ce que tu veux.
Et après avoir serrés leurs petits doigts, le regard de la fillette se vit redécouvert de joie et elle revint gambader vers sa mère qui lui ouvrit la portière arrière. Elle l'installa sur le siège auto et referma la portière arrière avant de se retourner vers Nash qui passait une main dans ses cheveux fins, retombées sur son front après une dure journée de négligence.
- Tu es une bonne mère, Nala. Vraiment.
- Tu parles, j'ai failli la scarifier à vie à cause d'un homard.
Il retira la cravate déjà bien desserré de son cou et demanda, un brin de curiosité dans sa voix cassée sous la fatigue.
- Et la tienne ? Comment ça se passe avec Bonnie ?
- Elle n'a rien à faire là-dedans. Tant pis.
- Tant pis ?
- Elle m'appelle encore et encore mais... Je ne veux pas qu'elle vienne fourrer son nez, ni dans mon couple, ni dans l'éducation de ma fille.
Voyant l'air dubitatif se dessiner sur le visage de Nash, Nala expliqua en soufflant, exaspérée.
- Si elle n'a pas été à la hauteur pour moi... Elle ne le sera pas pour Bonnie.
- Peut-être qu'elle essaye de changer.
- Je ne crois pas, non ! Qu'est-ce que tu ferais, toi, honnêtement ?
- A ta place, ou à la mienne ?
Ah oui. Voilà une très stupide question à poser à un orphelin dont le père était plus un profiteur qui n'avait pas vraiment prit ses responsabilités dans la totalité... La culpabilité submergea la jeune femme qui en passa ses mains dans ses cheveux noirs afin d'en décrocher le pitoyable élastique qui tenait sa queue de cheval. Nash étouffa un rire amusé dans le creux de sa main, tout en baillant, puis finit par répondre, plus sérieux.
- Non, Nala, sérieusement, c'est à toi de voir. Si tu crois que c'est une bonne idée de la laisser venir dans ta vie, fais le. Si non, tant pis. Mais c'est toujours bien qu'un enfant ai des grands-parents, non ?
Et sur un dernier sourire, il s'en alla.
Oui. Peut-être que c'était une bonne chose... Mais pourtant, il y avait quelques années déjà, Nala avait décrété que le trait final allait rester final.
Et la colère la submergea de nouveau quand elle y repensa.
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